Pouvoir & Privilèges

Billions est depuis trois ans une de mes trois séries télévisuelles préférées, si je devais être largué sur une île déserte je prendrais avec moi toutes les saisons, et c’est toujours avec beaucoup de tristesse et d’impatience que j’attends les nouveaux portraits bruts et d’une particulière brutalité de cette œuvre dont le sous-titre adéquat serait sans doute : Pouvoir et privilèges.

 

 

Le sujet de Billions c’est bien ça. Le pouvoir et les privilèges. Tout débute par une confrontation entre un milliardaire ultra richissime en jeans et t-shirt, gestionnaire d’un fonds d’investissement dont les pratiques un peu beaucoup voyous ont quelque chose de répréhensible (cela dépend de la moralité de tout un chacun), et un procureur fédéral de l’état dont la plus célèbre des villes ne dort jamais selon sinatra. Entre damian lewis et paul giamatti, deux personnalités rudes (je ne te parle de leurs manières qui sont généralement irréprochables mais de leurs caractères), l’affrontement durant la première saison est un choc de titans.

Les deux régnant en maîtres absolus dans leurs mondes et se détestant au plus haut point. Les deux ne renoncent à aucune bassesse pour avoir la tête de l’autre. Il faut bien comprendre dans les stratosphériques sphères de la « haute société » la barbarie (ou la banale sauvagerie de la personne ordinaire) n’est pas une affaire de sang qui gicle partout. Dans les hautes sphères, c’est comme dans le monde de gladiateurs qu’est le milieu universitaire, on s’étripe sans salir les murs, les bains de sang sont à l’encre invisible.

 

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C’est propre, les lustres brillent de tous leurs feux, les bonnes manières sont préservées, les amabilités sont d’usage, les vêtements sont très classe, les maisons-chateaux et autres ne sont pas rasées, pas de génocides dans ces milieux-là comme il s’en voit partout chez les non-civilisés des sphères sociales de basse extraction (les pauvres, les classes moyennes, bref les rien-du-tout).

On tue, on décapite, on détruit, on enterre, on réduit à néant et des poussières, avec du savoir-vivre et beaucoup d’éducation.

Pour le reste des mortels, les guerres et les crimes de tels groupes sociaux sont invisibles (d’où le fait que ces pauvres mortels les adulent et les déifient). Les presque dieux n’ont donc jamais (officiellement) les mains sales. C’est bien connu.

 

 

 

 

Ce que je trouve vraiment fascinant avec Billions c’est de se rendre compte à quel point l’intelligence est l’arme la plus redoutable que nous ayons.

Encore une fois, il faut oublier le fric, le réseau de contacts et de connaissances, l’accès à tel ou tel réseau, etc., la job ou la fonction comme une coquille vide, les titres ronflants et les cv un peu boursoufflures, tout ça est dérisoire, bonnement.

 

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Dans ces sphères, le pouvoir ne s’acquiert que par l’exercice d’une intelligence qui est nécessairement hors-norme (je te dirais que quand j’observe les personnages de Billions, autant lewis que giamatti mais surtout maggie siff et asia kate dillon – extraordinaires personnages féminins ou personnage féminin qu’est siff et personnage non-binaire qu’est dillon, les plus brillant(e)s de la série, je comprends très vite qu’un tel niveau d’intelligence est inaccessible aux simples mortels que nous sommes, c’est juste impossible d’être aussi brillant et pourtant c’est bien le cas).

Le pouvoir résulte de deux éléments essentiels : soit de la force soit de la ruse (stratégie).

Bien des théoriciens du pouvoir diraient d’une combinaison des deux mais surtout d’un savant dosage des deux (c’est-à-dire qu’il faut bien savoir à quel moment faire usage de la force et à quel moment il faut préférer la ruse, et à quel moment il importe d’agencer les deux).

Un pouvoir qui s’acquiert par la ruse doit pour sa pérennité être en mesure d’exercer la force qui seule est le langage que respecte bien des individus.

Un pouvoir qui se prend par la force doit pour sa survie être en mesure d’exercer la ruse qui seule est le moyen le plus efficace de corruption des esprits (la ruse altère les perceptions, modèle les pensées, la ruse convainc alors que la force dissuade).

