Radical(e)

Je suis radical. Je suis anarchiste. Je suis minimaliste. Je suis sceptique.  Je suis nihiliste.

La première phrase signifie dans le sens étymologique de « radical » que je m’intéresse essentiellement à la nature profonde des choses, je (re)cherche un principe fondamental, et que je ressens la nécessité d’attaquer la cause profonde de ce que je souhaite modifier.

Être radical, ce n’est pas être extrémiste dans le sens d’employer des moyens extrêmes, au contraire c’est se placer au-delà de toutes ces conneries (modération, équilibre, etc.), c’est rechercher et trouver des moyens adéquats, des méthodes efficientes, des stratégies éfficaces, et le tout dans un engagement moral de dignité humaine (qu’importe qu’il s’agisse des choses les plus banales de la vie que des questions métaphysiques, car je n’oublie jamais une chose qui me semble cruciale : toute pensée sert à quelqu’un et j’ai une responsabilité envers autrui).

Etre radical, c’est se placer dans un état d’esprit critique, de veiller à l’autonomie de sa volonté. L’autonomie de la volonté comme instance critique est bien plus que émancipation de soi, bien plus comme le disait Le Coz une indépendance souveraine et autosuffisante de soi. L’autonomie de la volonté est avant tout une pensée de libération.  Et ensuite d’exaltation de la liberté. Les deux sont les éléments essentiels constitutifs de la dignité (humaine).

Il n’y a pas de dignité (humaine) sans autonomie de la volonté. La dignité (humaine) ne signifie rien du tout sans cette instance critique qui seule, exercée en s’isolant du monde sensible, en s’indifférant d’autrui et ses injonctions de toutes sortes (amour, amitié, pitié, compassion, empathie, etc.), peut nous faire voir tous les déterminismes sociaux, psychologiques, politiques, qui nous assujettissent en créant la formidable illusion que nous sommes libres.

Seule cette autonomie de la volonté exercée par la raison pratique (à partir de principes a priori) et s’appuyant sur la faculté de juger (comme faculté de connaissance), en nous mettant hors de nos inclinations sensibles (nos désirs, nos besoins, nos intérêts égoïstes), peut nous permettre de réaliser à quel point nous sommes des esclaves de l’extériorité bien plus que maîtres de nous-mêmes. 

Seule cette autonomie de la volonté exercée loin de toute considération de l’extériorité, de nos propres arbitraires idéologiques, qui peut nous faire voir à quel point nous sommes aliénés ou nous faire identifier les formes d’aliénation très souvent subreptices qui vident de toute sa substance le mot liberté ou rendent inintelligibles l’expression être libre. 

Nous vivons une époque de tyrannie. Entre le « sois toi-même » (récupéré par les grands marchands et autres esclavagistes de notre économie malade) et le « suis les règles, respectes la loi » (balancé par les autoritaires politiques et tout le tas de trucs), sans parler du fait que être libre dans les relations sociales c’est avant tout de nos jours se faire mouton ou ne pas faire preuve d’audace (toujours rester respectueux des grammaires de la reconnaissance, des grammaires de la vie sociale, dans les rangs, zombies finis humains foutus), être libre est une belle connerie. Et le pire, c’est que nous n’en avons pas toujours conscience, nous croyons vraiment l’être. Notre contemporanéité est la première période de l’histoire humaine où de façon si globale nous avons élevé la tyrannie, l’autoritarisme en une valeur morale. 

Nous vivons une époque extraordinaire. La liberté est dissoute dans l’indépendance, « tu es indépendant » – donc tu mérites ce qu’il t’arrive. Avec ça, on ne se gêne plus pour regarder toutes ces choses qui sont un pur conditionnement des individus, toutes ces structures qui constituent des freins à sa réalisation de soi, toutes ces institutions avilissantes qui lui retirent toute dignité, toutes ces conditions matérielles qui ne sont pas réunies pour qu’il puisse être véritablement libre et digne. Avec le « tu es indépendant », on s’indiffère du pauvre, on blâme le vulnérable et la fragilité de la personne humaine, on le fait apparaître dans toute sa honte. L’indépendance qui déshumanise. Voilà ce qui fait aussi de notre époque une période historique exceptionnelle. 

