Au milieu de la nuit, j’ai repensé à Durkheim, le métaphysicien, l’un des pères de la sociologie française et l’un des fondateurs de la sociologie moderne, et j’ai pensé à cette société puritaine qui voit des individus consommer frénétiquement – bien plus que d’autres dans le monde – la pornographie. Je me suis demandé comment je pouvais me l’expliquer, cela n’a pas contribuer à me guérir de mon insomnie maladive. Du point de vue durkheimien, je devrais m’intéresser à la société presque exclusivement, observer et évaluer les degrés d’intégration et de régulation (par exemple) des institutions (école, famille, religion ou le rôle de l’église, etc.) dans lesquelles je trouverais des causes déterminantes (les origines) d’un tel fait social qui seraient explicatives de ce comportement.
Alors, je me suis mis à penser à cette société puritaine. Cette société qui s’intéresse beaucoup à ce que les individus mettent dans leur lit et comment ils s’y comportent au point de frapper de condamnation (sociale) tout comportement déviant de la norme (sociale). Cette société puritaine qui exige ou attend dans les familles que les enfants fassent vœux de chasteté ou tout au moins ne se livrent pas à la luxure (avant, pendant, après, le mariage). Cette société puritaine dans laquelle le président jure sur la bible. Cette société puritaine qui a failli destituer un président pour une fellation extraconjugale, cette société puritaine qui a mis politiquement hors-jeu tout politique pris la main dans le sac de l’infidélité, cette société puritaine qui a inscrit sur un de ses billets de banque : « En Dieu nous croyons ». Cette société puritaine dans laquelle tout politicien qui se respecte et qui veut susciter la confiance des électeurs doit ponctuer ses phrases d’une ou plusieurs références à dieu. Cette société puritaine dans laquelle on termine généralement les discours par un « Que Dieu bénisse [la nation] ». Cette société puritaine qui a déjà censuré et censure toujours des œuvres artistiques parce que jugées blasphématoires ou trop sexuelles (des atteintes à la pudeur ou à l’esprit conservateur). Une société puritaine qui voyait encore jusqu’à très récemment certaines communautés juridiquement (pénalement) sanctionner des individus parce qu’ils aiment se faire mettre dans les fesses (ou en mettre les autres dans les fesses) car la sodomie était une pratique sexuelle non reproductive (et bien entendu une abomination découlant, entre autres choses, de cet épisode biblique particulier qu’est l’histoire de Sodome et Gomorrhe). Une société puritaine qui jusqu’à encore récemment fichait des individus en les inscrivant sur le registre des délinquants sexuels parce qu’ils aimaient avoir le sexe de l’autre partenaire dans leur bouche, pervers à cause d’une fellation donnée par un individu presque dans le même âge que soi et pleinement consentant, criminel à cause de la même pipe au point de pouvoir s’approcher d’un lieu public fréquenté par des enfants. Une société puritaine qui prie dieu-tout-puissant sous les caméras, rituel national, et dans laquelle dieu est pour beaucoup d’individus mis au-dessus de la constitution. Cette société puritaine n’est pas un pays musulman, ce n’est pas la société iranienne, ce n’est pas la société saoudienne, ce n’est pas la société des talibans afghans, ce n’est pas une communauté d’ultra-conservateurs indiens, ni une secte juive d’ultra-orthodoxes, c’est la société étatsunienne – la plus grande démocratie du monde.
Alors, je me suis demandé ce qui pouvait faire en sorte qu’une telle société soit s(sur)consommatrice de la pornographie, ce qui pouvait faire en sorte que les individus comme des gargantua se goinfre et s’empiffre de produits pornographiques (une industrie porno qui en 2016 aux états-unis a rapporté 10 000 000 000 de dollars américains, et représentait près de 90% de la production porno mondiale). Un faible degré d’intégration des individus (aux valeurs puritaines) qui montrerait la faillite des institutions en charge de s’en assurer (les institutions comme la religion et la famille étant des instances protectrices parce qu’elles émettent des interdits moraux, mais aussi permettent de créer chez l’individu un sentiment d’appartenance à la communauté, à la société), un faible degré de régulation (par exemple dans une situation d’anomie) des comportements individuels qui dirait un faible pouvoir coercitif des institutions (un défaut de régulation qui se manifesterait par des normes sociales et morales sans réelles pouvoir de sanction de leur non-respect, ou qui seraient illisibles floues brouilles pour dire sans être accessibles et d’une grande netteté en sens et significations)?
