Le brainstorming n’est pas créatif

 

Le brainstorming est littéralement la tempête d’idées. Il consiste à réunir des personnes au sein d’un groupe afin de procéder à une collecte des idées dont le but est de résoudre – ou comme le diraient les aficionados d’anglicismes de solutionner – un problème. (Oui, la langue française n’est plus sexy). 

Conçu et développé par le publicitaire américain Alex Osborn dans les années 1940, la technique bien qu’elle ait été contestée a connu – connaît un certain succès dans le monde Mad Men des publicitaires, marketeurs, designers et autres créatifs de la communication. 

Remue-méninges pour les uns, remue-ménage cognitif pour les autres, mythe ou efficacité démontrée, le brainstorming est à la mode, et se décline désormais en une foultitude de méthodes, d’applications, de logiciels, d’expertises, de fourre-tout. 

 

Brainstorming fait pschiit

Tout ce qui prétend à une crédibilité veut/fait du brainstorming. Les universités et les départements facultaires, les conseils d’administration, les directeurs et les managers, les cols bleus blancs rouges verts jaunes aussi. Soit au nom de la cohésion des équipes – donc à l’atteinte d’une meilleure (plus grande) productivité, soit à des fins de créativité.

Le brainstorming est ainsi le moyen qui paraît le plus stimulant de faire travailler les gens en équipes, ou de les inciter au dépassement de leurs propres limites créatives.

Sauf que, en considérant ces intentions, le brainstorming n’est ni stimulant ni créatif. Il regroupe des personnes qui ont tendance à élaborer une réflexion menant vers une pensée commune (conformity pressure), comme le souligne Camille Franc.

Ou à un faux accord lorsque dans l’équipe une personnalité dépositaire d’une certaine autorité (légitime, administrative), ayant un certain charisme (excellent orateur par exemple) parvient à imposer inconsciemment ou pas l’idée qui sera dominante, retenue. Elle peut s’avérer être la moins efficiente. 

Il n’est pas rare que le brainstorming conduise au pugilat des égos. A la friction des humeurs et des personnalités incompatibles. Ce ne sont pas des robots faits d’algorithmes qui composent les équipes.

Et chacun vient avec des dispositions favorables ou non, tout en étant différemment perméable à l’environnement, aux influences. 

Au-delà de cet aspect humain, le brainstorming pour paraphraser Leigh Thompson dans le billet de Rebecca Greenfield, ce sont des idées qui sont jetées en l’air comme on ouvrirait des bouteilles de champagne. Bruyamment, out-loud.  Dans un capharnaüm d’inspirations, une cacophonie de réflexions. 

Et c’est le propre du brainstorming. Le joyeux créatif bordel. Certes, il existe des techniques qui l’encadrent introduisant ainsi une espèce de tumulte dans la sérénité, de hourvari du paisible. A cette fin, il est maintenant conseillé de laisser les gens s’exprimer sans critique sans penser sans froisser sans invectiver sans juger et sans respirer. Toutes les idées sont bonnes à exposer, y compris les absurdités inévitables.

Le seul problème avec ça, c’est que  when one person is talking you’re not thinking of your own ideas.

Pire, Early ideas tend to have disproportionate influence over the rest of the conversation. They establish the kinds of norms, or cement the idea of what are appropriate examples or potential solutions for the problem.

Conséquence directe :  tout ce beau monde rentre dans le moule, et les idées qui en sortent sont, généralement, des tartes. 

Susan Cain dans son Quiet: The Power of the Introverts In a  World That Can’t Stop Talking est lapidaire : le travail en équipe, le brainstorming, les meetings, les conf calls, l’open space, seraient tous contre-productifs. 

Une opinion renforcée par plusieurs études telles que celles menées par des universitaires du Texas A&M, de Yale et de Washington

 

Les sujets ayant travaillé en solo auraient émis deux fois plus d’idées que ceux faisant partie d’un groupe de brainstorming, soupçonné d’inciter au contraire au consensus et donc au conformisme d’un groupthink.

 

La solitude créative

Il est peut-être temps d’arrêter de surestimer les bénéfices du brainstorming, d’arrêter d’en faire la panacée. Et revenir aux fondamentaux. C’est-à-dire à la personne, en tant que solitude créative.