Nous vivons une époque exceptionnelle. La liberté est dissoute dans l’indépendance, « tu dois être indépendant » – donc tu ne mérites aucune solidarité, tu dois te débrouiller, tu dois être capable, c’est vrai j’ai saccagé tout ce qui pouvait te permettre d’être indépendant avec mon austérité économique et tout le bazar, mais néanmoins regarde : dans le milliard d’individus comme toi il y a deux trois qui comme toi n’était rien et sont devenus des rockstar de davos ou de hollywood ou etc., bref tu vois ce n’est pas impossible, yes you can. C’est à la fois du foutage de gueule et d’un mépris de dingue. Les success stories servant à masquer la réalité terrible que le milliard d’individus est davantage la norme inacceptable et illustre toute la nature intolérable d’un système immoral. « Tu dois être indépendant », je privatise la sécurité sociale et l’Etat-providence. Injonction à l’indépendance quand tout le monde sait que tu es déjà un peu beaucoup foutu dès le départ. Mais « tu dois être indépendant ». 

L’autonomie de la volonté est une pensée de libération et une exaltation de la liberté plus qu’une indépendance souveraine de soi. Et cette autonomie ne veut rien dire sans la dignité, cette autonomie de la volonté est intrinsèque à la dignité humaine. Comme le disait Kant : agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle. Autrement dit, agis de façon à ce que ta loi morale puisse être ce que tous doivent vouloir, en tout temps, en tout lieu. Et cette loi morale ne peut être autre chose que la dignité humaine. Valeur inconditionnelle, elle n’est pas susceptible d’altération dans le temps et l’espace, elle ignore la particularité des individus et leur condition, elle n’admet aucune relativisation subjectiviste.

Proposition morale et éthique kantienne un peu brutale, insensible, froide, rigoureuse, indifférente, radicale. D’un déontologisme permanent, un impératif moral catégorique fort : Non! Plus jamais ça! Dignité humaine toujours! Avec Kant, il n’y a pas de calcul, pas de finalité poursuivie, par d’eudémonisme, pas de réalisation du monde meilleur, etc. Juste ce qui est : le refus sans concessions de l’immoralité qu’est l’indignité humaine. Comme il le disait : Que la justice soit, le monde dût-il en périr. Radical, nous en sommes rendu là. 

 

« Fiat justicia, pereat mundus (« Que la justice soit, le monde dût-il en périr ») : Kant aimait citer cette sentence latine qui nous semble aujourd’hui bien aventureuse. Mais c’est parce que la justice ne réclamera jamais la destruction du monde, étant donné que l’idée de justice n’a de sens que pour l’humanité. Par là, le philosophe rappelle surtout que l’attention à la vie et à sa vulnérabilité ne peut en aucun cas être une fin en soi. Elle est un moyen (parfaitement légitime) en vue de l’autonomie, même pour ceux que leur fragilité semble exclure de la liberté. »

– Fœssel, M. (2011). Kant ou les vertus de l’autonomie. Études, tome 414(3), 341-351. 

 

Radicalisme salutaire, en notre époque contemporaine qui au nom de valeurs si nobles : la liberté, indépendance, égalité, etc., a renforcé l’indignité, l’injustice, l’immoralité. Epoque formidable, extraordinaire, exceptionnelle. Je suis kantien, je suis radical. 

Être radical, c’est ne pas être consensuel sur la nécessité et l’effectivité du juste. Le juste n’est pas une question de consensus, de modération, d’équilibre, de réalisme, d’idéalisme. Le juste, c’est juste ou ce n’est pas. Le juste est radical. 

 

« Si la liberté nous sépare, c’est la dignité qui nous lie »

– Le Coz, P. (2010). Chapitre 1. Dignité et liberté : vers une contradiction insoluble ?. Journal International de Bioéthique, vol. 21(3), 15-27. 

 

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Je suis anarchiste libertarien.  Je ne suis pas de droite. Je ne suis pas de gauche. Je ne suis pas du centre. Droite, gauche, centre, et autres délires, tout ça de nos jours appartient au Vieux monde. Cela n’a plus aucun sens. 