Ou, dans l’autre extrémité, ce fait social pourrait s’expliquer par un fort degré d’intégration (qui serait vécu ou perçu par les individus comme excessif, des individus qui auraient l’impression de ne plus s’appartenir dans le sens que le « Je » fondamentalement autonomie de la volonté – libre serait comme dissout dans une réalité extérieure homogène, une société et des institutions agrégatives et broyeuses de la singularité individuelle, le comportement individuel modelé davantage par le sentiment d’accomplissement du devoir que l’exercice de leur liberté) qui provoquerait une réaction de défiance du « Je » (plus affirmatif de sa liberté) par rapport à la norme (sociale, morale), cette réaction de revendication (qui montre aussi une espèce de réinvestissement par l’individu de son Soi) pourrait être aussi lu comme une attitude d’un type suicidaire parce qu’il y a là une prise de risque aux effets pouvant être irréversibles, précisément d’exclusion (sociale – de mise à l’écart de la société, du groupe, de la communauté – par la stigmatisation l’anathème la prison etc.) et/ou de mort (sociale – ou même dans certaines sociétés une mort physique comme il est possible de l’observer dans les crimes homophobes, dans les crimes dits d’honneur, etc.). Dans cette idée, ce fait social qu’est la (sur)consommation de la pornographie dans une société puritaine peut aussi résulter d’un fort degré de régulation (une vie sociale excessivement réglementée, aux normes écrasantes, laissant peu ou pas de marge véritable au « Je » autonome dans sa réalisation de soi, faisant de la reconnaissance de l’estime sociale un moyen d’assujettissement du Soi à une norme (sociale) perçue comme totalitaire ou absolutiste, la norme (sociale) considéré aussi comme un moyen de contrôle social des individus. Dans cette optique, (sur)consommer de la pornographie pourrait être vu comme un acte ou une réaction de défiance par rapport à ce contrôle social. Ce qui est une prise de risque aux effets non-négligeables : la marginalisation, la répression, que l’on peut observer entre autres choses dans le fait d’humilier de faire honte de déplacer à la périphérie l’individu en défiance de l’autorité (la norme faisant autorité).
Ainsi, le fait social de la (sur)consommation de la pornographie dans une société puritaine en adoptant un regard sociologique durkheimien peut mener à deux explications. Pour savoir laquelle est pertinente, la recherche partira de la société et de ses institutions afin de mesurer les degrés d’intégration et de régulation des instances sociales. Mesurer par exemple par des enquêtes quantitatives (sondages, statistiques, etc.), ce qui permettrait de dégager des tendances (des récurrences) avec lesquelles il serait possible de voir un modèle, un modèle explicatif qui dirait si ce fait social est causé par un défaut d’intégration ou de régulation, ou par un excès d’intégration ou de régulation, et de manière extensive la recherche pourrait s’intéresser aux faits sociaux antérieurs au fait social observé (quel est l’historique social de cette société par rapport à cette question de mœurs par exemple, quelle est l’histoire ou l’évolution historique de la morale dans cette société, comment et à partir de quoi la norme sociale et morale s’est construite, etc., par exemple). Dès lors, cette approche méthodologique n’exclut pas l’individu mais s’appesantit sur le collectif (la conscience collective qui est considérée exercer de façon déterminante sur la conscience individuelle une emprise rendant les comportements socialement identiques – dans ce sens, je dirais, une emprise à la fois redoutable et quasi impossible de s’en émanciper, de s’en libérer) : c’est le tout plus que la somme des parties. Définition même de l’holisme.
Le problème avec l’holisme (ou je dirais ce que je crois être le principal problème), de façon générale, est sa nature systémique ou formulé différemment une analyse systémique (c’est-à-dire du tout : environnement, collectif, milieu organisationnel, etc.) trop prépondérante dans l’explication d’un fait social ou d’un phénomène. Si l’agentivité des individus n’est pas éliminée, elle reste extrêmement relative (limitée) face aux mécanismes et aux dynamiques du système (en l’occurrence des institutions) qui agissent sur cette autonomie individuelle comme des rouleaux compresseurs. Au fond, l’individu est presque passif, intériorisant des normes extérieures qui ont une existence propre (puisqu’elles peuvent exister bien avant sa naissance par exemple comme c’est le cas dans certaines sociétés des rapports sexuels avant le mariage ou de l’interdiction sociale notamment de certaines pratiques sexuelles telles que la sodomie la fellation, etc.), évoluant dans un espace (aussi social que moral) circonscrit, il n’est pas ou peu une sorte d’atomisme logique (c’est-à-dire l’individu est un atome ayant ou suivant sa propre logique indépendamment du système, de l’environnement, du milieu, etc.).