Le brainstorming individuel – ce qui ne serait plus du brainstorming. L’on devrait davantage offrir aux gens les outils (en leur donnant confiance et en leur faisant confiance) qui leur permettraient de développer de manière autonome leur créativité et de contribuer à la résolution de problème.  La solitude créative autonome. 

Au lieu de continuer de croire qu’ils seront performants en étant enfermés dans un cube (invisible) avec des personnes avec lesquelles ils n’ont pas la même façon de voir les choses, le même langage, la même sensibilité, la même intensité cognitive, etc.

Quand vous voulez être créatifs vous n’avez vraiment pas besoin des autres pour vous guider ou pour vous appuyer dans votre travail. Ce dont vous avez besoin c’est la disponibilité, l’accessibilité, des moyens appropriés.

Si vous souhaitez trouver une réponse créative à une situation problématique, remplir un mandat de conception, de rédaction, ou seulement innover, comme le dirait Steve Wozniak travaillez seul. Et autant que vous le puissiez isolé du reste de votre monde. Du monde. 

 

«Je ne crois pas que quoique ce soit de révolutionnaire ait jamais été inventé par un comité. Steve Wozniak»

 

Il faudrait bannir purement et simplement le brainstorming, tel quel. 

Favoriser le partage, la collaboration, l’échange, la rencontre, principalement informels. Ce sont des lieux, des contextes moins normatifs, moins officiels, inattendus, que s’engagent et se déclenchent des réflexions à fort potentiel créatif.  

Travailler seul, dans son espace privé, apprendre à se connaître, savoir à quel moment l’on est le plus productif, changer de lieu, discuter avec des personnes de profils différents, modifier sa perspective, faire preuve de curiosité. 

Et travailler en équipe devrait signifier et servir à autre chose. 

 

Cette capacité à travailler seul n’est cependant pas comparable avec un état d’ennui, et encore moins avec la détresse de la solitude. Il s’agit plutôt d’un état de complétude dans lequel l’individu donne le meilleur de lui-même.

Selon Ester Buchholz, psychologue et auteure d’un essai sur la solitude, «les autres nous inspirent, les informations nous nourrissent, la pratique améliore notre performance, mais nous avons besoin de moments de calme pour comprendre les choses, faire des découvertes et pour faire émerger des réponses originales.»

 

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But Steve [Jobs] said, ‘Everybody has to run into each other.’ He really believed that the best meetings happened by accident, in the hallway or parking lot. And you know what? He was right. I get more done having a cup of coffee and striking up a conversation or walking to the bathroom and running into unexpected people than I do sitting at my desk.”

 

La tribalité, base de toute cohésion

Quant à la cohésion des équipes, il est impératif que les managers, les gestionnaires comprennent une chose, la seule d’ailleurs qui importe puisqu’elle assure les liens entre les personnes: c’est le sentiment de tendre tous vers un objectif commun aux retombées collectives et équitables. L’impression d’être écouté, d’être compris, d’être soutenu, et d’être considéré comme la solution, dans sa globalité et dans sa finalité.

Les gens ne sont pas si intéressés d’être uniquement un moyen conduisant à la solution. Sans euphémisme, ils ne veulent pas se sentir réduits à de simples gadgets de gestionnaire ou de dirigeant. Des instruments plus ou moins importants dans le rendement, l’accroissement des bénéfices. 

Un autre aspect essentiel de la recherche de cohésion est que les organisations, les équipes fonctionnent désormais – souvent sans en être conscients – en mode tribal. Tous les efforts en la matière sont vains si les dirigeants et les gestionnaires dans la réalité, quotidienne, n’est pas au fait de cette tribalité organisationnelle. 

Les Millenials constituent des tribus bien plus que des communautés. La nuance n’est pas seulement sémantique. Derrière, il y a toute une identité, un rapport de réciprocité et de loyauté, une mentalité, toute une expressivité, tout un réel avec ses codes et ses connectivités au monde. Pour les motiver, les pousser à la cohésion, il faut savoir comprendre cette donne et s’ajuster. 

 

La Tribalité définit  le lien social d’un individu à la  tribu à laquelle il appartient. Elle détermine également les relations sociales, économiques et religieuses  d’une tribu avec les autres tribus. Ces rapports se basent sur des valeurs de partage, de respect,  de bon voisinage, de consensus, de justice etc. Elle norme les rapports sociaux afin de construire et consolider le « Vivre ensemble » entre toutes les tribus (ou groupe ethnolinguistiques) sur un territoire donné. 

 

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