Le président américain l’a affirmé dans un entretien accordé au The New Yorker en janvier 2014, fumer du cannabis n’est pas plus dangereux que de boire de l’alcool, même s’il n’en conseillerait pas la consommation. Nullement à ses filles.
On insistera pas sur le passé du président américain, ce sont là des expériences de jeunesse, erreurs ou errements, qu’importe, il l’a reconnu et ne s’érige pas en modèle.
Par contre cette curieuse sortie médiatique du plus haut responsable de lutte contre les drogues illicites, les narcotiques, la répression du crime organisé, coïncide avec la légalisation par les États du Colorado et de Washington de la production et de la commercialisation du cannabis pour des besoins à la fois médicaux que récréatifs.
De nombreuses critiques ont rapidement soulevé la faute – ne serait-ce que morale – de M. Obama puisque de nombreux États américains répriment toujours pénalement la vente et la commercialisation du cannabis.
Le message présidentiel envoyé aux autorités nationales et locales impliquées au quotidien dans cette lutte est au mieux insolite au pire irresponsable.
Si Obama prend le soin de pondérer autant que possible son propos, il n’en demeure pas moins que ceux-ci peuvent être un incitatif à la consommation. Car en mettant le cannabis sur un pied d’égalité pareil que l’alcool, il relativise son potentiel de dangerosité.
Marijuana, cannabis, alcool, cigarettes, même combat?
Déjà, il faut revenir sur cette comparaison permanente que l’on fait entre la consommation de cannabis et de l’alcool, ou du tabac.
Elle est légitime, efficace mais dans sa totalité déraisonnable.
C’est comme comparer la peste au choléra pour démontrer de leur acceptabilité dans une société qui vise à endiguer complètement l’un et l’autre.
Voilà l’étrangeté de cet argument.
De la grande période de prohibition à la taxation massive des produits alcoolisés en passant par la politique de tolérance zéro imposée en matière de sécurité routière ou les campagnes de sensibilisation, les problèmes que représentent l’alcool ou le tabac, les fléaux de l’alcoolisme et le tabagisme, leurs ravages, sont des préoccupations majeures de notre société.
Ainsi, la tendance actuelle est celle d’un encadrement, stricte, d’une politique de sensibilisation, du comportement alcoolo-cool.
La même analyse vaut pour le tabac. Tous les efforts sont mis pour lutter contre le tabagisme, pour dissuader les jeunes de fumer.
Peut-être parce que le poids humain et économique du tabagisme sur la santé publique est considérable.
Et de l’avis général on est rendu à un tel niveau de conscientisation que le consensus actuel veut que fumer ce n’est pas bon, fumer ce n’est pas sain, ce n’est pas l’idéal.
Qu’il est crucial dès le bas-âge d’adopter des comportements qui favorisent une hygiène de vie équilibrée, saine.
Dès lors, une légalisation du cannabis apparaît comme un non-sens. Un signal contradictoire.
Fumer du cannabis, comme fumer une cigarette, ce n’est pas cool. Ce n’est pas sexy. Ce n’est pas avant-gardiste, ni progressiste.
Jeunes et pot, liaisons dangereuses?
Une récente étude publiée dans la revue The Lancet Psychiatry a démontré que les jeunes fumeurs (de moins de 17 ans) réguliers de marijuana sont nettement plus susceptibles d’être en échec scolaire que les autres.
Soit 60% d’entre eux sont plus à risque de ne pas finir leur secondaire et 7 fois plus de risque de commettre une tentative de suicide.
Ainsi que 8 fois plus de risque de faire usage d’autres drogues plus tard dans leur vie.
Contrairement à l’apologisme récurrent désormais trendy affirmant que, sur la foi d’études scientifiques, le cannabis est à la santé moins nocif que l’est l’alcool ou le tabac, ou qu’il soit inoffensif – si maîtrisé contrôlé réglementé adéquatement. D’autres études comme celle citée plus haut démontrent qu’il existe un lien clair et consistant entre la consommation du cannabis et une détérioration du potentiel individuel. En particulier chez les adolescents.
L’échec scolaire, la fragilité psychologique à un stade délicat de développement cognitif, intellectuel et moral, l’éducation des jeunes sont des questions importantes lorsque vient l’heure du débat.
Notre soucis commun me semble t-il est celui de préserver aussi longtemps que possible les jeunes d’influences qui pourraient être problématique quant à leur devenir.
Notre mission de leur inculquer des habitudes saines de vie me semble être un véritable objectif partagé par tous.
Et je ne comprends pas tout le temps pourquoi cela passe par une tolérance de la consommation d’un produit dont on n’a pas raisonnablement la certitude du bienfait pour la santé, la société et les futures générations.
Certitude de l’incertitude
On objectera que la crédibilité des études qui invitent à la prudence restent à démontrer. Mais on pourrait faire valoir le même argument pour celles qui les contredisent.
Ainsi que des bénéfices supposés de la légalisation du cannabis. Bénéfices et avantages systématiquement mis au conditionnel avec ces pourrait, devrait, dont on sait qu’ils ne sont pas les données rassurantes auxquelles on s’attendrait dans un débat d’une telle envergure.
Pour être honnête et tenter un effort d’impartialité, on reconnaîtra qu’il y a dans les positions des uns et des autres un grand flou dans les statistiques, que les analyses sont souvent biaisées, et que la polarisation médiatique avec ces chroniqueurs pas toujours d’une implacable neutralité bunkerise chaque camp.