Ce problème fait en sorte qu’il n’est pas envisageable (ou je dirais pertinent) de considérer que si un individu (sur)consomme de la pornographie c’est peut-être pour répondre à un désir ou à un besoin propre sans qu’il ne soit nécessairement question de réaction de revendication (de son Soi) ou de réaction de défiance (par rapport à la norme sociale, au système, etc.). Un individu peut dans une société puritaine rechercher un certain plaisir dans la pornographie, c’est la satisfaction de ce plaisir qui lui importe au détriment même du respect de la norme (sociale). Un individu peut vouloir découvrir autre chose (en s’écoutant d’abord) que ce à quoi il est accoutumé en allant à contre-courant de l’attitude sociale (ou morale) attendue. En adoptant une lecture wébérienne de la rationalité, précisément celle en finalité, l’individu est un agent téléologiquement rationnel, son action est souvent instrumentale ou pragmatique car elle vise la réalisation de fins réfléchies, elle se fait en fonction de ses attentes propres, il y a une construction structurée pensée du comportement permettant l’atteinte d’un objectif déterminé. Pour dire, mater du porno pourrait être une action individuelle réfléchie visant le bien-être, ou par exemple pour un tel individu atteindre un état satisfaisant de santé mentale, etc. D’autre part, en adoptant une lecture toujours wébérienne mais cette fois-ci une rationalité affectuelle, mater du porno pourrait être une action déterminée par les affects, les émotions, immédiatement ressentis par l’individu comme par exemple la simple envie de jouir, là tout de suite. Il n’y a pas comme dans l’action rationnelle en finalité une réflexivité (l’individu ne réfléchit pas longuement à lui-même, sur son besoin, n’élabore pas un comportement structuré, pensé, etc.), mater du porno ne découle pas ainsi d’un sens subjectif existant – il veut jouir alors il va jouir en matant un film porno, point.
Et si cet individu peut exercer cette autonomie (rationnelle), cette liberté, plusieurs autres le peuvent aussi, en ce sens la (sur)consommation de la pornographie dans une société puritaine montrerait un décalage entre le besoin profond ou le désir réel des individus et l’image (projetée) qu’une société se donne (ou se fait d’elle-même). L’individu bien plus que le tout serait ainsi la cause déterminante du fait social. Voir les choses de cette façon, c’est adopter dans son sens sociologique une approche individualiste (l’individualisme méthodologique qui s’oppose à l’holisme, puisqu’elle part non pas du global – du tout – mais du sujet social qu’est l’individu). C’est porter une plus grande attention à l’agentivité du sujet (réappropriation individuelle du sens social, amendement ou altération par l’individu de la norme sociale, etc.), aux interactions entre les individus (intersubjectivité) qui peuvent produire une nouvelle réalité sociale – c’est-à-dire un changement social (c’est le concept même de l’interactionnisme symbolique qui prend à contre-pied le behaviorisme). Pour dire, le système ou ses institutions c’est aussi ce que les individus par leurs actions en font. Comme le formulerait le principe Popper-Agassi, les collectifs humains n’ont pas une volonté (besoins, buts, objectifs, intérêts, etc.) distincte et propre de celle des individus qui en font partie.
Cette approche individualiste est une méthode compréhensive bien plus qu’explicative des faits sociaux, il y a une rupture avec l’historicisme (ou les théories historicistes), c’est-à-dire que certaines réalités sociales peuvent ne pas avoir une antériorité qui rendre nécessaire de s’y attarder pour les comprendre. En poursuivant dans cette perspective, en s’écartant un peu du principe Popper-Agassi, l’on pourrait dire qu’il n’est non plus toujours besoin de passer exclusivement par l’institutionnalisme (qui pour Popper est réductionniste) pour comprendre les réalités sociales qui sont avant tout des constructions à partir d’actions individuelles – ce qui laisse la porte ouverte à un regard psychologique du comportement humain dans l’environnement social. Le social a une part de psychologie puisque le social c’est principal des êtres humains, en interaction, qui ont une composition psychique différente des uns des autres. Les gens dans une société puritaine qui (sur)consomment de la pornographie ont des motivations psychologiques qui peuvent différés diamétralement d’une personne à une autre.
Par exemple, une femme peut être (sur)consommatrice de la pornographie pour remédier à un complexe d’infériorité (si elle se considère sans doute à cause du regard des autres comme d’un physique peu attrayant d’après la norme esthétique sociale). (Sur)Consommer du porno comme le fait de se normaliser (en voyant des femmes comme elles prendre du plaisir avec des personnes les regardant comme correctes ou du moins pas anormales). Par exemple, un homme que la nature n’a pas particulièrement gâté ou pour qui la nature n’a pas été très généreuse peut fréquenter des sites pornographiques pour satisfaire un besoin psychologique de confiance en soi (surtout si dans son entourage, son milieu, ou par sa biographie avec ses expériences archivées, il n’a pas pu trouver cette confiance en soi). Ainsi, il peut avoir un million de raisons ou de motivations psychologiques poussant des individus à mater du porno, ces motivations n’ont a priori rien de malsain (et comme dans les deux cas susmentionnés font questionner le regard social – qui exprime une valeur sociale – sur des personnes ne correspondant pas à la norme en vigueur, bref questionner comment nous autres – « normaux » – regardons les autres, notre appréciation des autres, etc.).