Dans Billions, c’est une leçon magistrale de conquête et de préservation du pouvoir en mobilisant ces deux éléments.

 

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L’intelligence des personnages principaux dépasse l’entendement, leur amoralité ou leur moralité de l’intérêt atteint des sommets remarquables.

Personne dans Billions n’est un saint, tout le monde a les mains sales parce qu’à un moment comme à un autre chacun est placé dans une situation impossible (moralement, humainement) qui l’oblige à faire des choix non seulement difficiles (sacrifices quasi humains de ceux auxquels il tient soit pour survivre soit pour gagner la guerre) mais surtout à tuer (dans son sens plus symbolique que littéral) toujours afin d’être considéré respecté élevé.

Tuer ou mourir, tuer et mourir (un peu beaucoup comme on damne son âme), tuer et être tué (parce que cela finit toujours ainsi).

Les dilemmes moraux auxquels les personnages font face montrent à quel point les grands discours sur le bien et le mal, les grandes déclarations sur le « moi je serais incapable de faire ça » des personnes qui souvent n’ont jamais été confrontées à de telles situations (qui sont ainsi bien installées dans leur confort) et qui n’ont jamais été mises dos au mur paraissent d’un blablabla ridicule (pour te dire, quelquefois j’écoute toutes ces saintes-personnes donner des leçons aux autres ou faire la morale aux autres, et j’ai juste envie de leur dire « mais putain ferme ta gueule », ce que malheureusement je ne fais jamais).

Comme l’autre dirait dans les bienveillantes de jonathan littel : « si vous êtes né dans un pays ou à une époque où non seulement personne ne vient tuer votre femme, vos enfants, mais où personne ne vous demande de tuer les femmes et les enfants des autres, bénissez dieu et allez en paix [moi je dirais allez vous faire foutre]. Mais gardez cette pensée à l’esprit : vous avez peut-être eu plus de chance que moi, mais vous n’êtes pas meilleur ».

 

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Les saintes-personnes qui se targuent d’avoir les mains propres et qui ont une morale à toute épreuve sont donc veinardes, mais d’expérience quand elles sont plongées dans l’enfer et la nuit la plus sombre toute leur sainteté, leur pureté, leur morale de saint-esprit et de dieu le père, volent en éclats, et tout ce qu’elles ont vomi quand elles vivaient dans leur confort et leurs illusions leur semble beaucoup moins répugnant. Dans la nuit, dans l’enfer, elles ne sont meilleures que les autres.

Comme ma grand-mère me le faisait souvent remarquer : « C’est quand le vent souffle que l’on voit les fesses de la poule ». Pour dire, c’est quand il vente que l’on découvre ce que nous sommes réellement comme vérité.

 

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Billions est donc une série où il vente beaucoup, bourrasque après bourrasque, les coqs et les poules ont les fesses à l’air. Ils se découvrent dans toutes les/leurs vérités. C’est une série dans laquelle aucun personnage n’est moralement meilleur qu’un autre, il n’y a pas de bons et de méchants, une telle catégorisation n’a jamais eu à mes yeux un quelconque sens, elle est d’une indéniable connerie.

Un bon n’est bon que selon une perspective particulière adoptée, un méchant aussi. Che guevara avait les mains sales comme ceux de l’idéologie adverse – les méchants à ses yeux – qu’il vomissait.

Davos et co a les mains sales comme les altermondialistes et autres néo-communistes et néo-néo-léninistes-marxistes.

Comme, lorsque j’étais ado, mon beau-père me le disait souvent sans fioritures en parlant du pouvoir et de la politique (des animaux politiques en l’occurrence) : « Tout le monde a des cacas aux fesses ».

Même le christ avait de la merde au cul, et je ne te parlerai même pas de tous ces prophètes qui ont tranché des têtes – et massacré à en donner la nausée – au nom de la volonté divine.