Dans ce type de configuration, quelques fois, les sondages finissent par avoir raison de tout. Ou les groupes de pression. Quelques fois c’est du pareil au même.
Si l’incertitude est la seule certitude, que les sondages ne volent pas une fois de plus le debat, l’attitude responsable ne serait-elle pas l’application du principe de précaution, dans le sens de prophylaxie?
Dans le doute, ou disons-le en l’absence de consensus , ne serait-il pas plus responsable de dire non?
Et de renforcer le dispositif de prévention et de lutte déjà actif?
M. Justin Trudeau qui en a fait une promesse électorale pourra-t-il saisir le véritable enjeu qui se joue ici?
Quel type de modèle de société voulons-nous construire? Quelle qualité de vie, quels repères?
Qu’est-ce qui freinera ou empêchera la dépénalisation d’autres drogues telles que l’héroïne ou de la cocaïne en se fondant sur les mêmes arguments? Sur des études mitigées et les opinions éclatées?
Qu’est qui empêchera les lobbies de mettre sur les étagères des centres commerciaux, ces drogues dures devenues – par coups de magie des marchands de doute– légères, et comme n’importe quel produit de consommation en solde, lors du boxing day?
L’argent au-dessus du bon sens?
L’aspect économique de la légalisation de la marijuana n’a pas jusqu’ici démontrer de sa pertinence.
Il y a eu un boom économique, indéniablement.
Sauf qu’il n’a pas duré, la légalisation étant passé par là.
L’interdit confère à un produit un statut très financièrement enviable, la prohibition flambe les prix, car elle impose la rareté.
Certes les gouvernements peuvent profiter d’une forte taxation à court et à moyen terme des produits de ce marché. Mais d’un autre côté, dans le long terme, les dépenses publiques seront en matière de santé et de prévention un lourd fardeau – un autre – mis sur les épaules du contribuable.
Parallèlement, on devrait se demander si la légalisation du cannabis a t-elle contribué à neutraliser le marché souterrain (underground) contrôlé par une certaine mafia? Ainsi qu’une forme de criminalité? Si oui, en quelles proportions? Est-ce suffisamment significatif pour tenter le coup?
Ce qui est clair dans ce débat, c’est que la consommation du cannabis au Québec devient de plus en plus banal.
Elle ne devrait pas être un incitatif à une généralisation et à une légalisation. Ce n’est pas parce que les gens violent quelques fois la loi qu’il faudrait arrêter de l’appliquer.
Ce n’est pas parce que le mal devient banal qu’il est forcement normal et même moral.
Ce n’est que du pot (?)
Le geste prétendu anodin de fumer du cannabis ne doit pas être une raison de fléchissement, car le pot n’est pas rien.
Dépendance et accoutumance, troubles respiratoires, maladie mentale, violence, mise en danger de soi et d’autrui.
Etc.
Ce n’est pas que du pot.
L’an dernier, 628 Québécois (soit une douzaine de consommateurs chaque semaine) se sont retrouvés cloués à un lit d’hôpital pour la seule raison qu’ils avaient consommé du cannabis. C’est quatre fois plus qu’il y a 10 ans, alors que 128 personnes avaient vécu la même chose. Et 20 fois plus qu’il y a 20 ans, alors qu’on avait compté 30 cas.
Séjour moyen: 10 jours, ce qui témoigne de la gravité de leur état.
Attachés sur leur lit
«Le cas type nous est amené par les ambulanciers ou les policiers. Il délire à pleins tubes et se sent traqué, persécuté, y compris par nous, parfois. Alors, ça finit en isolement et en contention pour réduire la crise. Et au dépistage, on trouve du cannabis», résume le psychiatre Stéphane Proulx, de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, l’un des nombreux établissements où la hausse est palpable.
[…]
Le diable dans sa chambre
Comme pour 6,8% des Canadiens de 15 ans et plus, ces cas lourds sont souvent devenus incapables de se passer de cannabis. Sans parler de tous ceux qui refusent de croire qu’une drogue aussi banale – et de plus en plus utilisée comme médicament – ait pu les rendre malades.
«Dans ma chambre d’hôpital, je sentais une mauvaise présence – comme le diable – avec moi. Même avec les médicaments, j’étais encore psycho! Mais je ne comprenais pas pourquoi ils ne me laissaient pas sortir. Je me disais: «C’est juste du pot»», confie un adolescent de Laval qui vient de séjourner un mois et demi en psychiatrie, puis deux mois au centre de thérapie pour adolescents Le Grand Chemin […]
«Quand on dit aux patients que le cannabis est en cause, ils sont un peu incrédules, observe le Dr Martin Laliberté, urgentologue et toxicologue médical au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). S’ils s’abstiennent d’en prendre et que le problème rentre dans l’ordre, ça leur donne une confirmation. Mais elle surviendra seulement au bout de plusieurs jours ou mois. L’effet n’est pas immédiat.»
En attendant, «le coût de ces psychoses est extrêmement important pour le système de santé, sans parler du coût humain», souligne le médecin, qui est aussi consultant au Centre antipoison du Québec.
Marie-Claude Malboeuf, Quand le pot mène à l’hôpital, La Presse, 10 février 2015
Cela dit, je suis d’accord qu’aux fins thérapeutiques – sous certaines conditions réglementaires particulières, quand toutes les autres voies ont été explorées et épuisées – l’on puisse autoriser la disponibilité de la marijuana afin de soulager des patients atteints d’un mal qui génèrent des souffrances insupportables.
C’est une question de dignité de la personne.
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C’est un texte très inintéressant pour ma recherche. Merci Dave.
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