C’est un vieil homme dans un autobus. Il se tient debout, près de la jeunesse assise.
Le trajet en autobus ressemble à une course de fond sur un champs de mines. Le vieil homme s’accroche comme il peut. Le chauffeur n’est pas payé pour marcher sur des œufs, sa direction attend de lui qu’il respecte les normes de sécurité, la minimale politesse du service à la clientèle – et encore, mais surtout la durée du trajet. Sa direction, les usagers aussi, qui sont dans cette espèce d’attente qui s’impatiente, interminablement. Ils ne lui trouveront aucune excuse. Entre devoir et droit, le chauffeur d’une transparence inhumaine, prend ses responsabilités. Ce qui fait vaciller le vieil homme. Et incommode autour de lui.
Dans les transports en commun, il n’y a pas grand chose de communautaire. Ou de collectif. Chacun se trouve une place, et s’emmure. A cet égard, les autobus sont des sarcophages où sont installés des momies. Dans quelques siècles, lorsque les survivants des Hommes, tous défroqués, cyclopéens, redécouvriront nos restes, ils s’extasieront devant cette invention formidable: l’autobus, la sépulture mobile. Et l’objet finira dans un muséum sur Mars.
En attendant, le vieil homme tente de ne pas lâcher prise, tout en évitant d’importuner ceux qui n’ont aucune patience envers quoi que ce soit, qui que ce soit, principalement envers eux-mêmes.
Une fille, les pieds déposés sur un siège, se refait une beauté. Une autre, le sac à main posé sur le siège voisin, pianote sur son cellulaire. Le vieil homme, à côté qui les observe d’un regard curieux. Un #vieuxperverdelautobus est publié sur un réseau social. Plusieurs réactions outrées, entre « arrk » et « vieux dégueulasse ». Le petit souffle devient une tempête, puis un ouragan, et la fin du monde.
Le vieil homme est arrivé à son arrêt. Il dit un merci auquel personne ne prête attention. En sortant, il croise une femme enceinte qui fait le chemin inverse. Il a envie de lui dire quelque chose, de gentil, mais la fille a des écouteurs qui la rendent sourde. La musique déborde du casque et, dans l’autobus, n’adoucit personne.
Elle restera debout, près de la jeunesse assise.
#grossedelautobusquiprendtropdeplace.