C’est l’histoire d’un droit international qui chute d’un immeuble de plusieurs étages et qui ne cesse de se répéter : « Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… »
Le problème ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage[1][2].
Nul ne peut dire avec assurance si le droit international se relèvera de sa chute. Pronostiquer, c’est jouer aux diseuses de bonne aventure, faire le pari d’une espérance ou écrire une oraison funèbre, le but de cet essai n’est ni l’un ni l’autre. Il ne s’agit pas de lire dans une boule de cristal ou dans les étoiles l’avenir du droit international face aux phobies[3][4] identitaires[5] dont la résurgence[6][7][8][9][10] est l’un des sujets principaux de la grande discussion contemporaine[11][12][13][14]. Discussion animée dans l’intra-muros juridique[15][16][17] et scientifique[18][19], discussion passionnée[20] difficile[21][22] hors des murs de l’entre-soi juridique, et elle est porteuse dans l’espace public international[23] de telles espérances[24] et de telles oraisons funèbres[25][26]. L’intention de cette réflexion est d’observer deux phénomènes distincts et non tout à fait distants l’un de l’autre : la haine[27][28] et le droit international[29]. Observer comme analyser les relations qu’ils entretiennent. Autrement dit, le fil d’Ariane de cet examen est le questionnement sur « la haine que l’on tolère »[30] ou l’acceptabilité de la haine (précisément du discours haineux) par le droit international ; une acceptabilité comme des degrés de tolérance constitutive de sa chute[31].
Un droit international tiraillé entre le rejet de la négation de l’Autre et le respect des quasi sacro-sainte[32] libertés d’expression[33][34][35] et d’opinion[36], précipité dans le vide par des forces contraires. Celles qui lui reprochent un certain laxisme face à cette « haine décomplexée »[37] à qui il est offert tribunes et autres attentions médiatiques, des espaces d’expression publique au nom de principes démocratiques – la nécessaire pluralité du débat contradictoire par exemple ; celles qui le condamnent parce qu’accusé d’être partisan, l’arme juridique d’une espèce de fascisme de la bien-pensance[38][39][40][41][42], le musellement juridique par l’entremise de la rectitude politique[43] ou du politiquement correct[44]. Le droit international dans cette perspective est un objet anti-peuple utilisé par cette élite déconnectée de la société ou du « vrai peuple »[45] (entre l’islamo-gauchiste et le mondialiste de droite) et vivant dans une sorte de bulle sociale aseptisée (entre la gauche-caviar et la droite-soie) incapable de voir ou de se rendre compte de la menace étrangère[46] imminente pesant sur le « Nous autres » de l’identitaire exclusif ou apartheid[47]. Ce dernier aspect du discours identitaire aux relents haineux concentre toute l’attention de la première partie de notre réflexion.
Ainsi, à l’heure dit-on du « Grand remplacement »[48], du déclin[49], ou du grand effacement, où les arguments de l’être-avec[50][51][52] semblent sans effet sur le populisme[53][54], le nationalisme[55], les ethnismes[56], les identitarismes[57][58] et tous les -ismes de l’intolérance prônant l’édification des murs berlinois entre les souchards ou les pure laine et les impurs ou importés, le droit international doit se contenter de réaffirmer les principes fondamentaux, c’est-à-dire « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables », de rappeler à ces membres de la famille humaine que « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie » ayant autrefois révoltés « la conscience de l’humanité »[59] et que le but collectif poursuivi par cette famille humaine reste « un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère »[60]. Le droit international en est aussi réduit à brandir la menace de la sanction devant les risques de dérapages et les cas manifestes[61] d’abus des libertés d’expression et d’opinion[62]. Entre la posture christique et la matraque du Gendarme de Saint-Tropez[63], cette plurivocité du droit international est le sujet de notre seconde partie.
Mais cette plurivocité en tant que parole plurielle est-elle réellement audible face aux appels patriotiques du type « Aux armes citoyens ! » qui demandent à la nation des Originels de « Former les bataillons ! » pour la protéger de ces « féroces soldats » de « cohortes étrangères » venant des Ailleurs pour « Égorger »[64] fils et compagnes ? Le droit international avec ses textes juridiques contraignants face au verbe aussi stigmatisant que déshumanisant[65] du Chef d’État[66] de la « meilleure démocratie du monde »[67], à l’acte de fermeture des portes de l’asile si chère à l’extrême-droite[68] par la « Patrie des droits de l’homme »[69] aux colonnes de migrants-réfugiés sous le prétexte de ne pouvoir accueillir toute la misère du monde[70][71], aux mots politiques rappelant les origines raciales religieuses de la nation comme le fait de signifier aux communautés de citoyens en dehors de ces origines identitaires qu’elles ne sont pas et ne sauraient être des membres à part entière de la famille nationale[72] – qu’elles ne sont que des nationaux de papier[73], ne serait-il au fond qu’un chien (édenté) qui aboie tandis que la caravane de la haine passe sans se sentir véritablement inquiétée ?
La haine et le droit international. Il peut sembler saugrenu d’adopter une telle approche dualiste tant dans leur nature, dans leur agir et dans leur finalité les deux phénomènes sont dissemblables. L’un est une volonté de nier la dignité humaine en l’Autre, l’autre se consacre à la protéger (celle de celui qui nie et celle de celui qui est la victime de la négation). Mais, paradoxalement, de ce fait, leur relation est nécessairement une proximité, un corps-à-corps. De la sorte, observer le droit international tel un régime juridique protecteur supranational et comme un système de valeurs socio-politiques morales universelles en le distanciant de la haine, serait similaire à s’interroger sur le pourquoi du comment du Bien en l’amputant de sa raison d’être[74] le Mal[75], puisque de façon ontologique le « Bien » n’est bien qu’en raison de l’existence et l’action (réelle actuelle hypothétique) du Mal[76]. Ce serait également semblable de se questionner sur le pourquoi du comment de la Lumière en ignorant sa part d’Ombre[77] – part qui lui est intrinsèque[78], et que la Lumière ne s’apprécie que par opposition à l’Ombre. Réfléchir sur le Bien[79] ou la Lumière[80], c’est supprimer l’apparente (fausse) distance avec le Mal ou l’Ombre, c’est les regarder simultanément, côte-à-côte, c’est pénétrer le clair-obscur[81]. Cet essai tente ainsi d’examiner les instruments juridiques internationaux principaux qui s’opposent à la haine en tant qu’acte de négation de la dignité humaine – de l’Autre, en s’inscrivant dans cette perspective dualiste.
De ce fait, nous ne procédons pas simplement par l’énumération des dispositions juridiques internationales dans une espèce de juxtaposition d’éléments plus ou moins homogènes, nous les contextualisons et nous les croisons avec les manifestations de la haine dans la société internationale[82][83][84] afin d’en évaluer la portée et l’effectivité. Bien entendu, parler de portée implique de délimiter le champ d’action du droit international. Une délimitation qui suppose l’existence de règles internationales circonscrites soit à un domaine précis soit à des sujets de droit déterminés, indique l’existence ou non d’obligations étatiques (l’adhésion ou de la ratification de tels instruments juridiques par les États), dessine le cadre de l’activation de mécanismes de sanctions quand l’infraction est commise (ou des mécanismes de prévention quand les conditions de la perpétration de l’infraction sont présentes et que cette perpétration ne relève plus de la simple éventualité), les frontières des compétences des organes en charge de veiller à leur respect, etc. Ainsi, cette délimitation (juridique ou conventionnelle) est a priori relativement prévisible. Seulement, en matière de discours de haine, elle n’est pas aussi aisément présumable que le serait par exemple la notion de crime contre l’humanité. Le discours haineux – considéré dans le cadre de cette réflexion comme le canal ou le médium qu’emprunte les phobies identitaires pour se manifester dans l’espace public – du fait de son arrimage à la liberté d’expression ou d’opinion brouille cette délimitation. À quel moment précisément franchit-on du point de vue du droit international la ligne rouge ?[85] Jusqu’où va la tolérance à la haine ?[86] Quel est le seuil de l’acceptabilité de la haine en droit international ?[87]
D’autant plus qu’en ces temps (post)modernes[88][89], le discours haineux n’est pas une clarté dans le sens qu’il appelle rarement directement au meurtre de l’Autre. Il use de subterfuges lexicaux et d’artifices langagiers ou rhétoriques, prétexte la recherche et la connaissance scientifiques, qui substantiellement chosifient l’Autre ou qui participent de la déconstruction de l’Autre en tant qu’être humain – ce « Je » existant hors de soi. Une chosification comme les exemples historiques l’ont montré est l’étape incontournable avant les crimes de masse. Retirer par le discours toute humanité en l’Autre, le sortir de la famille humaine, avant de l’exterminer. L’Holocauste a aussi commencé par le Mein Kampf, la traite des esclaves le colonialisme par le discours civilisationnel dans lequel l’Autre était le primitif[90] qu’il fallait sauver de sa sauvagerie – obligation morale impérative de le convertir à la modernité (un humanisme impérieux des Lumières)[91], le génocide rwandais par le verbe accusatoire et radiodiffusé, etc. Le discours haineux de nos jours n’ose pas toujours une telle franchise de l’inhumanité, il flirte ou joue avec les limites légales (nationales et internationales), il sort généralement voilé, ou se situe dans une zone grise. Nous examinons les textes juridiques internationaux en tenant compte de ce jeu avec le clair-obscur.
Aussi, nous ne faisons pas un traité philosophique sur la haine, encore moins une théorie générale de la haine dans les politiques mondiales, ni un précis de droit international, définitivement pas une thèse en psychologie ou en anthropologie, en parlant de la haine nous souhaitons étudier non pas les actes à proprement parler tels que suggérés dans les textes juridiques internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, etc.) – ce qui serait une anatomie de l’aboutissant (de tels actes étant les actes finaux d’un processus « tristement familier »[92]), mais le construit et son sens, ses légitimations et ses justifications. Que voudrait signifier le discours des phobies identitaires ? Cette identification de soi par la négation de l’Autre, cette croisade identitaire au nom de la survie identitaire, cet argumentaire de la libre expression et d’opinion comme un acte de résistance face au fascisme de la bien-pensance ou au totalitarisme de la morale bourgeoise[93], cette liberté d’expression qui est une balle mortelle tirée contre l’Autre et cette liberté d’opinion qui tue ?[94]
Comprendre ce qu’il y a derrière le discours haineux, plonger dans l’Ombre, c’est possiblement envisager et s’autoriser une guérison. Certes, le droit international n’a pas vocation à guérir, se faire psychanalyste dans la cure thérapeutique, pratiquer un exorcisme, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut (plus) se contenter d’une (facile) posture de vigile de chien de garde ou de chantre de la fraternité universelle. Une telle posture est intenable improductive comme l’illustre la résurgence susmentionnée des phobies identitaires[95] qui témoigne dans une certaine mesure de la déconsidération ou de la dévalorisation d’une telle fonction, du caractère inaudible de son discours de fraternité universelle (ou de son aboiement juridico-moralisateur[96]) dans le brouhaha populiste, ethniste, nationaliste, etc.
Alors quelles solutions envisagées ? Déjà, nous notons que la Déclaration universelle des droits de l’homme suggère au moins un moyen de guérison, qui pourrait se comprendre comme l’instauration d’un dialogue amical, interculturel, ou le renforcement de l’interculturalité dans un processus respectueux des différences, d’interpénétration des imaginaires identitaires[97]. Mais aussi elle offre l’opportunité d’élaborer collectivement une pédagogie internationale de la dignité humaine qui pourrait être une sensibilisation et une éducation (par l’enseignement par exemple) aux droits humains[98]. La Charte de San Francisco n’en fait pas moins lorsqu’il favorise la médiation dans la résolution pacifique des différends et incite sur les modes de résolution de conflits autres que l’affrontement armé[99]. Sur un plan plus juridique, nous réfléchirons à des solutions crédibles pour faire du droit international non pas un droit de l’Amour (d’un type Peace & Love[100][101]) ou un droit Woodstock[102] (du « Faites l’amour et pas la guerre »[103][104]), mais un droit véritablement (à visage) humain contrastant avec la nature impersonnelle (tout au moins sans visage) relativement froide et distante des instruments juridiques internationaux. De l’autre côté, penser à des solutions c’est examiner deux visions d’avenir diamétralement opposées. Une vision qui voudrait qu’il soit possible d’envisager une interprétation restrictive des dispositions juridiques internationales du cadre normatif contemporain protégeant la liberté d’expression et d’opinion, mais cette piste de solution – qui pourrait être légitimement qualifiée de déraisonnable[105] ou de dangereuse[106][107] – se heurte principalement à la suspicion de totalitarisme[108][109] propre au syndrome orwellien[110] dont l’opinion publique internationale semble-t-il est atteinte[111][112][113][114][115]. Une autre vision voudrait que l’humanité passe de nouveau par les fours crématoires afin qu’elle s’humanise comme il a généralement été le cas après chaque épisode écarlate historique. Un passage obligé qui verrait le droit international mis en joue par un peloton d’exécution composé des combattants de l’identité nationale, un droit international qui trépasserait sous les balles de la tyrannie parlant (comme jadis le nazisme et le soviétisme) au nom du (vrai) peuple. Un droit international achevé par balles donc à cause de son grand amour de la liberté. Ironique et terrifiant. Nous y reviendrons dans la troisième et dernière partie de cette réflexion.
I – Le discours de haine : « Je suis », cri phobique d’une identité de soi insaisissable
Il n’est pas utile de remonter jusqu’à Mathusalem pour retracer les premières expressions de la haine de l’Autre comme une négation de sa dignité et de son unicité. Du fratricide[116] biblique de Caïn[117][118] au récent marché lybien aux esclaves Africains subsahariens en passant par cet ancêtre de l’Homme (post)moderne[119][120] qu’est le singe kubrickien[121] assoiffé de pouvoir et de domination tuant son congénère avec un os, haïr semble être le propre de la personne. Détester et vouloir l’anéantissement de l’Étranger – cet ennemi symbolique mythique ou réel – le naturel en chaque individu. Cela explique sans doute toutes les odes à l’amour (fraternel et universel) – inspirées par le premier crime haineux – dont la nature incantatoire se comprend comme le fait de vouloir conjurer le Mal (en nous). De nos jours, l’Homme (post)moderne se dit civilisé et amoureux de Lui-même[122][123]. Il n’utilise plus un os pour fracasser le crâne de son semblable, mais Il poste un message ou un commentaire nauséeux sur les réseaux sociaux[124], Il appuie sur le « J’aime » comme un pouce approbateur du propos xénophobe ou raciste, Il met des cœurs rouges sur une publication photographique dans laquelle l’intolérance pixelisée est criarde, Il partage sur son profil réseau social les prises de position enflammées haineuses de chroniqueurs et autres influenceurs médiatiques[125] drapés de cette conscience patriotique très ethnicisée, Il rejoint dans la rue les groupuscules identitaires revendicatifs vindicatifs contestataires battant le pavé (marchant contre les « Eux autres », contre la dictature de la pensée unique ou le fascisme de la bien-pensance) et n’hésitant pas quelques fois à faire la salut hitlérien. Les mots pour balles, les mots pour machettes, mais toujours la parole qui tue d’une façon comme d’une autre[126][127].
Le civilisé d’aujourd’hui, c’est monsieur Tout-le-monde, en colère, angoissé, phobique ; en quête de sens dans un monde contemporain tumultueux aux rapides et disruptives mutations permanentes, un monde qui semble lui échapper ou qu’il n’a pas l’impression de pouvoir saisir et contrôler ; pris dans l’espace anxiogène d’une intériorité vidée de repères identificatoires ou saturée de sens renversés bouleversés brouillés, et qui afin de s’en sortir ou de le supporter réactive le soi historique culturel ethnique[128] rassurant puisque immuable familier (avec tout son puissant sentiment de nostalgie et d’idéal passéiste onirique crucial à la revivification du soi – être ou se sentir vivant). Une réactivation qui se met forcement en opposition de l’Autre – incarnation de cette nouvelle réalité inconnue insaisissable que la simple existence impose la coexistence, c’est-à-dire une rencontre transformationnelle de laquelle jaillit nécessairement des identités métamorphosées et incertaines. L’incertitude identitaire comme une ignorance d’avenir, et l’ignorance d’avenir comme une anticipation de l’éventuelle disparition du soi historique culturel ethnique. M. Tout-le-monde nie ainsi l’Autre pour préserver dans sa pureté ce soi originel auquel il est accoutumé, qu’il idéalise, qu’il fantasme. M. Tout-le-monde va en croisade contre l’Autre afin de protéger ce construit identitaire – ce bunker dans lequel il s’abrite, dans lequel il se sent Lui, chez lui. Vivant. Ou encore en vie.
Dès lors, le verbe (oralement formulé ou écrit) résonne telle une survie identitaire. Également, il est le canal qui véhicule la souffrance[129] ou le tourment narcissique identitaire[130]. Il est le moyen de faire entendre une phobie de l’Autre comprise non pas comme une crainte irrationnelle hystérique ou excessivement émotive de ce « Je » en dehors de soi, mais peut-être davantage comme une rationalité qu’il est difficile de raisonner et qui est une volonté très affirmée de ce soi chéri de rester inchangé face à l’inéluctable mue résultante des interactions (interpersonnelles et inter-groupales) qu’oblige le partage du champ d’expérience qu’est l’existence[131]. Une mue dont M. Tout-le-monde ignore les conséquences sur ce sens identitaire qu’est le soi historique culturel ethnique.
D’un autre côté, ce verbe est aussi à l’instar du singe kubrickien usant de son os une conquête et une préservation du pouvoir, l’os du primate étant désormais dans la compétition politique une arme (un outil de guerre) – au-delà de la sincérité ou non des convictions affichées – au service de ce but ultime. Dès lors, l’aryanisme dans discours politique ou l’aryanisation du discours politique est un prétexte, un cynisme contestable certes, mais d’une efficacité indéniable. La preuve, la montée des extrêmes-droites en Europe[132][133], l’alignement des partis politiques[134] dits traditionnels (gauche[135][136][137] et droite) sur les revendications populistes et nationalistes (la mise en commun d’un lexique politique identitaire, l’adoption de politiques similaires, etc.)[138].
Dans cet espace de la parole identitaire où finalement à quelques détails près tout le monde est d’accord, les voix dissidentes se trouvent non pas dans les appareils politiques principaux ou dans les structures médiatiques dominantes, mais dans la société civile (nationale et internationale) qui voit émerger cette espèce de variante inattendue de l’Homo Sapiens : le « Bisounours »[139][140]. Individu idéaliste ayant l’outrecuidance dans le monde contemporain hobbesien, huntingtonien, d’invasions Barbares[141], de regarder l’Autre comme une opportunité d’un monde meilleur. Tandis que l’Identitaire envers l’Autre dit la présomption de culpabilité, le Bisounours rappelle la présomption d’innocence (c’est-à-dire le préjugé en faveur de la non-culpabilité, celui du regard et de la parole qui ne prononcent pas la condamnation ou l’inverse avant la prise de connaissance de l’Autre). Présomption d’innocence qui est consacrée par le droit international[142] ainsi que par l’État de droit à travers des textes juridiques nationaux[143] dont l’évocation de certains d’entre eux tels que l’Habeas corpus (1679), le Bill of rights (1689), la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), la Déclaration des droits (1791) ressuscite dans l’imaginaire collectif et la mémoire historique le combat de l’être humain pour la dignité et la liberté.
Ce sont tous ces différents aspects du discours de haine qui sont abordés dans cette première partie.
- Le discours de haine ou le bunker de l’identité de soi face au monde Étranger
« Le monde est aux prises avec une montée en force sans précédent des discours « déshumanisants » depuis les années 1930, y compris de la part de démocraties jouant un rôle de premier plan […] »[144]. Le verbe de haine domine le discours politique, la rhétorique xénophobe est désormais une banalité dans le débat public, l’opinion raciste dans la conversation privée n’étonne plus (voire ne choque plus), et dans les forums dématérialisés que sont les Internets[145] la quasi norme[146] est le pugilat haineux dans lequel la liberté d’expression va jusqu’à souhaiter la mort d’un nouveau-né accusé d’être un futur terroriste parce que sa mère porte un voile et son père une barbe[147] (et bien évidemment il n’est pas un hipster[148]).
Dire sa haine de l’Autre ne semble plus connaître de frontières. Ce n’est plus une affaire de classes sociales (prolétaire[149] contre bourgeois, bourgeois contre artistocrate), d’analphabètes contre lettrés, de cosmopolite[150] habitant les villes-monde (ou les métropoles mondiales[151]) contre ruraux (considérés comme hors temps, hors champ, de la modernité), de peuple contre l’élite[152], le discours haineux est aujourd’hui sans étiquette d’appartenance, tout le monde ou presque s’y met[153]. Si un tel discours est aisément reconnaissable entre autres choses par sa stigmatisation et sa chosification de l’Autre, il n’est pas toujours aussi évident que ça de reconnaître son signifiant au-delà de la négation d’Autrui. Que signifie ce discours de haine de la part d’individus qui souvent n’ont jamais eu accès (fréquenter ou côtoyer) à cet Autre vomi ? Que veut dire cette parole d’apartheid de la part de personnes instruites et en contact avec cet Autre ethniquement culturellement historiquement différent ? Que devrait-on comprendre par le « Nous autres » érigeant le mur de séparation d’avec le « Eux autres » qui prolifère dans le discours du politique ?
L’identité de soi dans un monde sans identité et avec toutes les identités
Durant la guerre froide, identifier le monde relevait d’un exercice relativement facile : il était bipolaire (l’Union soviétique d’un côté et l’Amérique de l’autre, deux systèmes politiques irréconciliables). Il offrait malgré ses antagonismes un sens compréhensible selon l’adhésion à un récit idéologique ou à l’autre. La vérité du monde était plus ou moins manichéenne. L’individu s’identifiait d’abord par sa proximité avec l’un ou l’autre des systèmes, l’ennemi était prévisible, la guerre symétrique.
Depuis les années 1990, contrairement à l’espérance de Fukuyama, le monde n’est pas unipolaire, le libéralisme ne connaît pas une acceptation sans heurts, sans remise en question, et ne semble pas être à même durablement de résoudre toutes ses contradictions. Le néolibéralisme subit des rejets de plus en plus virulents, ramenant paradoxalement à la vie la pensée marxiste-léniniste – jadis vite enterrée avec la chute de l’Union soviétique, la conversion de la Chine au libre-marché, l’isolement de l’ilot cubain – et nourrissant les revendications anarchistes. La culture yankee est omniprésente sans qu’elle n’empêche l’émergence de contre-cultures ou d’appropriations culturelles divergentes de la doxa américaine. L’Amérique – Nation occidentale première de la post-bipolarité – triomphante de l’Union soviétique n’est pas maître et centre de l’univers, elle fait face à des acteurs étatiques, internationaux, privés et publics, dont les influences sur les politiques mondiales est significative. La direction des affaires mondiales est régie par plusieurs pôles de pouvoir, ce qui exige un certain degré de concertation et d’harmonisation entre des puissances étatiques tentant de maintenir un équilibre dans les rapports de force. Concertation nécessaire afin de présenter un front commun face aux enjeux majeurs contemporains tels que l’environnement et le terrorisme. Le monde est une polycentralité, l’ordre mondial polymorphe. L’Amérique n’est pas le récit idéologique, culturel, politique, le sens unique et universellement partagé. Un tel récit ou un tel sens n’existe pas.
D’autant plus que la mondialisation vendue par le libéralisme comme un rapprochement des peuples, une manière de mettre fin à cet isolement terreau du nationalisme, a fait prendre conscience à ces différents peuples qu’ils n’étaient ni seuls au monde ni forcement compatibles. La mondialisation a eu l’effet de grossir les différences ou comme le dirait Huntington les fractures civilisationnelles. Avec le progrès technologique dans l’information et la communication, l’aspect instantané de la connexion sans filtre avec les Ailleurs et les mondes des Autres, a autant permis la réduction de la représentation fantasmatique de l’Étranger en le montrant dans sa nudité, autant ce progrès a sans une préalable contextualisation socio-culturelle offert des réalités simplifiées, favorisé ainsi des interprétations évaluatives comparatives simplistes.
D’autre part, en l’absence d’une sorte de Grand Satan comme l’était l’Union soviétique ou l’Amérique selon le camp auquel l’individu appartenait, l’Ennemi – puisqu’il en faut un – est un monstre à plusieurs têtes : islamo-terroriste, islamo-gauchiste, americano-impérialiste, americano-occidental, americano-libéral, americano-néolibéral, néolibéral-occidentaliste, gauchiste-totalitariste, gauchiste-archaïque, migrant-réfugié, l’Arabe, le musulman, le chrétien, le Noir, le Chinois, l’autre ethnie, le Pauvre, le Riche, etc. L’hydre de Lerne est une complexification du Mal. Une élasticité du Mal. Chacun de ses visages servant de repoussoir de l’Autre dans les chapelles nationales communautaires et idéologiques. C’est dans ce monde sans identité commune partageable fédératrice, dans ce monde mouvant de toutes les identités (conflictuelles), que l’Homo Novus[154] qu’est l’Homme (post)moderne évolue.
