Le petit carnet de notes

Je me suis offert un petit carnet de notes, recouvert de légers motifs en fleurs couleur mauve sur un fond de blanc cassé, impur, imparfait.

J’ai toujours privilégié l’élégance de la sobriété à la brutalité presque aveuglante du clinquant, tout le contraire de ce que je peux souvent écrire. Un paradoxe parmi tant d’autres. Je ne suis pas à une contradiction près. Et quelques fois, j’ai espéré y trouver, malgré tout, une certaine cohérence, même accidentelle, involontaire, de quoi sauver ce portrait cruel dont je me suis convaincu. Un portrait sans compromissions, flirtant entre le salaud et le saligaud, un juste milieu qui au fil de ma progression somme toute digressive a fini par ne plus vraiment exister.

Je ne sais pas qui je suis, les autres en savent plus que moi. Et leurs jugements scellés du marteau de leur prétention à l’absolue certitude me condamnent à une peine qui me fait jouir. J’aime jouir. Comme tout le monde. Que l’on soit saint ou démon. C’est du pareil au même. La jouissance égalitaire. Jouissance libérale. Communistes, marxistes, ultracapitalistes, écologistes, veganistes, vaginistes, féministes, clitoridiennes, couillards, analistes, tous pareils.

Vous vous entendez à ce que je conte une histoire. Les divagations égocentriques n’intéressent personne, sauf s’ils sont très inutiles. Je ne sais pas comment on fait ça, vous me pardonnerez.  

Je vais donc vous narrez une histoire très utile et donc épouvantablement chiante. Celle de mon petit carnet de notes. Je m’en suis offert un qui puisse facilement rentré dans une poche. Ce petit carnet de notes m’a fait penser à un épisode de mon enfance. J’avais un journal par très intimiste qui avait des textes prétentieux. Des textes écrits avec un stylo à plume qui immortalisaient ma grande solitude au milieu de la foule. J’écrivais les instants fugaces de ce qui me semblait déjà d’une banalité si mortelle. Le monde, les gens, les sentiments de l’air du temps, les discours vieux recyclés dans un brouhaha nouveau, les fumisteries idéologiques, les fumeuses idéologies, les enfumages d’appareil, les brouillards de l’esprit, et les sauts individuels, collectifs, dans le vide. J’avais treize ans.

Le stylo à plume est devenu des doigts qui caressent un écran tactile. Le journal fait parti d’une étrange collection. Et tout ce qui y est écrit n’a pas vieillit d’un poil. Les instants fugaces sont d’éternelles fugues. Le même thème répété, suivi de ses imitations, qui fuit et qui poursuit, sous une impulsion morbide, quelque chose. Les instants fugaces ne meurent jamais. Le quelque chose semble toujours aussi inconnu. Flou. Abstrait. Ou terriblement matérialiste. Je n’écris plus dans un journal, ni cette solitude ni ces instants-là. Je n’ai plus treize ans. A mon âge, il n’y plus que l’ivresse. A la vôtre.   

Catharsis, défoulement, introspection, jouissif, jubilatoire, dépressionnaire, intense, ecstasy-sic, tout en même temps. J’ai cessé de raconter des histoires, pour démêler les fils de ma propre intrigue, pour comprendre ma propre malédiction.  Celle de ces personnages condamnés dont regorgent les tragédies.

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