La cave aux ex

 

Les ex sont des cadavres qui ne meurent jamais.

J’enferme les miennes dans un placard à triple tour au fond d’une obscure cave. Là, elles peuvent bien hurler, ma conscience ne peut les entendre.

Et par des temps moroses, quand rien à faire devient la seule option pour meubler l’ennui, je descends dans la cave, j’ouvre le placard, et j’en sors une au hasard.

Quelques bons mots bien sentis, comme un souffle pour ôter la poussière, de ces vieilles histoires d’une autre époque. Et l’élue sort de son coma. Surprise, épouvantée, réticente, boudeuse, rancunière, orgueilleuse, mais au final vaincue.

Je l’ai déjà brisée par le passé, donc je sais où appuyer pour que le cœur s’emballe. Même si elle prétend avoir changé, on sait tous les deux que ce n’est pas vrai. On ne change pas, comme l’autre le dirait on met juste des costumes sur soi.

Alors je fais ce que j’ai toujours su le mieux faire: déshabiller. Dénuder. Ôter les artifices.

Je suis un séducteur. J’ai grandi chez les Jésuites et la peur spectrale du Diable. Je me disais toujours que si Lui, le Tentateur, le Séducteur, pouvait filer des sueurs froides à ces blocs de glace en soutane, alors je voudrais Lui ressembler. 

Je suis un diable de séducteur. Comme on réduit en cendres, comme le désir incendie par ses flammes vives tout ce qu’il peut, en chacun. Comme le Christ ressuscitait les morts. Je réalise des miracles et demain je deviendrai culte. 

C’est purificateur. Comme le déluge, le chaos, l’anarchie. Et elles ne sont jamais plus les mêmes après moi. 

 

 

Je ne suis pas cruel. Un peu. Beaucoup. Sadique.

La souffrance est aussi aphrodisiaque que l’intelligence. Je l’administre à doses proportionnelles, dans l’âme endormie pour lui révéler tout le potentiel qu’elle ignore, ou qu’elle n’ose pas.

Et mes ex m’ont souvent trouvé pervers. Elles n’ont pas absolument tort. Elles sont tout de même restées, car c’est cette perversité qui leur a donné vie.

Je suis comme ça, dans la pleine possession de ma perversité, assumée silencieusement, derrière ces manières polies qui mentent bien.

J’ai des caresses qui sont des blessures, des tendresses qui claquent comme le fouet, et quand des lèvres se rapprochent, je leur dis Ne nous embrassons pas sur la bouche. Mais sur le cul. Mange-moi.

Les lèvres ne sont pas faîtes pour être embrassées. Elles doivent manger. Et le cul est le seul endroit indiqué, approprié, pour accomplir cette fonction, naturelle. Les lèvres sont les orifices d’où sont propulsés nos grandes merdes. Il est donc impossible qu’elles ne fassent autre chose que de bouffer du cul.

Certes, la morale réprouve. C’est tant mieux. Parce que la transgression acclame. Et sans transgression, je ne serai pas ce beau dégueulasse de diable.

Mes lèvres sont une noirceur merdique, alors je dis pour le bien de tout le monde: Ne nous embrassons pas sur la bouche.

 

 

L’autre jour, j’ai entamé avec une fille une banale discussion. Je lui ai dit que je n’avais jamais pris le temps de faire sa connaissance, elle a pensé fort que je voulais lui conter fleurette. Classique. Et archaïque.

Et dans une phrase anodine, elle a glissé Je suis très douée de mes mains. J’ai souri. Comme elle n’était pas complètement conne et nonne, elle m’a traité de pervers. Classique. Archaïque. Et jubilatoire. 

 Je me suis dit En voilà une qui ferait un excellent cadavre dans ma collection.

Même si on ne s’est plus reparlés, qu’elle joue à ce jeu dont raffole les enfants – Je ne suis pas une fille facile, Je n’ai besoin de rien – j’ai l’intime conviction que je couvrirai son corps frêle de mes sanglantes morsures.

Je la rendrai immortelle. Comme la nuit. Dans ma cave aux ex. 

 

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