J’aime la nuit.
La beauté des paysages endormis, la fragilité des âmes errantes au milieu de nulle part. C’est le moment de la liberté retrouvée, l’espace de la libération de soi, la parenthèse tel un sas de l’émancipation de l’esprit, l’hibernation des lourdeurs de l’enfer diurne.
La nuit, cette terre d’exil dépouillée de toute amertume où la nostalgie s’invite parfois pour titiller avec son caducée des sentiments mal étouffés.
J’aime la nuit.
La magie du frou-frou de ces diamants parsemés sur l’infinie étendue qui brasillent dans les ténèbres en soupirant quelques fois des mots d’amour à mon oreille, malgré sa surdité aiguë causée par le tintamarre du jour, des vies ordinaires, du quotidien, de l’existence dans tout ce qu’elle a de normalité, et donc un peu beaucoup et trop en banalité.
J’aime la nuit.
Les senteurs de la nature recouvrent les puanteurs de la modernité. Le vide et ses douceurs se montrent et remplissent douceurs chaque espace déserté par la saturante oppression du superficiel, du matériel, de l’artificiel.
J’aime la nuit. Les morceaux de mon âme recollés par petits bouts par l’harmonie silencieuse d’une véritable paix intérieure retrouvée. La patience dans la construction du puzzle de mon existence. Le moment où je m’arrête sur le reflet de ma propre mutation, du déploiement des ailes à la disparition des cornes. L’instant où je sens monter la nausée, face aux défigurations de mon esprit, de ce visage froid qui brûle de colère, des balafres affreuses de combats perdus, gagnés. Les nombreuses guerres qui commencent dès l’aube et ne se terminent qu’au crépuscule.
J’aime la nuit.
L’invitation à mourir, à tuer le paraître pour l’être, avant de renaître avec, dans, les premiers rayons du soleil qui présage d’une longue et douloureuse agonie. Le paradis sans étoiles, sans rien, qui précède l’enfer du petit matin avec sa mécanique abrutissante.
J’aime la nuit.
L’amour qui débat dans des draps. Les inconnus qui se perdent dans l’immensité des bras enlacés. La postérité qui se met en route en se frayant un chemin entre cet égout phallique si ridicule dont les semences blanchâtres sont aspirées avec une consternante gloutonnerie par la décharge utérine et les écueils d’une course à la survie.
L’amour à l’ombre de la pudeur et de la morale. Des préservatifs jetés dans un coin du bonheur, baignant dans une marre visqueuse infestée de la vie. Des soirées réussies, arrosées par des ivresses souvent méritées, juste pour faire oublier la perversité cruelle et le sadisme étonnant du système qui n’a de cesse de tout vampiriser.
J’aime la nuit.
L’espoir après les désastres de l’ordinaire. Le besoin de s’envoler pour mon âme, de descendre sur terre ou simplement de se mettre en terre. De choisir sa mort, l’ultime acte de liberté.
J’aime la nuit.
Elle me ramène à ce que je suis. Du moins à ce que je crois être, de temps en temps, un être humain.
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