L’Homme (post)moderne est comme le monde[155] auquel il appartient une « identité sans nom, sur le fil du « rien » » [156], alternant d’une réalité à une autre, quittant une identité éphémère pour une autre, sur la grande scène qu’est la Comédie humaine[157] c’est une théâtralisation permanente de ce soi exhibitionniste aux masques interchangeables, habile dans les identités corsaires – celles disponibles et accessibles qu’il pille pour la satisfaction de besoins immédiats, davantage en mode de re-tribalisation mcluhanienne[158] que dans une dynamique d’universalisation de soi, à la fois singulier en tant que « Je » et commun disparate par sa « pluri-appartenance » qui est une artificialité et une superficialité aux sens contradictoires, incohérents, disharmonieux, le laissant aphone ou sans capacité de répondre clairement, précisément, devant la question « Qui es-tu? » Cet Homme avec « plusieurs âmes collectives, de celle de sa race, de sa classe, de sa communauté confessionnelle, de son État, etc. »[159] habitant son intériorité au fond se cherche. La quête a quelque chose de diogénique, le « Je cherche l’Homme » remplacé par le « Je me cherche » sans la lampe et plongé dans une complète obscurité. Il est au diapason avec le monde sans identité et de toutes les identités.
Ainsi, se définir dans un tel monde indéfinissable, est pour le sujet « Je »[160] (post)moderne[161] une tâche herculéenne ou un périple ulysséen[162] à l’impossible réalisation. Jamais sans doute le « Connais-toi toi-même » socratique n’aura résonné dans le sujet pensant contemporain autant qu’en ces temps (post)modernes comme une malédiction[163]. A la question du « Qui es-tu? », le « Je » répond par le « Ce que je suis », ce qui n’est pas seulement une réponse à côté, un évitement, un aveu de son impuissance à une véritable introspection – ce voyage presque initiatique dans soi, c’est une réponse hors sujet. A la différence du « Qui » impliquant de se plonger dans une sorte de huis-clos intérieur et exigeant que le « Je » s’interroge sur sa composition – de quoi il est constitué, le « Que » est un rattachement à une catégorie extérieure déjà établie – une qualification catégorielle (« Je suis Noir »). Dès lors, le « Qui es-tu? », une invitation à dire un signifiant de l’être qui le rend absolument unique vis-à-vis de l’Autre (qu’il soit de la même coloration culturelle historique sociale ou ethnique), à produire un sens spécifique – nécessairement plurivoque[164] – faisant de lui un Irremplaçable, un Singulier, dans la Communauté des Egos[165], est substitué par le « Qu’es-tu » qui transpose le sujet banalisé relativisé quasi anonyme dans la Communauté des Égaux[166][167] – ou ayant cette prétention. C’est ce « Ce que je suis » communautariste et sans autonomie réelle du « Je » qui s’entend dans le « Nous autres » empreint de solidarisme groupal et indifférencié[168]. Cette espèce de « soi groupal » – proposant une identité prêt-à-porter – n’est pas simplement un agrégat des Singuliers partageant une définition commune – définition qui supposerait une construction à partir de sens individuels tel un syncrétisme une fusion une synthèse des « Je » dans une globalité demeurant hétérogène, mais d’abord une dissolution du soi – par essence atomiste – dans un Tout collectif préfabriqué et homogène. Dissolution aussi comme la renonciation de ce soi non-cartésien[169] à son intrinsèque différenciation émancipatrice mettant fin à cette solitude[170][171] que crée la conscience de soi en tant que reconnaissance de son unicité, le « Je » n’est plus un sujet libre, à part, il appartient dorénavant à une tribu qui délimite les frontières tels des murs isolants la séparant des autres. Il a troqué contre son sentiment d’insécurité face à la complexité d’un soi éclaté difficilement compréhensible et au monde aux sens brouillés ou aux identités mutantes, la liberté de sa voix singulière. Il a échangé pour un sécuritaire « Nous autres » qui simplifie bien des choses, l’angoisse[172] d’une identité insaisissable. Le « Je » n’est plus un loup solitaire, il a rejoint la meute – cette « foule solitaire » [173], il est la meute.
L’identité de soi face à l’Autre infernal
De l’autre côté, ce « Nous autres » offre un abri identitaire rassurant dans un monde comme susmentionné où l’Enfer reste les Autres, puisqu’ils sont vus dans une nudité sans contextualisation ou sans mise en perspective, sans nuances, ils sont reconnus par la violence de leur présence à l’instar de coutumes ou de pratiques culturelles contrastant avec ce familier du « Soi groupal » ainsi menacé, des vagues migratoires que sont tous ces inconnus déversés sur les terres ancestrales[174], des actes de terrorisme religieux interprétés comme une guerre de civilisations, d’accommodements (dé)raisonnables perçus comme une volonté de dénaturer le « Ici, chez nous » – lieu d’appropriation et espace exclusif du « Nous autres ».
Ainsi le « Ici, chez nous » est un espace entouré de fils barbelés, sur lequel veillent les anciens et nouveaux chiens de garde[175]. C’est la fermeture à l’Autre qui tente de préserver la pureté de l’identité de Soi groupal[176] déterminée à partir d’un passé figé mythifié et canonisé, celui de la mémoire collective[177] qui rend vivant le roman mémoriel[178][179], celui au récit traditionnaliste dans lequel pullulent des héros ayant le même visage et la même substance symbolique que le groupe identitaire majoritaire[180] – récit qui demande une attitude de loyauté ainsi qu’un serment d’allégeance. C’est dans cet ordre d’idée qu’il faudrait sans doute comprendre la philosophie assimilationniste[181] et intégrationniste[182] comme l’exigence du Soi groupal dominant de la désintégration identitaire de l’Autre (absorbé) afin d’être possiblement vu, dépouillé de sa dangerosité, comme un être avec (« Nous ») qu’un être contre (« Nous »). Un être avec (« Nous ») n’allant pas jusqu’à sa considération comme un « Nous »; l’Autre désintégré au-delà de l’acculturation primaire, dont on s’est assuré la loyauté, annihilé ou désamorcé, demeure un national d’une origine qui pointe l’Ailleurs[183] et une coloration ethnoculturelle[184] qui montre l’impureté (le non-de souche), donc l’appartenance à une citoyenneté de seconde zone. Il est au mieux un sous-« Nous » ou pire un « Eux autres » à la périphérie, ghettoïsé, plus ou moins compatible avec le « Nous ». Tenu à distance. Loin.
L’Autre infernal est un existant qui déclare la guerre, ou qui insinue le conflit. Dès lors, devant cette présence problématique qui questionne à la fois le « Qui es-tu? » chez lui et le « Qui sommes-nous? » du Soi groupal, en l’absence d’une connaissance de l’Autre rendant toute réponse définitive ou finie[185] réductrice obsolète ou peu pertinente, en l’absence d’une connaissance – même embryonnaire – de soi (d’une réflexion critique sur le soi individuel[186]) permettant la confiance en son unicité, c’est le reflexe de rejet de l’Autre comme une mise à distance qui devient l’expression de la protection identitaire – territoire du nationalisme. Rejeter d’abord, puis nier le droit de l’Autre à exister parce que malgré sa mise à l’écart, son exclusion, l’édification des murs, la simple conscience de son existence inhérente à la conscience de soi est une source d’angoisse.
L’identité de soi chez le sujet angoissé, insécurisé, terrifié : entre ignorances de soi, de l’Autre, d’avenir et cri munchien
Freud l’a déjà théorisé, le Moi n’est pas maître chez lui – « cavalier qui suit son cheval qui suit lui-même son herbe », le Moi est un dominé affrontant une tension interne irréductible[187]. Il ne peut prétendre à l’absolue connaissance de soi telle que l’ordonne l’inscription gravée à l’entrée du temple de Delphes. Le Moi est à cet effet un maudit qui à l’instar de Sisyphe tente de porter sa croix jusqu’au sommet d’une libération définitive – ce qui bien entendu n’arrive jamais. Cet état constitutif du « Je »[188] en tant qu’ombre et lumière, projet permanemment en construction ou inachevé, transformé par sa mise en relation avec l’en-dehors-de-soi qu’est le monde extérieur, en découverte et de découverte, fait en sorte que toute affirmation contraire qui clôture l’identité de soi comme une immuabilité aux frontières nettes[189] est une fumisterie.
Se définir ne revient pas à ériger des barrières, à jeter l’ancre dans un port d’attache, à faire le portrait de son nombril, mais à identifier les données subjectives habitant dans notre intériorité. Données qui participent de la construction de notre sensibilité – du sentiment d’être soi. Une identification régit par des stratégies d’intégration, d’évaluation critique, de dépendance par l’influence de l’Autre et des objets signifiants (le nom, la profession, les groupes d’appartenance, etc.) et d’indépendance (la conscience que l’on puisse perdre l’Autre ou ces objets signifiants sans autant cesser d’être, l’autonomie du sujet oscillant entre la proximité du « avec quelque chose » et l’éloignement réflexif introspectif – acte s’il en est de liberté), de mise en branle de notre structure cognitive aux fins d’abord de compréhension de soi (le « pourquoi ») et ensuite d’interprétation de soi (le « comment »). Se définir, va au-delà d’une catégorisation raciale, ethnoculturelle, sociale, de genre – le « Ce que je suis », pour descendre dans les tréfonds de cet intime qui sans ignorer sa catégorisation en tant que « Ce que » s’écoute dans le tumulte des sens intérieurs et révèle progressivement au sujet la complexe composition de sa singularité, saisie intuitivement ou avec beaucoup plus de rationalité. C’est comme le dirait Daubigny conférer au Moi individuel, au « Je » singulier, une signification plus subjectivement personnelle[190]. Une identification de soi relativement bouillonne brouillonne ou en quelques proportions d’une plus grande netteté, stabilité, sans être fixe. Un « Je suis comme je suis » prévertien :
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime à chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi […]
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire […]
– Jacques Prévert. Paroles. Folio, Paris, 2016, 256 pages
Or, nous l’avons vu, se définir ainsi pour l’Homme (post)moderne – schizoïde tel que diagnostiqué par Jaccard[191] en 1975, promenant « autour du monde sa névrose », ses « angoisses et sa grande solitude », « sujet très individualisé » et au fond « peu socialisé », qui est en tout temps à la poursuite de « l’image fallacieuse du bonheur confondue avec celle de la sécurité », dans un monde anxiogène de tous les possibles c’est-à-dire de tous les dangers et de toutes les distractions, un monde « sans alternative » véritable – est une difficulté, une incapacité à établir avec plus ou moins de précision ou de clarté les contours de ce « Je » contemporain. L’Homme (post)moderne est semblable à la communauté à laquelle il appartient, « aliéné et aliénant », allant se réfugier dans le Soi groupal afin de retrouver une individualité écrite à l’avance romancée faussée altérée illusoire – un sentiment de soi en étant hors de soi ou en intériorisant un soi étranger rassurant.
Sur un plan moins atomiste, ce Moi individuel transféré à un Moi collectif ou dissout dans le Soi groupal ne résout pas le problème, puisqu’un tel Moi métamorphosé en Nous n’est pas plus que sa version individuelle « Maître chez lui ». Le « Maître chez nous » est ainsi frappé par la même malédiction sisyphéenne, pour dire de l’impossibilité de produire un sens identitaire absolu imperméable. Le « Nous autres » bien qu’il s’en revendique n’est pas un bocal, un isolement sûr, cet effort est vain. C’est sans doute cette situation qui explique son attitude de ville assiégée, consciente que sa position dans le moyen et le long terme est intenable, qu’à un moment comme à un autre, elle n’échappera pas à l’envahissement l’avalement la dévoration. Historiquement, l’évolution de tout groupe s’est faite par la perte et le gain. On perd quelque chose, on gagne quelque chose. C’est le propre de la mutation, du progrès, de la modernité. La pureté en tant qu’immuabilité et virginité est un mythe. Dès lors, devant cette fatalité historique, l’alternative à la résistance qui va en croisade ou qui creuse des tranchées, érige des murailles, c’est peut-être la médiation et la négociation, mais surtout la prise de conscience comme nous l’avons montré précédemment que l’on peut perdre des aspects d’appartenance sans se perdre soi, sans cesser d’être – encore faut-il comme souligné antérieurement parvenir à s’identifier autrement que par des artificialités identitaires.
Ainsi, dans le monde contemporain, l’Homme (post)moderne est un angoissé, insécurisé, terrifié. Le « Qui suis-je? » est un cri phobique[192] qui dit son ignorance de soi ou sa relative méconnaissance de soi. De l’autre côté, il dit aussi la non-accessibilité à l’intériorité de l’Autre, celui dont la présence révélée par la conscience de soi et qui lui impose la coexistence est comme l’extériorité anxiogène[193]. Double ignorance à laquelle s’ajoute l’ignorance d’avenir qu’est l’imprévisible résultat de sa rencontre avec cette extériorité. Une telle rencontre ne pouvant ne pas avoir lieu, parce ce que tributaire de la reconnaissance de l’Autre comme un « Je » hors de soi partageant le même champ d’expérience – l’existence – que soi oblige dès lors une mise en relation – processus de socialisation – dans laquelle s’élabore des interactions comme autant d’influences sur le soi. Les relations sociales sont le produit de cette rencontre. Intrinsèquement transformationnelles. Le « Qui suis-je? » est donc un devenir dont la prochaine mutation est incertaine en termes de définition, or cette absence de clarté ou de prévisibilité chez le sujet (post)moderne déjà angoissé, insécurisé, terrifié est une panique identitaire qui s’entend comme un cri munchien.
L’une des caractéristiques du cri munchien est sa déformation de la réalité, le réel est un ensemble d’ondes de choc, presque des vagues déferlantes. Le sujet dénature ce qui est hors de lui, ce qui a pour effet d’augmenter l’angoisse. D’amplifier la crise phobique. La phobie identitaire contrairement à la perception d’irrationalité est une angoisse structurée – qui vient d’une source identifiable ou de sources identifiables et qui s’est construite à partir d’un développement précis, une logique, un rationnel. Comme nous l’avons souligné précédemment, l’angoisse pour le sujet (post)moderne est provoquée par l’imminence du danger – l’Autre, inquiétude métaphysique aussi née de la mise en relation avec l’extériorité; cette peur a ses raisons, ses intentions, que la raison peut difficilement raisonner. Cette phobie, cette angoisse, cette peur, hurle dans le porte-voix qu’est le discours de haine.
Le discours de haine : le verbe de la survie et de la croisade identitaires
Un discours est communément défini comme un ensemble de manifestations verbales ou écrites d’une opinion, d’une pensée, d’une idéologie. C’est un énoncé qui véhicule des jugements, des idées, des positions sur des objets ou par rapport à des objets. Un discours n’est donc pas simplement une communication neutre, il dit une vision du monde, expose une intériorité ou pour nous exprimer de façon plus précise une intériorisation par le sujet-émetteur de l’extériorité, et dans le cas d’espèce du discours de haine un encodage résultant de tous les conflits de l’espace intérieur. Comme nous l’avons vu antérieurement un tel discours est une souffrance du Moi narcissique confronté à la difficulté d’une saisie véritable de soi dans un monde sans identité et à une époque de postmodernisme, c’est également le transfert de cette souffrance à un Soi groupal (un Moi collectif) qui sous prétexte de la traiter en conférant un sens préconçu (sans tenir compte des spécifiés des sujets individuels qui composent ce « Nous »[194], en s’élaborant à partir d’un passé mythifié et canonisé, en offrant un roman mémoriel – une mise en forme narrative du passé – qui met en exergue le caractère exclusif des origines ethnoculturelles religieuses tout en construisant des inexistences – celles des origines différentes des Autres) ne fait finalement que l’amplifier. Ainsi, dire « Nous autres » comme une affirmation d’une identité collective mensongère ou illusoire c’est révéler à la fois l’angoisse d’une identité de soi terrifiée[195], de l’impuissance du sujet (post)moderne.
Le sentiment de terreur et d’impuissance conduit généralement à l’adoption soit d’une attitude de repli sur soi (se bunkeriser), soit d’un comportement offensif (attaquer)[196]. Le discours de haine contemporain semble être les deux : un repli sur soi par l’édification d’abri fortifié (identité nationale, nationalisme, populisme) et une déclaration de guerre à l’Autre et à l’extériorité (l’instinct de survie). C’est ce double aspect du discours de haine tel que formulé dans l’espace public (national et international) qui explique sans doute la constitution des meutes nationalistes et populistes, ou l’espèce de meutification des sociétés (post)modernes, nourries par les thèses déclinistes aux accents apocalyptiques, par la dramatisation du débarquement sur « nos » terres de peuplades en fuite (ou en quête de bonheur), par le grand retour aux héros historiques nationaux[197] (surtout ceux ayant combattus l’Étranger) – on pourrait parler de résurrection des morts à qui ont fait tout dire et qui ne peuvent plus apporter la contradiction, ne peuvent plus objecter, comme le dirait Jean Gabin dans Le Président d’Henri Verneuil : « Le procédé est assez méprisable »[198]. L’instinct de survie par la bunkérisation et la marche offensive contre l’Autre et le monde extérieur – ces formes de « bougeants barbares »[199] qui du fait de cette nature renforcent l’impression de dangerosité puisque incontrôlables et inarrêtables.
Une marche aux allures de guerre sainte[200] au moins depuis les attentats du 11 septembre 2001, le président Bush à l’époque parlera de « croisade » contre ce mal qui existe[201], terme qui a conféré au Choc des Civilisations de Huntington une stature de Bible des politiques mondiales. Les Autres, bloc hétérogène, sont dans le verbe de haine une croisade identitaire aux fins de préservation de cette pureté de soi fantasmée[202]. Le Choc des Civilisations huntingtonien est en cela et avant tout le « Choc de l’ignorance »[203], comme nous l’avons présenté de soi de l’Autre et d’avenir.
Les épisodes historiques nous ont montré que les croisades ne sont pas doucereuses[204] avec des Croisés brandissant des fusils avec des fleurs au bout de la baïonnette, elles sont sanglantes[205]. Les discours de haine comme une façon d’aller en croisade sont « des mots qui tuent »[206]. L’exemple le plus récent sur le sol québécois est l’attentat terroriste contre la grande mosquée de Québec[207] – où un jeune individu relativement lettré, aux origines sociales bourgeoises, étudiant dans une université cosmopolite où les différences culturelles sociales sont une réalité omniprésente, côtoyant enseignants et camarades venant des Ailleurs ou appartenant par le « Qu’est-ce que tu es ? » à des catégories déterminées, convaincu par le discours de haine (xénophobe, islamophobe) banalisé dans les radios dites poubelles[208] et autres médias de masse, dans les entourages immédiats où se transmettent ce Soi groupal bunkérisé, est entré dans un lieu de culte pour y massacré l’Ennemi qu’est l’Autre. Cet acte ne diffère guère dans son signifiant des attentats du Bataclan ou de Charlie Hebdo. La guerre sainte véhiculée par le discours de haine est de la sorte une universalisation de la souffrance du Moi narcissique, pour dire une planétarisation d’une angoisse aux racines plus profondes qu’une simple négation de la dignité humaine.
B – La liberté d’expression et d’opinion ou les « deux visages de la haine »[209] : le discours haineux de la posture victimaire, de résistant à la posture de vérité
La planétarisation ou l’universalisation de l’angoisse identitaire pose un défi majeur aux défenseurs de la dignité humaine : celui de ses moyens de communication. En effet, comment combattre efficacement une telle angoisse s’arrimant à la liberté d’expression et d’opinion sans soit faire preuve d’un certain autoritarisme en la « criminalisant »[210], soit montrer une certaine faiblesse en concevant que la liberté c’est aussi le droit de dire toutes les insanités[211] – légitimes ou non, d’accepter le débat contradictoire même s’il sert à tuer l’Autre ? Les tenants du discours de haine ont compris cette position intenable des défenseurs de la dignité humaine, et toute une rhétorique victimaire (dans les situations où la liberté d’expression et d’opinion sont interprétées juridiquement de façon restrictive, souvent contrairement à l’esprit du régime juridique international[212]) s’est développée autour de ce fascisme qualifié de bien-pensance dans le sens qu’elle est une norme dogmatique[213].
De l’autre côté, lorsque l’épouvantail fasciste ne peut être brandi, c’est l’insulte de naïveté comme une critique du prétendu aveuglement des défenseurs de la dignité humaine devant une réalité menaçante – l’Autre, l’extériorité. Dans cette situation, le Bisounours qu’est l’individu qui refuse de condamner à mort l’Ennemi désigné parce qu’il est simplement différent du « Nous autres », qui rejette la présomption de culpabilité – le jugement hâtif définitif et globalisateur sans prendre réellement connaissance de l’Autre (y avoir accès) et sans lui donner la possibilité de se dire, est un complice de l’Étranger doublé d’un lâche. Dans ce cadre, le discours de haine se fait par opposition à cette accusation d’absence de lucidité du Bisounours ; c’est une parole de vérité[214] loin de l’idéalisme de l’angélisme, un verbe du réel – pas agréable mais nécessaire.
Dès lors, quelle stratégie définir quand le discours de haine est une victime, une résistance et une vérité du réel ? Cela s’apparente pour les défenseurs de la dignité à une « Mission : impossible »[215].
L’argumentaire victimaire contre le fascisme de la bien-pensance : un effet d’annihilation de toute action régulatrice de la liberté d’expression et d’opinion
« Faut-il tuer la liberté d’expression ? »[216] quand elle a pour objet la négation de la dignité humaine ? Répondre à cette question frisant la provocation c’est prendre le risque de faire de la censure de la parole dissidente un fascisme de la bien-pensance[217][218]. C’est courir de faire de la « banalisation de la censure »[219] une tyrannie ou un absolutisme de la pensée unique, situation contraire et inadmissible dans la société démocratique. De façon corolaire, c’est renforcer le discours de haine qui par cette mise au goulag se fera victime du régime oppresseur et répressif[220]. Or, historiquement et sociologiquement, il est connu que la victimisation (politique en l’occurrence) a l’effet de renforcer et de mobiliser l’opinion que l’on veut taire[221] (de nos jours, à un certain degré, on parlera de l’effet Streisand[222]) surtout en termes de légitimité, de la voir se développer dans la clandestinité (avec tous les dangers du développement des légendes urbaines[223] qui structurent les préjugés envers l’Autre) et se faire représentative de cette « majorité silencieuse »[224] qu’est le « vrai peuple »[225][226][227][228]. La restriction de la liberté d’expression et d’opinion est ainsi à la fois un test pour les démocrates[229] et un dilemme moral et philosophique[230] pour les droits-de-l’hommistes[231]. Cette position est exploitée par les acteurs populistes et nationalistes en diffusant des propos chosifiant l’Autre en espérant une réaction de condamnation (juridique ou médiatique) qui devient un acte de censure, un acte fascisant, d’un système hypocritement ou prétendument ouvert. Les réactionnaires ne sont plus ceux qui transmettent l’idée d’une société monochromatique ethniquement et culturellement parlant, mais ceux qui empêchent la remise en cause de la doxa du multiculturalisme. Des progressistes devenant des conservateurs, et des passéistes devenant des représentants du progrès dit populaire. Renversement des étiquettes, bouleversement des représentations – paradoxalement cohérent dans un monde sans identité et de toutes les identités, le discours de haine sanctionné annihile de facto dans notre contemporanéité toute volonté de circonscrire ou de réguler sa libre expression.
Le discours de haine : parole résistante contre le naïf lâche traitre déconnecté et dangereux Bisounours
S’il est difficile de réguler la libre expression de la haine d’Autrui sans risquer d’instaurer une tyrannie d’une pensée politiquement correct, sans fragiliser les piliers sur lesquels sont fondées les sociétés démocratiques, sans risquer de renforcer la parole haineuse et d’en perdre le contrôle (avec la possibilité de la mettre à nue par des arguments opposés) puisqu’elle deviendrait clandestine, il est encore plus difficile de la discréditer quand elle se drape de patriotisme résistant ou de sécurisation du « Nous autres » face au « Eux autres » bonhomme sept-heures[232].
Lorsque le président américain Trump souhaite ériger un mur anti-mexicain parce que ces voisins du sud non seulement viennent « voler le travail des Américains » et qu’ils représentent une menace à la sécurité des personnes (accusations de viols, de meurtres, etc.), quel est le poids du propos humaniste du Bisounours face au sentiment d’angoisse que véhicule de tels préjugés ? C’est aussi là la force ou l’habilité du discours de haine, grossir le sentiment d’angoisse qui fait du sujet (post)moderne déjà terrifié et désormais littéralement en crise d’hystérie un mur bien plus qu’un « pensant » qu’il serait possible de raisonner.