Je suis pour le juste (tout ce qui est non-conforme à la dignité humaine n’est pas juste) et l’autonomie de la volonté (tout ce qui nie d’une façon comme d’une autre l’autonomie de la volonté est immoral) qui exige d’assumer sa part de responsabilité (c’est avec cette conceptualisation de la dignité humaine kantienne qu’il est possible volontairement de renoncer à soi comme particulier afin d’accéder à l’universalité- c’est-à-dire de faire l’expérience de l’humanité comme totalité). 

La liberté (dans le sens kantien est indissociable de la responsabilité à l’égard d’autrui) est totale ou elle n’est pas. Comme le disait Foessel : La liberté n’admet de degré, on n’est pas plus ou moins libre, on est libre ou on ne l’est pas. La liberté ne se négocie pas. La liberté ne se demande pas. La liberté ne se proclame pas. Comme disait Wole Soyinka critiquant les chantres de la négritude : Un tigre ne proclame pas sa tigritude, il bondit et dévore sa proie. 

 

« Le libertarianisme est une philosophie politique prônant la liberté individuelle, comme Droit naturel, comme valeur principale des rapports sociaux, des échanges économiques et du dispositif politique. Les libertariens se fondent sur le Principe de non-agression qui affirme que nul ne peut prendre l’initiative de la force physique contre un individu, sa personne, sa liberté ou sa propriété.

De fait, ses partisans, les libertariens, sont favorables à une réduction, ou alors une disparition de l’État comme dispositif fondé sur la cœrcition, au profit d’une coopération libre et volontaire entre les individus. »

 

C’est pourquoi je ne juge pas, j’essaie de comprendre, parce que t’sé comprendre c’est voir, voir ce n’est pas la connaissance, c’est faire sens et signification (la connaissance pour la connaissance est simplement pour moi une vraie perte de temps, la connaissance n’est pas un truc égotique, la connaissance est un utilitarisme-eudémonisme, ou elle n’est rien du tout, la connaissance est militante, le cas échéant c’est une masturbation). Je pourrais m’étendre longuement là-dessus, mais non je ne le ferai pas.

Je suis minimaliste. T’sais de quoi je parle.

Je suis sceptique, comme diogène de sinope. La vérité est un mythe.

 

« Le scepticisme (du grec skeptikos, «qui examine») est , au sens strict, une doctrine selon laquelle la pensée humaine ne peut se déterminer sur la possibilité de la découverte d’une vérité. Il ne s’agit pas de rejeter la recherche, mais au contraire de ne jamais l’interrompre en prétendant être parvenu à une vérité absolue. Son principal objectif n’est pas de nous faire éviter l’erreur, mais de nous faire parvenir à la quiétude (ataraxia), loin des conflits de dogmes et de la douleur qu’on peut ressentir quand on découvre de l’incohérence dans ses certitudes. »

 

Je suis un incroyant. Je ne crois en rien. Ne pas croire, c’est croire. Retour à la case départ. 

Je suis nihiliste nietzschéen. 

 

« La pensée de Nietzsche.

A la fin du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche décrit l’accélération de l’histoire avec les déséquilibres qui s’accentuent, compensés par la tyrannie anonyme des institutions, génératrice de stress. Pour lui, la notion de nihilisme recèle un paradoxe intéressant. Il décrit deux formes de nihilisme :

– un nihilisme passif : «Nihiliste est l’homme qui juge que le monde tel qu’il est ne devrait pas être, et que le monde tel qu’il devrait être n’existe pas. Par conséquent l’existence (agir, souffrir, vouloir, sentir) n’a aucun sens : par conséquent le pathos du «en vain» est le pathos nihiliste — et une inconséquence du nihiliste.»[2] Ce nihilisme peut être rapproché de la doctrine de Schopenhauer, qui influença largement la pensée du philosophe.

-un nihilisme actif, quand les croyances s’effondrent du fait qu’elles sont dépassées.
Selon Nietzsche, l’état normal du nihilisme, qui est la négation de l’être, est une manière divine de penser, en ce sens qu’elle est un rejet définitif de tout parfaitisme (du nihilisme au sens faible) et de ses conséquences (la morale chrétienne entre autres). »

 

Tout ça pour dire que le plus important, le plus essentiel, est ailleurs.

 

 

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