La question n’est donc pas là, et il faut bien comprendre ici mon propos il ne s’agit pas dire qu’il y a un relativisme ou pluralisme moral faisant en sorte qu’il soit impossible de poser un jugement de valeur (morale) d’un type universaliste sur de tels actes (d’ailleurs les personnages de la série ont bien conscience que leurs actions ne sont pas moralement acceptables, elles sont mauvaises, qu’importe la finalité poursuivie ou les raisons de leur agir, ils ne prétendent pas ainsi qu’elles deviennent une norme universelle – au contraire ils sont très souvent traversés par des cas de conscience aux terribles effets sur leur propre intégrité psychique, ils sont des monstres froids qui ont tout de même une conscience et celle-ci leur fait vivre des moments de souffrance indicible), seulement mon propos consiste à dire que réduire la complexité de la morale à une catégorisation ou un dualisme vide de sens n’apporte rien à la compréhension et donc ne rend pas possible une réflexion permettant d’en arriver à renforcer l’universalisme moral.

Autrement dit, déclarer que tel acte est bon ou mauvais, bien ou mal, est stérile, comme le dirait l’autre : « Mais encore ? »

 

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Billions est donc une série du « Mais encore ? », c’est sur ce point une formidable source de réflexion morale. C’est toujours pour moi un moment de questionnement de la morale de l’intelligence, de l’éthique de l’intelligence, l’arme la plus redoutable de l’esprit humain.

A quel moment l’intelligence comme capacité de comprendre, de connaître, de saisir par la pensée, peut être immorale, sur quel fondement moral, sur quel principe moral peut-on fonder cette immoralité, l’intelligence est-elle seulement morale ou est-elle essentiellement amorale, peut-on juger moralement une intelligence qui est en soi de nature intangible sans considérer ses manifestations positives que sont les actes posés dans le monde tangible (et donc juger davantage les actes de l’intelligence que l’intelligence elle-même), serait-il possible de moraliser (rendre moralement acceptable) l’intelligence, d’éduquer moralement l’intelligence, cette capacité et son exercice de façon distincte de l’éducation morale de l’individu, etc. ?

Il est très possible en fait que tout ceci n’ait aucun sens.

Si Billions est une série du pouvoir, elle l’est aussi de privilèges.

En regardant cette œuvre qui s’arrête sur ces 1% qui possèdent et influencent directement ou indirectement 99% de l’existence des 99%, l’on voit très bien que ces quasi dieux ou ces seigneurs et autres princes de notre féodalité contemporaine ne vivent pas dans le même monde que les restes.

Ils sont dans des cieux inaccessibles pour les profonds mortels enterrés en profondeur dans nos cimetières et décharges terrestres. On saisit bien pourquoi il leur est impossible de se rendre compte de ce que les restes vivent au quotidien, la normalité de la personne ordinaire, les injustices et les inégalités, les colères et autres.

Ces 1% n’ont aucune espèce d’idée de ce qu’est l’existence des 99% ou pour le dire plus adéquatement l’inexistence des 99%.

 

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Billions offre un portrait brut et brutal d’une caste de privilégiés qui ont d’autres préoccupations dans la vie que de se demander s’ils auront de quoi se mettre sous la dent, de quoi payer les factures, de quoi leur demain sera fait et toute l’angoisse de l’avenir que cela suppose.

Ils vivent dans une autre réalité et dans une autre temporalité, lesquelles les emmurent dans des sens et significations qui rendent naturellement incompréhensibles tout ce qui est en dehors.

Le privilège ce n’est pas tant pouvoir faire des choses que d’autres n’ont pas le droit de faire, c’est pouvoir le faire parce que cela coule de source, c’est presque un droit naturel.

Les véritables privilégiés ont des droits naturels que les restes des mortels n’ont pas.

Et comme tout droit naturel ils n’en ont pas toujours conscience et quand on le leur rappelle (d’une façon comme d’une autre) ils ne saisissent pas bien où est le mal ou l’immoralité du truc parce que voilà pour eux c’est normal.

 

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Lire ici

 

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Gadrey, J. (2011). Les riches ne connaissent pas la crise. Revue Projet, 321(2), 28-35. 

 

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Clerc, D. (2013). La « paupérisation » du consommateur. Après-demain, n ° 25, nf(1), 20-22.

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Bourdeau, V., Flipo, F., Flory, J. & Maric, M. (2010). Pour en finir avec les riches (et les pauvres). Mouvements, 64(4), 7-11.

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Quatre millions de pauvres dans un pays riche !. Journal du droit des jeunes, 220(10), 15-21.