Si on pousse jusqu’à la psychanalyse ou jusqu’à la théorie freudienne (psychanalytique) on pourrait voir ce comportement (mater du porno dans une société puritaine) du Moi (l’entité médiatrice du monde objectif – monde aux normes extérieures, des interdits intériorisés et des instincts, besoins pulsionnels) comme le produit d’un conflit ou une (relation de) tension entre le Surmoi (mur des interdits parentaux, sociaux, ou du « Il ne faut pas » – loi morale – intériorisé par le sujet) et le Ca (force chaotique des instincts, des pulsions, des besoins pulsionnels, de satisfaction du principe de plaisir). A partir de là, essayer de comprendre ce qu’il en est. Pour dire, mater du porno peut provenir de plus loin et posséder un sens psychanalytique beaucoup plus important qu’il n’y paraît. Par exemple, voir dans cette (sur)consommation de la pornographie une façon pour les sujets de mettre en scène leurs fantasmes ce qui n’est pas une perversion en soi (du moins dans le sens pathologique ou freudien du terme), c’est bonnement normal. Mater du porno serait compris alors comme le moyen de se prêter au jeu de ses fantasmes, de les expérimenter, mais tout ceci dans l’imaginaire. Dans cet imaginaire, le sujet s’expose à tel que le formulerait Éric Bidaud ses « rêveries honteuses » – « honteuses » parce qu’on lui a dit que ça l’était, lui permet de vivre une sexualité transgressive (par rapport à la norme sociale, aux interdits, aux impératifs du monde objectif, etc.), et donc de pouvoir apaiser ses tensions en jouissant « sans scrupule ni honte ». Toujours en reprenant Éric Bidaud, « Aujourd’hui la pornographie procède de la même logique d’apaisement des inhibitions de chacun en offrant des films qui viennent prendre le relais de nos rêveries. Notre capacité à fantasmer est incroyable et ne se commande pas ». D’ailleurs, cette exposition au contenu des « sites pornographiques » peut permettre au sujet de découvrir des « représentations sexuelles inconnues » « qui deviendront sources de fantasmes par la suite », pour dire d’en apprendre sur soi et sur sa sexualité.
Et donc, cette perspective offre une autre lecture et compréhension de la (sur)consommation de la pornographie dans une société puritaine. Il est question d’apaisement des tensions nées d’injonctions (sociales et morales) à adopter une sexualité en conformité à la norme (sociale et morale). Je n’aborderai pas ici les questions relatives à l’exploitation des êtres humains dans l’industrie de la pornographie (qui n’est pas la seule industrie à le faire, que ce soit l’industrie du vêtement, de la restauration rapide, des technologies de la communication et de l’information avec ses téléphones mobiles et ses ordinateurs portables notamment, etc., la question de l’exploitation des personnes d’une manière qui viole la dignité humaine mérite toute notre attention, et notre engagement sur tous les fronts où elle se pose) ni celles relatives à l’égalité des genre (féminisme, d’ailleurs ces dernières années une industrie de la pornographie dite féministe connait un certain essor), encore moins celles relatives à l’addiction à la pornographie. Sur cette dernière question, comme le souligne Florian Voros dans « L’invention de l’addiction à la pornographie » – qui s’intéresse à l’émergence dans le discours public et scientifique de ce supposé « trouble sexuel » qu’est la consommation « excessive » et « incontrôlée », cette « addiction » à la pornographie a très souvent été vue comme une « maladie » illustrant de la « perte de contrôle sur les pulsions sexuelles » et favorisant une « escalade dans la recherche de sensations sexuelles toujours plus extrêmes toxiques et dangereuses » – puisque l’individu est considéré comme « prisonnier des images » pornographiques et des « fantasmes pornographiques ». Une addiction dont l’un des points culminants serait « le passage à l’acte criminel (viol, pédophilie) »). Cette vision est « moins un objet de connaissance médicale aux contours bien délimités qu’une notion malléable qui se développe au croisement de différents domaines de savoir émergeants ».
Il est difficile de ne pas remarquer les dimensions subjectives de la recherche scientifique (psychologie, psychiatrie, sexologie, etc.) sur cette question, « le diagnostic de l’addiction à la pornographie, qu’il soit le fait d’une personne ordinaire […] ou d’une personne qualifiée (thérapeute, clinicien) est toujours lié à un jugement moral négatif porté sur la pratique […] La supposée frontière épistémologique qi séparerait l’opinion personnelle du fait scientifique peut dès lors apparaître comme une simple différence de qualification sociale : si ce que les dispositifs scientifiques « font voir » peut devenir « la réalité », c’est moins grâce à la rigueur argumentative des cliniciens et des scientifiques que grâce à l’autorité inhérente à leur statut social. » D’ailleurs, l’addiction à la pornographie n’est pas institutionnellement (scientifiquement parlant) reconnue comme maladie par les « manuels de classification internationale » tels que le DSM ou le CIM. Ainsi, « la lutte contre la dépendance à la pornographie peut […] être envisagée comme une croisade morale […] qui voit une catégorie déterminée de personnes […] chercher à imposer son style de vie sexuel aux autres », ou « plus largement, comme une lutte idéologique […] pour l’imposition d’une certaine définition du plaisir sexuel « vrai, bon, sain, naturel ou sacré ». En ce sens, la lutte contre la dépendance à la pornographie est – à travers une lentille foucaldienne – une question de société de la discipline (ou société disciplinaire), de dressage des populations, de dressage des individus, bref de contrôle (des corps mais aussi des esprits).