En outre, ce discours de haine en traitant l’humaniste de dangereux ou pour dire les choses avec plus d’euphémisme d’irresponsable devant l’urgence du péril[233] qui exigerait d’aller en guerre contre le monde extérieur et ces Autres – hordes de barbares, de déconnecté devant son refus de voir « le monde tel qu’il est », de naïf parce qu’il a peut-être beaucoup plus confiance en la différence qu’incarne l’Autre pestiféré ou qu’il regarde le monde avec ses nuances davantage comme une opportunité du meilleur bien plus que du pire, de lâche ou de traître car ne souhaitant pas rejoindre la meute des patriotes allant en croisade et refusant de dissoudre son unicité originelle dans un Soi groupal (Moi collectif) foncièrement désincarné – dans le sens jaccardien, ce discours réussit à rendre l’argumentaire de médiation et de pacification totalement inaudible. Cet argumentaire dans le débat socio-politique est un angélisme qui n’émeut pas ce « vrai peuple » convaincu de sa disparition prochaine. Ce discours est de plus en plus conspué. La preuve ? La montée de la parole haineuse comme s’en alarment Amnesty International et les différentes organisations internationales non-gouvernementales, y compris l’ONU.
Le verbe haineux n’aura jamais dans l’histoire récente été aussi proche des gens, été le naturel attendu ou le comportement normal[234] de l’Homme (post)moderne angoissé, phobique, désincarné, sans alternative.
Parallèlement, le droit international n’aura sans doute été plus affirmatif des principes d’humanité et de dignité humaine tout en sacralisant la liberté d’expression et d’opinion. Équilibrisme nécessaire pour certains, art du funambulisme[235] pour d’autres, complaisance envers la haine et trahison de sa mission protectrice, le régime juridique international est poussé dans le vide.
Partie II : Le droit international et la haine tolérée
La position normative du droit international face aux phobies identitaires que sont les discours haineux est résumée pertinemment par Calvès[236] :
[Les normes conventionnelles internationales] s’avèrent en effet travaillées par un mouvement de constante expansion, mais aussi de redéploiement de leur sens et de leur portée. On ne sait plus très bien, aujourd’hui, ce qu’il s’agit de protéger lorsqu’on interdit à certains types de discours de circuler dans l’espace public. La paix civile, menacée par des discours criminogènes ? Les valeurs d’un ordre politique fondé sur le respect des droits de l’homme, bafouées par des discours qui les nient ? L’effectivité du principe de non-discrimination, minée par des discours qui confortent l’infériorisation de certaines catégories de citoyens ? La sensibilité de personnes ou de groupes vulnérables, blessée par des discours « offensants » ?
En effet, le droit international est d’une plurivocité qui trouble bien plus qu’elle éclaire. Malgré la multitude des instruments juridiques, et malgré le fait que « la quasi-totalité des États de la planète sont tenus d’interdire, dans leur ordre interne, certains abus de la liberté d’expression qu’on qualifie désormais, suivant l’usage américain, de « discours de haine » »[237], du Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966 qui condamne en son article 20 (2) tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, la Convention de New York de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale – demandant en son article 4 (a) aux États Parties de punir par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique ; il n’en reste pas moins que la tendance contemporaine dans l’application de ces normes internationales privilégie le respect de la liberté d’expression et d’opinion – « considérée comme une liberté reine par la Cour [Européenne des droits de l’homme] »[238], surtout que l’objet de cette protection est la sauvegarde de la parole émancipée des carcans de l’autoritarisme (l’article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966 « garantit la liberté d’expression, qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre de l’information et des idées de tous genres, sans égard aux frontières »).
C’est semble-t-il le choix opéré par le droit international dans un monde de plus en plus illibéral[239][240] qui voit la recrudescence des attaques contre les libertés et droits fondamentaux, souvent de régimes politiques traditionnellement démocratiques. Cela explique aussi peut-être la diversité des interprétations judiciaires[241] nationales et internationales de la liberté d’expression et d’opinion.
A – Les normes internationales : jusqu’où ne pas aller trop loin ou la matraque du Gendarme de Saint-Tropez (même pas mal ?)
« La liberté d’expression et la liberté d’opinion sont au fondement du projet libéral depuis des siècles. Du Bill of Rights anglais de 1689 à la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies de 1948, elles ont été inscrites, puis étendues, dans les constitutions comme dans le droit international »[242], néanmoins elles ne sont pas des permis de chasse à la dignité de l’Autre.
Depuis les procès de Nuremberg, la justice pénale internationale a circonscrit la liberté d’expression et d’opinion en se plaçant dans une approche conséquentialiste[243]. Si une parole incite clairement à la perpétration du crime contre l’humanité est un crime contre l’humanité. Il s’agit ici de tenir compte des incidences directes de l’exercice de telles libertés sur la commission d’actes qui nie l’Autre. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a été conforme à cette approche conséquentialiste lorsqu’elle a condamné des journalistes et un ancien ministre rwandais de l’information d’avoir « incité au génocide » par leurs opinions.
Sur le plan national, la frontière oscille entre des propos qui menaceraient de manière imminente et probable l’ordre public[244], la menace sans équivoque et le mépris envers des groupes ethnoculturels et religieux précis, le négationnisme[245] et le revisionnisme[246], l’injure ou l’insulte dépendamment du contexte dans lequel est émise l’opinion. Les tribunaux nationaux et internationaux ne s’appesantissent pas sur la valeur véritative du propos, mais généralement sur l’objet et le potentiel de dangerosité pour la cohésion sociale de l’opinion. Ce qui signifie une interprétation non prévisible, discrétionnaire du juge (national et international[247]).
Si le principe est une recherche d’équilibre entre deux impératifs juridico-moraux, dans la pratique actuelle, veiller à ce que la parole ne soit pas muselée prend le dessus. Dès lors, que reste-t-il du droit international si ce n’est les appels à la fraternité universelle dans un monde de folie verbale guerrière ?
B – Le droit international : la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’appel du Christ dans un monde d’athéisme
La Déclaration[248] universelle des droits de l’homme de 1948 est une manifestation de l’influence du christianisme dans le droit international[249][250], que ce soit dans la formulation de ses principes d’humanité que dans leur portée universelle[251]. Comme le Christ, la Déclaration de 1948 en appelle à l’égalité entre les individus, prêche le respect mutuel, la reconnaissance de l’Autre comme alter ego. La famille humaine de cette Déclaration est semblable à celle composée des Apôtres dans laquelle chacun des membres indifféremment de ses origines et de sa singularité – du « Qui es-tu ? » était vu et traité comme tous par tous. Le contexte historique de cette Déclaration permet de comprendre ce projet de paix universelle[252] par la fraternité universelle. Au sortir de ces « actes de barbarie » qui révoltèrent la « conscience » de l’humanité que furent les horreurs de l’Holocauste, les rédacteurs de la Déclaration ne s’éloignèrent pas des principes fondamentalement chrétiens de l’Amour de son prochain.
Le problème dans notre réalité contemporaine avec cet appel christique, c’est que « Dieu est mort ». Tout tau moins, le meurtre de Dieu, par l’Occident qui est ébranlé par le discours haineux, noyé dans un matérialisme forcené, signifiait la laïcisation des consciences. Cette mise-en-scène du crime de Dieu par l’Homme moderne lui a donné dans un premier temps l’illusion d’une liberté retrouvée, mais elle était en toute vraisemblance éphémère ou illusoire. Dieu tué, le prélat défroqué et mis en dehors de la société, les valeurs de l’humanité ont rapidement été phagocytées par la poursuite d’un bonheur aux retombées sonnantes et trébuchantes – l’argent ou le dollar-roi, pour dire le dollar-dieu. En outre, dans ce merveilleux monde laïque, la centralisation du droit international sur l’individu comme unité primaire de protection juridique a favorisé cette espèce d’individualisme en contradiction avec le solidarisme collectif juridique international dont George Scelle avec son objectivisme sociologique avait érigé en norme dans la société internationale. L’individu d’abord, nature juridiquement déifiée, la collectivité après.
Dès lors, faut-il vraiment s’étonner que la famille humaine que nous vante la Déclaration universelle de 1948 soit une chimère ? Et que son discours aux accents christiques tombe dans l’oreille sourde de ces êtres humains désintéressés de tout ce qui ne se ramène pas spécifiquement à eux ? Weber[253][254] l’a démontré empiriquement l’individu est un agent rationnel qui évalue d’abord le bénéfice que peut lui apporter une action posée, dans le monde contemporain – sans identité et de toutes les identités – mearsheimerien[255] hobbesien huntingtonnien un tel bénéfice est hégémonique et assure sa survie. Faut-il aussi s’étonner de son inefficacité dans une réalité contemporaine dans laquelle cette posture christique est assimilée à la naïveté du Bisounours ?
Si dans les faits comme le montre la montée du discours haineux, l’appel à la fraternité universelle fait pschitt dans un monde d’athéisme, dans un monde où le Moi narcissique est égocentrisme démesuré et en souffrance[256], doit-on envisager l’écriture de l’oraison funèbre du droit international, de l’humanité ?
Partie III : Ouvertures
Le discours de haine ayant poussé dans le vide le droit international, les défenseurs de la dignité humaine ayant contribués à sa chute par leur tolérance à la haine négatrice de l’Autre, ne serait-il pas lucide de préparer le deuil de ce droit et de l’humanité qui survivra difficilement à sa disparition ? C’est une attitude possible, fataliste et qui a déserté le champ de bataille.
En effet, si le droit international n’a pas pu jusqu’à présent trouver le meilleur moyen d’empêcher la prolifération du discours de haine, c’est parce qu’il a favorisé de sacraliser la liberté et de faire confiance en la responsabilité à la fois individuelle et collective. Ce n’est donc pas au droit international de faire ce que nous en tant que membre de la famille humaine devons faire. L’individu-Dieu est désormais face ses responsabilités. Ainsi, quelles solutions s’offrent à lui ?
A – « Qui suis-je ? » : la nécessité du retour aux fondamentaux
Désincarné[257], hypermoderne[258], minoritaire[259], l’individu (post)moderne comme nous l’avons montré est en crise identitaire, il hurle à l’instar du personnage du célèbre tableau d’Edvard Munch – que l’on ne saurait réduire au silence[260] – sa souffrance dans le porte-voix qu’est le discours de haine. Contrairement au nazisme, à l’esclavage, la haine de l’Autre n’est pas seulement un refus de considérer ce « Je » en dehors de soi comme un Soi existant dans le champ d’expérience qu’est l’existence, ce n’est pas seulement une colère, mais bien une triple ignorance. De telle sorte qu’il paraît crucial d’y mettre fin[261].
Comment mettre à une telle ignorance qui ne se reconnaît souvent pas comme telle ? Premièrement, il serait possible de sensibiliser l’individu à la connaissance de soi[262]. Il ne s’agit pas d’un mysticisme aussi abstrait qu’irrationnel (encore que la rationalité érigée en nec plus ultra nous a-t-elle rendu plus humain ?), mais de procéder à un renversement de valeurs. Sortir de la dynamique de substitution du sens subjectivement personnel par le sens matériel comme objet de plaisir et de satisfaction. Clairement, le matérialisme a échoué à offrir un sens définitoire susceptible non seulement de construire un sentiment de soi sécurisant que d’assurer une pacification dans la socialisation[263]. Le retour au « Qui suis-je ? » est un impératif dans la résolution de la nature schizoïde du sujet (post)moderne au-delà de ces objets accumulés et ses appartenances plurielles à qui l’on transfère le pouvoir de le définir sans qu’ils n’y parviennent durablement.
Aussi, le « Qui suis-je ? » permettrait de revenir à ce questionnement permanent neutralisant toute canonisation de l’identité de soi et dont l’unique vraie réponse serait des points de suspension. « Je suis… », un projet inachevé, en construction, à venir et déjà là[264]. Un bougeant[265].
Cette ouverture sur des possibles pourrait être prise comme une instabilité identitaire qui aurait l’effet d’insécuriser davantage le sujet (post)moderne puisque toute affirmation définitive serait exclue ou en réécriture perpétuelle et qu’il est quand même nécessaire d’avoir une base identifiable – immuable, seulement cela revient à comprendre l’absence de certitude socratique du savoir ou de la connaissance telle une ignorance complète[266]. « Je ne sais rien » ne signifiant pas toujours que je n’ai aucune idée sur moi ou sur les choses, cela veut dire que je n’ai pas la prétention d’avoir une connaissance globale et indiscutable des choses, c’est le propre de l’humilité et la volonté de ne point s’emmurer dans un sarcophage. Ainsi, le sujet (post)moderne en se laissant la porte ouverte à une évolution du « Qui suis-je ? » ne dit pas « Je ne sais pas Qui ». Il en a conscience, il est un singulier composé de données subjectives qui construisent sa sensibilité (une construction perméable à une multitude d’influences extérieures). Il sait. Ou du moins, il en a l’intuition. Comme nous l’avons illustré il sait que « Je suis comme je suis ». C’est cette ce retour réflexif du sujet[267][268][269] qu’il est important de retrouver en nos temps (post)modernes.
Cela suffit-il à diminuer l’angoisse et la phobie du sujet (post)moderne ? Absolument pas. Le monde contemporain est un espace d’injustice et d’iniquité, la colère en est l’expression.
B – La mondialisation juste et équitable
La mondialisation a vendu le rêve d’un monde meilleur – malgré les malentendus[270], or il n’en est rien, ou l’on est très loin du compte. Depuis les années 1980 comme l’a démontré le rapport Piketty[271], les inégalités sociales dans le monde ont atteint des sommets d’indécence et d’inacceptable. Cette situation n’est pas un facteur non-négligeable dans la montée du discours haineux, puisque l’Autre est soit celui qui vient voler le pain (le travail) soit celui qui profitera du pain (du travail par la délocalisation des activités économiques).
La lutte contre les phobies identitaires nous semble indissociable de la lutte pour la survie sociale, pour une dignité sociale. C’est une lutte contre le sentiment d’humiliation[272] (sociale)[273] que subissent des couches prolétaires et précaires. Il est su qu’un individu qui n’a plus rien à perdre est une menace à l’Autre. Cette réalité est largement discutée dans la littérature scientifique[274][275][276][277], nous y adhérons totalement[278][279].
C – De la pédagogise aux droits humains : plaidoyer pour un enseignement juridique de l’universel et de l’humain
L’enseignement a la faculté d’ouvrir des perspectives, favoriser la sensibilisation à des enjeux à la fois communs et individuels, quand il dissèque le pourquoi du comment, quand il présente la pluralité des opinions, quand il suscite la critique, c’est empirique. Notre propos vise à souligner ou à réaffirmer cette opportunité tout à fait réaliste : une sensibilisation par le droit international à la dignité humaine comme une manière de lutter contre le discours haineux et la négation d’Autrui. L’idée n’est ni nouvelle ni particulièrement originale. A l’instar de Filloux[280] en 2006 nous croyons qu’ :
[…] il s’agira d’« instruire » les sujets de ce que sont les droits fondamentaux, les leurs et ceux des autres, cette « instruction » devra prendre place dans le cadre d’une action éducative référant, explicitement ou implicitement, à une éthique fondatrice, qui peut être parfois qualifiée de mythique. C’est aussi dans cette optique que l’hypothèse peut être faite de modes d’autonomie du sujet liés à l’idéal même de liberté présents dans l’éthique des droits de l’homme, et aux exigences propres aux droits fondamentaux qui l’expriment.
Un enseignement international, harmonisé, et obligatoire[281]. Un enseignement qui ne serait pas une espèce de moralisation ou une idéologisation aux droits de l’homme[282], mais une interrogation sur l’universalité du « Je » en tant que singulier (et donc une unicité). Et ce « Je » tel que nous l’avons discuté ne saurait être réduit à un « Que », parce qu’il essentiellement un « Qui ».
En somme, cet essai visait à analyser le rapport ambigu entre la haine et le droit international poussé dans le vide par des forces contraires. Nous avons voulu examiner le monde contemporain dans lequel s’entend le discours de haine, nous nous sommes attardés sur le sujet (post)moderne pour comprendre ce qu’il est et ce que l’on devrait comprendre dans son cri munchien de négation de l’Autre.
Un tel sujet souffre, il a besoin que l’on regarde et le voie au-delà du sentiment qu’il peut a priori susciter. Et son angoisse est un défi que les humanistes ainsi que les Bisounours doivent impérativement relever car il en va de la préservation de la famille humaine. Il n’y a pas de solution miracle, il y « Nous tous » dans lequel contrairement au « Nous » ou au « Nous autres » il y a un véritable agrégat des individualités comme une prise en compte de tous les Singuliers afin d’en arriver à un sens commun et partagé.
« Nous tous » donc, comme une responsabilité redistributive. Il est possible que nous n’y parvenions pas, il est envisageable que nous abandonnions et désertions le champ de bataille, dépassés par les évènements, dégoûtés par l’incommensurable barbarie humaine, découragés par la tâche herculéenne. Il est aussi possible que nous mettions plus d’énergie à nous étriper plutôt qu’à conjuguer nos efforts pour un monde qui fasse sens, c’est-à-dire de justice et d’équité dans lequel les alternatives ne seraient pas le choix entre la peste et le choléra.
Mais comme susmentionné, en fin de compte, tout dépend de « Nous tous », pour dire de chacun dans ce « Nous », libre et sachant qui il est véritablement. « Nous » choisirons l’atterrissage du droit international, et de l’humanité entière.
[1] Libre adaptation de l’extrait suivant : « C’est l’histoire d’une société qui tombe et qui au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…
Le problème ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » – La haine, 1995, film de Mathieu Kassovitz.
[2] « L’histoire de La Haine se déroule à l’intérieur de 24 heures. Il n’y a pas de suspense en soi, seulement une tension qui se contracte de plus en plus, spécialement au cours d’une longue sortie à Paris. La présentation, au début de plusieurs séquences, de l’heure exacte de la journée accentue le rythme et suggère l’existence d’un quelconque décompte ou d’une chute fatale. […] La Haine commence par des images télévisées en noir et blanc de l’émeute, et se poursuit en noir et blanc. Kassovitz a fait consciemment ce choix esthétique afin de « rappeler aux spectateurs qu’ils ne regardent pas un film comique ou un truc sympa […] » » – Bernard Perron. « Chute libre / La Haine ». Ciné-Bulles, 14(3), 1995, pp. 10–11, id.erudit.org/iderudit/888ac
[3] « Les gens ont peur : cette simple phrase renvoie plus de 26 millions de résultats sur le moteur de recherche Google. Les peurs constituent un leitmotiv des discours médiatiques et politiques, que ce soit pour en condamner l’irrationalité ou pour les légitimer […] La peur est tout à la fois motif de condamnation et de célébration […] Comme le notent Christophe Mincke et Renaud Maes, les discours politiques et médiatiques sur la « peur » s’organisent autour de quelques figures mythiques : l’homosexuel, le délinquant, l’étranger, le musulman, qui permettent d’instituer un traitement politique des peurs, mais, en même temps, contribuent à leur donner un sens, à les rendre socialement acceptables. En psychiatrie, la phobie est une peur qui se fait souffrance psychique : les mécanismes d’institution politique de la peur au travers de la désignation des boucs émissaires permettent de leur imputer la responsabilité d’une souffrance causée par l’angoisse dans laquelle ils nous plongent sans prendre le temps d’une autoanalyse. Mais au nom de la sauvegarde de « notre société » face à ces ennemis mythiques, nous sacrifions à la recherche d’un sentiment de sécurité les libertés dont nous jouissons aujourd’hui. » – Renaud Maes et Christophe Mincke, « Une société au bord de la phobie », La Revue nouvelle, no 3, mars 2014, http://www.revuenouvelle.be/Une-societe-au-bord-de-la-phobie
[4] Delouvée, Sylvain, Patrick Rateau, et Michel-Louis Rouquette. Les peurs collectives. ERES, 2013, 216 pages.
[5] Claude Tapia, « Discriminations et dynamique identitaire », Le Journal des psychologues, 2012/6 (n° 299), p. 54-59.
[6] Amnesty international, « Rapport 2017/2018 sur la situation des droits humains dans le monde », https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/rapport-amnesty/annee/2017-2018/le-monde-secoue-par-les-discours-de-haine/french-annual-report-amnesty-international-embargoed-22-feb-2018.pdf
[7] « La xénophobie états-unienne est de retour. Tournée cette fois-ci contre les Mexicains et les musulmans, et portée par l’État. Or ce n’est pas nouveau, bien que souvent oublié : les États-Unis n’ont pas toujours été un pays d’immigration tranquille. […] À l’indépendance des États-Unis, les origines anglo-néerlando-françaises du nouvel État sont déjà tellement consolidées que l’idée d’une nation « multiculturelle », ou même d’un creuset où pourraient se fondre les différences n’est pas à l’ordre du jour. Et les esclaves africains, comme on le sait, ne comptent pas ou à peine : absents de la représentation identitaire du pays, ils ne sont littéralement comptés dans les recensements qu’au ³/5 de leur nombre, depuis la Constitution de 1789 jusqu’après la guerre de Sécession, en 1868. Il suffit de lire Tocqueville, De la démocratie en Amérique (1835-1840) pour voir combien la notion d’un pays d’immigration est absente. Il ne consacre qu’une petite note de bas de page à cette question. […] Dans son livre de 1955, Strangers in the Land, Higham a bien analysé en 1955 les différentes formes historiques de la xénophobie américaine : religieuse, politique, raciale. Presque chaque vague d’immigration est contestée à son tour, et Higham ne traite que la période avant 1925. La peur de l’autre ne date pas d’aujourd’hui. » – Green, Nancy L. « La xénophobie en Amérique, une longue histoire de la peur », Esprit, vol. mai, no. 5, 2017, pp. 54-61.
[8] Laruelle, Marlène. « La xénophobie et son instrumentalisation politique en Russie. L’exemple des skinheads », Revue internationale et stratégique, vol. 68, no. 4, 2007, pp. 111-119.
[9] « Sur fond de crise économique planétaire et de nationalismes semés à tous vents, le discours xénophobe resurgit sous des atours parfaitement corrects. Les actes suivent. Il règne comme un arrière-goût d’années trente. Une crainte exagérée ? Peut-être pas. L’anthropologie psychanalytique donne à penser que, si elle peut feindre de s’assoupir, la « bête », en fait, n’est jamais en repos. […] les pires exactions peuvent se commettre au moindre prétexte, notamment « patriotique » […] » – Martens, Francis. « Xénophobie, corps étranger. L’effet Remus », Le Coq-héron, vol. 205, no. 2, 2011, pp. 53-76.
[10] Hajjat, Abdellali, et Marwan Mohammed. « L’islamophobie comme épreuve sociale », Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », sous la direction de Hajjat Abdellali, Mohammed Marwan. La Découverte, 2016, pp. 25-38.
[11] « […] comme on essaie de nous le faire croire, en employant à tort et à travers le mot « phobie », quitte à faire passer notre pays pour une immense cage aux phobes. Non, le fioul de l’identitaire n’est pas la peur de l’autre, c’est la haine de l’autre. […] Opter pour la panique identitaire, c’est jeter par-dessus bord le libre arbitre, la liberté de conscience et le libre examen critique, c’est choisir de vivre sans rien qui vive en nous.» – Alexis Lacroix, « L’ère des tyrannies identitaires », Marianne, 2 novembre 2011, https://www.marianne.net/debattons/idees/lere-des-tyrannies-identitaires
[12] Bach, Julien. « « L’immigration menace l’identité nationale ». L’immigration en France : vérités et mensonges », La Pensée confisquée. Quinze idées reçues qui bloquent le débat public. La Découverte, 1997, pp. 87-103.
[13] « […] Autres minorités aujourd’hui respectables – et décidées à le faire savoir – les minorités religieuses posent un autre problème aux Québécois. […] » – Bertho-Lavenir, Catherine. « Le Québec : une identité en péril », Médium, vol. 14, no. 1, 2008, pp. 42-63.
[14] « […] Cela signifie-t-il que l’identité nationale est menacée par l’immigration, ou qu’elle s’ethnicise en étant rattachée à l’immigration et à l’intégration ? » – Wihtol de Wenden, Catherine. « Vous avez dit “identité nationale” ? », Après-demain, vol. n ° 4, nf, no. 4, 2007, pp. 3-5.
[15] Patrick Wachsmann, « Faut-il incriminer les discours de haine ? Le cas français ». Intervention à la 9ème conférence-débat du Centre de droit public comparé, Université Panthéon-Assas Paris II, 9 avril 2015, Revue générale du droit, http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2015/04/21/faut-il-incriminer-les-discours-de-haine-le-cas-francais/
[16] Kunicka-Michalska, Barbara. « Les dispositions de la législation polonaise concernant la lutte contre le racisme », Revue internationale de droit pénal, vol. 73, no. 1, 2002, pp. 237-254.
[17] Nicolas Politis, « La théorie de la nationalité ethnique et le problème des minorités », Revue critique de droit international (rcdi), 29 (1934), p. 3-15.
[18] Hunyadi, Mark. « Le paralogisme identitaire : identité et droit dans la pensée communautarienne », Revue de métaphysique et de morale, vol. 33, no. 1, 2002, pp. 43-59.
