L’homme parfait, ça n’existe pas. La femme parfaite encore moins. Ceux qui prétendent le contraire mentent, effrontément aux autres et à eux-mêmes. Le couple est la somme de deux imperfections qui tentent au quotidien de former tant bien que mal une union, perfectible..
Perfectible.
Quelques fois, ça marche. Certaines fois, ça le fait moins. Le reste, on se supporte le temps que cela peut durer.
Le couple, c’est une relation symbiotique. Ou une négociation. Permanente. La rencontre de visions compatibles. Ou une atténuation, une adaptation des contrastes.
Le couple est un apprentissage, bien plus qu’une découverte. On va à la connaissance de l’autre, et de soi-même. On prend d’assaut ce qui s’avèrera périlleux, frustrant, jouissif, vain. Et on y consacre souvent une vie entière. D’une façon comme d’une autre. L’autre étant quelques fois si interchangeable. Et l’histoire souvent si répétitive.
Penser que l’on puisse un jour connaître l’autre est prétentieux, un brin absurde. Comment peut-on prétendre, croire, connaître autrui lorsque l’on ne se connaît pas suffisamment soi-même. La question n’admet pas un point d’interrogation, ou plusieurs, seulement des pointillés. Etre en couple, c’est l’accepter. D’une certaine manière, cela exige d’avoir le souffle long.
Nous n’avons plus le souffle long. Ni véritablement le souffle. Si tant de couples de nos jours sont si éphémères, c’est peut-être parce que l’on a perdu ce souffle. Celui de la patience, du questionnement. A une ère de culture du fast-food, du culte du zapping, entre Instagram, Snapchat et Tinder, le souffle est court. Twittérisé. A une époque de consumérisme, on n’est plus en couple, on se fréquente. Nous nous fréquentons. Nous nous consommons. Nous nous consumons. Advienne qui pourra, autrement dit Next.
Le couple est un service rapide et le menu bourratif. L’œil choisit, le corps suit, le cœur s’en accommode ou s’ajuste, si possible. Puis à la fin, on en est au même point. Bis repetita. Le salaud, la salope a survécu. Le salaud, la salope, nous, poursuit sa route. Start it all over again. Jusqu’au dernier souffle.
Le couple, c’est une construction qui prend du temps et n’est jamais finalisée. Rénovations, changements intérieurs, on époussète, on fait de l’espace ou on remplit le vide. Le couple, c’est des monologues qui se prennent pour des conversations, des conversations solitaires, des Je qui prennent l’autre comme un prétexte, un souffre-douleur ou un faire-valoir, des solitudes qui se parlent, des incompréhensions qui sont convaincues d’être sur la même longueur d’onde, des tonalités comme des bémols qui à force ne se remarquent plus. Mais surtout des silences. A deux. A part. Et des jours où l’autre est comme un meuble. Un accessoire. Une emmerde. Et des jours où l’autre est l’autre partie de soi, indispensable, nécessaire. La totalité du « Tu es mon autre ».
Déguster davantage que s’empiffrer. Se gaver. Faire l’amour bien plus que faire du sexe, du cul. Et que ne pas baisser les culottes tous les soirs, ne pas tourner une œuvre pornographique à chaque ébat, c’est aussi ça le couple. Apprendre à définir son érotisme, à trouver son propre langage sexuel en explorant ses sens. En écoutant son corps et celui de l’autre. Il n’y a pas de performance dans le couple. Il n’y a pas de trophée à gagner. Vous ne recevez pas de like et il n’y a pas de de followers.
Je crois.
Et l’amour dans tout ça? Cela dépend de ce que vous entendez par là. Pour ma part, on n’est pas amoureux quand l’on se met en couple, on devient amoureux. Et c’est peut-être, seulement, à ce moment-là, que l’on est un couple. Vraiment.
Quand l’on peut entendre l’autre lâcher des flatulences sans broncher. Quand on peut rentrer dans les toilettes pendant qu’il y fait ses besoins sans s’évanouir ou même le remarquer.
Quand on est capable de passer des nuits blanches ou dormir sur le canapé parce que les ronflements de l’autre sont des turbines d’une centrale hydroélectrique datant des années soviétiques. Sans que cela ne soit un drame.
Quand l’on peut patauger dans la bave de l’autre, celle qui coule de sa bouche restée ouverte autant qu’il dort les poings fermés, et se sentir comme un poisson dans l’eau.
Quand l’autre rote à tout va durant le repas et que ça ne terrifie plus, au contraire c’est le divertissement inespéré qui vient sauver un souper où l’on ne se dit rien. Quand l’éructation est un bruit pour signaler de sa présence dans un repas des vides ou des silences, un « Hey, t’es là toi ». Un signe de vie, « Ouhou, j’suis là ».
Faut l’avouer après un certain temps, les sujets de conversation sont un peu les mêmes, on a fait le tour de l’essentiel, épuisé les détails, les anecdotes, et donc la plupart du temps on radote, certaines fois on décide d’épargner l’autre. Ou pour faire nouveauté, on balance sur ses ami(e)s, collègues, clients, connaissances. On les traite de caves, connasses, de personnes bizarres. La médisance, un grand classique du couple.
Quand la réponse à la sempiternelle question « Me trouves-tu grosse? » « Mais non t’es magnifique » est la seule qui n’ait pas variée depuis des mois, des années.
Quand l’on ne se souvient plus de la dernière fois que l’on a appelé l’autre par son prénom parce que le « Chéri(e) », le « Béé », sont les identifications usuelles, et quand on n’est un peu con devant la préposée qui nous demande « Le nom de votre conjoint(e) svp? » « Heuu… Hum… Un instant svp, désolé, j’ai comme un trou… » On fait entendre un rire épouvantable, gêné. Là, face à la jeune fille qui nous juge à fond, qui pense fort « C’est une joke??? », vous paraissez tellement cheap, ridicule.
Quand vous en êtes arrivés à faire la lessive sans prêter attention aux sous-vêtements de l’autre, surtout à leur contenu, parce que voilà c’est crucial pour la libido, le désir, et tout le tralala.
Quand vous savez que l’autre vous demande de faire le ménage lorsqu’il fait une remarque sur le bordel, et généralement c’est son bordel.
Quand vous êtes capables d’assister aux repas de belle-famille en étant drogué aux psychoanaleptiques ou à l’alcool, et que vous êtes assez masochistes pour y retourner.
Quand vous détestez tellement ses ami(e)s ou quand vous les trouvez exceptionnellement insupportables, d’une banalité extraordinaire, et que vous êtes tout sourire durant les soupers, les sorties, les voyages. Et quand l’autre vous demande « C’est correct? » Vous répondez « Oui », et que l’autre tout en sachant que ce sont des conneries ajoute « Ok. » » Je t’aime ». Tu m’étonnes.
C’est peut-être, seulement, à ce moment-là, que vous êtes convaincus d’être amoureux. D’être véritablement en couple. L’autre est une imperfection dont on prend connaissance tous les jours. L’autre est une surprenante découverte au quotidien. L’autre fait plaisir et tape sur les nerfs. L’autre aboie et l’on passe. L’autre souffre et l’on pleure. L’autre est notre vice-versa, la face B d’une cassette qui contient toutes ces musiques qui sans savoir pourquoi nous énervent quelques fois et nous font un bien fou l’instant d’après. L’autre est une absence qui crée un manque vertigineux. A tel point que l’on en redemande.
C’est peut-être ça le couple.
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