
Bande sonore : Beng beng beng – Femi Kuti.
Hier, invité à une soirée aux atmosphères bobo – underculture dans l’esprit underground, j’étais en compagnie de gens bien, exhibitionnistes dans le sens le plus nudiste du terme, des gens très bien, et je me suis fait incroyablement chié. En fait, la soirée n’était pas chiante, elle était conforme à ce qu’il se fait à Montréal dans les quartiers qui s’en sortent pas pire habités par des individus qui sont préoccupés par leur mode de vie bien plus que par des questions de survie.
Là, en ce lieu d’un raffinement qui ne se veut pas tapageur, d’une intelligence exquise tant dans l’aménagement de l’espace que dans son remplissage, au milieu de cette sublime scène où le moi des occupants tient le rôle principal d’une pièce écrite dans une langue avancée – post-post-post-moderniste, pour dire inaccessible au commun des mortels encore modernistes ce qui ici signifie très arriérés, je me sentais comme un spéléologue descendant dans une grotte ayant tout d’un trou noir.
Au bout de quelques minutes, le temps de faire le tour de la pièce, de saluer les nudistes, de prendre des nouvelles de ceux qui étaient partis ailleurs en quête d’authenticité – c’est-à-dire pour paraphraser Michaela Benson dans son article « Living the « Real » Dream in la France profonde ? » paru dans Anthropological Quarterly : migrer vers des terres « untouched undsicovered and unspoiled », encore vierge des ravages de la modernité (barbare) afin de découvrir la vraie vie – et qui étaient revenus aussi rapidement, mais définitivement changés (la preuve : ils s’offraient désormais des manteaux d’automne en peau d’alpaga d’une valeur sans les taxes de plus de 400 dollars, juste pour porter l’authenticité sur eux). Ils allaient bien. Tout le monde allait bien. Etait bien. Le contreculturel en pleine forme, le marginal s’écoutait dans les musiques d’ambiance, le disque d’un chanteur engagé la voix déchirante originaire d’un coin perdu du Guatemala et accompagnant ses récriminations larmoyantes en tapant sur des cailloux, les marginaux dans la trentaine étaient extatiques, ils étaient bien. Je me suis barré.
Avant de me tirer de là, une jeune demoiselle qu’il m’était donné plaisir de rencontrer m’a demandé après les formalités un peu « Personne n’en a rien à branler, mais faut quand même le faire » que sont le « Salut ! Moi c’est Dave B.C., ou Dave S.T. pour les intimes » et le « Enchanté ! Ravie de te rencontrer ! Moi c’est… » : « Alors que fais-tu dans la vie ?! » J’ai répondu : « Dealer de cock. » Elle a fait : « Ah ! … Sinon les affaires ça va bien ?! » J’ai lâché : « Ouin. Pas pire. » Elle s’est excusée et est allée s’offrir du crabe.
Dans le métro, Bianca m’a envoyé un message-texte : « Hey toé ! Keske tu fè ?! Ya un party chez nous, viens t’en ! » Bianca vit à deux stations de métro. Qu’ai-je à perdre. Je suis déjà en dehors de ma bulle, foutu c’est foutu. J’ai rappliqué.
Je suis une personne qui aime rester chez elle, cloîtrée, casanière. Pantouflarde dans le sens sans doute un peu hard du terme. Je m’emmerde généralement hors de ma caverne, c’est pourquoi je décline quasi systématiquement toutes les invitations à sortir. Sortir ce n’est pas aller rejoindre les autres, s’amuser, sortir chez moi c’est s’oxygéner, voir à quel niveau de sa transformation en Pandémonium le monde est rendu, compter les cadavres, observer les morts—vivants, et bien entendu offrir ma came dans un échange de bons procédés. Ma came c’est ma bite, ma bite c’est ma cock. Je la deale à celles qui ont toujours quelque chose à vendre. Il n’y a pas d’entourloupe, pas de vice caché, même s’il peut avoir un risque d’overdose – ce qui est clairement pour mes clientes mon meilleur argument de vente, l’overdose comme une petite mort, elles achètent. En outre, mon commerce est fondé sur un postulat quasi philosophique aux mots un peu poétiques, je l’ai emprunté à Aimé Césaire : ma bite sera la bite de ceux qui n’ont pas de bite (en l’occurrence, les micro pénis). Je suis donc un dealer de cock, sérieux, honnête, engagé, casanier. Bianca voulait sa dose. J’ai rappliqué.
Le party battait son plein. La moyenne d’âge dans la vingtaine. Les têtes blondes achetées au même endroit. Le même chirurgien plastique. Les douchebag sortis de la même usine. Les fashionistas ayant faits les mêmes soldes. La collection automne hiver de cette année est une merde de chèvre, beaucoup trop de granules comme de mini crottes. Les atmosphères du type Coachella avec les moyens du bord, les musiques d’ambiance un peu dingues faites par des Dj’s dont les séjours réguliers dans un asile psychiatrique s’entendent très bien, et tout le monde est nudiste dans le sens littéral le plus à poil du terme.
Bianca me saute au cou, « My man ! », elle a les pupilles si dilatées que ce trou noir m’engloutit totalement, la mydriase de Bianca n’est pas le résultat du Black effet comme l’Axe effet c’est la conséquence attendue de quelques lignes de coke et de tout ce qui traîne ici sur les tables et les comptoirs. Bianca ne me lâche pas d’une semelle, elle me conduit manu militari vers sa chambre. Dans le couloir bondé, l’on croise une de ses colocataires avec un soutien-gorge et un string Axami Mokka Macaroon – de visu ; la jeune demoiselle nous fait « Hello ! » et se dirige vers la salle de séjour. Vive la liberté de soi. Bianca me jette dans sa chambre, et elle s’offre une ligne de cock.
Marie Pier est arrivée un peu plus tard. Bianca avait comme à l’accoutumée été satisfaite par la qualité du produit. Elle a susurré en sortant de sa chambre : « Babe, avek toé sè po du niaisage ! » Une façon de dire que l’on en a toujours pour son fric. Elle l’a raconté à Marie Pier. MP comme dans Member of Parliament aime beaucoup les discours, et elle aime raconter des histoires. C’est ce que j’apprécie le plus chez elle. Elle est sur ce point invariable, prévisible, et d’une certaine façon honnête. MP est venue me voir, écartant ou dégageant des p’tites jeunes franco-gauloises qui me saoulaient, elle s’est plantée devant moi et j’ai compris très vite que nous allions procéder à un troc.
Ce matin, MP m’a envoyé un message-texte : « Nice job 😉 » J’ai répondu : « Thanks MP ! Nice blowjob too 🙂 »
Bande sonore : Loko loko – Serge Beynaud.
Dealer de cock?~? Ohh, j’avais mal lu, je croyais, « Dealer de coke ». Anyway, une bonne blague n’est jamais gaspillée ^^:
Pingback: Comme l’a dit Hessel : « Épilez-vous! » – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Frankl chez les vaches – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Neige en novembre – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: 483 – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Zangalewa – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Istar, Variations symphoniques Op. 42 – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Goodbye my lover, goodbye my friend – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Odyssée – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Tina – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Baudelaire – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Anulingue – Les 50 Nuances de Dave
Pingback: Érection – Les 50 Nuances de Dave