[19] « Le monde occidental présente à l’heure actuelle tous les symptômes d’une crise identitaire profonde dont il ne semble pas conscient. Ses symptômes se manifestent notamment par la tension entre la surdimension de sa posture (ou son discours) de civilisation universelle et la centralité de sa crispation identitaire, son rapport au monde réduit à la marchandisation, à la sécurisation et à l’humanitarisation, son malaise et mal-être face à la diversité culturelle, ethnique et religieuse. » – Diène, Doudou. « Crise identitaire du monde occidental », Revue internationale et stratégique, vol. 75, no. 3, 2009, pp. 93-100.
[20] « Autochtone, indigène, métis, afro-descendant, blanc, interculturel… Voici quelques-unes des catégories qui ont été mobilisées lors de la polémique déclenchée au sein de l’opinion publique bolivienne par le recensement national de novembre 2012. » – Lorenza Belinda, Fontana. « À l’ombre de la reconnaissance : politiques identitaires et conflit social en Bolivie », Critique internationale, vol. 64, no. 3, 2014, pp. 101-120.
[21] François Thual, « Du national à l’identitaire. Une nouvelle famille de conflits », Le Débat 1996/1 (n° 88), p. 162-171.
[22] Geisser, Vincent. « Voile identitaire versus francité intégrale. Le choc de deux narcissismes communautaires », Migrations Société, vol. 127, no. 1, 2010, pp. 3-8.
[23] « Le monde subit les conséquences effroyables de discours de haine qui menacent de normaliser la discrimination exercée contre des groupes marginalisés, souligne Amnesty International à l’occasion du lancement de son Rapport 2017/18 sur la situation des droits humains dans le monde. » – Amnesty international, « Le monde est secoué par les discours de haine », 22 février 2018, https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/rapport-amnesty/annee/2017-2018/le-monde-secoue-par-les-discours-de-haine
[24] « En 2017, notre monde a connu de terribles crises, et des dirigeants de premier plan nous ont présenté la vision cauchemardesque d’une société aveuglée par la haine et la peur. Cela a encouragé les tenants du sectarisme, mais aussi incité des personnes plus nombreuses encore à mener campagne pour un avenir meilleur. » – Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, « Les mouvements de haine soutenus par les États stimulent un nouvel élan de militantisme social », Amnesty international, 22 février 2018, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/02/state-of-the-worlds-human-rights-1718/
[25] « Ces visions d’un droit international qui ne s’appliquerait que de manière sélective ne sont pas simplement une extraordinaire régression de la pensée et de la morale. Elles discréditent tout le discours sur les droits humains dont l’Occident prétend se faire le champion et renforce ceux-là même que nous prétendons combattre… » – Alain Gresh, « La fin du droit international ? », Le Monde diplomatique, 16 août 2006, https://blog.mondediplo.net/2006-08-16-La-fin-du-droit-international
[26] « « C’est la fin du droit international. » Dans un entretien accordé à franceinfo, mardi 13 décembre, l’essayiste Raphaël Glucksmann s’est indigné de la situation humanitaire à Alep. » – Yann Thompson, « Syrie : le droit international est-il vraiment mort à Alep ? », France Télévision, 16 décembre 2016, https://www.francetvinfo.fr/monde/revolte-en-syrie/syrie-le-droit-international-est-il-vraiment-mort-a-alep_1970431.html
[27] Selon le sens commun, encyclopédique, la haine est un « sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à quelqu’un et à se réjouir du mal qui lui arrive », un « sentiment de profonde antipathie, d’aversion, à l’égard de quelqu’un, conduisant parfois à souhaiter l’abaissement ou la mort de celui-ci ». Dans le cadre de cette réflexion, la haine est prise comme l’expression ou la manifestation d’une négation de l’Autre (de sa dignité, de son unicité). Il s’agit pour nous de considérer la haine au-delà de l’inimitié et de la répulsion (de l’émotion) comme l’intention (qui suppose selon nous l’existence d’une structure rationnelle dans celui qui hait, génératrice de sens pour celui qui hait) de lui retirer toute appartenance à la famille humaine, par conséquent de légitimer (et de justifier) l’acte de négation de l’Autre. Dès lors, la haine est un acte prémédité, souhaité, conscient, volontaire. Elle est donc en soi un signifiant. Et c’est ce dernier qui concentrera notre attention dans l’examen du discours de haine.
[28] « […] rappelons que Freud a écrit, dans Pulsions et destin des pulsions : « Le moi hait, exècre, persécute, avec des intentions destructrices, tous les objets qui deviennent source de sensations de déplaisir, qu’ils signifient pour lui indifféremment un refusement de satisfaction sexuelle ou un refusement de la satisfaction des besoins de conservation. On peut même affirmer que les prototypes véritables de la relation de haine ne sont pas issus de la vie sexuelle, mais de la lutte du moi pour sa conservation et son affirmation. » – Porte, Jean-Michel. « Haine, dépression et somatisation », Revue française de psychanalyse, vol. 68, no. 4, 2004, pp. 1253-1266.
[29] Le droit international public, plus précisément le droit international des droits de l’homme (ou humains, de la personne), définit ici comme l’ensemble des textes juridiques internationaux de promotion et de protection desdits droits. Ainsi, ce sont les textes qui créent un « standard relatif aux droits de l’homme », un cadre normatif international, bien plus que le système juridique international qui sera l’objet de notre examen. En outre, il ne s’agit pas ici de discuter des obligations des États, mais de comprendre ce que disent ces textes juridiques (quelles interprétations les tribunaux internationaux et la doctrine en ont fait par rapport à la problématique traitée). Nous entendons par « droits de l’homme » : les « droits inaliénables de tous les êtres humains, sans distinction aucune, notamment de race, de sexe, de nationalité, d’origine ethnique, de langue, de religion ou de toute autre situation. Les droits de l’homme incluent le droit à la vie et à la liberté. Ils impliquent que nul ne sera tenu en esclavage, que nul ne sera soumis à la torture. Chacun a le droit à la liberté d’opinion et d’expression, au travail, à l’éducation, etc. Nous avons tous le droit d’exercer nos droits de l’homme sur un pied d’égalité et sans discrimination. » – ONU, « Droits de l’homme », http://www.un.org/fr/sections/issues-depth/human-rights/index.html
[30] « Sous prétexte de « parler vrai » ou de s’affranchir du « politiquement correct », certains n’hésitent plus à laisser libre cours à une forme d’agressivité haineuse vis-à-vis de ceux qui vivent, aiment, pensent ou prient d’une manière différente d’eux. La haine surgit à l’expression du moindre différend sur les plateaux télé ou sur les réseaux sociaux, elle s’affiche sur les murs de la ville. » – Sarthou-Lajus, Nathalie. « La haine que l’on tolère », Études, vol. décembre, no. 12, 2017, pp. 4-6.
[31] Le droit international est pris à partie par deux forces antagonistes principales : celle qui en exige une action plus volontariste contre le discours de haine revenant à une restriction des libertés d’expression et d’opinion (qu’il a élevé dans ses textes juridiques au rang de sacré) et celle qui le considère comme un fascisme et un totalitarisme empêchant la manifestation de la divergence ou de la dissidence (paradoxalement cette force-là se réfugie derrière la sacralité de telles libertés pour nier l’Autre). Dans les deux cas, le droit international est poussé dans une espèce de néant extinctif, car s’il soutient la première cela reviendrait à se renier ou à renier sa foi en ces libertés (une apostasie) et s’il protège ces libertés coûte que vaille cela équivaudrait, in fine, à permettre à ses abuseurs de les rendre inopérantes (de se voir dépouiller de sa substance et de sa raison d’être, pratiquement de signer son arrêt de mort).
[32] « Face à ce que les organes internationaux ont appelé «Hate speech», ou discours de haine en français, se pose alors un défi de taille: distinguer la sacro-sainte liberté d’expression du discours haineux qui rabaisse la dignité humaine et se fait le terrain propice de toutes les violences. Un défi que les États […] doivent relever sur le front juridique, mais pas seulement. » – Human Rights Suisse, « Freiner les discours de haine: quelles limites à la liberté d’expression? », https://www.humanrights.ch/fr/droits-humains-suisse/interieure/protection/expression/discours-haine-liberte-expression
[33] Dans le cadre de cette réflexion, nous définissons une telle liberté (fondamentale) comme celle de dire son opinion, en ayant conscience que s’exprimer puisse relever à la fois d’un acte positif (émettre une opinion) ou négatif (s’abstenir d’en émettre), et qu’elle use de plusieurs modes (le verbe oral ou écrit, le geste ou la manifestation politique, la création artistique, etc.). C’est l’analyse de l’acte positif (dans l’espace public), son signifiant, qui fait l’objet de notre attention. Ainsi, sans se restreindre à un mode d’expression particulier, c’est le discours public et politique de façon large qui sera examiné.
[34] « En garantissant la clarté du débat démocratique, la liberté de l’expression sous toutes ses formes contribue au respect du principe de prééminence du droit. […] Il ressort de sa formulation dans les différents textes que sont les conventions internationales ou les constitutions nationales, que la liberté d’expression se confond parfois avec d’autres libertés qui peuvent, dans les diverses pratiques, devenir des synonymes de la notion. Ces formulations déteignent sur sa nature qu’il devient bien difficile de définir, alors même qu’il s’agit de la pierre angulaire de la notion de société démocratique. La présentation de la liberté d’expression dans les constitutions nationales varie profondément. […] Il ne s’agit pas seulement de la liberté de chacun d’exprimer sa pensée, ses idées, ses croyances, mais aussi du droit de la presse d’informer et de distribuer de telles pensées sans restriction de la part des autorités. […] Cette liberté est qualifiée parfois, en doctrine, de « droit hors du commun ». Elle est en effet à la fois un droit en soi et un droit indispensable, mais aussi parfois préjudiciable en cas d’abus, à la réalisation d’autres droits. […] La liberté d’expression est une manifestation de la liberté de la pensée. Cette dernière est une liberté aux multiples facettes en ce qu’elle engendre d’autres libertés qui en dérivent ou qui sont connexes. Ainsi les libertés de la pensée recouvrent aussi bien les libertés qui permettent la formation de l’opinion que celles qui conduisent à son expression. La liberté d’expression recouvre aussi bien des libertés substantielles que des libertés garanties, c’est-à-dire des libertés qui permettent l’exercice d’autres libertés ou droits. Le contenu de l’expression peut être très divers. » – Verpeaux, Michel. « La liberté d’expression dans les jurisprudences constitutionnelles », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, vol. 36, no. 3, 2012, pp. 135-155.
[35] « De l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de résoudre par le dialogue et sans recours à la violence les problèmes qu’éprouve un pays, et cela, même quand ils dérangent. La démocratie se nourrit en effet de la liberté d’expression. […] L’arrêt Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, du 2 mars 1987, puis l’arrêt Bowman c. Royaume-Uni, du 19 février 1998, placent la liberté d’expression politique au sommet des valeurs de la Convention européenne des droits de l’homme. La jurisprudence de la CEDH précise que l’article 10 (2) de cette convention ne laisse guère de place à des restrictions au discours politique ou au débat sur les questions d’intérêt général. » – Bioy, Xavier. « La protection renforcée de la liberté d’expression politique dans le contexte de la Convention européenne des droits de l’homme ». Les Cahiers de droit, 53(4), 2012, 739–760.
[36] Une liberté fondamentale reconnue et protéger tant en droit international qu’en droit interne qui se comprend comme le droit pour chaque individu (sujet de droit) de penser, de se faire une opinion, d’adopter une position (politique) qui puisse être soit conforme à l’opinion majoritaire soit en dissidence ou bien encore constituant une simple abstention. Aussi, l’individu a le droit de changer d’opinion sans être contraint à la justification ou sans craindre d’en être sanctionné (discrimination, oppression politique, atteinte à son intégrité physique, etc.). De la sorte, les libertés d’expression et d’opinion sont au-delà de l’affirmation et la protection de la pluralité et des différences des obligations juridiques internationales à la tolérance. – Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « […] les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère […] « ; article 18 de ladite Déclaration : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé […] » ; voir aussi l’article 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques (1966).
[37] Arnaud Mercier, « La haine décomplexée à la télévision de service public », The Conversation, 16 septembre 2016, https://theconversation.com/la-haine-decomplexee-a-la-television-de-service-public-65494
[38] « […] Dans les démocraties actuelles, de plus en plus de citoyens libres se sentent englués, poissés par une sorte de visqueuse doctrine qui, insensiblement, enveloppe tout raisonnement rebelle, l’inhibe, le trouble, le paralyse et finit par l’étouffer. Cette doctrine, c’est la pensée unique, la seule autorisée par une invisible et omniprésente police de l’opinion. » – Ignacio Ramonet, « La pensée unique », Le Monde diplomatique, janvier 1995, https://www.monde-diplomatique.fr/1995/01/RAMONET/6069
[39] « En fait, il semble bien que la première occurrence de la pensée unique se trouve sous la plume de Jean-François Kahn dans un éditorial publié en 1990 par L’Événement du jeudi, puis dans des chroniques sur Europe 1. Dans son esprit, l’expression désignait une forme de conformisme et de terrorisme intellectuel bloquant l’expression de toute diversité dans la pensée. » – Cohen, Philippe. « Pensée unique, fracture sociale, populisme. Comment la politique vampirise les idées nouvelles », Le Débat, vol. 178, no. 1, 2014, pp. 41-51.
[40] M. Maffesoli, H. Strohl, Les nouveaux bien-pensants, Éditions du Moment, Paris, 2014, 213 pages.
[41] Herzog, Philippe. « Les élites et la « pensée unique » », Reconstruire un pouvoir politique. Dialogue pour gouverner en partenaires. La Découverte, 1997, pp. 123-131.
[42] « De la pensée unique, on peut toujours dire qu’elle n’est pas vraiment unique. Mais de la pensée soviétique, on pouvait dire aussi qu’elle n’était pas vraiment unique. Si toutefois je dis unique, bien qu’on puisse contester ce mot, c’est pour bien souligner la différence entre la pensée unique et la pensée dominante. Ce qu’on appelait naguère « idéologie dominante » supposait l’existence d’une contre-idéologie. Et elle existait en effet. La pensée marxiste ou marxienne n’était pas unique, confrontée qu’elle était, entre autres, l’aronisme. Or, aujourd’hui, la tendance est la disparition d’une contre-pensée qui compte. Il y a une pensée marginale, mais le fait même qu’elle soit marginale prouve justement qu’elle ne compte plus. Elle compte peut-être moins, au fond, que la pensée dissidente russe sous Brejnev. D’autre part, quand je parle de la pensée unique, je ne décris pas une pensée particulière. Je décris un processus qui fait que, sur presque tous les sujets, un par un, se constitue une façon correcte de réagir, de penser et de dire. » – Anatomie de la « Pensée unique ». Entretien avec Jean-François Kahn, Le Débat, 1996/1 (n° 88), p. 74-90.
[43] « On ne peut plus rien dire, rien faire, rien penser, rien promouvoir qui sort un tant soit peu de l’ordinaire pour qu’une police de la pensée unique apparaisse et tente de te faire condamner sur la place publique. » – Sylvain Lévesque, « La rectitude politique… pu capable », Le Journal de Montréal, 2 novembre 2017, http://www.journaldequebec.com/2017/11/02/la-rectitude-politique-pu-capable
[44] « […] la formule « politiquement correct » s’emploie pour rejeter, sur le ton du sarcasme, l’idéologie progressiste dominante qui entend défendre certains groupes opprimés ou vulnérables contre l’opprobre […] [C’est] la condamnation de la tolérance progressiste […] Parler de « politiquement correct » c’est suggérer le conformisme obligatoire des régimes totalitaires, alors qu’un vrai totalitarisme ne tolèrerait certainement pas ce genre de critique sarcastique » – Mansfield, Harvey C. « Politiquement correct », Commentaire, vol. numéro 83, no. 3, 1998, pp. 617-628.
[45] « On ne trouve pas de mouvement, de discours, ni même de théories politiques qui ne soient d’une manière ou d’une autre populistes, c’est-à-dire qui ne construisent pas l’identité collective et simplifiée d’un « vrai peuple » censé représenter la totalité d’une société face à un pouvoir institué. » – Zaoui, Pierre. « réévaluer le populisme », Vacarme, vol. 45, no. 4, 2008, pp. 84-86.
[46] « Pourquoi ce rappel ? Parce que je pense que le vote en faveur des partis d’extrême droite dans nombre de pays européens a pour cause principale le rejet de l’immigration musulmane, vue par certains citoyens comme une menace sur l’identité nationale et les valeurs de la Nation. » – Giblin, Béatrice. « Extrême droite en Europe : une analyse géopolitique », Hérodote, vol. 144, no. 1, 2012, pp. 3-17.
[47] « Or, dans certains quartiers fortement ségrégués tels que les Zones urbaines sensibles en France où se trouve concentrée une population « noire et arabe », même si celle-ci est toujours minoritaire et souvent de nationalité française, celle-ci est toujours vue comme étrangère par la population « blanche », française, et que celle-ci soit d’origine immigrée ou non. » – Giblin, préc. note 30.
[48] « […] la thèse de Renaud Camus d’un « grand remplacement » des peuples européens par une population immigrée, musulmane bien sûr. » – Schlegel, Jean-Louis. « La droite en mal d’hégémonie culturelle », Esprit, vol. décembre, no. 12, 2017, pp. 25-30. Voir aussi Schlegel, Jean-Louis. « Les limites de Limite », Esprit, vol. janvier-février, no. 1, 2018, pp. 207-212.
[49] Raymond Aron, « Le déclin de l’occident », Le Débat 1984/1 (no 28), p. 4-17.
[50] « La tradition philosophique moderne l’a d’ailleurs traduite dans l’idée de contrat social, souvent si mal comprise et si diversement interprétée par les philosophes eux-mêmes, et qui implique qu’une société humaine appelle l’assentiment de ses membres, qu’elle n’est pas une donnée de nature qui s’imposerait comme une loi incontournable, qu’elle n’est pas non plus un fait à avaliser sans plus. » – Valadier s.j., Paul. « Nations et coexistence des peuples », Études, vol. tome 417, no. 9, 2012, pp. 175-186.
[51] « Pour utiliser une expression de Jean-Luc Nancy, l’être est singulier pluriel, ou bien l’être est là selon la singularité et la pluralité de ceux qui sont là. […] Inversement, l’être-avec-l’autre quotidien est « bon » lorsque la chose commune n’asservit pas ceux qui s’en soucient, ni ne les oblige à rivaliser entre eux auprès d’elle, mais leur permet de rester des individus face à elle. » – Lindberg, Susanna. « Être avec un autre ou Heidegger et le problème de la reconnaissance », Philosophie, vol. 93, no. 2, 2007, pp. 76-93.
[52] « À ces considérations structurelles, l’« avec » oppose une hétérogénéité, une extériorité et une approximation. […] la proximité entraîne plus que le minimum de distance : elle enveloppe un certain partage. « Avec » ne se contente pas de la juxtaposition et ouvre une coexistence qui engage un partage d’enjeu, de condition, de situation et de sort ou de destin. […] Le sens d’« être » en effet ne peut pas être limité au sens de l’exister humain. Être appartient à tout ce qui est – ou plutôt, être n’est pas une qualité ou propriété de ce qui est (Kant le disait déjà) mais rien d’autre que le fait d’être d’un étant quel qu’il soit. […] Ce fait est antérieur à toute espèce de qualité ou de détermination. Il est, pour le dire avec Kant, la simple position de cet étant dans le réel (étant entendu que le réel n’est pas un milieu dans lequel on viendrait poser quelque chose mais l’effectivité du « poser » lui-même). Or ce que nous avons dit jusqu’ici montre que « poser » ne peut consister, en tout état de cause, qu’à « poser avec ». » – Nancy, Jean-Luc. « Être-avec et démocratie », Po&sie, vol. 135, no. 1, 2011, pp. 38-45.
[53] « Concept piège guetté par son infinie élasticité empirique ainsi que par sa forte normativité, le populisme semble aujourd’hui largement délégitimé dans les sciences sociales, la philosophie et les études littéraires. Dans ses usages de sens commun, il désigne une manière d’en appeler au peuple, en flattant ses « bas instincts » et en gagnant ses faveurs à travers l’illusion, la séduction, la démagogie. Cette définition du populisme, qui plonge ses racines dans la définition du « sophiste-démagogue » de Platon et Aristote, a d’ailleurs conduit de nombreux chercheurs à lui récuser tout droit de cité dans l’univers savant » – Tarragoni, Federico. « Le peuple et son oracle. Une analyse du populisme savant à partir de Michelet », Romantisme, vol. 170, no. 4, 2015, pp. 113-126.
[54] « Le populisme est de nouveau à l’ordre du jour et peut-être n’a-t-il jamais été aussi présent depuis ses manifestations traditionnelles (populisme américain de la fin du XIXe siècle, narodnikis en Russie prérévolutionnaire, péronisme en Argentine, etc.) . Les « symptômes » sont nombreux. À titre indicatif, il convient de mentionner : 1) une série de gouvernements latino-américains qui s’opposent avec plus ou moins de succès au « consensus de Washington »; 2) les deux faces de la scène politique états-unienne, dans la mesure où aussi bien la politique menée par le président Obama que des mobilisations du mouvement conservateur Tea Party ont été qualifiées de « populistes »; 3) un discours populiste d’extrême droite qui s’est développé et continue de se propager dans plusieurs pays européens comme la France, l’Autriche, les Pays-Bas, etc. Bien que distincts et hétérogènes, ces phénomènes ont été décrits comme populistes et ont déjà relancé et alimenté le débat tout au long de la décennie précédente. » – Yannis Stavrakakis, Panos Angelopoulos « Peuple, populisme et anti-populisme : le discours politique grec à l’ombre de la crise européenne », Actuel Marx, 2013/2 (no 54), p. 107-123.
[55] « Notre époque est marquée autant par le retour des intégrismes, des nationalismes et des ethnismes que par une internationalisation et une mondialisation du quotidien. De manière paradoxale, la diversité culturelle est à la fois banalisée et dramatisée. Dans les deux cas, c’est essentiellement la culture de l’Autre qui fait l’objet soit d’un rejet, soit d’une acceptation, au détriment d’une meilleure reconnaissance de l’Autre en tant qu’Autre, en tant que sujet singulier et universel. » – Abdallah-Pretceille, Martine. « Pour un humanisme du divers », VST – Vie sociale et traitements, vol. no 87, no. 3, 2005, pp. 34-41.
[56] « « Grec. ethnos « peuple, nation » – Ensemble d’individus que rapprochent un certain nombre de caractères de civilisation, notamment la communauté de langue et de culture (alors que la race dépend de caractères anatomiques). L’ethnie française englobe notamment la Belgique wallone, la Suisse romande, le Canada français. » Depuis que le mot race a disparu du lexique du pouvoir, un flou habile est entretenu autour de celui d’ethnie, ambigu et tellement plus politiquement correct. » – Filleau, Marie-Georges. « L’ethnisme est-il moins déshonorant que le racisme ? », Vacarme, vol. 16, no. 3, 2001, pp. 23-28.
[57] « Au moment où l’identitarisme s’impose comme un néologisme à la mode, il est urgent de se rappeler que la quête de l’identité est d’abord un comportement social des plus élémentaires. Elle évoque des stratégies individuelles et collectives qui s’inscrivent en faux face aux rhétoriques renaissantes de « l’identité naturelle ». » – Badie, Bertrand. « La société plurielle entre mythes et réalités. Un essai d’identification politique de situations pluralistes », À la recherche de la démocratie. Mélanges offerts à Guy Hermet. Editions Karthala, 2009, pp. 59-70.
[58] « […] l’auteur, convoquant à la fois la linguistique, la philosophie et la psychanalyse, examine l’emploi qui est fait aujourd’hui du concept d’identité dans l’usage social courant, en particulier dans les médias, pour y relever une série de glissements dommageables susceptibles de conduire aux pires dérives identitaristes (idéologie revendiquant pour les peuples et communautés une identité supposée essentielle et immuable), avec ses corrélats bien connus que sont le chauvinisme, le racisme, le communautarisme, la xénophobie qui nourrissent la plupart des conflits dans le monde. » – Derive, Jean. « Jean Bernabé, La Dérive identitariste. Paris, L’Harmattan, 2016, 201 p., bibl. », L’Homme, vol. 222, no. 2, 2017, pp. 159-162.
[59] « […] notre conscience de l’humanité comme un tout est loin de conduire à des actions cohérentes avec une telle conscience. Il y a grande distance entre le discours et les actes, entre les proclamations généreuses et les engagements effectifs, entre les principes juridiques et leur mise en œuvre. » – Valadier, préc. note 41.
[60] Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, ONU, http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
[61] « En 2016, l’utilisation cynique de discours rejetant la faute sur les autres et distillant la peur et la haine a atteint des niveaux inégalés depuis le début des années 30. […] En 2016, les formes les plus pernicieuses de déshumanisation sont devenues une force dominante sur cette planète. Les limites de l’acceptable sont franchies. Des responsables politiques légitiment activement et sans honte toutes sortes de politiques et de discours fondés sur l’identité, tels que la misogynie, le racisme et l’homophobie. » – Olivier Bot, « Amnesty voit déferler «la haine de l’autre », 24 heures, 22 février 2017, https://www.24heures.ch/monde/amnesty-voit-deferler-haine/story/17992881?track
[62] « La haine se banalise.» [en anglais : « Hate is being mainstreamed »], Allocution de Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut Commissaire aux droits de l’homme à l’ouverture de la 32e session du Comité des droits de l’homme, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=20086&LangID=E
[63] Le Gendarme de Saint-Tropez, film comique de Jean Girault, 1964.
