Haïti, c’est loin

Il se passe un drôle de truc à Haïti. Un ouragan et 900 morts.

900 morts.

Et ce n’est pas fini. Si l’on en croit Ici Radio Canada, ceux des haïtiens que Matthew n’aura pas achevés, c’est la faim qui les crèvera tous. Ils appellent « à l’aide« . Un S.O.S comme une bouteille jetée à la mer. La mer est sourde. Leur détresse est inaudible. Les haïtiens ne sont pas comme les habitants de la Floride. Ils sont loin. Et ici, c’est une distance qui leur est fatale. 

Les haïtiens ne sont pas aussi loin que les cousins français ou belges. Mais qu’importe, ils ne nous ressemblent pas. Ils sont noirs et pauvres. Et personne ne va en vacances à Haïti.

Tout le monde va dans le sud, le vrai, la Floride, Disneyland, Palm Beach. Cuba, le Mexique, les belles plages. Cuba est une dictature, les Cubains manquent de presque tout, mais cela ne nous empêche pas d’y aller et de prendre du plaisir. Le  Mexique, ses Cartels, sa corruption, sa violence, et sa misère, nous attire, nous aimons y jouir en savourant sous un superbe soleil ses Tequila. Haïti, c’est ailleurs, le vaudou, les noirs, les anciens esclaves, la puanteur, l’exécrable sous-rien qui fait paraître tout sale et laid. Personne ne compatit de la laideur, la saleté, surtout si elle est noire et anciennement esclave. 

900 morts. 

Quand j’ai lu ça, il y a à peine cinq minutes, je me suis dit qu’après le séisme de 2010 avec ses plus de 300 000 morts, 300 000 blessés et 1 000 000 de sans-abri, l’épidémie de choléra la même année avec ses près de 7000 morts, c’est héroïque que ce peuple aime encore autant la vie.

Là où d’autres auraient sombrés, les haïtiens s’accrochent à cet espoir qu’après l’ouragan viendra le beau temps. Un peuple résilient. Grand. Meurtri, contraint à cette compassion qui peut quelques fois heurter la fierté. 

900 morts. 

Il n’y a pas beaucoup d’indignation dans le monde. Cela n’intéresse plus personne de sauver des âmes de cette espèce. L’émotion est immense lorsque l’on déplore cinq victimes en Floride, il n’y a pas de drapeaux haïtiens qui fleurissent sur les réseaux sociaux et recouvrent des photos de profil.  

Ni le Conseil de sécurité des Nations Unies réuni en urgence. Ni un mot des dirigeants de cette Communauté internationale dont l’internationalité semble si ethnocentriste. 

C’est une question de proximité dit-on, de mort kilométrique ou de proximité culturelle, raciale, ou que sais-je encore. Ou d’intérêt. 

Je comprends cela, et je n’en veux à personne. Nous ne partageons pas la même proximité humaine. Le même intérêt pour la personne. L’être humain. 

Haïti, l’ex Perle de ces Antilles qui font tant rêver, est loin du rêve. Il est en plein cauchemar. Ce peuple d’esclaves noirs qui le premier goûta à la liberté, cette première république indépendante noire (1804) qui inspira tant d’autres, est en dehors de l’humanité, délaissé, ignoré. On s’en fout-tu comme le dirait mon frère québécois. Oui, on s’en fout. Haïti, c’est loin.

Définitivement. 

 

 

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Deux jours après la publication de ce billet, on compte désormais 1000 morts. 

Le réalisateur haïtien Raoul Peck [ dans son documentaire « Assistance mortelle« ] dresse le constat impitoyable de la gabegie internationale qui a servi en lieu et place de l’aide qui devait être accordée à son pays après le séisme qui a fait quelques 230.000 morts en janvier 2010.

Mais au final, plus de 50 % des fonds versés reviennent aux donateurs en salaires et en commandes. Ce système absurde fait des dégâts : le peuple haïtien lui-même, qu’on était censé sauver, qui devient en plus le bouc émissaire de l’incurie généralisée. Si ça ne marche pas, c’est faute de l’incompétence haïtienne ! 

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