 

Être véritablement privilégié c’est être au-dessus de la norme qui vaut pour les restes, être au-dessus des lois et règles ordinaires qui s’imposent aux individus ordinaires, et lorsque par un malheureux hasard l’on se retrouve confronté à la normalité des 99% cela cause donc un immense choc, un ébranlement psychique, une consternation, cela est proprement scandaleux.

Le scandale ne vient pas du fait que la norme ordinaire pour les personnes ordinaires existe ainsi que l’on la juge simplement intolérable voire injuste, mais plutôt du fait que l’on se retrouve mis sur le même pied d’égalité que l’ordinaire des rien du tout.

 

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On le voit dans les actualités, quand les privilégiés font face aux réalités ordinaires des gens ordinaires ils sont outrés, non pas vraiment de telles réalités mais d’être descendus de l’olympe et d’être placés dans les situations ordinaires de l’ordinaire populace – pour dire de ces mortels de rien du tout.  Simplement scandaleux.

Billions a des épisodes qui montrent scandaleusement comment des quasi dieux sont scandalisés d’être traités comme de simples mortels. Dans la salle d’interrogatoire du procureur fédéral, le ciel – leur habitat naturel – leur tombe sur la tête. C’est d’une violence digne de la fin du monde, de leur monde, pour eux le début de l’enfer et la nuit dans lesquels les rien du tout sont plongés depuis presque leur naissance. Les rien du tout brûlent souvent dans ce cas un cierge à la justice.

Billions c’est une anatomie de cette caste-là. Celle des seigneurs et des princes qui très souvent malgré leur indécente fortune vivent aux frais de la princesse – c’est-à-dire nourris et engraissés par le labeur des rien du tout. Dernièrement, je lisais qu’un seigneur occupant le poste de président de l’assemblée nationale du pays autoproclamé des droits humains et donc d’une si belle démocratie (qui accessoirement n’a vraiment jamais aimé ni toléré le peuple, cette souche populacière des pauvres) s’empiffrait de gigantesques homards et de grands vins lors de soupers et autres dîners privés payés par l’argent public.

 

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Il y a quelques années, dans ma si belle province, le président de l’assemblée avait un palais si fin qu’il ne pouvait avaler que de mets raffinés – sinon il était incapable de se nourrir, et donc vu le risque qu’il crevât de faim – ce qui aurait quand même été insupportable pour une société aussi avancée que la nôtre, une société où personne ne meurt plus de faim comme dans ces épouvantables tiers-mondes – ces confrères et consœurs parlementaires lui allouèrent un budget spécifique lui permettant de se goinfrer en caviar et autres sublimités culinaires. Il survécut, l’on sauvegarda le prestige de la société, sa fierté, et le sens de la fonction de parlementaire.

Les privilégiés vivent donc souvent grassement grâce à l’oseille des rien du tout, sont gras dans un confort construit par le labeur des rien du tout.

D’ailleurs, Billions le montre : une famille newyorkaise ancienne, respectée, richissime et puissante, dont la fortune vient de l’acier, sauf que cet acier a toujours été sciemment de mauvaise qualité (pour faire des économies) mettant ainsi depuis des générations en péril la vie des citoyens (ponts construits avec cet acier, immeubles etc.), une exploitation de cet acier de mauvaise qualité sous perfusion de subventions publiques (donc de l’argent des rien du tout) et autres défiscalisations – l’argent public utilisé pour se faire gras en mettant en danger le public.

Cette famille louée comme généreuse bienfaitrice de la ville par ses œuvres de charité, son nom trônant dans les grandes places de la ville, une famille faisant et défaisant ces marionnettes de politiciens – rois et reines de pacotille. La chute de cette famille n’est pas l’action du karma, non les quasi dieux ne connaissent pas de lois karmiques – ils sont le karma.

La chute de cette famille est simplement une conséquence d’une lutte de pouvoir entre les quasi dieux.

Les privilégiés ne s’entre-tuent pas ou ne se cannibalisent ou ne se font pas anthropophages pour cette chose qu’est le juste, mais simplement pour le pouvoir. L’ancien président de l’assemblée nationale du pays des droits humains n’est pas tombé parce que son action était immorale, il a simplement fait les frais d’une lutte de pouvoir. En ce sens, lorsque généralement les privilégiés chutent de l’olympe, c’est parce que certains d’entre eux les ont simplement poussés dans le vide. La justice n’y est pour rien.

