Bande sonore : Dans la peau d’un dealer – Matt Houston.
Hier, je suis rentré dans le dépanneur où je m’offre quelques fois par semaine un cancer surtaxé, au packaging aussi morbide qu’un débat de politiciens en campagne électorale ; il y avait une jeune demoiselle qui en me voyant a tout de suite deviné la raison de ma présence en ce lieu, ce qui m’a surpris.
Ce matin, Patricia s’est arrêtée au même endroit, elle a demandé des Pâle Mâle XL Corsé, la jeune demoiselle qui la servait lui a répondu : « C’est bizarre, la seule personne que nous connaissons qui fument ces cigarettes est un grand noir ». Elle a répondu : « Oui je sais, on fourre souvent ensemble ». La jeune demoiselle derrière le comptoir, d’après Patricia, a rougi, a été outré, a eu un rictus, et s’est sûrement dit « What The Phoque ! » Patricia me l’a raconté et se trouvait ben drôle. Cela nous a fait rire. Ensuite, nous avons copulé. Dans la brume épaisse d’un paquet de cigarettes consumé à la Gainsbourg. « Je vais et je viens entre tes reins » avec de la nicotine dans les poumons, c’est aussi semblable que baiser avec de la cocaïne dans les narines. Ajouter à cela un peu d’alcool, et toutes les parties en présence atteignent le climax. Interstellar climax. Patricia adore.
Après son départ, je me suis retrouvé seul dans un appartement d’un style francigernum opus comme il s’en faisait au Moyen-Âge, décoré par une amie mordue du goût fade des ornements gothiques qui tout de même y a apporté quelques touches colorées « sperme de baleine ». Mon appartement est un espace saturé de monstres odieux sortant des siècles flamboyants de barbarie, révolue. La modernité a tout saccagé sur son passage, trop de Ikea dans les décors, trop d’ennui et de convenu. Les temps modernes sont des temps insipides. Demandez à ceux et celles qui ont succombé comme on crève à la tendance des lunettes transparentes, l’insipidité ils vous le diront pend au nez. Je vis dans une postmodernité d’uchronie, c’est-à-dire je fuis le côté moderne « Je m’emmerde ferme dans mon époque ». Je réécris sans cesse le passé qui se fait partout tendance panurgique, une façon de ne pas sombrer totalement. Ce matin, après le départ de Patricia, dans mon appartement uchronique, j’ai confirmé à Marie-Eve notre rencontre de cet après-midi, avec elle la postmodernité est un 69 inversé, moi en dessus et elle en bas, engloutissant mon caducée et moi dévorant sa chatte, et bien souvent les deux au diapason léchant le trou de balle de l’autre. Rimjob comme ils disent. Je dirai échange de bons procédés. Tout le monde est aussi heureux que Gainsbourg et Jane Birkin : « Tu vas et tu viens entre mes reins, et je te rejoins ». Cet après-midi, Marie-Eve me rejoindra.
Mary Juana, latina dans la trentaine, le corps ordinaire de la banale anorexique, les seins gonflés à l’hélium, les lèvres caricaturalement pulpeuses, le cul comme un contreplaqué, la gueule instagraméenne de fausse blondasse, s’est ramenée chez moi sans s’annoncer. Elle voulait tirer un coup. Ça lui est passé comme ça. Elle était dans son auto, et elle a voulu prendre une dose de nicotine. « Pourquoi pas Dave » s’est-elle dit. « Ce mec est un dealer après tout, il doit toujours en avoir sur lui ». C’est comme ça qu’elle me l’a expliqué. J’ai fait « Oki. C’est cool. » Elle a ri : « T’sé cela fait des siècles que personne ne dit plus « cool », juste de même. Ça fait vieux ! lol ». La pipe qu’elle fume semble lui faire le plus grand bien. J’ai hâte qu’elle se dépêche, Marie-Eve ne devrait pas tarder.
Mary a exhalé la dernière bouffée dans un frisson qui a lui seul valait toutes les productions « swallow » – « amateur » et « homemade » – de xvideos.com. J’ai « Liké ». En sortant, elle s’est retournée et m’a dit « J’te texte, puisque que tu n’es plus sur Facebook, ni Instagram. T’sé c’est démodé les messages-textes, le monde snapchatte ! » J’ai voulu lui répondre que la snap-chatter ou slap-chatter comme un spanking de ses lèvres vaginales me suffisait déjà largement, je me suis retenu. « Ouin. J’sais. De toutes les façons, tu sais toujours comment me joindre. » Elle était satisfaite, elle s’est barrée, avec sous son legging des marques de mes mains sur ses fesses. Mary n’est pas une sainte, son truc à elle c’est tout ce qui lui fera perdre sa virginité. Et accessoirement comblera son besoin de nicotine, je veux dire de pipe.
Marie-Eve a débarqué juste quelques instants après. La tronche pas fraîche, le corps emballé dans un pantalon sportif moulant du type prince-de-galles, et les seins sans soutien-gorge mis en avant par un léger chandail. « J’ai décidé d’adhérer au mouvement no bra’ ! » m’a-t-elle dit devant ma face un peu surprise. « C’est quoi le mouvement no bra’ ?! » ai-je répondu comme le dernier des dinosaures. « Quoi ! Tu n’es pas au courant du mouvement no bra’ ?!!! » « Heu, nonnn, je devrais ??? » « Mais oui voyons donc !! Tu vis dans quel siècle ?!!! » « Le XVe siècle, de toute évidence ». Marie-Eve a eu envie de se suicider.