Toutefois, dire cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas un risque de dépendance à la pornographie, que les individus peuvent en souffrir, et que s’ils en font la demande (comme pour la cigarette, l’alcool, le jeu, ou toute autre dépendance) devraient être aidés (il faudrait leur permettre de reprendre un certain contrôle de soi – puisque c’est ce qu’ils veulent, ce qui serait une façon de renforcer leur autonomie de la volonté face au désir impérieux de l’addiction). Seulement, il importe de dire que : « L’invention de la pathologie, entendue comme le processus de naturalisation de la frontière entre état dépendant et état normal, doit donc être envisagée comme l’effet d’un continuum de pratiques discursives aussi bien scientifiques […] que profanes […]. Dès lors, bien plus qu’un regard diagnostiquant ou étiquetant une « pathologie », il conviendrait de permettre aux individus qui le désirent d’avoir ce qu’ils croient être pour eux « une vie sociale réussie », cela exige de se concentrer en premier lieu sur les besoins des personnes, de ne pas adopter une « vision profondément hétérocentrée de la diversité des genres et des sexualités » en qualifiant systématiquement les pratiques sexuelles qui ne sont pas normalisées dans notre système propre de valeurs de sens de significations de perverses ou d’ « extrêmes », ainsi de procéder à une catégorisation somme toute arbitraire de la sexualité entre celle que nous considérons comme « saine » et « normale » et celle qui pour nous ne le serait pas.
Cette longue parenthèse sur l’addiction de la pornographie me permet de revenir à nos moutons par la porte de l’individualisme méthodologique. Je veux dire, c’est en ayant une telle approche qu’il est possible de voir que dernière un fait social (en l’occurrence la sur-consommation de la pornographie) il y a non seulement plusieurs enjeux sociaux (ou sociétaux) d’importance (par exemple : la question de l’estime sociale, de l’estime de soi, de la confiance de soi, de la réalisation de soi, de la stigmatisation, de l’exclusion, de la discrimination, de la marginalisation, etc., et donc de l’interrogation des principes d’égalité et de liberté dont l’effectivité conditionne la pleine participation des individus dans l’espace social – bref en étirant un peu la réflexion on dira qu’il y a là aussi une question de la justice, c’est-à-dire est-il juste ou moral d’exclure de toute participation pleine et effective des personnes simplement parce qu’elles sur-consomment de la pornographie ?) mais aussi des enjeux moins sociaux (ou sociétaux) inhérents à la question de comment les individus se conçoivent comme singularité (le sens qu’ils se donnent, le sens qu’ils donnent à leur sexualité, quels besoins psychologiques sont les leurs, quels sont leurs chemins d’épanouissement de soi ou leur sens d’épanouissement de soi, etc.) – question d’identité, de Soi.
Ainsi, dépendamment de l’approche choisie pour observer un fait social, une réalité sociale, plusieurs réponses et pistes de réflexion s’ouvrent à celui qui est en quête de sens, d’explication, de compréhension. Cette quête pose aussi l’autre question majeure de comment en arriver à faire valider cette « vérité » que l’on cherche à trouver (ou à scientifiquement valider la « vérité » trouvée). Je veux dire est-ce qu’il est nécessaire d’adopter une approche épistémologique positiviste ou une approche constructiviste ; un positivisme (à la Auguste Comte) qui renonce au « pourquoi ? » en s’intéressant exclusivement au « comment ? » (en suggérant par-là la trouvaille d’un modèle déterministe, le fait social étant non pas un sujet mais un objet de connaissance, une connaissance qui permet une certaine prévisibilité des comportements, et une évaluation systématisée des faits sociaux) ou un constructivisme (ou constructionnisme) qui s’intéresse davantage au « pourquoi ? » à la construction du processus social par les individus – sujets sociaux, puisque pour un constructiviste le fait social est le produit de l’interaction entre les individus, c’est un construit et moins une espèce de réalité autonome d’eux.
Il peut y avoir beaucoup d’herméneutique (une évaluation subjective raisonnée à partir d’un système de sens rattaché au temps et à l’espace) et aussi de la phénoménologie (un regard sur comment l’observateur organise et interprète le monde qu’il regarde, comment il traite les interprétations nées de l’expérience) dans le constructivisme. Quelques fois, le constructivisme ne peut se détacher du modèle interprétatif et même faire l’économie d’un questionnement sur le processus d’interprétation lui-même (le pourquoi du pourquoi en quelque sorte). Alors que le positivisme est principalement explicatif (acontextuel comme on le dirait, sans prendre en considération le contexte de la société étudiée ou regardée, il se veut beaucoup plus en adéquation avec le réel) et durant très longtemps il a privilégié la recherche quantitative (collecte des données, statistiques, etc.).