 

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Billions montre donc aussi tout ça. Les privilégiés qui s’entre-dévorent, se cooptent, s’échangent des services auxquels les ordinaires mortels n’ont ni droit ni accès (et même ne savent souvent pas que c’est possible ou que ça existe), ils n’ont pas les connexions et n’ont rien de valeur à échanger.

La corruption dans Billions ce n’est pas le vulgaire je te fais un chèque d’un million de dollars (le fric tout le monde en a, et ce bout de papier pour lequel on massacre tant d’être humains est un peu dérisoire) et tu me rends ce service (ou tu m’offres x y en retour), c’est plutôt le : voilà tu m’obtiens telle chose (que je n’arrive pas à obtenir par des voies normales ou légales) et je t’obtiens ce que tu me demandes (que tu n’arrives pas à avoir par des voies normales ou légales).

Voilà comment l’on obtient des permis de parking à vie pour chacune de ses nombreuses berlines alors que le citoyen ordinaire doit payer une fortune mensuellement pour garer son auto, l’on obtient pour son enfant une rencontre avec le doyen d’une prestigieuse fac d’une très prestigieuse université (qui est au fond une formalité puisque le bambin est certain d’être admis, papa maman s’en sont assurés en dealant avec ceux qui en ont le pouvoir) alors que les enfants ordinaires ne peuvent même dans leurs rêves les plus fous (malgré les notes scolaires exceptionnelles) envisager une telle rencontre avec cet autre quasi dieu qu’est le doyen, l’on obtient un permis de port d’armes alors que 99% des citoyens ne peuvent l’avoir dans un des états étasuniens les plus stricts en matière de régulation des armes (permis d’arme obtenu grâce un service rendu au chef de la police new-yorkaise qui servira à acheter une arme qui elle servira à tuer le chien de son richissime voisin dans un coup de colère, et quand les flics débarqueront on aura comme avocat le très puissant ex procureur fédéral – qui connaît donc tout le monde chez les flics, l’affaire sera grâce à d’autres échanges de service classé sans suite, tandis que de l’autre côté l’individu des ghettos où vivent ces rien du tout avec la même arme et la même utilisation croupira illico presto en taule et pour un long bout de temps), etc., etc., etc.

La corruption chez les privilégiés : bof bof bof. Billions, l’anatomie d’une banalité.

 

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Le pouvoir et les privilèges s’examinent aussi dans cette série par la description acerbe du milieu (impitoyable et sans scrupules) de la finance. Oublie toute la fable sur le winner qui à force d’un travail acharné, d’éthique, d’honnêteté, est parvenu au sommet de la pyramide sociale.

Oublie le conte disney sur le capitalisme qui rend le monde meilleur, la finance qui crée la richesse ou qui contribue à l’enrichissement du monde (donc d’un meilleur monde).

 

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Oublie les grandes théories des universitaires et autres penseurs, Billions t’offre une immersion intégrale et tridimensionnelle dans un monde d’une barbarie, d’une sauvagerie, d’une immoralité, d’une indécence, d’une irrationalité, simplement indicibles. Il faut le voir pour comprendre le truc.

 

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Je ne veux pas perdre un placement de 300 millions de dollars à la fin de la journée, bah j’envisage l’extermination de telle espèce animale (ce qui me permettra de sauver ma mise). Je veux faire chier un adversaire, je fais exploser une plateforme d’exploitation pétrolière, ses actions vont chuter, je fais passer ça pour un accident, le mec ou la meuf se retrouve à la fin de la journée avec des centaines de millions de perte de sa capitalisation boursière.

