Au collège Jésuite, lorsque le prélat qui nous servait d’enseignant nous sortait le « Aimez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a aimés », nous avions l’habitude après la réponse « Amen », d’ajouter tout doucement : « Aimez-vous les uns sur les autres » comme le Christ a niqué Marie-Madeleine, et s’est fait chacun de ses douze apôtres. Le prélat n’entendait pas notre blasphème, il nous aurait fouettés jusqu’au sang – culotte baissée, cul en l’air, belles fesses nues bien présentées. Nous étions des gamins, mais pas cons.
Quelques décennies plus tard, le « Aimez-vous les uns sur les autres » est devenu une norme d’une banalité affligeante. Il a perdu de son côté un peu frondeur, un peu du j’emmerde-l’ordre moral, il est devenu l’ordre moral, et c’est le contraire qui est devenu transgressif bizarroïde archaïque anormal. On baise comme on respire, et on aime peu. Ce qui n’est pas si mal.
Quelques décennies plus tard, tous les prélats qui m’ont servi d’enseignants sont morts avec des couilles bien grosses bien pleines, et leur amour tout platonique des autres s’est fait un peu beaucoup défoncé par les adultes que moi et mes congénères sommes devenus.
Ma génération n’ira pas au paradis, elle ne craint pas l’enfer, elle y vit. Elle n’a foi en rien, même pas en elle-même. Elle écrase tout ce qui peut faire ombrage à son ascension sans verser une larme, elle se hisse au sommet où dieu est au service de temps en temps de leurs propres intérêts, elle réfléchit aux meilleurs moyens de tuer les vieux qui s’éternisent, elle prend la couronne d’épine et se l’enfonce dans le crâne.
Ma génération n’est pas perdue, elle suit la voie tracée par les Aînés qui ont préféré s’envoyer en l’air fumer de l’herbe jouir – génération de la gratuité et de l’hédonisme – ma génération est épicurienne, foncièrement matérialiste, pourrie mais pas gâtée ou pour dire quelques fois un peu datée, surtout juste rien à cirer. Après elle, le déluge.
Et il n’y aura pas de Noé et sa barque en bois pour sauver tous les animaux que nous sommes tous. Noé le zoophile est un sélectif, il a des goûts bien précis. Toutes les bêtes ne le font pas bander. Faut avoir un truc un peu spécial. Cochon. Ma génération n’ira pas au paradis, elle est en pleine noyade, cochonne, c’est elle le déluge.
Et lorsqu’elle aime les uns sur les autres, fornication dans les normes vaticanes de l’ordre moderne et postmoderne, quelques fois c’est avec préservatif et très souvent sans.
Ma génération est un modèle pour ses cadettes, la preuve tout va désormais en couilles, chattes, miaou, etc. Etc. C’est un véritable zoo. Une animalerie sous le déluge.
Les chiens font et se font des chattes, les chattes font et se font des chiennes, ce qu’il reste se démerde comme il peut, et ça offre une sacrée variété. Ce qui est encore plus fascinant : ceux qui se font fouettés y prennent un grand plaisir.
Mon enseignant-prélat s’est retourné plusieurs fois dans sa tombe comme tant d’autres retournent leur veste. Question de (post)modernité. Le collège Jésuite est désormais un anachronisme. Les gamins d’aujourd’hui sont des adultes encore et sempiternellement en adolescence, mais invariablement cons.
Au milieu des années 90, j’étais dans une église avec mon frère. Il n’y avait pas grand-monde. C’était très éclairé. On était assis à peu près au milieu, et il y avait à peu près personne d’autre (oui il y en avait un peu, mais pas vraiment assis, sur des banc, etc). J’avais eu l’idée de faire des fuck you au Jésus Christ sur la croix en avant, avec mon frère. je ne sais pas pour lui, mais moi, je cachais mon doigt d’honneur (UN honneur…) que je faisais à Jésus Christ pour pas que Jésus Christ voit que je lui faisais un doigt d’honneur (un FUCK YOU). Bon, maintenant que j’y pense, c’était peut-être aussi pour pas me faire voir des autres personnes dans l’église. Parce que si ces personnes m’auraient vu faire, elles m’auraient PERSÉCUTÉ COMME ELLES ONT PERSÉCUTÉ JÉSUS CHRIST À L’ÉPOQUE ROMAINE! FUCK TOUTE. FUCK LA SOCIÉTÉ, FUKYEHA!
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