Le constructivisme est généralement une recherche qualitative (le sens et les significations du phénomène observé en s’appuyant sur la raison discursive, certains esprits curieux d’une question privilégieront une recherche bibliographique sans se plonger dans l’expérience du réel, etc.), il s’attarde sur le contexte (de la société observée, regardée, etc.), il tend à émettre souvent des hypothèses relativistes de la réalité sociale. Si le modèle interprétatif s’attarde sur les motivations de l’action des individus – l’intentionnalité de l’action, le modèle constructionniste s’intéresse beaucoup plus à la finalité de telles actions – la causalité de l’action, mais cette distinction ne fait pas toujours épistémologiquement l’unanimité. Néanmoins, les deux s’opposent au modèle positiviste puisque contrairement à ce dernier l’essence de l’objet ne peut être atteint car les réalités sociales sont d’abord créées par des perceptions et des interprétations faites par les acteurs sociaux – les individus par exemple, il est donc question d’une compréhension évolutive de la réalité sociale à partir de sujets sociaux (individus tout aussi évolutifs). L’essence d’un objet dans cette perspective épistémologique (l’épistémologie que je définirais pour faire simple comme la façon avec laquelle on procède pour en arriver à la connaissance) est inatteignable.
Si le constructivisme en épistémologie est la considération de la réalité comme une image du réel d’abord mentalement construite (ce qui suppose qu’elle peut ne pas être exactement conforme à la réalité – encore que c’est quoi la réalité pourrait-on se demander ?), en tant que méthode philosophique de la connaissance, le constructivisme est un processus de construction de sens par celui qui observe une réalité, la connaissance est l’expression d’un réel au-delà du monde sensible. C’est en ce sens qu’il pourrait être vu comme un rationalisme (la connaissance comme le produit d’une construction mentale du sens du réel, de l’ontologie de la chose observée, de la nature intrinsèque du phénomène). Et dans cette autre perspective constructiviste, la phénoménologie dans le sens husserlien viserait à identifier l’essence des êtres par une réflexivité à partir du réel immédiat (les données du monde sensible, un retour sur l’expérience vécue). La différence avec le positivisme dans son sens philosophique est que à partir de l’expérience il est possible de procéder à une réflexion qui transcende les particularismes (ou paramètres) contextuels et situationnels (voire individuels) de l’objet analysé afin de saisir comme Kant dans sa Critique de la raison pure le dirait « la chose en soi » – c’est-à-dire ce que l’objet a d’intrinsèque qui permette sa connaissance universelle (pour dire, que sa vérité ontologique soit valable indifféremment de l’environnement social, culturel, etc.) – sa vérité est transcendantale, dans un sens néokantien.
Mais si l’on revient à l’idée husserlienne de la connaissance, la vérité des choses comme vérité des « choses en elles-mêmes » est le sens constitué par la raison discursive et contrairement au (néo)kantisme n’est pas une proposition définitive et ne saurait être réduite à des principes préconçus (à un a priori). L’approche phénoménologique husserlienne oblige ainsi à refaire toujours l’expérience du phénomène (on va simplifier par le réel) à chaque fois que l’on l’observe. Cependant, il importe indifféremment si l’on adopte une approche kantienne ou husserlienne d’aller au-delà du sens commun. Surtout si le phénomène est l’individu, l’Être.
Sur un autre plan, on pourrait afin de comprendre ce fait social qu’est la (sur)consommation de la pornographie dans une société puritaine adopter un rationalisme poppérien (dont l’art de l’argumentation bien plus que le réel immédiat ou l’expérience vécue est primordial – Karl Popper l’assumait très bien, mais surtout et peut-être avant tout que le monde est « incomplètement déterminé et partiellement prédictible », la certitude n’a pas nécessairement besoin de la « créance de l’expérience » – critique directe au positivisme, pour Karl Popper nous n’avons pas besoin de certitude – en termes de connaissance – mais de profondeur). Un rationalisme qui fait écho au rationalisme critique kantien (qui tente de dire que si l’on peut partir de la sensibilité ou de l’intuition du monde sensible, toute connaissance ne découle pas totalement de cette sensibilité – de l’expérience). Ainsi, s’interroger sur la (sur)consommation de la pornographie dans une société puritaine peut partir d’un contact avec le réel (je constate que le phénomène comme fait social ou réalité sociale existe, j’ai accès aux données immédiates) pour une compréhension complètement ou partiellement déconnectée de l’expérience (je n’ai pas à mener une enquête sur le terrain pour proposer un sens à ce fait social, je procède par un raisonnement discursif – par exemple lorsque j’ai émis l’hypothèse de la thèse freudienne comme grille de compréhension de l’action de regarder du porno, je n’ai pas fait une enquête sur le terrain, il est plus de trois heures du matin lorsque j’écris ces lignes, cette proposition de sens comme connaissance peut en adoptant un rationalisme kantien être transcendantal en s’émancipant du réel de chacun comme singularité pour être dans chacune des réalités singulières de tous).