[64] Paroles de « La Marseille », hymne national français, http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/dossier-historique-la-marseillaise/les-paroles-de-la-marseillaise
[65] Pauline Froissart, « Amnesty accuse Donald Trump de propager des discours haineux », La Presse, 21 février 2017, http://www.lapresse.ca/international/201702/21/01-5071898-amnesty-accuse-donald-trump-de-propager-des-discours-haineux.php
[66] « Donald Trump […] Bien que fils d’un homme riche, il a la scandaleuse grossièreté d’un homme vulgaire. Il plaît aux hommes et aux femmes qui aiment les hommes virils. C’est son public et ils ne sont pas dégoûtés par son irrespect des convenances. Loin de là : ils apprécient son absence de bon goût, de bonnes manières, de courtoisie, de sens du protocole et de tact. Ils interprètent son audace, qui le pousse à transgresser les limites de la décence, comme le fait de « dire les choses comme elles sont » – comme si l’honnêteté se trouvait essentiellement du côté de l’indécence et que proférer des mensonges était du franc-parler. » – Mansfield, Harvey. « La virilité vulgaire de Donald Trump », Commentaire, vol. numéro 161, no. 1, 2018, pp. 191-196.
[67] « L’auto-représentation des Etats-Unis comme la plus grande (et la meilleure) démocratie du monde a aussi occulté le fait qu’ils pouvaient être le symbole du capitalisme agressif ou de l’hyper puissance militaire et a joué sur l’incompréhension profonde et permanente dans la population que les Etats-Unis puissent avoir une part de responsabilité dans les origines profondes de la haine qu’ils ont suscitée. » – Didier Bigo, « La voie militaire de la « guerre au terrorisme » et ses enjeux », Cultures & Conflits, 44 | hiver 2001, http://journals.openedition.org/conflits/730
[68] Agence France Presse, « Immigration-asile: le PS dénonce «l’alignement» historique de LREM avec le FN et l’aile droite de LR », Libération, 20 avril 2018, http://www.liberation.fr/france/2018/04/20/immigration-asile-le-ps-denonce-l-alignement-historique-de-lrem-avec-le-fn-et-l-aile-droite-de-lr_1644744
[69] « Bien sûr, il existe encore, à l’autre extrême de l’éventail des opinions, des réflexes cocardiers ou chauvins, et aussi un courant de pensée attaché à la célébration du rôle universel de la France (mais qu’est-ce-à dire ?), qui la voit comme un pays qui défend des valeurs plus que des intérêts (les Américains croient la même chose d’eux-mêmes), comme la patrie des droits de l’homme (mais alors, quid de l’Angleterre de l’habeas corpus et des Etats-Unis de l’indépendance américaine ?). » – Védrine, Hubert. « La juste place de la France dans le monde », Études, vol. tome 408, no. 1, 2008, pp. 9-18.
[70] « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part. » La phrase de Michel Rocard pèse de tout son poids sur le débat actuel. » – Potte-Bonneville, Mathieu. « Les réfugiés économiques : anatomie d’une chimère », Vacarme, vol. 1, no. 1, 1997, pp. 22-24.
[71] « Malgré les restructurations industrielles et les délocalisations d’entreprises, la France n’a toujours pas trouvé une solution aux “sales boulots” mal payés. Si j’ai à retenir une idée de la France après presque 40 ans d’immigration, c’est l’atteinte à la dignité d’une partie de la population, celle issue des anciennes colonies. Jacques Chirac l’exprima ouvertement au cours d’un dîner-débat à Orléans le 19 juin 1991 : « Il y a une overdose […]. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais qui travaillent chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs ». […] Ces propos avaient été précédés par ceux de François Mitterrand lorsqu’il affirmait le 10 décembre 1989 lors d’une intervention radio-télévisée que « le seuil de tolérance [avait] été atteint dans les années 1970 ». Michel Rocard, quant à lui, dans un article paru dans Le Monde du 24 août 1996 (Point de vue), nous résumait à une « misère du monde occultant que nous sommes aussi des travailleurs produisant des richesses et comblant les lacunes du marché du travail. » – El Baz, Ali. « Regard d’un immigré », Migrations Société, vol. 117-118, no. 3, 2008, pp. 105-108.
[72] « Le 4 juin 2010, le ministre de l’intérieur français était condamné par le tribunal de grande instance de Paris, pour « contravention d’injure non publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ». Il avait affirmé lors d’une réunion politique à propos d’une personne supposée d’origine arabe : « Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». Deux semaines plus tard, le 19 juin 2010, jour anniversaire de l’annonce de l’abolition de l’esclavage au Texas, une douzaine de suprématistes blancs américains, membres du groupe néo-nazi Aryan Nations, se réunissaient à Gettysburg pour dénoncer la mise en danger de l’Amérique blanche par les « bêtes noires » et les « médias Juifs », et proposer de « donner une leçon aux singes (…) à l’aide de cordes ». – Charles Girard, « Le droit et la haine. Liberté d’expression et « discours de haine » en démocratie », 22 avril 2014, Raison publique, http://www.raison-publique.fr/article694.html
[73] « En utilisant l’expression « Français de papier », Nadine Morano réactive un imaginaire d’extrême droite, décrypte l’historien Gilles Richard. » – Charlotte Cieslinski, « Rokhaya Diallo traitée de « Française de papier » : Nadine Morano dans les pas de Charles Maurras », 27 février 2018, NouvelObs, https://www.nouvelobs.com/politique/20180227.OBS2804/rokhaya-diallo-traitee-de-francaise-de-papier-nadine-morano-dans-les-pas-de-charles-maurras.html
[74] La raison d’être du « Bien » en tant que ce qui est conforme à une norme d’acceptabilité morale et socio-philosophique communément reconnue (intériorisée) par tous (le groupal et l’individu) nous semble être l’existence du Mal (comme un antagonisme du « Bien »). Par raison d’être nous entendons : le sens, la cause véritable et profonde, de l’existence d’une chose. A cet effet, de façon ontologique, le « Bien » n’existe que par opposition au Mal identifié comme tel ou envisagé dont on veut se prévenir (derrière le contractualisme social du droit il y a la présence de cette intention, que l’on soit hobbesien, lockéen ou rousseauiste). Élaborer une telle norme d’acceptabilité, imposer une conduite morale, dans le cadre du droit c’est codifier dans un ensemble de textes contraignants ou de proclamations juridiques l’appropriation collective qu’une société se fait du « Bien » ou ce qu’elle n’accepte pas comme mal. Le droit est donc selon notre opinion ontologiquement une prise de position morale, une affirmation du « Bien », comme le dirait Zanichelli un rempart contre la possibilité du mal (« le mal comme possibilité de l’action, c’est-à-dire, le mal qui peut être accompli et subi par l’homme dans les relations avec ses semblables : « Tout mal commis par l’un […] est mal subi par un autre. Faire le mal, c’est faire souffrir autrui [Paul Ricoeur, Le Mal. Un défi à la philosophie]. C’est cette dimension relationnelle du mal qui entre directement dans le champ d’action de la légalité et entraîne des réponses proprement juridiques. […] Le mal dont le droit s’occupe est attribuable à la liberté et à la responsabilité propre à chaque être humain, celui que l’homme peut accomplir ou, au contraire, éviter sur la base d’actes volontaires et conscients. Le droit établit un rapport entre le mal et la liberté dont, comme nous l’avons vu, les philosophes parlent depuis toujours. C’est pour cela que l’infraction, catégorie qui qualifie le mal au sens juridique, s’établit à partir du principe de volonté et de capacité […] Si vraiment ius est ars boni et aequi, selon la célèbre définition de Celse, citée par Ulpien au début de ses Institutes (Digeste, 1.1.1), si une forme quelconque de bien et de justice est toujours strictement inhérente au droit en tant que système de protection de certains biens comme de lutte contre certains maux, alors le droit peut être considéré en général, dans les limites de son champ d’action, comme un rempart face à la possibilité du mal » – Zanichelli, Maria. « Le droit est-il un rempart face à la possibilité du mal ? », Droits, vol. 63, no. 1, 2016, pp. 225-236).
L’analyse est certes discutable, l’on pourrait dire que la notion de « Bien » ou de « Mal » relève davantage d’un lexique religieux qui est incompatible avec le lexique juridique, ce qui est possiblement vrai. Toutefois, le droit n’est pas une créature ex nihilo, une espèce de créature miraculeuse jaillissant d’une Vierge, il puise ses origines d’un système de valeurs culturelles socio-philosophiques morales structurant une société donnée, or de telles valeurs sont aussi l’expression d’une influence religieuse significative (les racines chrétiennes du droit occidental) comme le montre la conceptualisation juridique de la « tolérance » (Habermas le dit de façon pertinente : « Le mot allemand Toleranz n’a été emprunté au latin et au français qu’au XVIe siècle – autrement dit, à l’époque des guerres de Religion. Dans ce contexte, le terme avait d’abord une signification étroite, celle d’une tolérance à l’égard des autres confessions religieuses. Au cours du XVIe et du XVIIe siècle, la tolérance religieuse acquiert une signification juridique. Les gouvernements promulguent alors des édits de tolérance et obligent ainsi les fonctionnaires – et une population convaincue d’adhérer à la vraie religion – à être tolérants à l’égard de ces minorités religieuses que sont les Luthériens, les Huguenots et les Papistes. L’acte juridique appelant à tolérer aussi bien les personnes qui adhèrent à une confession différente que leur pratique religieuse, requiert la tolérance à l’égard des membres d’une communauté religieuse jusque-là opprimée ou persécutée. » – Habermas, Jürgen. « De la tolérance religieuse aux droits culturels », Cités, vol. 13, no. 1, 2003, pp. 151-170.)
Dès lors, il serait peut-être plus juste de considérer le droit dit moderne dans son sens occidental telle une laïcisation de principes fondamentalement religieux, une manière de défroquer le moine, lui ôter sa soutane, et l’habiller d’une neutralité qui au fond n’en est pas une (dans la Bible par exemple, il est question en parlant de l’altérité d’exiger de l’individu qu’il traite son semblable de la même manière qu’il aimerait se faire traiter – « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »(Matthieu 22:36-40), Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. (Matthieu 7:12) ; Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux. (Luc 6:31) ». Dans le Coran la même idée est ainsi formulée : « Aucun d’entre vous ne croit vraiment tant qu’il n’aime pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même. », Hadîth 13 de al-Nawawi – Mahomet (570 – 632) » Chez les bouddhistes : « Ne blesse pas les autres de manière que tu trouverais toi-même blessante. » – Udana-Varga 5:18 (environ 500 av. J.-C.) » Kant dans ses Fondements de la métaphysique des mœurs ne dit pas le contraire lorsqu’il fait du « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » un impératif moral pratique, objectif, catégorique. L’article 3 du Code civil du Québec, le préambule et l’article 1 de la Charte québécoise des droits et libertés, le préambule et l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (qui va jusqu’à parler d’une altérité fraternelle), le préambule de la Charte des Nations Unes (reconnaissant l’altérité et invitant les membres de la famille humaine « à pratiquer la tolérance et à vivre en paix » les uns avec les autres « dans un esprit de bon voisinage ») reprennent l’esprit de cette éthique de réciprocité).
Il nous paraît ainsi indéniable que le meurtre de Dieu et à certains égards de la religion par la rationalité occidentale est une habile mise en scène d’un crime n’ayant pas véritablement eu lieu, car « Dieu » (dans sa signification judéo-chrétienne) et son moine sont dans le droit – en l’occurrence occidental (contrairement à ce que suggère Mauss (p.128) : « Sauf dans nos sociétés occidentales, partout religion, droit et morale sont étroitement solidaires. » – Marcel Mauss. Œuvres, tome 1 : Les Fonctions sociales du sacré. Paris, Minuit, 1968, 700 pages), pour dire les choses avec plus de limpidité en reprenant la célèbre formule d’Einstein (« Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito »), nous disons le droit (occidental) c’est « Dieu » ou le religieux se manifestant incognito.
[75] « Le mal est à l’origine un processus défectueux et souvent cruel de la nature, inventé par elle pour informer les êtres vivants et mobiliser leurs systèmes de défense. Devant la menace d’agression, l’être vivant, alerté par l’angoisse, peut recourir à trois solutions : l’attaque ou la contre-attaque, la fuite, le blocage dans une situation d’attente du pire. Avec l’apparition de l’homme, de son intelligence, de son imagination, de sa capacité de symbolisation et de langage, le problème du mal prend de toutes autres dimensions. L’homme apprend à utiliser la souffrance physique ou psychique pour dominer ou asservir son semblable. Il invente les armes les plus douloureuses et les tortures les plus raffinées. Poussé par la course au plaisir et au sexe, l’homme est entraîné par une course effrénée à la puissance et à la fortune. Dans cette course, la rivalité primitive prend toutes les formes de compétitions féroces et de concurrences impitoyables. Tenté d’obtenir le pouvoir par n’importe quel moyen, il développe simultanément une inflation du moi et un désir mégalomaniaque de toute-puissance. Les sociétés, leurs organisations et leurs institutions reflètent le mal qui habite l’individu. Mais inversement le mal de l’individu est le reflet du mal que génèrent et diffusent ces sociétés. » – Guilhot, Jean. « Réflexions sur le mal. Problématique d’une éthique universelle humaniste et agnostique », Imaginaire & Inconscient, vol. 19, no. 1, 2007, pp. 155-167.
[76] « La réflexion sur le mal n’est pas séparable d’une réflexion sur le bien qui se retrouve chez Platon et Socrate, et sera reprise par Jean-Paul Sartre dans Le diable et le bon Dieu. […] » – Guilhot, préc. note 63
[77] Ici nous considérons le caractère permissif de la tolérance envers le discours de haine au nom du respect des libertés d’expression et d’opinion telle une part d’Ombre du droit international.
[78] « Car le savoir n’est pas simple affaire de lumières : il faut y discerner des leçons de ténèbres. Pascal recherche ce que l’homme rejette dans l’ombre, puisque l’ombre est ce qui rend humaine la lumière. […] La lumière n’est avant tout qu’un espoir, l’espoir d’être autre ; l’obscurité est le simple sentiment d’être – tous deux sont nécessaires et font l’humain : « S’il n’y avait point d’obscurité, l’homme ne sentirait pas sa corruption ; s’il n’y avait point de lumière, l’homme n’espérerait point de remède. […] » – Méchoulan, Éric. « Dire la vérité de l’obscur : Pascal et la lecture », Rue Descartes, vol. 65, no. 3, 2009, pp. 46-54.
[79] Ici, ce qui est moralement et juridiquement acceptable au sens de la norme internationale. C’est aussi une manière de souligner la nature morale d’inspiration religieuse des droits de l’homme (« […] l’expression « droits de l’homme » ne se trouve nullement indiquée sous cette forme dans nos traditions écrites ou orales. Mais il suffit d’être familier de la Bible pour se rendre compte que chacune de ses pages, à travers de multiples prescriptions religieuses, traite de ce problème. » – Goldmann, Alain. « Les sources bibliques des droits de l’homme », Pardès, vol. 30, no. 1, 2001, pp. 155-164.).
[80] Ici, il est question en parlant de Lumière de procéder à un rattachement historique et philosophique du droit international des droits de l’homme à l’influence des Lumières (« Les droits de l’homme sont un produit de la modernité. Leur apparition est liée à un contexte intellectuel et philosophique qui est devenu progressivement dominant en Europe au XVIIe et au XVIIIe siècle, caractérisé par la croyance dans le progrès, dans les vertus de la science, dans l’universalité de la raison. » – Lochak, Danièle. « La lente émergence du concept », Les droits de l’homme. La Découverte, 2009, pp. 7-16.).
[81] « Le clair-obscur est la juste distribution des ombres et de la lumière. » – Jacot-Grapa, Caroline. « La vie en clair-obscur. Zones d’ombre au siècle des Lumières », Rue Descartes, vol. 65, no. 3, 2009, pp. 56-71.
[82] Nous choisissons d’identifier la « Communauté internationale » comme une « Société internationale » comme l’a théorisé Georges Scelle dans son Précis de droit des gens – Principes et systématique (Sirey, 1932) et son Essai relatif à l’Union européenne (A pedone, 1931). Une société internationale qui se comprend par le « milieu inter-social » qui voit la rencontre sur le plan international des « milieux sociaux » dont chaque composante est tenue à l’obligation de se conformer « aux préceptes qui régissent le milieu international ». « Ainsi les règles internationales s’imposent à tous les hommes-agents de l’État (…) qui doivent l’appliquer aux relations humaines dont ils ont la charge. Toute norme inter-sociale (…) prime toute norme interne en contradiction avec elle, la modifie, ou l’abroge ipso facto » – Le Conflit, http://www.leconflit.com/article-georges-scelle-1878-1961-105138808.html.
[83] « […] le caractère universel et fondamentalement unitaire de la société internationale : en raison de ses attributs intrinsèques (découlant de l’existence d’un bien commun au genre humain et d’une certaine interdépendance), ce groupe social s’érige donc en communauté. Qui plus est, l’État est conçu comme membre de cette société et sujet du droit des gens, selon une construction qui ouvre la porte vers la conception moderne du droit international. […] cette théorie conçoit la société internationale comme « une société d’individus et de sociétés, une collectivité de collectivités, dont les États constituent les divisions ou circonscriptions plus importantes ». Ainsi, « la société internationale résulte non pas de la coexistence, de la juxtaposition des États, mais au contraire de l’interpénétration des peuples […] » ; en d’autres termes, les forces de cohésion de la société internationale proviennent de la solidarité ou interdépendance matérielle qui se manifeste dans les échanges interindividuels. […] Au-delà de sa conception de la société internationale et du fondement du droit des gens, la contribution fondamentale de l’objectivisme sociologique est, à nos yeux, son ouverture vers une étude de l’ordre juridique international à la lumière du contexte social. » – Villalpando, Santiago. « L’émergence de la communauté internationale dans le débat doctrinal », L’émergence de la communauté internationale dans la responsabilité des États. Genève, Graduate Institute Publications, 2005, http://books.openedition.org/iheid/1165
[84] « Pour [Georges] Scelle, les principaux sujets de droit international ne sont en aucun cas les États – il récuse la souveraineté absolue des États, en raison des principaux maux au début du siècle qu’elle a suscités, à savoir le déclenchement de la Première Guerre mondiale – mais les individus. […] Pour Scelle, il n’existe pas de différence entre la société interne et la société internationale ainsi qu’entre les différentes branches du droit, faisant du monisme la règle de base et du droit international la norme supérieure. La théorie du « dédoublement fonctionnel » de l’État, qualifié de « trouvaille scellienne » (Santulli), constitue un des principaux piliers de sa doctrine et est toujours d’actualité au niveau du droit des organisations internationales. Selon cette dernière, les agents de l’État ont une double fonction tant au niveau interne qu’au niveau international et c’est à travers cette voie que se forme la norme internationale. » – Société française pour le droit international, « Georges Scelle », http://www.sfdi.org/internationalistes/scelle/. Voir aussi « Georges Scelle », Revue internationale de droit comparé. vol. 13, no2, avril-juin 1961. pp. 380-381, https://doi.org/10.3406/ridc.1961.13087; Herrera, Carlos Miguel. « Un juriste aux prises du social. Sur le projet de Georges Scelle », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, vol. 21, no. 1, 2005, pp. 113-137. ; Amiel, Olivier. « Le solidarisme, une doctrine juridique et politique française de Léon Bourgeois à la Ve République », Parlement[s], Revue d’histoire politique, vol. 11, no. 1, 2009, pp. 149-160.
[85] Tévanian, Pierre. « La faute à Voltaire ? À propos des usages racistes de la liberté d’expression », Revue internationale et stratégique, vol. 65, no. 1, 2007, pp. 181-188.
[86] Carcassonne, Guy. « Les interdits et la liberté d’expression », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, vol. 36, no. 3, 2012, pp. 55-65.
[87] « Peut-on critiquer la tolérance ? Oui, si rien ne laisse croire que se cache derrière cette critique quelque régression vers un âge d’imposition autoritaire de la vérité et du bien en matière religieuse comme en matière socio-politique. Au XXe siècle ce n’est pas la tolérance qui aurait pu faire barrage à des idéologies qui se sont avérées meurtrières pour la dignité humaine. » – Pietri, Gaston. « La tolérance et le droit à la liberté », Études, vol. tome 416, no. 2, 2012, pp. 209-21
[88] « Georges Balandier reprend à son compte le point de vue de Jürgen Habermas qui annonce la fin de la modernité et « l’entrée dans la clairière anarchiste de la postmodernité » et il ajoute : « Là où tout se défait et où s’affirme le refus des représentations univoques du monde, des visions totalisantes, des dogmes, des imputations de sens… chantier de construction où sont mis en procès la hiérarchie des connaissances et des valeurs, les paradigmes et les modèles, dans ces décombres, il n’y a plus à saisir une logique d’ensemble. Il précise cependant, se référant à Jean-François Lyotard, qu’il doute que la postmodernité puisse être située en une période succédant à celle de la modernité et l’interprète plutôt comme une dynamique. » – Tapia, Claude. « Modernité, postmodernité, hypermodernité », Connexions, vol. 97, no. 1, 2012, pp. 15-25.
[89] « Le postmodernisme, qu’il faut se garder de confondre avec la notion de postmodernité […] s’est progressivement construit au sein du champ de la critique littéraire, avant d’être exposé aux feux croisés du débat architectural moderne / post-moderne initié, dès 1975, par la verve critique de Charles Jencks. » – Vermandel, Frank. « Postmodernisme, discours et métadiscours. L’architecture comme paradigme et paradoxe », Tumultes, vol. 34, no. 1, 2010, pp. 25-48.
[90] Sebastiani, Silvia. « L’Amérique des Lumières et la hiérarchie des races. Disputes sur l’écriture de l’histoire dans l’Encyclopaedia Britannica (1768-1788) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 67e année, no. 2, 2012, pp. 327-361.
[91] « Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d’universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l’épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d’entreprises de domination, quand ils n’ont pas été purement et simplement retournés. » – Bénot, Yves. Les Lumières, l’esclavage, la colonisation. La Découverte, 2005
[92] « Au Myanmar, les signes avant-coureurs étaient visibles depuis longtemps. Sous un régime qui s’apparentait à l’apartheid, la discrimination et la ségrégation à grande échelle étaient devenues la norme. Depuis des années, on assistait à une banalisation de la stigmatisation des Rohingyas, qui s’étaient vu privés des conditions les plus élémentaires permettant de vivre dans la dignité. Le passage de la discrimination et de la diabolisation aux violences de masse est un phénomène tristement familier […] » – Amnesty international, « Rapport annuel 2017/2018 sur la situation des droits humains dans le monde », p.10, https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/rapport-amnesty/annee/2017-2018/le-monde-secoue-par-les-discours-de-haine/french-annual-report-amnesty-international-embargoed-22-feb-2018.pdf
[93] Freitag, Michel. « Totalitarismes : de la terreur au meilleur des mondes », Revue du MAUSS, vol. no 25, no. 1, 2005, pp. 143-184.
[94] André, Jacques. « Deux visages de la haine », Les territoires de la haine. Presses Universitaires de France, 2014, pp. 9-27.
[95] Si nous considérons que la haine est « d’essence narcissique » et est « une lutte du moi pour sa conservation et son affirmation » dans le sens « de la sauvegarde narcissique du moi », nous disons aussi que les phobies identitaires sont ici prises comme « des souffrances identitaires-narcissiques issues d’un état de détresse n’ayant pu trouver ni de recours interne dans la satisfaction hallucinatoire ni de recours externe par une réponse adéquate de l’objet primaire » – Porte, Jean-Michel, 2004, pp. 1253-1266.
[96] Mazabraud, Bertrand. « La justice pénale internationale : moralisation du monde, mondialisation d’une morale », Revue d’éthique et de théologie morale, vol. 269, no. 2, 2012, pp. 25-48.
[97] Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Considérant qu’il est essentiel d’encourager le développement de relations amicales entre nations. » Si comme nous le faisons dans cet essai nous regardons la communauté internationale telle une société internationale avec des agents (individuels, étatiques, non-étatiques, sociétés nationales, etc.) sociaux qui interagissent, il importe que ces interactions ne soient pas uniquement une dynamique hobbesienne mettant permanemment le monde (alors de nature anarchique) au bord de l’apocalypse. Il serait dans l’idée de la Déclaration universelle de 1948 d’insuffler une dynamique contraire, celle du dialogue amical, du rapprochement culturel, de la construction de passerelles entre les imaginaires identitaires ( prise dans le sens de fabrication de mythes identitaires faisant une part significative à la fantasmagorie et faisant coexister dans une intrication serrée comme le dirait Régine Robin dans son Roman mémoriel l’historique la fable le fantasme le savant et la chimère ; « ce genre de construction imaginaire, dont les créateurs, dans l’espoir de soulever un peuple entier (du soutien duquel ils ont besoin), manipulaient un certain nombre de données ethniques (de préférence la langue ou la religion quand elle diffère de celles des Autres). M. Le Pen, qui magnifie Jeanne d’Arc face aux musulmans, l’a parfaitement compris. Comme Hitler, qui feignait de faire du socialisme une affaire nationale. » – de Heusch, Luc. « Identités imaginaires », Le Débat, vol. 97, no. 5, 1997, pp. 189-189.)
