La semaine dernière fût une drôle de semaine. J’ai eu des nouvelles de personnes dont j’avais perdues la trace, des morts ressuscités d’entre les morts, j’ai demandé à des personnes dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis au moins le début de cette année si elles se portaient bien, j’ai essayé de résoudre d’anciens conflits qui perduraient et qui me faisaient chier (car voilà c’est un putain de gâchis, et une perte de temps en haine mépris et autres colères inutiles), j’ai liké des photos de profils inta-nombril-gram d’anciennes collègues dans lesquels j’ai découvert une autre facette de leurs personnalités, bref la semaine dernière j’ai fait des trucs inattendus qui ne sont pas vraiment moi (comme quoi on se surprend toujours).
Si je l’ai fait, c’est pour une seule raison : passer à autre chose et découvrir ce que je n’ai pas toujours pris le temps de découvrir.
Passer à autre chose pour ne pas que des détails insignifiants m’empêchent de voir la beauté de tels individus, faire la paix et aimer pour que l’on soit ensemble humanité.
Découvrir au-delà de l’a priori, établir des connexions qui n’ont pas été faites pour deux millions de raisons, découvrir ce qui m’a échappé, découvrir une facette de l’authenticité de ceux et celles que j’ai survolés ou de vérités à travers lesquelles je suis passé sans vraiment m’attarder.
La semaine dernière, j’ai pris le temps d’essayer de changer le cours des conflits absurdes et de me plonger dans la pleine authenticité des autres.
« Donnez-moi une suite au Ritz, je n’en veux pas!
Des bijoux de chez Chanel, je n’en veux pas!
Donnez-moi une limousine, j’en ferais quoi
Offrez-moi du personnel, j’en ferais quoi?
Un manoir à Neufchâtel, ce n’est pas pour moi
Offrez-moi la Tour Eiffel, j’en ferais quoi
Ce n’est pas votre argent qui f’ra mon bonheur
Moi j’veux crever la main sur le cœur
Allons ensemble, découvrir ma liberté
Oubliez donc tous vos clichés, bienvenue dans ma réalité »
Depuis le mois de janvier, je n’ai pas eu beaucoup de nouvelles de toutes les personnes que j’ai rencontrées l’année dernière, j’ai été tellement plongé dans le travail et autres un million d’obligations que je n’ai pas vu le temps passé et je ne me suis pas soucié d’eux.
Mireille me le faisait remarquer dans un courriel : « Sais-tu que depuis décembre je n’ai pas eu de tes nouvelles ? », Mireille est une de mes amies françaises, j’en ai deux, Mireille et Elise.
Mireille me connaît depuis quoi mille ans, elle sait beaucoup plus de choses sur moi que moi-même et moi je l’aime tout bonnement.
Elise est une muse. Elise m’a beaucoup soutenu ces dernières années d’exil au canada, elle ne sait pas tout le bien qu’elle m’a fait, sans vraiment posé d’actes, juste par sa présence dans des moments horribles de souffrances et de détresse.
Elise et Mireille n’ont jamais su quand j’ai été un sdf, un itinérant. Elles n’ont pas su lorsque j’ai bouffé dans des poubelles, j’ai dormi sur banc du parc en face du stade olympique. Elles n’ont jamais su quand j’ai passé des jours et des nuits dans la rue à cogner à toutes les portes pour regagner ma dignité, portes fermées, portes hermétiques. Elles n’ont jamais su quand j’ai perdu mes proches sans pouvoir aller à leur enterrement parce que je n’en avais pas les moyens, quand j’ai fait des jours sans bouffer parce que je n’avais pas assez d’argent pour survivre. Je leur ai épargnées tous ces détails d’une vie ici qui ne serait pas un bon roman.
Mais Elise et Mireille ont toujours été là. De petits mots, de petites pensées, j’ouvrirais mes veines pour elles. Je damnerais mon âme pour cette autre Elise de ma vie et son mari Pascal, couple guyanais, qui m’ont sauvé de la rue et m’ont accueilli chez eux moi l’étranger étrange ou l’étrange étranger, inconnu, le temps pendant deux trois jours de refaire mes forces et de me lancer dans les aventures de ma destinée.
Je suis reparti de plus belle. Et quelques années plus tard, mes collègues, mes connaissances, mes rencontres, n’ont jamais imaginé que le dave près d’eux était un survivant.
C’est peut-être à cause de tout ça que je suis un peu blasé.
Rien vraiment ne m’impressionne.
Je regarde les gens différemment.
Avant de vivre ça, avant le canada, j’étais un peu beaucoup snob, oui j’étais engagé je faisais du bénévolat dans les mondes, je m’engageais dans des enjeux de justice, je menais une grève estudiantine pour changer voire renverser le système oligarchique, avec mes amis-camarades nous recevions des balles en réponse, de la torture, des viols, des assassinats, de la répression quoi. Beaucoup n’ont pas survécu.
Mais j’étais snob, parce que j’avais eu une éducation privilégiée, j’étais privilégié, je vivais dans une bulle de privilèges, et je méprisais ce qui n’était pas comme moi, ce qui n’était pas comme était rien du tout ou presque. J’étais à vingt ans, un Che Guevarra snob.
Je crois que rien n’arrive pour rien dans la vie. S’il t’arrive un truc, c’est que tu dois apprendre une ou deux choses sur/de toi-même.