Dès lors, se questionner comme je le fais au milieu de la nuit sur le pourquoi et le comment une société puritaine peut-elle (sur)consommer du porno c’est soit croire que l’atteinte de la connaissance comme « vérité » est a posteriori (découlant de l’expérience, à l’instar d’une enquête sur le terrain – positiviste en me focalisant sur le comment c’est possible) ou soit a priori (résultant d’une simple raisonnement logique, d’une raison discursive, qui vaut en elle-même « vérité » par la force de sa démonstration argumentative sans que je sois contraint de procéder à une observation empirique – aller en cette heure tardive sur le terrain ou à réveiller mes très rares amis américains afin de leur poser des questions délicates sur leur consommation supposée de la pornographie).
J’ai écrit que plus haut que je m’interrogeais sur le pourquoi et le comment, ce qui en considérant tout ce que je viens de présenter est un problème puisque je devrais m’interroger soit sur le pourquoi (constructivisme, interprétatif, rationalisme) soit sur le comment (positivisme, holisme, approche systémique), parce que méthodologiquement parlant il faut choisir. C’est pierre ou c’est paul. Rose ou pissenlit. Sauf que je ne veux pas choisir, j’ai besoin d’une approche méthodologique, épistémologique, philosophique, qui me permette de ne pas privilégier l’un au détriment de l’autre (le tout ou le particulier, le système ou l’agentivité individuelle) parce que je suis persuadé que ma réflexion sans cela sera parcellaire (ou très partielle) et pour moi ce soir dans ce cas sans véritable intérêt.
Quatre heures du matin, finalement c’est Edgar Morin qui me permet de dire que je choisis pierre et paul, la rose et le pissenlit, alléluia. Morin a théorisé ou popularisé ce que l’on nomme la « pensée complexe ». Cette dernière est un concept philosophique fascinant. Très fascinant. J’en suis bonnement amoureux. Simple et tellement pas si simple. J’adore. Morin premièrement est un convaincu comme moi de la transdisciplinarité – c’est-à-dire enlever les œillères théoriques et faire en arriver à une connaissance, un sens, qui ne soit pas le propre d’une discipline particulière. C’est ma nature, je déteste les cases et les étiquettes. Il ne s’agit pas seulement de pluridisciplinarité consistant à mobiliser les savoirs théoriques de plusieurs disciplines (sociologie, sciences politiques, histoire, philosophie, psychologie, linguistique, psychanalyse, anthropologie, etc.), ni de les faire correspondre ou de les associer (interdisciplinarité) mais de se placer entre, à travers et au-delà d’eux. La transdisciplinarité oblige à la précaution (il ne suffit pas de mobiliser des notions et concepts théoriques encore faut-il qu’épistémologiquement parlant cela tienne la route, et faire attention de ne pas mettre sur le même plan ce qui ne saurait l’être, mais davantage éviter de tout mélanger). Je suis absolument convaincu que la transdisciplinarité est l’avenir de toute réflexion sérieuse et pertinente sur notre monde contemporain aux sens diffus et aux frontières en significations floues. La transdisciplinarité force à quitter le box (l’expertise) pour se mettre en danger, découvrir et comprendre d’autres perspectives. C’est le monde des Anciens qui voyaient des esprits (incarnés par une seule personne) à la fois mathématicien biologiste philosophe métaphysicien historien etc. produire des réflexions sur leur contemporanéité qui jusqu’à nos jours font autorité. La transdisciplinarité exige de la curiosité, de la diversité, de l’ouverture, de l’hyperconnection entre les divers, je veux dire c’est le XXIe siècle.
La pensée complexe n’est pas la pensée compliquée et encore moins la pensée profonde, c’est simplement le fait de tisser des liens entre. Il s’agit de mettre ensemble dans un tout intellectuellement cohérent et épistémologiquement acceptable des réels souvent éclatés, disparates, des sens éparpillés. Par exemple, de lire la crise vénézuélienne actuelle en dehors d’une grille simplement réaliste ou stratégique et d’y voir aussi l’affrontement d’un monde social bourgeois avec un monde social prolétaire, de voir que derrière le paravent idéologique se joue aussi une question de redéfinition de l’identité d’une société, d’entrevoir le fait que oui il est question sans doute de sous-sol (du pétrole) mais aussi une reconfiguration politique de l’Amérique latine qui devrait être regardée en intégrant dans son interprétation et compréhension l’histoire sociale et politique de cette région, enfin de se demander « Mais qui est le Vénézuélien en ce début d’année 2019 ? », pour dire quel portrait peut-on faire de cet individu, est-il en dehors de la postmodernité, est-il postmoderne, y-a-t-il un individu vénézuélien archétypal ou plusieurs individus vénézuéliens (ce qui demande de les localiser dans le sens que donne Appadurai du terme localité, c’est-à-dire plus une affaire de communauté et de relations – sociales qu’une affaire d’espace et d’échelle), etc. A partir de toutes ces données, il est possible d’en arriver à une lecture sans doute différente de la crise vénézuélienne, une qui montre ce que l’on ne voit pas, une qui permette de donner un sens autre, une qui éclaire la complexité (dans son sens étymologique de complexus – « ce qui est tissé ensemble »). Possible. Ou pas. C’est à chacun de voir.