[98] Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie […] ». Si l’on admet que « méconnaissance » signifie l’ignorance et l’incompréhension, il nous paraît opportun de réfléchir à une politique internationale d’éducation aux droits humains. Il ne s’agit plus de claironner l’importance de tels droits mais de permettre aux esprits (surtout aux jeunes générations) de s’imprégner de toutes les dimensions de l’humanité, de se les approprier et de les enrichir. Une telle prise de conscience a davantage de chances d’annihiler le « mépris » – le peu de valeur que l’on accorde à une chose ou à une personne – de l’Autre et d’empêcher la mise en place du processus qui mène aux actes de barbarie.
[99] Préambule de la Charte des Nations Unies : « Nous, peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, […] » et à cette fin « à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales, et à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,[…] » avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins […] ». Voir aussi : « l’article 33 de la charte des Nations unies qui complète et renforce son article 2§3 en ces termes : « Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales, doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix » […] La déclaration de Manille du 15 novembre 1982, sur le règlement pacifique des différends, dispose ainsi : « Les différends internationaux doivent être réglés sur la base de l’égalité souveraine des États et en accord avec le principe de libre choix des moyens… » […] » – Choukroune, Leïla. « La négociation diplomatique dans le cadre du règlement pacifique des différends. Théorie et pratique du droit international », Hypothèses, vol. 4, no. 1, 2001, pp. 151-162.
[100] Agard, Olivier. « Max Scheler et l’idée de pacifisme », Les cahiers Irice, vol. 8, no. 2, 2011, pp. 137-158.
[101] Fabre, Rémi. « Un exemple de pacifisme juridique : Théodore Ruyssen et le mouvement « la paix par le droit » (1884-1950) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 39, no. 3, 1993, pp. 38-54.
[102] Bourque, Olivier. « Woodstock — 3 Days of Peace and Music : Mais où diable sont passés nos idéaux ? / Woodstock, États-Unis 1970, 184 minutes (director’s cut : 228 minutes) ». Séquences, 2009 (261), 39–39.
[103] Frédéric Monneyron et Martine Xiberras. Le monde hippie : de l’imaginaire psychédélique à la révolution informatique. Imago, Paris, 2008, 166 pages.
[104] Regina Arnold, « “Nobody’s Army”: Contradictory Cultural Rhetoric in Woodstock and Gimme Shelter », Volume !, 9 : 2 | 2012, http://journals.openedition.org/volume/3426
[105] Dans le sens que cela impliquerait une sorte de régression des droits de l’homme ou d’anachronisme dans un contexte socio-politique de tensions et d’instabilité où le respect de ces derniers est de plus en plus une exigence absolue. Néanmoins, nous nous distançons du terme « déraisonnable » car nous considérons que : « « […] rien ne peut être déclaré a priori déraisonnable », et que « ce fut toujours l’impuissance du rationalisme de ne pas reconnaître une raison élargie par le pressentiment du danger » […] » – de Lara, Philippe. « Anthropologie du totalitarisme. Lectures de Vincent Descombes et Louis Dumont », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 63e année, no. 2, 2008, pp. 353-375.
[106] « Qui dit liberté de penser, dit liberté de se tromper, d’élaborer puis d’exprimer des opinions fausses, voire perverses et dangereuses. […] Or, ce droit à l’erreur a conduit la cité des hommes aux excès tragiques ; les idéologies totalitaires du XXème siècle, fascisme, nazisme, stalinisme, ont montré jusqu’où l’humanité se conduisant par sa « raison », livrée aux seules « Lumières », s’engloutirait… Face à un tel déchaînement d’horreurs, face aux monstres engendrés par la « liberté de penser », il est légitime de s’interroger sur le droit à l’errance des hommes. Sommes-nous libres de penser sans limites, sans aucun garde-fous, d’exprimer toutes les idées puis d’expérimenter nos inventions politiques et scientifiques ? Ou bien devons-nous poser des cadres immuables — notamment éthiques ? Y a-t-il des « lignes rouges » au-delà desquelles l’esprit des hommes ne doit plus — plus jamais — s’aventurer ? Devons-nous détruire ou empêcher l’expression de certaines théories, qui contiennent en germe tous les déchaînements sismiques que nous avons connus ? » – Duits, Emmanuel-Juste. « Faut-il tuer la liberté d’expression ? », Le Philosophoire, vol. 16, no. 1, 2002, pp. 15-32.
[107] « Un délit d’opinion est désormais inscrit dans la loi française et chez nos voisins ; il permet de censurer certaines idées, jugées à l’aune de l’expérience historique comme particulièrement dangereuses. Ce délit s’appelle « incitation à la haine raciale ou religieuse ». Parmi d’autres textes, l’article 20 du pacte international des Nations Unies pose les limitations suivantes : « Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi. » […] Pourra-t-on appeler du nom de « censure » ces dispositions légales ? Le mot « censure » évoque les États totalitaires qui empêchent l’expression d’idées progressistes et démocratiques, ou les pouvoirs religieux qui entravent des dissidences spirituelles. Or, les lois en question répriment des discours ou des insinuations abjectes et anti-humanistes (le racisme, le négationnisme, etc.). Pourra-t-on même craindre que ces lois instituent un « délit d’opinion » ? Si, comme l’aurait dit Sartre, « le racisme n’est pas une opinion », faire intervenir la loi pour interdire les discours qui incitent au racisme, ce n’est pas censurer une opinion mais s’opposer à un acte déviant — qui se fait passer pour une simple « opinion ». À partir de là, la boucle est bouclée : on ne peut même plus parler de censure. […] Cette argumentation étonne. […] Au sens strict du terme, le racisme est une opinion erronée, fausse, malsaine et qui suscite l’indignation ou la critique, mais une « opinion » malgré tout. » – Duits, préc. note 82
[108] « […] il faut utiliser « totalitarisme » comme Marc Bloch en usait avec « féodalité » et « société féodale »: « À condition de traiter ces expressions simplement comme l’étiquette, désormais consacrée, d’un contenu qui reste à définir, l’historien peut s’en emparer sans plus de remords que le physicien n’en éprouve, lorsqu’au mépris du grec, il persiste à dénommer ‘atome’ une réalité qu’il passe son temps à découper. » – de Lara, préc. note 81
[109] « […] « Une société est totalitaire en ce qu’elle est totalement mobilisée, soumise à la levée en masse contre un adversaire que fixe l’idéologie. » […] Cette définition accentue la proximité entre tous les régimes modernes, totalitaires ou non. Les révolutions totalitaires ne sont pas des embardées hors du développement démocratique, des régressions à des formes archaïques de despotisme et de fusion de l’État et de la société. […] en dépit de leurs différences, l’État moderne totalitaire et l’État moderne démocratique ont une nature commune : « le système politique appelé ‘totalitarisme’ n’est pas autre chose qu’une variante de l’état de guerre dans n’importe quel État moderne […] tout État moderne est virtuellement totalitaire […] « Le totalitarisme ne peut pas être tenu sans plus pour le contraire de la démocratie puisqu’il en est l’adversaire et le fossoyeur. Le totalitarisme est aussi la possibilité la plus prochaine de la démocratie. […] » – de Lara, préc. note 81
[110] « Roman d’anticipation, 1984, […] peinture du réel totalitaire […] c’est la radicalité même de tous les totalitarismes possibles, leur projet fondamental, leur hybris : une entreprise minutieuse et méthodique de destruction de tout ce qui, dans les sentiments humains comme dans l’art, la parole et même la nature, pourrait témoigner que le monde et l’humanité ont existé […] Orwell dicta à son éditeur une mise au point catégorique : ce qu’il avait décrit dans 1984 ne concernait pas tel pays précis, « c’est la direction que prend le monde actuellement » et « quelque chose comme 1984 pourrait arriver […]. La morale à tirer de cette situation dangereuse et cauchemardesque est simple : ne permettez pas que cela arrive. Cela dépend de vous. » […] George Orwell dans 1984 s’est tenu à la ligne la plus élémentaire, à la portée de tout un chacun […] : oser commettre des crimes-pensée, tenir aux vérités de base, à l’histoire comme archive des combats de la liberté, ne pas fermer les yeux devant les falsifications, rester fidèle aux loyautés. La leçon politique de 1984 est simplement celle-ci : le politique commence au noyau le plus élémentaire et le plus simple de la conscience morale. » – Lavau, Georges. « 1984 (Nineteen Eighty-Four) de George Orwell », Revue française de science politique, vol. vol. 59, no. 4, 2009, pp. 805-810.
[111] Rojo, Raúl Enrique, Carlos Milani, et Carlos Schmidt Arturi. « Les expressions de la contestation internationale et les mécanismes de contrôle démocratique », Revue internationale des sciences sociales, vol. 182, no. 4, 2004, pp. 681-695.
[112] « On l’a évoqué, selon Rothstein [2005], l’absence de confiance conduit les individus à tomber dans des « pièges sociaux » extrêmement coûteux pour la société dans son ensemble. […] Bjørnskov [2006b] recense ainsi un nombre important d’études qui parviennent à établir un lien empirique entre « confiance généralisée » et qualité de l’État de droit, qualité générale de la gouvernance, faible corruption, bon niveau d’éducation, faible niveau de violence et bien-être subjectif plus important. » – Laurent, Éloi. « Confiance et démocratie », Économie de la confiance. La Découverte, 2012, pp. 85-90.
[113] Balme, Richard, Jean-Louis Marie, et Olivier Rozenberg. « Les motifs de la confiance (et de la défiance) politique : intérêt, connaissance et conviction dans les formes du raisonnement politique », Revue internationale de politique comparée, vol. vol. 10, no. 3, 2003, pp. 433-461.
[114] Dogan, Mattei. « Méfiance et corruption : discrédit des élites politiques », Revue internationale de politique comparée, vol. vol. 10, no. 3, 2003, pp. 415-432.
[115] « Orwell : L’exigence critique et le monde contemporain », L’Homme et la société, vol. 172-173, no. 2, 2009, pp. 21-38.
[116] Sédat, Jacques. « À l’origine de la haine et de la pensée, le complexe fraternel », Figures de la psychanalyse, vol. 14, no. 2, 2006, pp. 29-36.
[117] « Le récit biblique de Caïn et Abel n’est ni celui d’un fait-divers, ni celui d’un « cas » à ranger dans une catégorie nosographique. C’est une allégorie qui relève du mythe en raison de la trace durable qu’elle a imprimée dans le psychisme humain. Elle a en commun avec celui que Freud a forgé dans Totem et tabou d’être une construction pour penser l’« originaire » de l’humanité à partir d’un acte meurtrier fondateur et décisif en ce qu’il a non seulement engendré des fonctionnements psychiques nouveaux, mais aussi jeté les bases d’un modèle de société à laquelle chacun de nous, croyant ou non croyant, juif ou non juif, est amené à se référer. La glose que le récit de Caïn et Abel a suscitée et qu’il suscite encore n’a ni épuisé sa puissance d’effroi, ni émoussé sa modernité. Qu’il s’agisse d’individus, de groupes, ou de peuples, lorsque l’homme entreprend d’anéantir l’homme, la représentation du fratricide originaire surgit d’emblée, et Caïn, requis au prétoire, doit pour l’éternité, répondre de son crime. […] C’est dans ce texte que le mot frère surgit pour la première fois dans la Bible, et qu’il y est répété avec insistance. C’est dans l’éclat du meurtre que jaillit la notion nouvelle du frère garant de son frère. » – Isnard-Davezac, Nathalène. « Caïn et Abel. La haine du frère », Topique, vol. no 92, no. 3, 2005, pp. 45-57.
[118] « Au-delà de la spécificité du fratricide lui-même, réel ou imaginaire, ou la question du double ou de son ombre, c’est la mort du semblable qui est ici en jeu. » – Christopoulou, Vassiliki-Piyi. « Les héritiers de Caïn et Abel », Topique, vol. 117, no. 4, 2011, pp. 171-178.
[119] « Les pratiques de la vie quotidienne, qu’elles soient consuméristes, culturelles ou simplement relationnelles, offrent en effet à l’observateur contemporain nombre de sujets d’étonnement : l’éclectisme et le mépris de l’harmonie s’y manifestent avec autant d’évidence que l’absence d’esprit de système. Des parentés intellectuelles dont elle se revendique (Foucault, Lyotard, Lipovetsky, Huntington), la postmodernité a hérité d’une totale désillusion vis-à-vis des idéologies et une perte de confiance à l’égard de la science, du progrès, du politique et des institutions. […] Tout au plus peut-on la distinguer radicalement de la “punk attitude” des années soixante-dix qui affirmait son rejet du futur. La postmodernité ne refuse rien mais exprime un doute existentiel quant aux théories, auxquelles elle oppose l’agir ici et maintenant en exploitant les possibilités qui se présentent. » – Grelley, Pierre. « Êtes-vous postmoderne ? », Informations sociales, vol. 136, no. 8, 2006, pp. 51-52.
[120] « La dépression du sujet postmoderne : La modernité, spécialement la modernité tardive a cultivé l’émancipation du sujet, à travers le développement de la personne entrevue comme adulte en perspective […] C’est ainsi que nos premières décennies de postmodernité voient l’effondrement du sujet, maintenant malmené par les différentes formes d’individualisme qui le laissent seul face à lui-même, sans repères bien identifiables, sans perspectives d’anticipation voire d’émancipation. De l’adulte en construction et en devenir de la modernité tardive, celle des années 1970-1980, un adulte conquérant et autonome, nous sommes rapidement passés dans les années 1990-2000 à un adulte plus frileux, se montrant sous bon nombre d’aspects immature et incertain, doutant de lui-même, sans affiliation caractéristique. […] nous semblons nous acheminer vers une philosophie tâtonnante de l’individu qui étale son malaise, voire son mal-être identitaire. […] c’est-à-dire un sujet qui se donne alternativement comme auteur et comme assujetti. C’est un sujet qui subit l’événement en même temps qu’il le fait, un sujet mis constamment en éveil par un prurit identitaire mais qui vit en permanence dans un sentiment de désenchantement et d’impuissance. Ce sujet ne renvoie plus à un soi unifié, intégré, le barré évoqué plus haut l’interdit dorénavant. C’est au contraire un sujet pluriel, hybride, aux identités multiples, aux appartenances, parcours, compétences et responsabilités à assumer diversifiés, un sujet fragmenté, nomade qui peut se laisser dissoudre justement au gré des événements rencontrés et vécus. » – Boutinet, Jean-Pierre. « L’individu-sujet dans la société postmoderne, quel rapport à l’événement ? », Pensée plurielle, vol. no 13, no. 3, 2006, pp. 37-47.
[121] « L’espace dans lequel nous fait voyager l’ Odyssée, c’est celui de notre conscience. » – Dehée, Yannick. « Kubrick, l’espace de l’Odyssée », Hermès, La Revue, vol. 34, no. 2, 2002, pp. 45-48.
[122] Tisseron, Serge. « Les nouveaux enjeux du narcissisme », Adolescence, vol. no 57, no. 3, 2006, pp. 603-612.
[123] Lemaire, Jean-Georges. « Introduction au concept de narcissisme groupal », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, vol. 38, no. 1, 2002, pp. 7-18.
[124] Gozlan, Angélique. « Facebook : de la communauté virtuelle à la haine », Topique, vol. 122, no. 1, 2013, pp. 121-134.
[125] Arpagian, Nicolas. « Internet et les réseaux sociaux : outils de contestation et vecteurs d’influence ? », Revue internationale et stratégique, vol. 78, no. 2, 2010, pp. 97-102.
[126] Lemonnier, Brigitte. « Paroles meurtrières », Savoirs et clinique, vol. no 5, no. 2, 2004, pp. 27-34.
[127] « La blessure que peut occasionner le langage semble n’être pas simplement l’effet des mots utilisés pour s’adresser à une personne donnée ; elle semble aussi résulter de la manière que l’on a de s’adresser à elle, manière — disposition ou attitude conventionnelle — qui interpelle et constitue le sujet. (Butler 2004 [1997], p. 22) » – Laufer, Laurie. « Éclats de mots : pouvoir de la parole et vulnérabilité », Cahiers du Genre, vol. 58, no. 1, 2015, pp. 163-180..
[128] « Le monde occidental présente à l’heure actuelle tous les symptômes d’une crise identitaire profonde dont il ne semble pas conscient. Ses symptômes se manifestent notamment par la tension entre la surdimension de sa posture (ou son discours) de civilisation universelle et la centralité de sa crispation identitaire, son rapport au monde réduit à la marchandisation, à la sécurisation et à l’humanitarisation, son malaise et mal-être face à la diversité culturelle, ethnique et religieuse. » – Diène, Doudou. « Crise identitaire du monde occidental », Revue internationale et stratégique, vol. 75, no. 3, 2009, pp. 93-100.
[129] « La souffrance nous menace de trois côtés ; dans notre propre corps qui, voué à la décrépitude et à la destruction, ne peut même pas se passer des signaux d’avertissement que sont la douleur et l’angoisse ; du monde extérieur, qui peut se déchaîner contre nous avec ses forces supérieures, implacables, destructrices ; et enfin, des rapports avec les autres hommes : la souffrance née de cette source nous semble peut-être plus pénible que tout autre ; nous avons tendance à la considérer comme un élément presque superflu, bien qu’elle ne soit pas moins fatalement inévitable que la souffrance due à une autre cause. (Freud 2012 [1929], p. 62) » – Laufer, préc. note 130
[130] Roux, Annie. « Se défaire de l’identification narcissique », Revue française de psychanalyse, vol. 75, no. 2, 2011, pp. 419-431.
[131] Lacoste, Jean-Yves. « L’existence comme veille », Expérience et absolu. Questions disputées sur l’humanité de l’homme, sous la direction de Lacoste Jean-Yves. Presses Universitaires de France, 1994, pp. 94-120.
[132] « Indépendamment de références doctrinales hétéroclites et parfois relativement floues, en dépit d’itinéraires politiques variés, ces diverses formations sont caractérisées par un fonctionnement partisan centralisé sous l’autorité de chefs charismatiques, par un recours fréquent à la démagogie populiste, et enfin par quelques thèmes centraux et récurrents dans leur argumentation politique. Parmi ceux-ci, on retrouve très souvent : une forte sensibilité xénophobe, qui se traduit par un recours fréquent aux thématiques « anti-immigration » ; une composante autoritaire affirmée, particulièrement explicite sur le terrain de « la loi » et de « l’ordre » ; un programme économique composite, faisant la synthèse du néo-libéralisme des années 80 et du protectionnisme des années 90 ; et, enfin, un usage immodéré du discours « anti-système » de dénonciation des « élites venues d’en haut ». » – Perrineau, Pascal. « La montée des droites extrêmes en Europe », Études, vol. tome 397, no. 12, 2002, pp. 605-613.
[133] « […] le vote en faveur de l’extrême droite ne peut s’expliquer ni par les caractéristiques sociodémographiques ni par les situations économiques objectives. En revanche, les appréciations subjectives (sur la situation économique) semblent jouer un rôle primordial : les électeurs qui évaluent négativement leur situation économique personnelle et sont insatisfaits de leur situation dans la société – c’est-à-dire qui ont le sentiment d’être démunis – seraient plus enclins à voter pour l’extrême droite. » – Swyngedouw, Marc, et Astrid Depickere. « Expliquer les succès électoraux de l’extrême droite. La « formule gagnante » de Kitschelt au banc d’essai des élections flamandes de 1999 », Revue française de science politique, vol. 57, no. 2, 2007, pp. 187-208.
[134] Mauger, Gérard. « La valse des étiquettes politiques (2) », Savoir/Agir, vol. 28, no. 2, 2014, pp. 95-98.
[135] « Quand un homme de gauche migre vers le Front National », Temps et politique. Les recompositions de l’identité. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2016, pp. 203-204.
[136] Blanchard, Emmanuel, et Claire Rodier. « Quand la gauche ne déçoit même plus », Plein droit, vol. 97, no. 2, 2013, pp. 3-6.
[137] Delannoi, Gil, et Edgar Morin. « La gauche, du XXe au XXIe siècle. Pour une double autocritique, idéologique et écologique. Dialogue avec Edgar Morin sur son parcours politique et idéologique », Communications, vol. 82, no. 1, 2008, pp. 171-188.
[138] « Droitisation des politiques publiques : […] Une fois encore, il n’est nul besoin que les migrants soient très nombreux pour susciter une franche hostilité parmi les électeurs. La manipulation médiatique de conflits religieux et sociétaux entre des familles migrantes musulmanes islamistes et la société d’accueil, a des effets supérieurs à ce que le nombre réel de migrants laissait supposer. En outre, du fait de leur présence indispensable pour assurer la majorité dans des coalitions gouvernementales de droite, l’influence politique des partis populistes de droite se fait désormais sentir dans l’orientation des politiques publiques. » – Giblin, Béatrice. « Extrême droite en Europe : une analyse géopolitique », Hérodote, vol. 144, no. 1, 2012, pp. 3-17.
[139] « « On ne vit pas dans le monde des Bisounours ». Cette expression utilisée à tort et à travers par les personnages publics signifie que l’on ne vit pas dans un monde idéal. La formule fait désormais partie du langage courant. » – Alice Moreno, « Les « Bisounours » envahissent la France », L’Express, 16 février 2013, https://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-bisounours-envahissent-la-france_1220992.html
[140] « […] la figure de l’autre sous le hijab ou en keffié n’est pas seulement matière à réflexion […], elle est présentée, bien plus qu’elle ne se présente d’abord, comme « l’invasion des barbares », surtout depuis le 11 septembre. Mais c’était déjà le cas avant en Europe (qu’on pense à Kaled Kelkal, premier islamiste abattu dans la banlieue lyonnaise). Autrement dit, la question n’est pas de faire accepter l’Autre (et le mot tolérance n’est jamais loin dans ce cas), mais de voir à quel point c’est un même qui se présente aux portes de l’Europe, et combien, en croyant parler des « autres », des « exclus », des « marges », des « barbares », la société parle d’elle-même et étale une image d’elle, qu’elle ne supporte pas de reconnaître en « cet effet miroir » (selon le célèbre rapport du sociologue Michel Marié) comme sien. » – Sánchez, Raúl. « Frontières et fronts : chaînes migratoires », Multitudes, vol. no 19, no. 5, 2004, pp. 9-16.
[141] Dumézil, Bruno. « Les « invasions barbares » : sources, méthodes, idéologies », Archéologie des migrations. La Découverte, 2017, pp. 243-254.
[142] Entre autres choses : l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, article 11 (1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, article 6 (2) de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, article 14 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, article 48 (1) de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000, etc.
[143] Lazerges, Christine. « La présomption d’innocence en Europe », Archives de politique criminelle, vol. 26, no. 1, 2004, pp. 125-138.
[144] Isabelle Paré, « Amnistie internationale déplore l’avancée de la haine et de la peur », Le Devoir, 22 février 2017, https://www.ledevoir.com/monde/492300/montee-en-force-sans-precedent-des-discours-de-peur-depuis-la-seconde-guerre-mondiale
[145] Frédéric Martel, « Les Internets » : pourquoi l’avenir du Web s’écrira au pluriel », Atlantico, 4 mai 2014, http://www.atlantico.fr/decryptage/internets-pourquoi-avenir-web-ecrira-au-pluriel-frederic-martel-smart-stock-1061414.html
[146] Agence France Presse, « Le racisme, de plus en plus banalisé sur Internet », Le Devoir, 23 juillet 2016, https://www.ledevoir.com/societe/science/476214/etude-le-racisme-de-plus-en-plus-banalise-sur-internet
[147] Ben Soussan, Patrick. « Quand la haine et le racisme s’invitent autour des berceaux », Spirale, vol. 84, no. 4, 2017, pp. 7-10.
[148] « La barbe hipster, explication de la barbe à la mode », http://unrasageparfait.fr/la-barbe-de-hipster/
[149] Laurens, Sylvain. « Le racisme, attribut du populaire ? », Plein droit, vol. 69, no. 2, 2006, pp. 9-12.
[150] Truc, Gérôme. « Le « soi cosmopolite ». Cosmopolitisme et conscience de soi chez Simmel et Mead », Cahiers philosophiques, vol. 128, no. 1, 2012, pp. 59-70.
[151] Daghfous, Naoufel, et Sophie Ndiaye. « La nouvelle réalité cosmopolite des métropoles mondiales : une analyse du marché ethnique des arts et de la culture à Montréal », Gestion, vol. 26, no. 3, 2001, pp. 63-73.
[152] van Dijk, Teun A. « Le racisme dans le discours des élites », Multitudes, vol. no 23, no. 4, 2005, pp. 41-52.