Venir au canada fût une décision que je n’ai pas vraiment précise, je n’avais pas le choix, il fallait que je parte, c’était partir ou crever.
Je suis arrivé ici comme un parachutiste en mission suicidaire dans un territoire inconnu. J’ai atterri dans un monde dont je ne savais rien ni personne, ce monde m’a appris une chose essentielle : l’humilité.
Cette expérience m’a rendu humble. Profondément humble.
Cette expérience a brisé, écrabouillé, tout ce que j’étais.
En automne dernier, lors d’un séminaire je racontais que dans la nuit il faut continuer à avancer, parce que comme me le disait ma grand-mère le soleil finit toujours par se lever, faut donc avancer toujours plus loin en attendant l’aube. C’est dans ces exils dans la nuit que j’ai appris l’humilité, que je me suis re-découvert, que je me suis réconcilier avec les fondamentaux des valeurs transmises par les deux grands philosophes de ma vie : ma mère et ma grand-mère.
La nuit m’a ramené à qui je suis vraiment. Dans la douleur et la souffrance. Dans une certaine violence. Par un certain trauma. C’était sans doute nécessaire que je passe par la nuit pour comprendre réellement le sens de mes convictions, de ce que j’étais au fond, comme l’autre dirait c’est dans la nuit que j’ai découvert le sens de moi-même. Du moins les grandes lignes. Un negro spiritual.
Et lorsque l’on me voit aujourd’hui déambuler dans les couloirs de l’existence, personne ne se doute vraiment de ce que la nuit a fait de moi, que le dave là présent est un enfantement de l’ombre.
Je suis toujours un peu snob. Pour dire, très dédaigneux.
Snob de l’ignorance crasse des gens qui ont les moyens de ne pas l’être et qui n’en ont juste rien à branler, snob de leur matérialité ou leur matérialisme, snob de tout le show qu’ils font pour être quelque chose dans un monde de rien.
J’ai ce snobisme suintant de dédain, de mépris hautain, et jamais je ne m’en départirais je crois.
Snob des boules refaites, des culs exhibés, des gueules surfaites, du pognon exhibé, de la vulgate et de la populace qui brandit le fric la fame le chic et autres conneries du genre.
Snob de l’intellectualisme qui se prend trop la tête, qui veut trop se faire voir, qui en fait trop (présentoir des études, des diplômes, du cv, des expériences, etc.) pour valoir quelque chose dans un putain de monde où rien n’a vraiment de valeur.
Je snobe ces exhibitions et ces présentoirs, au fond oui je les méprise profondément.
T’es un intello extraordinaire, ben je t’emmerde.
T’es un riche surendetté avec une belle voiture et autres, je t’emmerde.
T’es un marginal, undergrounder, un peu je-trouve-que-les-autres-sont-incultes ou que les autres c’est un ensemble de panurgismes, beh je t’emmerde.
T’es un hipster : « go fuck yourself ».
T’as des goûts hyper sophistiqués et tu te la ramènes un peu trop : « fuck you ».
Tu parles bien la langue et tu ne fais pas de fautes, donc les autres sont justes un peu illettrismes et analphabétismes (fonctionnel ou non) : « suck my dick ».
T’es xyz en termes de titres professionnels je te golden shower.
Etc.
Je suis snob de toutes ces conneries. Bling bling, stylish, etc. etc. Je les emmerde.
Rien ne m’impressionne vraiment.
Les titres, le clinquant, etc. Je regarde ça et bof bof bof. « Rimjob me ».
Voilà.
Alors, oui si j’ai appris une chose ici c’est que tout ce foutoir est simplement une vraie merde.
La semaine dernière, j’ai reçu des nouvelles de personnes que j’avais oubliées.
J’ai pris des nouvelles de personnes que je n’avais pas revu depuis une éternité, j’ai eu l’envie de découvrir des personnes dont j’avais une définition grossière et généralement j’ai vu de très belles choses.
J’en suis un peu beaucoup tombé en amour. Tu me diras au vu du nombre de cœurs que tu enfiles pas étonnant, tu te trompes, je ne baise pas ce dont je suis en amour. Impossible parce que j’aurais l’impression de les souiller de cette entièreté de moi un peu sale et beaucoup crade. Je suis en amour, cela se passe ailleurs.
La baise est simplement une forme de communication. Certaines personnes ne savent communiquer que par le cul. Baise-moi comme parle-moi, écoute-moi, comprends-moi. Autrement.
Mets ta langue dans ma bouche, fais-toi anulingue. Conversons. Autrement. Découvre-moi. Autrement.
C’est la seule façon de les découvrir. Alors on baise pour découvrir et se découvrir, autrement.
Pour d’autres personnes, baiser est inutile, elles baisent mal ou elles sont chiantes, faut donc s’arrêter à la conversation et la découverte conventionnelles.
Le reste des personnes, ne donne pas envie ni de découvrir (ou de se découvrir) ni de converser avec. Trop de trucs superfétatoires, d’immaturité, de rien du tout.
Bref, la semaine dernière j’ai retrouvé des morts, j’ai découvert des biographies au-delà des a priori, beaux récits, beaux contes, belles scénarisations.
Dans un an, l’été prochain, je referai l’exercice juste pour savoir qui a survécu à lui-même, ce qu’il en reste de leurs histoires.
Un rituel annuel, sauf pour ceux et celles qui à mes yeux sont définitivement morts. Et il y en a, malheureusement, pas mal. Morts et oubliés, définitivement.
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