La pensée complexe est critique, créative, responsable. Critique parce qu’elle est auto-correctrice (on tente de s’émanciper de son propre ancrage idéologique, on se fait sensible au contexte, etc.), elle est créative parce qu’elle accepte le contradictoire, l’heuristique et se veut transcendante tout en s’appuyant toujours sur le contexte de l’objet observé, elle est responsable parce qu’elle est un dialogisme, une ouverture à autre chose que soi, à des réalités divergentes, et veut du changement. Il y a donc un fondement socratique (le besoin de la remise en question, un brin de scepticisme, un rejet de la canonique ou de la vérité canonique, bref un « je ne sais rien » qui n’a rien comme on le sait tous d’ignorance complète mais d’humilité et de constantes révisions des sens et significations), un côté un peu diogénique (par sa nature subversive), un refus de se laisser assourdir par le bruit (ambiant, le mainstream, la pensée unique, la pensée-tendance ou fashion), de s’extraire du rôle de causeur (de salon, de passage, etc.) pour endosser un rôle beaucoup plus taciturne d’observateur qui parle et se montre parce qu’il a vraiment quelque chose à dire (du moins c’est aussi une espèce d’attitude que j’associe à ce paradigme de la pensée complexe).
La pensée complexe est donc avant tout une interprétation des savoirs provenant de plusieurs champs disciplinaires, il ne s’agit pas d’effacer l’autonomie de chacune de telles disciplines mais de mettre en lumière leur interdépendance « essentielle ». Relations internationales, sociologie, philosophie, physique, mathématiques, médecine, psychologie, biochimie, etc., contradictoires et en contradiction mais avec des lumières permettant en transposant mutatis mutandis de faire sens à ce qui paraît insensé, le réel, la réalité. La pensée complexe n’est pas le rejet du simple, elle est le refus du simplisme, elle est l’acceptation que la réalité est inconcevable en apparence mais que comme le dirait Morin il est question de concilier la simplicité et la complexité, intégrer le compliqué dans le simple tout en ouvrant le sens à l’incertitude (à l’évolutif, à la non-immuabilité) et montrer que toute réalité n’est bonnement réductible à un seul sens – car il ne serait pas réalité mais projection. Il n’est pas question avec la pensée complexe de s’arrêter au tout comme le plus que la somme des parties, ni à la partie, mais de se dire que la « vérité » d’un fait ou d’un phénomène est plus que la somme des parties qui constitue la réalité (la qualité propre du tout), mais aussi moins que la somme des parties (car le tout est constitué de singularité qui relativise sa qualité propre), et donc que le phénomène le fait social la réalité sociale est plus ou moins la somme des parties – c’est-à-dire qu’elle a à la fois sa vérité propre et sa contradiction interne. Cet état oblige, contraint, à mettre fin à l’imperméabilité des disciplines, des savoirs, des méthodologies, qui permettrait d’en arriver à une connaissance de la réalité qui ne soit pas obtuse et obsédée par la scientificité – qui peut conduire à une forme d’obscurantisme.
La pensée complexe est une simplicité parce qu’elle vise l’ordonnancement du sens, son accessibilité (du moins pour tout esprit qui veut se donner la peine de la saisir), elle est dans une logique de jonction de ceux qui apparemment est disjoncté, de conjonction et d’inclusion, la simplicité met de l’ordre c’est pourquoi elle paraît simple, elle clarifie distingue et fuit le désordre. La simplicité est une rationalisation. Je dirais même le fait de rendre la jonction du Un et du Multiple tellement évident, tellement naturel. Parce que la simplicité est une rationalité qui rend harmonieux la logique et l’invraisemblable éparpillement du divers en une prouesse remarquable. La simplicité n’est donc pas un réductionnisme, mais le fait de produire du sens à partir de la totalité tout en intégrant le particulier sans jamais liquider les contradictions, il y a en cela dans ce paradigme de la simplicité une tension presque tragique qui incite au dépassement sans suppression des contraires ou des antagonismes. Penser le complexe, c’est tout ça.
Ainsi, à la question de savoir pourquoi et comment une société puritaine peut être (sur)consommatrice de la pornographie, je me suis d’abord demandé quel processus méthodologique me permettrait sans être contraint de renoncer à une partie de la réalité d’en arriver à un sens qui soit à la fois explicatif et compréhensif. Cela m’a demandé d’accepter une pluralité de réponses constitutiant en soi un désordre, de partir de ce désordre pour en arriver au fond à cette autre vérité que l’individu produit la société qui le produit – le principe de récursivité, dans l’idée de la théorie de la structuration de Giddens, une récursivité en toute causalité. Cette conclusion est à la fois ne répond pas vraiment clairement à ma préoccupation de départ, mais elle me permet les nuits prochaines d’avoir déjà une ligne conductrice dans mes pérégrinations insomnieuses.
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