[153] Balibar, Étienne, et Immanuel Wallerstein. « Y a-t-il un « néo-racisme » ? », Race, nation, classe. Les identités ambiguës, sous la direction de Balibar Étienne, Wallerstein Immanuel. La Découverte, 2007, pp. 25-41.
[154] « Dans la horde sauvage la plus vagabonde comme dans la nation d’Europe la plus civilisée, l’homme n’est que ce qu’on le fait être ; nécessairement élevé par ses semblables, il en a contracté les habitudes et les besoins ; ses idées ne sont plus à lui ; il a joui de la plus belle prérogative de son espèce, la susceptibilité de développer son entendement par la force de l’imitation et l’influence de la société. » – Dayan-Herzbrun, Sonia. « Un homme nouveau pour un monde nouveau », Tumultes, vol. 25, no. 2, 2005, pp. 85-96.
[155] « La fin du rêve d’une société égalitaire, marquée par la chute du mur de Berlin combinée à l’explosion de mouvements de migration du Sud vers le Nord et de l’Est vers l’Ouest, a provoqué dans la plupart des pays européens occidentaux une crise identitaire – du moins, un imaginaire social de désidentification de la conscience nationale, d’interrogation sur la spécificité culturelle (« Qu’est-ce qu’être Français ? ») et de mise en danger de la filiation par l’ouverture des frontières, laquelle entraînerait immigration massive, mixité sociale, rupture de la transmission culturelle et linguistique. Ce processus crée un imaginaire flou, entretenu par les médias et dans lequel puisent des hommes politiques de bords différents pour en tirer des scénarios catastrophistes. » – Charaudeau, Patrick. « Réflexions pour l’analyse du discours populiste », Mots. Les langages du politique, 97 | 2011, http://journals.openedition.org/mots/20534
[156] Daubigny, Corinne. « Identité sans nom, sur le fil du « rien » », Le Coq-héron, vol. no 170, no. 3, 2002, pp. 77-86.
[157] Bonnet, Gérard. « La comédie humaine », Voir – Être vu. Figures de l’exhibitionnisme aujourd’hui, sous la direction de Bonnet Gérard. Presses Universitaires de France, 2005, pp. 441-444.
[158] McLuhan, Marshall. The Medium is the Massage: An Inventory of Effects, 1967, New York, Bantam Books. / McLuhan, Marshall. La Galaxie Gutenberg : La Genèse de l’homme typographique, 1967, Paris, Gallimard. / McLuhan, Marshall. Pour comprendre les médias, 1968, Paris, Seuil.
[159] Freud, « Psychologie collective et analyse du Moi » (1921), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1977, p. 157. cité dans Daubigny, préc. note 155
[160] « Dans son emploi contemporain, « le sujet » n’est plus un terme abstrait, équivalent à « la subjectité », une essence abstraite susceptible d’être instanciée par des types différents de sujets. Le sujet est devenu, par une manière d’antonomase du terme abstrait traditionnel, un terme concret désignant exclusivement cet unique ou ce vrai (type de) sujet qu’est le Je ou l’Ego. Le sujet, c’est le Je, c’est l’Ego, c’est le Moi pensant. Le sujet, c’est, selon l’expression de Schopenhauer, « ce qui connaît tout le reste sans être soi-même connu » » – Chauvier, Stéphane. « Ce que « Je » dit du sujet », Les Études philosophiques, vol. 88, no. 1, 2009, pp. 117-135.
[161] « Le sujet dit postmoderne, si on peut faire usage de ce raccourci, n’est pas le pendant du monde ni d’autrui, car il est déjà dans le monde et avec les autres de manière telle qu’il en résulte intrinsèquement affecté et conditionné. Son caractère impur et décentré, mêlé à des structures hétérogènes et au monde environnant, a été dégagé non seulement dans la déconstruction philosophique du sujet moderne, mais aussi dans les disciplines avoisinantes : la psychanalyse, l’anthropologie, l’ethnologie, la linguistique, les sciences sociales. » – Naishtat, Francisco. « Sujet du politique, politiquement sujet », Rue Descartes, vol. 67, no. 1, 2010, pp. 60-67.
[162] « Pour Athanassiou (1986), le voyage d’Ulysse serait comme un voyage intérieur initiatique qui, par la séparation d’avec sa terre et sa famille, mène à la différenciation. Les nombreuses épreuves qu’il traverse le mettent à nu, seul – face à lui-même. Elles le confrontent aussi à ses propres conflits et démons intérieurs qu’il devra affronter les uns après les autres afin de pouvoir ensuite découvrir et s’approprier ses émotions, ses désirs, son identité et faire le choix de ses appartenances. » – Segers-Laurent, Annig. « D’Ithaque à Ithaque », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, vol. no 37, no. 2, 2006, pp. 139-155.
[163] « Connais-toi toi-même. On n’a jamais exprimé en une formule plus brève l’état de malédiction. » – Emil Michel Cioran (p.297). Cahiers, 1957-1972, 1997, Gallimard, Paris, 1008 pages.
[164] De la division du Moi à la sensibilité multiple comme autant de variations de l’ego. – Markovits-Pessel, Francine. « L’homme pluriel », Cahiers philosophiques, vol. 140, no. 1, 2015, pp. 9-23.
[165] Lahire, Bernard. « Le singulier pluriel », Dans les plis singuliers du social. Individus, institutions, socialisations, sous la direction de Lahire Bernard. La Découverte, 2013, pp. 11-22.
[166] « […] l’indifférenciation entre les individus, les genres, les positions à laquelle Rosanvallon oppose une politique des singularités. » – Marcela Lacub, « La société des egos », Libération, 10 septembre 2011, http://www.liberation.fr/france/2011/09/10/la-societe-des-ego_760204
[167] Alain Maillard. La communauté des Égaux. Le communisme néo-babouviste dans la France des années 1840. Paris, Kimé, 1999, 323 pages.
[168] « Mais la forme de vie wittgensteinienne n’est pas réglée a priori – une hexis est requise pour suivre les règles, celle qui est intégrée à la vie communautaire fondée sur l’émotivité et la spontanéité. Ainsi, la forme de la vie d’une tribu ferme-t-elle l’accès aux « autres ». Une tribu constitue un groupe de personnes qui se reconnaissent mutuellement par leur vêtement similaire, c’est-à-dire par l’esthétique sans implications morales ou intellectuelles immédiates. Par conséquent, Maffesoli fait valoir que l’on peut caractériser l’attitude néotribale par « l’immoralisme éthique ». L’éthique cesse de garantir la cohérence de la vie à la moderne, elle n’ordonne pas la biographie, elle ne produit pas de subjectivité individuelle. » – Bucholc, Marta. « De la politique néotribale », Sociétés, vol. 112, no. 2, 2011, pp. 17-26.
[169] « Le soi cartésien n’est pas différentiateur, il est au contraire universel et indifférencié ontologiquement, et non bien sûr empiriquement, car son essence est celle de l’âme, chose qui pense et qui veut, et non celle d’un individu factuellement distinct de tous les autres. Un tel soi ne cherche pas plus à être lui-même (ou à le devenir) qu’à ne pas ou ne plus l’être, à se déprendre de soi-même, selon la belle formule utilisée par Foucault dans l’introduction à L’usage des plaisirs. » – Guenancia, Pierre. « Foucault / Descartes : la question de la subjectivité », Archives de Philosophie, vol. tome 65, no. 2, 2002, pp. 239-254.
[170] « Pour Rousseau, l’homme naît solitaire et ne rentre en société que dans un temps second et, dans la perspective de Rousseau, il ne s’y habitue jamais et considère toujours que la société est une oppression, sauf à la transformer en contrat consenti, c’est le contrat social. […] Mais nous sommes à l’époque de la fin de cette hypothèse du contrat social. Tout le monde s’accorde à dire que ce contrat est devenu parfaitement précaire. […] Nous sommes à l’époque, comme l’a dit Jacques-Alain Miller, de l’Autre qui n’existe pas, époque où la solitude elle-même devient problématique. […] La solitude n’est pas, en effet, exclusion de l’Autre, ce qu’est l’isolement, mais séparation de l’Autre. Pour être séparé, il faut avoir une frontière commune. Nous avons une frontière commune avec l’Autre quand nous sommes dans la solitude, alors que l’isolement est refus de la frontière. L’isolement est un mur. Et nous sommes à l’époque de la construction d’isolats, puisque chacun ne sait plus trop où commencent et où finissent les frontières. » – La Sagna, Philippe. « De l’isolement à la solitude », La Cause freudienne, vol. 66, no. 2, 2007, pp. 43-49.
[171] « Notre culture met en avant une négativité de la solitude, d’une « mauvaise » solitude liée au manque. Mais, la solitude comporte bien des aspects qu’ils s’agit d’élucider : si la solitude peut être marquante dans l’insupportable de l’abandon, elle est parfois lieu de création. Et la création est alors configurée à l’idée de création de soi, et même de création du « soi ». Apprendre à être seul en présence de l’autre c’est tout autant apprendre à être soi en présence de l’autre. » – Arènes, Jacques. « Apprendre à être seul en présence de l’autre », Imaginaire & Inconscient, vol. 20, no. 2, 2007, pp. 123-135.
[172] Contrairement à l’angoisse kierkegaardienne prise comme « le point de résistance à un individualisme indifférentiste » ou une « ouverture à l’Autre selon des liens authentiques » (Tirvaudey, Robert. « L’ipséité et l’altérité en question : Heidegger, Sartre, Kierkegaard », Revue philosophique de la France et de l’étranger, vol. tome 137, no. 3, 2012, pp. 341-356.), nous croyons que l’angoisse est plutôt une « tonalité fondamentale isolante » dans l’ipséité qui coupe le sujet « Je » de l’Autre. Cette angoisse d’être « unique face à l’autre » est causé par l’incapacité du sujet (post)moderne tel que présenté de se donner un signifiant clair et précis – même embryonnaire – en tant qu’unicité. Un signifiant qui pourrait éventuellement lui permettre de se considérer comme un individualisme différentiste à même dans sa rencontre avec l’Autre d’être transformé sans arrêter d’être. Cette angoisse de l’unicité ressentie sans être définie face à l’Autre est une anticipation de sa disparition, cesser d’être – puisque pour un tel sujet la transformation de son identité qu’oblige la présence et la coexistence avec l’Autre équivaut à une perte bien plus qu’à un gain, un enrichissement. Ainsi, l’angoisse dit l’absence de confiance en soi et en l’Autre, implique ainsi la négation et la privation de l’Autre aux fins de survie identitaire, de préservation d’une pureté identitaire (Benoist, Jean. « Le pur et le pluriel. Une dialectique de la créolisation », L’Homme, vol. 207-208, no. 3, 2013, pp. 75-88.)
[173] « Ce que Riesmann appela il y a soixante ans aux U.S.A. « la foule solitaire ».. Il y eut aussi ces immeubles dans lesquels l’architecte visionnaire avait créé des lieux de rencontre, des services communs à partager… qu’ont rapidement fui les habitants : s’ils se côtoyaient, ils ne désiraient pas « se fréquenter », dès lors qu’ils habitaient si près les uns des autres. » – Fabre, Nicole. « Solitude, solitudes », Imaginaire & Inconscient, vol. 20, no. 2, 2007, pp. 7-14.
[174] « À chaque individu est attaché un ensemble de lieux : son lieu de naissance, les lieux d’origine de sa famille, les lieux dans lesquels il a vécu successivement, les lieux qu’il fréquente ou qu’il a fréquentés, les lieux de vie de ses proches, mais aussi des lieux plus imaginaires ou projetés comme les lieux de vie souhaités ou de projets éventuels. Tous ces lieux constituent le patrimoine identitaire géographique de chacun qui, selon les individus et les moments de la vie, sera en partie ou non mobilisé. » – Guérin-Pace, France. « Sentiment d’appartenance et territoires identitaires », L’Espace géographique, vol. tome 35, no. 4, 2006, pp. 298-308.
[175] Paul Rizan, « Les Chiens de garde », Le Monde diplomatique, avril-mai 2009, https://www.monde-diplomatique.fr/mav/104/NIZAN/17339
[176] « Michèle Tribalat analyse à la loupe deux critères pertinents pour en juger : d’une part, l’évolution du taux d’endogamie et, d’autre part, le retour en force de la religion chez les descendants d’immigrés. Un autre critère pourrait être considéré : il s’agit de l’origine des prénoms donnés à leurs enfants par ceux des descendants d’immigrés qui sont nés et ont grandi en France. Le choix du prénom renseigne sur la trajectoire dans laquelle ils inscrivent leur descendance et, dans le même temps, sur leur capacité à s’émanciper de la tutelle de leur groupe. La question de la liberté individuelle est centrale. Sans cette liberté, aucune assimilation n’est possible. L’augmentation significative à l’état civil du nom du prophète des musulmans dans de nombreuses métropoles à travers l’Europe, y compris en France, n’est pas un phénomène anodin non plus. » – Sorel-Sutter, Malika. « Penser l’assimilation dans sa globalité », Le Débat, vol. 179, no. 2, 2014, pp. 32-38.
[177] Barash, Jeffrey Andrew. « Qu’est-ce que la mémoire collective ? Réflexions sur l’interprétation de la mémoire chez Paul Ricœur », Revue de métaphysique et de morale, vol. 50, no. 2, 2006, pp. 185-195.
[178] Danièle, Voldman. « Robin Régine, Le roman mémoriel : de l’histoire à l’écriture du hors-lieu », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 31, no. 3, 1991, pp. 110-111.
[179] « L’Histoire autre c’est ainsi le paradis interdit, mais l’histoire malgré tout retrouvée. Celle qui se noue avec les trouvailles d’une chiffonnière qui ramasse des débris, des éclats et des fragments. Ce sont alors des collages, des montages, un faire voir le grincement des temps, leur disjonction et leur superposition qui redonnent au passé ses traces d’ombres et sa signification pour aujourd’hui. » – « L’écriture à la trace. Entretien avec Régine Robin », Vacarme, vol. 54, no. 1, 2011, pp. 4-12.
[180] « […] la mémoire collective n’est pas une production sociale spontanée, ni la conséquence hasardeuse d’une conjonction fortuite de facteurs divers, mais le résultat d’une série de pratiques sélectives, exercées de manière expresse et/ou implicite, par ceux à qui l’on reconnaît la légitimité de les réaliser : les protagonistes politiques et sociaux, les historiens, les analystes, etc. […] Pour Halbwachs, cette capacité d’orientation dérive de la vocation de symbolisation de la mémoire, qui ne retient des faits que ceux ayant une valeur de symboles, ou, selon Jean Viard, « ces faits qui sont porteurs des significations particulières que le groupe veut reconnaître comme lui appartenant en propre », c’est-à-dire qui définissent son identité collective. […] Pour cette raison, un tel processus sélectif préfère les faits, les descriptions, les jugements et les acteurs sur lesquels s’appuient les représentations, qui en sont les composants les plus substantiels, la structure et la hiérarchie, en fonction des options et des intérêts de la classe dirigeante qui essaie de les imposer comme bases de son identité collective, comme matériaux de son existence commune. » – Vidal-Beneyto, José. « La construction de la mémoire collective. Du franquisme à la démocratie », Diogène, vol. 201, no. 1, 2003, pp. 17-28.
[181] « Cette contradiction, consubstantielle à la notion française d’assimilation permet, comme l’a rappelé Jean-Loup Amselle (1996), de faire co-exister une conception atomistique de la Nation (la communauté des individus citoyens) et le postulat de l’existence d’une pluralité de groupes présents en son sein, que ceux-ci soient pensés en termes raciaux ou ethniques. Elle entraîne une autre contradiction : la même notion qui affirme en théorie l’accès de tout individu à l’universel est utilisée en pratique comme un outil de sélection et de tri entre des populations inégalement dotées de capacités à s’assimiler. C’est en effet en faisant fond sur cette dualité universalité / pluralité que la notion d’assimilation a pu être utilisée alternativement selon les périodes et les objectifs politiques pour désigner le processus d’accession des peuples « inférieurs » à la civilisation, la transformation des enfants de paysans (ou d’immigrés) en Français grâce à l’école républicaine, mais aussi comme un principe de division entre populations assimilables et non assimilables, ces dernières étant porteuses d’une différence essentielle non convertible (une « race », donc). » – Jocelyne Streiff-Fénart, « Penser l’Étranger », Revue européenne des sciences sociales, 51-1 | 2013, http://journals.openedition.org/ress/2339
[182] « En France, le terme « intégration » qu’on a tenté de lui substituer pour atténuer les exigences de conformité trop lourdes qu’elle fait peser sur les groupes minoritaires, a fini, comme tous les euphémismes, par être rattrapé par la signification qu’il cherchait à écarter. « Intégration » en est rapidement venu à charrier la même idée d’un nécessaire alignement des valeurs et des comportements des outsiders, appréhendés comme des groupes spécifiques, à ceux supposés en vigueur dans une société perçue comme homogène et intégrée. » – Streiff-Fénart, préc. note 175.
[183] Blum Alain. « Comment décrire les immigrés ? À propos de quelques recherches sur l’immigration. », Population, 53ᵉ année,
n°3, 1998. pp. 569-587; doi : 10.2307/1534262
[184] « Les chercheurs de Chicago sont les premiers à avoir conceptualisé les relations entre les cultures et entre les races. La comparaison entre la situation des migrants venus d’Europe, mieux assimilés, et celle des Noirs infirme la portée générale du cycle des relations raciales. Les Noirs, immigrants forcés, supposés inférieurs biologiquement, sont soumis à la ségrégation légale dans les États du Sud. Ceci conduit les chercheurs à distinguer les relations ethniques et les relations raciales. Les premières concernent tous les groupes ethniques, notamment ceux issus de l’immigration européenne, à qui est reconnue une culture propre, tandis que le terme « race » est particulièrement associé aux Noirs. Les Noirs, comme les Amérindiens, ne sont pas considérés comme faisant partie du melting pot. Les relations ethniques renvoient à des différences de culture, alors que les relations raciales concernent les différences de race. La race n’est pas entendue dans un sens biologique. Est qualifié de race tout groupe de personnes qui est traité comme tel. Cette définition montre la force de l’imposition de catégories sociales légitimes par les groupes dominants. La notion de race est avant tout une catégorie prescriptive, elle désigne ceux qui sont durablement assignés à une position socialement inférieure et spatialement ségréguée. » – Rea, Andrea, et Maryse Tripier. « De l’assimilation à l’ethnicité aux États-Unis », Sociologie de l’immigration. La Découverte, 2008, pp. 44-57.
[185] « […] l’homme, parce que libre, est un être structurellement inachevé […] » – Dastur, Françoise. « La question philosophique de la finitude », Cahiers de Gestalt-thérapie, vol. 23, no. 1, 2009, pp. 7-16.
[186] « […] c’est bien le même individu (avec les idées et croyances qu’il porte) qui est sujet et objet de pensée dans l’opération de la réflexivité critique. La réflexion suppose l’identité du réfléchissant et du réfléchi. Mais elle suppose aussi leur différence, sans quoi cette procédure de réflexivité n’apporterait rien de nouveau ni d’éclairant. En un mot, il faut que l’homme puisse s’extraire de soi, tout en restant soi, pour redresser ses propres jugements en philosophant. La philosophie n’est possible que par cette contradiction de l’unité dans la différence à soi. Se juger implique d’être plus que soi, de pouvoir devenir autre que soi, d’être libre. » – Citot, Vincent. « La condition philosophique (La réflexion, le préréflexif et la question du scepticisme) », Le Philosophoire, vol. 28, no. 1, 2007, pp. 219-236.
[187] Vallon, Serge. « Peur, phobie et violence dans l’identité. Quelques considérations psychanalytiques », Identités. ERES, 2009, pp. 171-184.
[188] « Dans l’œuvre de Freud, la notion de « moi » – das Ich – prend des sens différents selon les périodes. Au début, le moi désigne la personnalité dans son ensemble : Freud le voit essentiellement comme le lieu de ce qui est conscient. À partir de 1923, avec l’introduction de la théorie structurale, Freud le présente comme une instance de régulation des phénomènes psychiques. D’un côté, le moi doit sans cesse trouver un équilibre entre les revendications du ça – le « réservoir des pulsions » – et les impératifs du surmoi. D’un autre côté, le moi gère les rapports entre l’individu et les exigences du monde extérieur. Des tensions conflictuelles inconscientes se créent entre le moi, le ça et le surmoi, ainsi qu’entre le moi et le monde extérieur. Écartelée entre des exigences contradictoires, la personnalité est la résultante des forces respectives en présence et de leur équilibre dynamique. » – Quinodoz, Jean-Michel. « Le moi, le ça et le surmoi », Sigmund Freud. Presses Universitaires de France, 2015, pp. 91-99.
[189] « Vous ne songerez pas, dans cette séparation de la personnalité en moi, surmoi et ça, à des frontières nettes, telles qu’elles ont été artificiellement tracées en géographie politique. Nous ne pouvons pas rendre justice à la spécificité du psychique par des contours linéaires comme dans le dessin ou dans la peinture primitive, mais plutôt par des champs de couleur qui s’estompent comme chez les peintres modernes. » – Lavianne, Jean-Noël. « Surmoi et souffrance », Cahiers de psychologie clinique, vol. 23, no. 2, 2004, pp. 249-272.
[190] « La singularité comme effet du croisement des multiples appartenances n’est qu’une solution artificielle à la question de l’identité : la pluri-appartenance singularise davantage, rend le sujet plus « original », mais ne lui confère rien de plus subjectivement personnel. […] Nos multiples appartenances ne risquent donc pas d’épuiser la question : « Qui/que serions-nous seul et nu ? » Si notre identité subjective – le sentiment d’être soi – dépend de l’autre et de choses signifiantes, comme un nom, détachables de nous, nous sommes exposés à la perdre. » – Daubigny, préc. note 156.
[191] Jaccard, Roland. L’Exil intérieur. Schizoïdie et civilisation. Presses Universitaires de France, 2010, 132 pages.
[192] « Le phobique, dans son espèce primaire d’agoraphobique, a peur de sortir : un danger l’attend dehors. Il sait pourtant que le chien n’est pas dangereux, et que le pont ne va pas s’écrouler à son passage. Il sait que cette peur est d’une certaine façon sans objet ou sans cause, mais quand même cette crainte s’installe en lui. […] Cette peur « est là d’elle-même » dit l’angoissé ! (« Sie ist da von selbst ») C’est le réfléchi qui est convoqué par le patient, qui sait que le problème n’est pas entre lui et le monde mais entre lui et lui. Ce qui se dit le « lui-même » ou le « moi-même ». La mêmeté supposée ou la constance subjective d’un double intime, miroir qui s’ignore comme tel. […] la phobie, stratégie subtile (même si elle n’est pas entièrement efficace) de contournement et de contention de l’angoisse, la phobie est une maladie du pronom réfléchi.» – Vallon, préc. note 187.
[193] « Je vais donc faire l’hypothèse que la peur de l’autre est une étape du développement humain, une étape clairement repérée chez le bébé par la psychanalyse, et qui, de plus, est une limite indispensable à notre sentiment de toute-puissance ; une étape vitale, comme le sentiment de culpabilité, ou de honte, pour la coexistence pacifique et l’humanité. » – Sibille, Marie-José. « La peur de l’autre : quand la différence devient menace. Anxiété et phobie sociales, des handicaps possibles à transformer », Identités. ERES, 2009, pp. 79-96.
[194] « Vous faites une description impressionnante des images de Clausnitz, lorsque des habitants de la ville ont manifesté leur hostilité à l’arrivée d’un bus de migrants au cri de : « Nous sommes le peuple ! » En quoi la haine préside-t-elle, selon vous, à cette identification des citoyens à un peuple défini de manière culturelle, sinon même ethnique ? C’est très explicitement une conception ethnique du « peuple » qui se déploie ici, et se demander sur quoi elle se fonde est une très bonne question. On se trouve devant un vide car on ne sait pas au juste quelle construction vient en premier : celle de l’« autre » ou celle du « peuple » ? L’origine est la même : les manifestants de Clausnitz voient dans les réfugiés des « autres » qui ont quelque chose de démoniaque, ils les construisent comme une menace, un danger, des criminels. De la sorte ils s’en distinguent comme « peuple ». « Nous » sommes le peuple, et non pas « vous ». Ils doivent obligatoirement dire : vous n’en ferez jamais partie. Pas vous. Sans la présence des autres et leur construction comme « n’en faisant pas partie », leur revendication n’aurait aucun sens. Ils ne se constituent donc à proprement parler comme tels qu’à ce moment-là. » – Emcke, Carolin. « L’Europe contre la haine. Entretien avec Carolin Emcke », Esprit, vol. décembre, no. 12, 2017, pp. 75-80.
[195] Rosenberg, Benno. « Le moi et son angoisse entre pulsion de vie et pulsion de mort », Le moi et son angoisse. Entre pulsion de vie et pulsion de mort, sous la direction de Rosenberg Benno. Presses Universitaires de France, 1997, pp. 9-118.
