Grand classique du cinéma. Puissante oeuvre de réflexion et de questionnement autour d’un concept fondamental de la justice moderne et principalement en droit criminel : le doute raisonnable.
[…] Un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne doit pas reposer sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit reposer plutôt sur la raison et le bon sens. Il doit logiquement découler de la preuve ou de l’absence de preuve.
Même si vous croyez que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, cela n’est pas suffisant. Dans un tel cas, vous devez accorder le bénéfice du doute à l’accusé et l’acquitter, parce que le ministère public n’a pas réussi à vous convaincre de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.
Cour suprême du Canada, R. c. Lifchus [1997] 3 RCS 320
Dans une société où l’opinion publique a tendance à sortir le goudron et les plumes pour l’accusé – le bon coupable – sans forcement mener un impératif travail critique sur les faits présentés; emprisonnée dans ses préjugés, empoisonnée par les manipulations diverses, la sentence de culpabilité n’est jamais aussi indiscutable et collectivement, brutalement, expéditive.
L’actualité fourmille d’exemples où il n’est plus question de respect de la présomption d’innocence, ni de la tenue d’un procès équitable qui libérerait la vérité, il s’agit d’une mise au piloris.
Point de doute possible face à la vérité du fait divers. De la narration biaisée qui est effectuée. L’émotion toujours légitime revêt un caractère sacré. Aller dans le sens contraire relève pratiquement du blasphème.
Au nom de la victime, la lame doit tomber. La tête, manquant le panier – sinon ce serait trop facile, roule sur l’échafaud ensanglanté. Justice est rendue. Merci. Bonsoir.
Bien que la publicité puisse entraîner dans un cas extrême des récusations motivées au procès, il ne faut pas nécessairement présumer qu’une personne soumise à cette publicité sera nécessairement partiale.
Un jury est parfaitement capable de ne pas tenir compte de renseignements qu’il n’a pas le droit de prendre en considération.
Cour suprême du Canada, R. c. Vermette [1988] 1 RCS 985
Twelve angry men montre que le jury n’est pas totalement impartial, pas totalement insensible, aux cris de justice populaire et mediatico-politiques, surtout guidé par des motivations personnelles inavouables; il s’assure d’un verdict en conformité aux attentes.
Notre actualité ne laisse plus de place au doute, raisonnable ou pas. Vous et moi, chacun se doit de choisir rapidement son camp, de dire sa vérité et de la défendre farouchement quitte à se crever les yeux devant ses incohérences manifestes.
Nous jugeons vite, nous l’opinion publique, nous déclarons coupables à peine entrer dans la salle de délibération. Et le pire, ce n’est pas ceux qui jugent vite, ce sont ceux qui finissent par condamner par lassitude, pour que la discussion, le débat prennent fin.
Sous ces derniers, comme en-dessous, ceux qui n’ont pas d’opinion, parce qu’ils s’indiffèrent. Ou parce qu’ils ne savent pas, et ne veulent pas plus savoir. Néron contemplant Rome en feu. L’autruche, sa tête, et le sable.
Ce film est contemporain, rafraîchissant, brillant.
Il apprend aussi une autre chose essentielle: il faut toujours s’attaquer aux idées et non à la personne.
Car on peut terrasser ou triompher de l’Homme, il n’est pas aussi évident que ça d’en finir avec ses idées.
Et que seule la raison stoppe la raison. Arguments contre arguments. Dans la sérénité d’un débat apaisé et d’une discussion dans laquelle le passionnel (excessif) est proscrit.
C’est peut-être là une exigence (trop) élevée, pour nous la plèbe, à l’enthousiasme orgiaque, le pouce (trop souvent) pointé vers le bas.
Du goudron et des plumes.
Vite.
Pingback: Le mythe de la vérité – Les Cinquante Nuances de Dave