La lettre

J’ai voulu t’écrire une lettre, une lettre simple, une simple lettre, avec des mots qui ne seraient que des mots, sans profondeur, portés par peu de chose.

J’ai commencé par un Ma très chère, usé, je l’ai rayé d’un trait, tu méritais mieux. Alors, j’ai écrit ton prénom, une virgule, puis un paragraphe. Et un autre. Tous les deux semblables,  en apparence, comme moi. Tous les deux un peu ensemble, comme nous l’étions.

J’ai parlé de nos absences, et de toutes ces fois où nous nous sommes manqués, de celles où nous sommes passés au travers, l’un dans l’autre, passants de l’un l’autre, spectres de notre histoire. Mais surtout, Godots de cette éternité, ensemble, qui n’est jamais venue. 

J’ai entamé un troisième paragraphe, il parlait du temps qu’il fait, des encens, de la musique, de la solitude tout autour. De cette existence qui se banalise sans toi, de mon regard vaincu posé sur la banalité.

J’ai poursuivi avec de simples mots dans le creux desquels inconsciemment je mettais des save my soul lamentables, inaudibles, refugiés dans des subterfuges, du langage, du déni.  

Mayday. Mayday. Après toi, chaque jour est une chute, chaque nuit est une résurrection, parce que la nuit c’était nous.

J’ai terminé cette lettre sur deux points inachevés, suspendus à une folle espérance, à mi chemin entre le final et la continuité. Je crois que j’ai dit un Tu me manques, il n’avait pas l’air très original, mais je le ressentais comme ça.

Je ne l’ai pas relu la lettre, je n’ai pas changé, tu le sais je ne me relis jamais. Pour ne pas détruire. Pour ne pas disparaître. Je l’ai prise et l’ai enfermée dans une enveloppe, collée un timbre. Je n’ai pas changé, je suis vieux jeu. 

Cela fait deux ans déjà, elle est toujours dans son enveloppe, au fond d’un tiroir fermé à double tour. Et quand je te vois,  dans cette robe blanche, souriante et heureuse, avançant vers l’amour de ta vie, je ne regrette pas. Il épouse la plus belle femme qui soit.

 

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