[196] Guilhot, Jean. « Réflexions sur le mal. Problématique d’une éthique universelle humaniste et agnostique », Imaginaire & Inconscient, vol. 19, no. 1, 2007, pp. 155-167.
[197] « […] Françoise Vergès, quant à elle, considère que l’identité nationale est une construction et que la figure de l’étranger est souvent utilisée pour resserrer les liens du national face à des identités assignées dont il faut se méfier : “Le discours sur l’identité nationale risque de redonner de l’importance à cette force d’assignation”. » – Wihtol de Wenden, Catherine. « Vous avez dit “identité nationale” ? », Après-demain, vol. n ° 4, nf, no. 4, 2007, pp. 3-5.
[198] Le Président, 1961, film d’Henri Verneuil.
[199] « Une entreprise émotionnelle ou Poétique du cinématographe selon Eugène Green », Po&sie, vol. 120, no. 2, 2007, pp. 219-234.
[200] Pierre Beylau, « La guerre sainte de Bush », Le Point, 7 fevrier 2003, http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2007-01-19/la-guerre-sainte-de-bush/924/0/53409
[201] Corten, André. « « Le mal existe ». Religion et néoconservatisme dans le discours de George W. Bush », Mots. Les langages du politique, 79 | 2005, http://journals.openedition.org/mots/1282
[202] Bazin, Laurent. « L’idéologie de l’identité nationale, un facteur de désagrégation de la société. Éclairages à partir de la Côte-d’Ivoire », Savoir/Agir, vol. 2, no. 2, 2007, pp. 61-69.
[203] Edward W. Saïd, “The Clash of Ignorance”, The Nation, 4 octobre 2001, https://www.thenation.com/article/clash-ignorance/
[204] Zonza, Christian. « Écho des guerres ottomanes dans les nouvelles historiques : de la représentation de l’Autre à la représentation de soi », Dix-septième siècle, vol. 229, no. 4, 2005, pp. 653-678.
[205] Hassoulier Bernard et Gustave Schlumberger. « Récits de Byzance et des Croisades. », Journal des savants. 15ᵉ année, février 1917. pp. 84-86.
[206] Pollak Michael. « Des mots qui tuent. », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 41, février 1982. Le camp de concentration. pp. 29-45.
[207] Ici Radio Canada, « Attentat terroriste à Québec », https://ici.radio-canada.ca/sujet/attentat-terroriste-mosquee-sainte-foy-quebec
[208] Denis Lessard, « Le fiel des radios poubelles », La Presse, 1er février 2017, http://plus.lapresse.ca/screens/08b7f968-1fe7-4d49-bd91-467413527b96__7C__8~Du492iVWEX.html
[209] André, Jacques. « Deux visages de la haine », Les territoires de la haine. Presses Universitaires de France, 2014, pp. 9-27.
[210] « Les démocraties sont confrontées au dilemme suivant : faut-il limiter la liberté d’expression pour assurer l’égalité des citoyens ? Si la liberté d’expression est constitutive de la démocratie, les discours de haine menacent l’égalité de statut des citoyens appartenant au groupe dénigré. La répression des discours de haine est donc justifiée par la liberté d’expression réellement égale pour tous […] » – Girard, Charles. « Pourquoi punir les discours de haine ? », Esprit, vol. octobre, no. 10, 2015, pp. 11-22.
[211] « La Commission note que la restriction de la liberté d’expression ne doit survenir que de manière exceptionnelle afin de ne pas limiter d’autres formes d’expression valorisées et protégées dans le cadre d’une société libre et démocratique, soit la participation aux débats politiques, sociaux et académiques, les expressions de mécontentement social, l’exercice de la liberté de presse, ainsi que le blasphème et la critique de la religion. Tous ces discours sont protégés et doivent le demeurer. » – Gouvernement du Québec, « Protéger les victimes de discours haineux tout en respectant la liberté d’expression, une question d’équilibre selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse », http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?aiguillage=ajd&type=1&idArticle=2309155019
[212] Calvès, Gwénaële. « Les discours de haine et les normes internationales », Esprit, vol. octobre, no. 10, 2015, pp. 56-66.
[213] Rateau, Paul. « La vérité, le mensonge et la loi », Les Temps Modernes, vol. 645-646, no. 4, 2007, pp. 26-58.
[214] « Le FN «tient un discours de vérité» : Maïtena Biraben provoque un tollé », La Dépêche, 25 septembre 2005, https://www.ladepeche.fr/article/2015/09/25/2184650-fn-tient-discours-verite-maitena-biraben-provoque-tolle.html
[215] Riou, Alain. « Cinéma : ces peurs qui nous habitent », Imaginaire & Inconscient, vol. 22, no. 2, 2008, pp. 73-82.
[216] Duits, Emmanuel-Juste. « Faut-il tuer la liberté d’expression ? », Le Philosophoire, vol. 16, no. 1, 2002, pp. 15-32.
[217] Fišerová, Michaela. « Censure et dissidence : la lutte des représentations. Le partage du visible au cours de la normalisation en Slovaquie », Tumultes, vol. 32-33, no. 1, 2009, pp. 57-77.
[218] Bach, Julien. « 5 – « L’immigration menace l’identité nationale ». L’immigration en France : vérités et mensonges », La Pensée confisquée. Quinze idées reçues qui bloquent le débat public. La Découverte, 1997, pp. 87-103.
[219] Mbongo, Pascal. « La banalisation du concept de « censure » », Pouvoirs, vol. 130, no. 3, 2009, pp. 17-30.
[220] « Les juristes ou ceux qui choisissent l’approche juridique de la censure s’en tiennent, le plus souvent, à cette définition. Ils la précisent généralement en opposant un régime juridique censorial à un régime répressif. » – Martin, Laurent. « Penser les censures dans l’histoire », Sociétés & Représentations, vol. 21, no. 1, 2006, pp. 331-345.
[221] Arsène, Séverine. « De l’autocensure aux mobilisations. Prendre la parole en ligne en contexte autoritaire », Revue française de science politique, vol. 61, no. 5, 2011, pp. 893-915.
[222] « L’effet Streisand est un phénomène médiatique au cours duquel la volonté d’empêcher la divulgation d’informations que l’on aimerait garder cachées — qu’il s’agisse de simples rumeurs ou des faits véridiques — déclenche le résultat inverse. » – https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Streisand
[223] DiFonzo, Nicholas, et Prashant Bordia. « Rumeurs, ragots et légendes urbaines. Contextes, fonctions et contenus », Diogène, vol. 213, no. 1, 2006, pp. 23-45.
[224] Elisabeth Noëlle-Neumann, « La spirale du silence. Une théorie de l’opinion publique », Hermès, La Revue, 1989/1, no 4, p. 181-189.
[225] « Si le populisme englobe la démagogie puisqu’il prétend contradictoirement suivre et mener le peuple, il ne s’y réduit pas. Il est à la fois une forme (un style) et l’expression d’un ensemble de valeurs dont il s’agit de repérer les liens de dérivation ou d’inversion par rapport à celles de la démocratie. » – Godin, Christian. « Qu’est-ce que le populisme ? », Cités, vol. 49, no. 1, 2012, pp. 11-25.
[226] Gabriel, Nicole. « Écriture, dissidence, classe ouvrière », Tumultes, vol. 32-33, no. 1, 2009, pp. 11-27.
[227] Tarragoni, Federico. « Le peuple et son oracle. Une analyse du populisme savant à partir de Michelet », Romantisme, vol. 170, no. 4, 2015, pp. 113-126.
[228] Zaoui, Pierre. « Réévaluer le populisme », Vacarme, vol. 45, no. 4, 2008, pp. 84-86.
[229] Taubmann, Michel. « Le droit au débat. Retour sur l’affaire Robert Redeker », Revue internationale et stratégique, vol. 65, no. 1, 2007, pp. 177-180.
[230] « La philosophie aux 17e et 18e siècles établit les cadres conceptuels de la pensée moderne de la liberté. De Milton à Spinoza et à Locke, la liberté d’expression est posée, selon la terminologie de l’époque, comme un droit naturel. » – Serfaty, Viviane. « Le refus d’interdire : éléments pour une analyse de la liberté d’expression sur Internet aux États-Unis », Raisons politiques, vol. 47, no. 3, 2012, pp. 189-202.
[231] « Le dilemme le plus redoutable concerne les propos racistes, antisémites ou islamophobes, et plus généralement tous ceux que l’on rassemble désormais sous l’expression « discours de haine » (hate speech). Si les formulations juridiques et les conceptualisations philosophiques varient, et se contredisent parfois, ce terme désigne généralement les actes expressifs qui dénigrent certains individus ou groupes en raison d’un trait identitaire qui leur est assigné. » – Bleich, Erik, et Charles Girard. « Que faire des discours de haine en démocratie ? », Esprit, vol. octobre, no. 10, 2015, pp. 5-10.
[232] Roux, Guillaume. « Xénophobie, « cultures politiques » et théories de la menace. Une comparaison européenne », Revue française de science politique, vol. vol. 58, no. 1, 2008, pp. 69-95.
[233] Bertho-Lavenir, Catherine. « Le Québec : une identité en péril », Médium, vol. 14, no. 1, 2008, pp. 42-63.
[234] « Chaque année, ces rapports signalent la progression et la variété des actes islamophobes confirmant, mois après mois, la nette surreprésentation des femmes parmi les victimes (77 % en 2012). » – Hajjat, Abdellali, et Marwan Mohammed. « L’islamophobie comme épreuve sociale », Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », sous la direction de Hajjat Abdellali, Mohammed Marwan. La Découverte, 2016, pp. 25-38.
[235] Jean-Philippe Foegle et Robin Medard Inghilterra, « De l’art du funambulisme : la CNCDH se saisit des « discours de haine » sur Internet », La Revue des droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, http://journals.openedition.org/revdh/1088
[236] Calvès, Gwénaële. « Les discours de haine et les normes internationales », Esprit, vol. octobre, no. 10, 2015, pp. 56-66.
[237] Calvès, préc. note 236.
[238] « […] la jurisprudence européenne fait généralement preuve d’une grande bienveillance à l’égard de ceux qui osent se risquer de manière courageuse mais modérée sur des sujets polémiques […] la Cour a déjà jugé que la simple reproduction de propos émanant de terroristes sans les accompagner de commentaires ne constitue pas un appel à la haine ou à la violence alors que les propos d’origine en étaient dépourvus (CEDH, sect. III, 20 septembre 2007, Erdal Tas c. Turquie (nos 3 & 4), req. n°17445/02 & 29847/02 : cette Revue 2007, N° 3-4, p. 252) et que le débat religieux ne saurait faire exception puisque l’expression d’idées de nature à « insuffler superstition, intolérance et obscurantisme » n’est pas condamnable en l’absence d’appel direct à la haine contre une autre communauté religieuse (CEDH, sect. IV, 29 avril 2008, Kutlular c. Turquie, req. n° 73715/01 : cette Revue 2008, N° 3-4, p. 455). (Y.P.) […] « Chien de garde » de la démocratie, la presse a plus que jamais vocation à être libre dans l’espace européen. Forte de cette affirmation, la Cour traite certains acteurs publics avec bienveillance en leur concédant une liberté d’expression plus large en raison de leur rôle et des sujets qu’ils abordent, mais également en s’assurant que les sanctions auxquelles ils sont soumis sont en diminution constante.» – « Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme en matière pénale. Les quatre saisons de la Cour : printemps-été 2009, 1er avril 2009 – 30 septembre 2009 », Revue internationale de droit pénal, vol. 80, no. 3, 2009, pp. 609-636.
[239] « La régression démocratique des dernières années combine deux caractéristiques : premièrement, une rupture avec l’État de droit comme fondement de la démocratie libérale ; deuxièmement, la montée du nationalisme comme première source de légitimation politique, entre souverainisme et crispation identitaire. […] La juriste Kim Lane Scheppele a qualifié le résultat de « Frankenstate » (« État Frankenstein ») combinant les pires pratiques qui puissent exister dans tous les domaines de la gouvernance. » – Rupnik, Jacques. « La démocratie illibérale en Europe centrale », Esprit, vol. juin, no. 6, 2017, pp. 69-85.
[240] « Des régimes démocratiquement élus ignorent couramment les limites que la constitution assigne à leurs pouvoirs et privent leurs citoyens des droits fondamentaux. Du Pérou à l’Autorité palestinienne, du Sierra Leone à la Slovaquie, du Pakistan aux Philippines, on voit surgir dans la vie internationale un phénomène troublant : la démocratie « illibérale ». » – Zakaria, Fareed. « De la démocratie illibérale », Le Débat, vol. 99, no. 2, 1998, pp. 17-26.
[241] Bleich, Erik. « L’avènement des lois contre les discours et les crimes de haine dans les démocraties libérales », Raisons politiques, vol. 63, no. 3, 2016, pp. 35-49.
[242] « Elles ont également été défendues avec force par des penseurs tels que John Stuart Mill, qui affirma en 1859 dans son célèbre traité De la Liberté : « (…) il devrait y avoir la pleine liberté de professer, en tant que conviction éthique, n’importe quelle doctrine, aussi immorale puisse-t-elle sembler ». Cette position libérale a trouvé dans la Cour suprême des États-Unis des défenseurs « absolutistes », et a le soutien d’intellectuels et de citoyens qui professent le célèbre adage « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». » – Bleich, préc. note 241.
[243] de Andrade, Aurélie. « Quelques mots de trop ? Retour sur le droit pénal international », Mouvements, vol. no29, no. 4, 2003, pp. 41-46.
[244] Meir Kahane et autres c. Conseil d’administration de l’Autorité de radiodiffusion, Cour suprême d’Israël, 41(3) PD 255 (1987)
[245] Thomas Hochmann, Le négationnisme face aux limites de la liberté d’expression (Étude de droit comparé), Pedone, 2013
[246] Joannon Pierre. « Réflexions sur le révisionnisme », Études irlandaises, no 2, 1977. pp. 151-173.
[247] « Ce dilemme n’épargne pas le juge international des droits de l’homme, ultime garant de ces principes, […] et, sur un plan plus général, les difficultés d’une application uniforme de l’article 7 de la Convention ( Patrick Wachsmann, « L’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme peut-il profiter aux scélérats ? », Droit répressif au pluriel : droit interne, droit international, droit européen, droits de l’homme. Liber amicorum en l’honneur de Renée Koering-Joulin, Anthémis, 2014, p. 775. » – Wachsmann, préc. note 15.
[248] « Les Déclarations consistent à affirmer des droits subjectifs que le droit objectif en vigueur ne reconnaît pas ou ne respecte pas, en signifiant que ces droits existent même quand ils ne sont pas assurés et protégés comme ils devraient l’être, et en les présentant comme normes pour le droit objectif lui-même. Cette priorité des droits subjectifs, cette normativité des droits subjectifs par rapport aux lois positives a suscité beaucoup de réticences et de discussions. » – Faes, Hubert. « Sens et valeur des droits de l’homme », Revue d’éthique et de théologie morale, vol. 264, no. 2, 2011, pp. 73-88.
[249] « La Cité chrétienne procédait d’une philosophie originale : l’égalité des hommes n’était pas, comme dans l’empire de Rome, la conséquence d’une longue et d’ailleurs imparfaite assimilation juridique ; elle était le fait premier : créés à l’image du Christ, ils sont tous égaux : « Ni Grecs, ni barbares, ni juifs, ni gentils », dira saint Paul. Dès lors qu’elle prenait l’homme pour référence, la société chrétienne tendait au globalisme, à l’œcuménisme ; la cité du prince ne pouvait pas se refermer sur l’homme, elle n’était qu’une part de la Civitas Christiana, elle-même amorce terrestre de la Cité de Dieu. Ainsi s’explique que le Moyen Âge ait connu, sur le plan des structures, un monisme théocratique ; sur le plan doctrinal, l’universalisme canoniste. » – Dupuy, René-Jean. « Introduction », Le droit international. Presses Universitaires de France, 2001, pp. 3-22.
[250] Si l’on accepte que la Déclaration universelle des droits de l’homme est largement inspirée de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 alors on dira en accord avec Goldmann qu’ : « Il s’agit principalement du droit à la vie, à la liberté et à la dignité. Le tout est conditionné par ce principe fondamental bien connu et qui paraît aujourd’hui tellement galvaudé, celui de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lévitique XIX, 18). Nous ne sommes guère surpris d’ailleurs, de lire dans le préambule de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, que « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits. » C’est ce que nous apprendrons à partir du Livre de la Genèse, chapitre I, versets 26 et 27 disant : « Dieu créa l’homme à son image, c’est à l’image de Dieu qu’Il le créa ; mâle et femelle furent créés à la fois. » La Torah veut ainsi nous enseigner que dans l’œuvre de la création première, l’homme constitue le point culminant. C’est bien ce que semble confirmer le Psaume VIII, verset 6, où nous lisons : « Pourtant, tu l’as fait presque l’égal des êtres divins ; tu l’as couronné de gloire et de magnificence ! » – Goldmann, préc. note 79.
[251] Garcin, Thierry. « Les droits de l’homme à l’épreuve de l’universalité », Relations internationales, vol. 132, no. 4, 2007, pp. 41-50.
[252] Projet d’inspiration kantienne. Castillo, Monique. « I. L’idée de paix », Connaître la guerre et penser la paix. sous la direction de Castillo Monique. Editions Kimé, 2005, pp. 15-30.
[253] Mazuir, Françoise. « Le processus de rationalisation chez Max Weber », Sociétés, vol. no 86, no. 4, 2004, pp. 119-124.
[254] Combemale, Pascal. « Une sociologie des actions sociales », Revue du MAUSS, vol. 29, no. 1, 2007, pp. 569-574.
[255] Mearsheimer, John J. “Back to the Future: Instability in Europe after the Cold War.” International Security, vol. 15, no. 1, 1990, pp. 5–56. http://www.jstor.org/stable/2538981.
[256] Schafer-Mutarabayire, Amélie. « Souffrances identitaires narcissiques. ou le Self dans tous ses états », Cahiers de Gestalt-thérapie, vol. 24, no. 2, 2009, pp. 195-218.
[257] Van Parijs, Philippe. « Rawls face aux libertariens », Individu et justice sociale. Autour de John Rawls. Le Seuil (programme ReLIRE), 1988, pp. 191-218.
[258] Gauchet, Marcel. « Conclusion : vers une mutation anthropologique ? (Entretien avec Nicole Aubert et Claudine Haroche) », L’individu hypermoderne. ERES, 2006, pp. 291-301.
[259] Fassin, Éric. « L’individu minoritaire », Vacarme, vol. 17, no. 4, 2001, pp. 15-17.
[260] Morin, Isabelle. « Œuvre de silence », Psychanalyse, vol. 15, no. 2, 2009, pp. 5-19.
[261] « Bourdieu se dit convaincu qu’«on connaît de mieux en mieux le monde à mesure qu’on se connaît mieux » – Bouveresse, Jacques. « La connaissance de soi et la science », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 150, no. 5, 2003, pp. 59-64.
[262] Valdivia Fuenzalida, José Antonio. « La connaissance de soi. À propos d’un argument de Pierre de Jean Olivi contre Thomas d’Aquin », Revue des sciences philosophiques et théologiques, vol. tome 100, no. 2, 2016, pp. 209-247.
[263] Agostini, Marie. « L’éducation morale : Socrate et Levinas », Le Télémaque, vol. 36, no. 2, 2009, pp. 113-124.
[264] Van Rillaer, Jacques. « Utilité et leurres de la connaissance de soi », La nouvelle gestion de soi. Ce qu’il faut faire pour vivre mieux, sous la direction de Van Rillaer Jacques. Mardaga, 2012, pp. 161-174.
[265] Hilfiger, Mathieu. « « L’humanité » chez Platon », Le Philosophoire, vol. 23, no. 2, 2004, pp. 166-194.
[266] Paturet, Jean-Bernard. « Le maître socratique comme figure de disclusion du sujet », De Magistro : le discours du maître en question. sous la direction de Paturet Jean-Bernard. ERES, 1997, pp. 103-139.
[267] « Le sujet n’est ni le moi, ni un soi social mais il construit une figure qui se dégage des rôles, des normes, des valeurs sociales. Cette production de soi s’opère par sa capacité à exercer une pensée critique sur la production des orientations culturelles, sous leur forme sociale, soumises à la temporalité, inscrites dans l’histoire » – Bertucci, Marie-Madeleine. « La notion de sujet », Le français aujourd’hui, vol. 157, no. 2, 2007, pp. 11-18.
[268] « On postulera que la réflexivité est l’aptitude du sujet à envisager sa propre activité pour en analyser la genèse, les procédés ou les conséquences, autrement dit la pratique de la réflexivité constitue la possibilité qu’a tout acteur social d’examiner sa situation et son action dans le cadre des analyses de la modernité […] » – Bertucci, Marie-Madeleine. « Place de la réflexivité dans les sciences humaines et sociales : quelques jalons », Cahiers de sociolinguistique, vol. 14, no. 1, 2009, pp. 43-55.
[269] « Faire un retour réflexif sur son expérience consiste à revenir en arrière sur un fait, une action ou un événement vécu, pour le mettre à distance afin d’en retirer une connaissance porteuse de nouvelles significations. Cela exige une prise de conscience de ce qui, jusqu’alors, était automatique. » – Kerzil, Jennifer. « Retour réflexif », L’ABC de la VAE. ERES, 2009, pp. 206-207.
[270] Venard, Bertrand. « Les malentendus de la mondialisation », Humanisme et Entreprise, vol. 286, no. 1, 2008, pp. 61-74.
[271] Vittorio De Filippis, « Pourquoi prospèrent les inégalités mondiales ? », Libération, 14 décembre 2017, http://www.liberation.fr/planete/2017/12/14/pourquoi-prosperent-les-inegalites-mondiales_1616327
[272] Birman, Joel. « Archives d’humiliation aujourd’hui », Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 9, no. 1, 2010, pp. 163-176.
[273] Mvé Ella, Léandre. « Le temps des humiliés. Pathologie des relations internationales, Bertrand Badie, Odile Jacob, 2014, 250 p. », Civitas Europa, vol. 34, no. 1, 2015, pp. 313-317.
[274] Johnson, Pierre William. « Commerce équitable et mondialisation », Revue du MAUSS, vol. no 21, no. 1, 2003, pp. 73-79.
[275] « Chapitre 1. La mondialisation : Un contexte mouvant pour la politique du développement », Revue de l’OCDE sur le développement, vol. 10, no. 1, 2009, pp. 21-36.
[276] Roustang, Guy. « Mondialisation et économie solidaire », Hermès, La Revue, vol. 36, no. 2, 2003, pp. 175-182.
[277] « Marx affirmait : « Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme. » En le parodiant, on pourrait avancer qu’aujourd’hui un spectre hante la planète, celui d’une mondialisation de type libéral. Ce renversement de situation surprendrait assurément l’auteur du Capital, mais il le conforterait aussi dans son jugement sur un capitalisme foncièrement entreprenant, dynamique, balayant sur son passage les structures anciennes, déracinant les hommes et les peuples de leurs cultures et de leurs traditions, apparemment emporté dans une dynamique sans principe ni logique repérables. » – Valadier, Paul. « La mondialisation et les cultures », Études, vol. tome 395, no. 11, 2001, pp. 505-515.
[278] « L’alternative ne porte certainement pas sur la mondialisation comme fait, car celui-ci est avéré et irréversible. L’humanité ne retournera pas à ses états antérieurs de dispersion et d’ignorance réciproque. Quant à se prononcer pour ou contre l’inévitable, le dilemme se réduit au choix entre des protestations vaines ou la production d’un critère objectif permettant de décider en raison et en conscience que la dispersion est préférable à l’union. On peine à imaginer un critère plausible, car le bon sens suggère qu’il faut préférer une situation où une espèce humaine unifiée pourrait se consacrer à l’exploration commune du champ des possibles ouverts à son génie. Si une alternative peut être dégagée, elle doit porter sur une « bonne » mondialisation opposée à une « mauvaise ». » – Baechler, Jean. « Les mondialisations alternatives », Revue du MAUSS, vol. no 20, no. 2, 2002, pp. 138-147.
[279] « Mon propos dans cet article est de démontrer que l’aptitude à élaborer des projets utopiques est propre à l’essence même de l’humanité. Je voudrais tout d’abord souligner comment les êtres humains sont individuellement et collectivement orientés vers l’utopie à travers leur interaction constante avec leur propre monde vécu et celui des autres. » – Cha, In-Suk. « La mondialisation de notre demeure vers une éthique de la Société Élargie », Diogène, vol. 209, no. 1, 2005, pp. 24-33.
[280] Filloux, Jean-Claude. « Un cheminement vers l’universalité des Droits de l’Homme : illusion ou éducation possible ? », Imaginaire & Inconscient, vol. no 17, no. 1, 2006, pp. 65-77.
[281] Audigier, François. « À la recherche des droits de l’homme dans l’enseignement obligatoire », Revue internationale de psychosociologie, vol. x, no. 23, 2004, pp. 77-93.
[282] Yacoub, Joseph. « Pour un élargissement des droits de l’homme », Diogène, vol. 206, no. 2, 2004, pp. 99-121.






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