Après l’échange de bons procédés, celui qui consiste à déguster le troufignard de l’autre et cet autre de son œil de bronze, elle m’a expliqué que le fait de ne plus porter de soutien-gorge était le dernier combat à la mode du féminisme, cela se nomme « Free the boobies » – libérer les seins. Une question à la fois de santé, de liberté, et d’émancipation. Je ne lui ai pas dit que d’où je viens à une époque – que les siens jugent encore comme la sauvagerie pure – les femmes avec des seins libres comme le vent étaient la norme, mes ancêtres en effet étaient d’un féminisme précoce. Elle, la québécoise pure laine à l’instar d’un mouton tondu pour habiller les fashionitas sur la rue montréalaise Sainte-Catherine, la québécoise de souche comme un tronc d’arbre séché, n’aurait pas compris. Il faut dire Marie-Eve éco-consciente trouve que les Chinois et les Indiens sont trop nombreux pour le bien de la planète, qu’il faudrait qu’on les empêche de faire des enfants afin que la terre ait une chance. En même temps, Marie-Eve est la fille pourrie gâtée d’un mec vivant dans une villa à Westmount avec piscine creusée et avec tous les objets narcissiques témoignant de son statut social. Elle ne saurait comprendre que toute son existence fût en soi une mise-à-mort de l’environnement, et qu’au rythme qu’elle mène sa vie avec sa BMW de l’année payée par « papa d’amour », ses vacances plusieurs fois par année en classe affaires dans les ailleurs sans sortir des hôtels aux milliers d’étoiles, son besoin irrépressible de shopping, l’accumulation et la boulimie de la sur-consommatrice ordinaire, il faudrait de nombreuses planètes à l’humanité pour s’en sortir. Marie-Eve n’en cure de cet aspect des choses, elle ne sacrifierait rien de son confort. Je la comprends. Le nombrilisme, ça me connaît.
Je n’ai pas dit à Marie-Eve que selon mon expérience à force de no bra’ les toton finissent par ressembler à une blague qui tombe à plat. Pour dire, une blague à vous faire tomber les nichons par terre. Les ptôses mammaires comme ma grand-mère le dirait c’est un truc de vieille. L’affaissement des seins n’étant pas encore un truc à la mode au vu du succès des Wonderbra push-up et autres chirurgies esthétiques mammaires, du complexe terrible des petits seins (de surcroît aplatis) et de leur souffrance inaudible comme celui des micropénis. Il est clair que se retrouver à 20 ans, 25 ans, 35 ans, avec une poitrine sur les genoux ce n’est pas nécessairement ce que Instagram et la pression sociale considère comme sexy et fuckable. Au fond, je m’en fous un peu. Je ne vais pas épouser Marie-Eve. Alors que sa poitrine à la Christy Mack ressemble demain à celle de d’une cougar milf dans la cinquantaine sans le sou pour passer sur le billard, que voulez-vous que ça me fasse.
Ce soir, après le départ de Marie-Eve, j’ai décidé de rejoindre le no bra’. J’ai décidé de libérer mes seins. Plus de soutien-gorge sous le t-shirt, j’assume désormais ma gynécomastie. Voilà mes toton, prenez et mangez. Il y a quelques années, Vanessa me faisait remarquer que j’avais des nichons plus gros que les siens, elle trouvait la situation un peu bizarre. Je l’avoue, j’ai une poitrine pas tout aussi généreuse que Mathieu B.C. chroniqueur extrême-droite du Journal du Mouroir, mais un peu de Philipe des Couilles notre (ex) premier ministre (néo)libéral provincial. Cela peut être un choc. Un traumatisme. Certaines n’en reviennent jamais. Vanessa est mariée à un obèse depuis un an. Je n’ai pas été invité à son mariage à Chicago. Un mec avec des seins suffit, nul besoin d’en rajouter.
Coming out. J’assume dorénavant ma féminité. « Hypertrophie des seins » sortant du placard, voilà que je me présente presque nu aux yeux de la modernité. Cela a les traits d’un tableau de Francis Bacon et de Lucian Freud, certains paient des centaines de millions de dollars pour l’acquérir. Mais, je vais vous dire, je m’offre gratis. Produit de la postmodernité, objet du peuple endogé, mon nu est une soupe populaire pour toutes les bouches affamées qui n’ont plus de voix pour crier famine. Voilà mes seins, comme Romulus et Rémus, prenez et mangez. Que les Enfoirés reposent en paix, j’ai suffisamment de graisse pour faire tenir le siège de Candie. #nobra, #beyourself, #femen. Mesdames et mes demoiselles, je vous en prie, mangez-moé.
Ce soir, je suis allé au dépanneur, j’ai pris un paquet de Pâle Mâle XL Corsé, la jeune demoiselle a souri, je n’ai pas eu à prononcer un mot, elle avait deviné. Elle m’a dit : « Votre conjointe a commandé la même chose tout à l’heure ». J’ai rectifié : « Ce n’est pas ma conjointe ». Elle a répliqué : « Je sais ». Il y a quelques minutes elle m’a envoyé un message-texte : « Je finis mon shift dans quinze minutes et je m’en viens ». Mon appartement gothique aussi cannibale qu’une civilisation anthropophage, mes seins nourriciers comme la louve, et ma bouche anulingue, l’attendent, impatiemment.
Bande sonore : Wicked Game – Chris Isaak.
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