Dans quelle mesure popularité croissante des services de vidéos en ligne vient-elle menacer le règne de la télévision linéaire ?
The Death of Linear TV ?[1], la télévision linéaire est appelée à disparaître.
Le jugement est lapidaire autant que la cause est entendue.
Il ne reste plus qu’à préparer l’oraison funèbre.
Le coupable ? Les services de vidéos en ligne.
Dès lors, il s’agit de voir comment ceux-ci sont devenus les matadors de la télévision traditionnelle.
Le débat sur l’avenir du modèle de la télévision classique n’en a pas fini de faire jaser[2]. Prédiction fataliste. Futur apocalyptique. Rien ne semble venir au secours de la bonne vieille télé.
Même pas les foyers canadiens où l’on note un recul de 86% d’inscriptions à un service de télévision par satellite ou par câble, et une augmentation de 78 % d’abonnement aux services Internet haute vitesse[3].
Par ailleurs, en 2014, le CEFRIO[4] montrait que « Le visionnement de vidéos sur Internet, sur des sites comme YouTube, Dailymotion ou Vimeo, était l’activité la plus populaire. Et qu’un adulte québécois sur deux s’y adonne[5] ».
Un son de cloche semblable de la part de L’Observateur des technologies médias qui remarquait que 65% des Québécois avaient écouté du contenu vidéo en ligne et que 58% d’entre eux l’avaient fait sur YouTube.
Comment expliquer le succès exponentiel de cette nouvelle offre médiatique ?
Plusieurs éléments doivent être considérés.
D’abord, le coût financier. Là où la télévision traditionnelle – principalement la câblodistribution – fonctionne à l’abonnement mensuel payant, la plupart des services de vidéos en ligne (YouTube, Vimeo) ou même de webtélévision (Tou.tv, La Fabrique Culturelle) sont gratuits.
Une connexion à l’Internet suffit pour visionner et télécharger la plupart des contenus audiovisuels. Avec la multiplication des points d’accès WiFi ouvert, dans les centres urbains, l’offre est encore plus attrayante.
L’autre élément important est que la société change.
L’individu-consommateur est actif, recherchant davantage de flexibilité en termes d’horaire de diffusion ou de programmation.
Ainsi, le modèle classique de télédiffusion (Broadcast Tv) comme on l’a connu jusqu’aujourd’hui avec ses grilles et ses heures imposées semble peu lui convenir.
D’autant plus qu’une large majorité de ce contenu télévisuel est disponible en libre lecture et en tout temps sur les services de vidéos en ligne. C’est le sens du propos de Reed Hastings, patron de Netflix :
La télévision linéaire va encore durer un peu grâce au sport, dont la fin n’est jamais écrite. Mais elle aura disparu dans vingt ans, car tout sera disponible sur Internet.
Propos recueillis par Richard Sénéjoux, Télérama.fr, 14 septembre 2014
Encore que pour Pierre Trudel, analyste des médias pour La Presse, il devient courant que :
[…] les chaînes sportives diffusent sur leur site Internet, en temps réel et sans frais, les compétitions dont elles détiennent les droits.
Le dernier élément est celui de l’expérience personnalisée.
A contrario de la télévision traditionnelle édictant un contenu général, les services de vidéo en ligne l’adaptent pour chaque utilisateur. Le consommateur a le choix[6].
Le choix de regarder, d’aimer, de partager, de commenter et de prolonger son expérience à travers les recommandations qui lui sont faites grâce à des algorithmes analysant presque instantanément sa consommation. C’est un redoutable outil de fidélisation.
Un algorithme est un ensemble d’instructions donné à un ordinateur permettant d’obtenir un résultat en effectuant des calculs.
Pour y arriver, ils utilisent des algorithmes qui analysent des masses considérables de données générées par notre présence en ligne.
À partir des grandes bases de données, les entreprises proposant des services en ligne calculent une multitude d’informations afin de déduire ce qui est le plus susceptible d’être pertinent […]
Pierre Trudel, Netflix, UBER: le loi des algorithmes, Journal de Montréal, 13 janvier 2016
En somme, la popularité des services de vidéo en ligne s’entend avant tout comme une évolution majeure socioculturelle chez les consommateurs.
Menaçante pour le règne de la télévision traditionnelle ?
Oui, car elle prouve l’obsolescence de son modèle actuel, à l’instar du téléphone fixe face au cellulaire.
Ou du cheval face à l’automobile.
Néanmoins, ce succès devrait être pour la télévision linéaire une occasion à saisir, une invitation à faire évoluer son modèle. Ainsi la profusion des offres numériques telles que Illico Tv bien que restreintes (aux seuls abonnés de Videotron) tend à le démontrer.
En outre, avec une démographie québécoise vieillissante dont les habitudes de consommation télévisuelle ont peu changé, la télévision traditionnelle semble encore avoir de beaux jours devant elle.
[1] Parks Associates, Death of Linear Tv ?,http://www.parksassociates.com/marketfocus/the-death-of-linear-tv-, page consultée le 21 septembre 2015
[2] Cloutier-Breault, Stéphanie (2011). « Perspectives d’avenir de la télévision traditionnelle à l’ère des nouveaux médias » Mémoire. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal
[3] Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Rapport de surveillance des communications 2014, [http://www.crtc.gc.ca/fra/publications/reports/PolicyMonitoring/2014/cmr.pdf], (site consulté le 21 septembre 2015)
[4] Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication.
[5] NETendances, « Divertissement en ligne : le téléviseur branché, un incontournable », vol. 5, n°3, septembre 2014, [http://www.cefrio.qc.ca/media/uploader/2014-09-20-Divertissementenligne-Versionfinale_2.pdf] (page consultée le 23 septembre 2015)
[6] COLLOQUE CACPUQ. L’impact des technologies de l’information et de la communication sur la vie des individus et des équipes, Nicole Côté, Ph. Montréal, Université de Montréal, 2014, 13 p.