Je suis dans une merde profonde et un scandale financier pointe à l’horizon, il fera les grosses manchettes d’ici la fin de la journée, alors je réunis mon équipe d’adulescents (exceptionnels d’intelligence mais d’un émotionnel d’ados) dans la trentaine voire la quarantaine, traders-cowboys et stratèges émérites, et je leur dis : « Je veux une putain d’idée qui ébranle le monde à tel point qu’il n’en a aura rien à foutre de ce scandale ! »

Les soldats d’élite de ton équipe trouvent l’idée en moins de deux, pas le choix leur commission annuelle (qui n’est pas leur salaire) de quelques millions de dollars chacun est en jeu, l’idée est si « shocking » que lorsque le scandale dont tu es la cible (bien plus que le sujet ou l’objet) sort dans les médias beh personne ou presque n’en a rien à cirer, une actualité plus juteuse/shocking la ringardise, et toi tu es heureux tu viens juste de sauver quelques milliards de dollars de ta propre fortune personnelle et préserver ton fonds d’investissement de la fin du monde, de ton monde, l’enfer et la nuit.

Comme je le disais à une connaissance, si tu veux tuer une info ne la censure surtout pas, dans une société de l’effet streisand c’est la pire des choses à faire. Ce que tu dois faire c’est noyer l’info dans un flot d’infos au point qu’elle se perdra dans cette saturation et personne n’en aura rien à cirer. J’essayais de lui dire que entre un crime abominable et une info sensationnelle, les médias ont tendance à mettre à la une la dernière, parce que les médias ont besoin de se vendre et d’attirer par du racolage le lecteur, plus les médias ont de lecteurs mieux ils vendent leurs espaces publicitaires aux annonceurs donc plus ils se font du fric.

Alors que l’info abominable soit du journalisme à la albert londres personne de nos  jours ou presque n’en rien à branler, ce que les médias veulent c’est de la visibilité, du partage, du clic. Dès lors, au lieu de censurer une info, tu la laisses paraître en t’arrangeant qu’il y ait une info beaucoup plus « buzz » que celle qui ne fait pas ton affaire, si les journaux influents font leur une sur la niaiserie (du type un scandale sexuel d’un politicien) ou le drame (du type un chat a été percuté par un chauffard) alors que ta merde est franchement plus scandaleuse tu sais que tu es sauvé.

Le temps que les gens reviennent là-dessus, s’intéressent à ton cas, l’impact est contrôlé ou sous contrôle; au pire tu as le temps de peaufiner tes arguments, de corrompre ceux qui doivent l’être ou d’exercer une pression insupportable sur ceux dans ces médias – si aux ordres et manipulables – qui ont le pouvoir de dicter la storytelling de leur feuille de chou.

Tu as gagné du temps, un temps précieux, qui te permet de déployer toute la brutalité de ton influence afin de tuer un scandale qui te nuit au plus haut point. Et quand tu seras invité sur les plateaux télé pour t’exprimer tu auras tout sous contrôle, les journalistes soit te lécheront les couilles ou le clitoris (parce qu’ils sauront qui est le boss ou la boss), soit ils se coucheront devant tes arguments parce qu’ils sont peu ou mal préparés (faute d’avoir les infos pour te déstabiliser ou d’avoir vraiment pris le temps de travailler leur sujet). Tu seras à l’écran éblouissant, un salaud ou une salope éblouissant(e).

Et après la diffusion (en direct de préférence, pour ne pas tomber dans le piège du montage du différé) de ta sainteté, tu inviteras le ou la journaliste à une soirée mondaine huppée et très select (ce qui lui plaira à 90% du temps, parce que cela flattera son ego et son estime de soi). 

Et tout ce beau monde se retrouve dans les soirées mondaines et autres philanthropiques où ils se font la bise, baise ensemble, et le lendemain matin s’envoie des tomawaks ou des ogives nucléaires sur la tronche.

Mais tout ceci est acceptable tant que cela se fait dans l’entre-soi, je veux dire dans un milieu aux vitres teintées ou floutées ou aux murs feutrés, le bas-peuple ou le peuple d’en-bas, le p’tit peuple n’a pas à voir à quel point les quasi dieux sont des sauvages, des barbares, des primitifs. 

 

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Billions, c’est une anthropologie et une sociologie de l’olympe. De l’olympe où des dirigeants politiques passent presque tout leur temps à réfléchir aux moyens de détruire leurs adversaires politiques au lieu de consacrer leur Energie au bien-être collectif pour lequel d’ailleurs ils ont été élus.

Des responsables gouvernementaux qui utilisent tous les moyens publics au service de guerres d’inimitié, tout le pouvoir de leur fonction publique au service des combats politiques et des compétitions privées entre des ego aussi immenses que l’univers (et cela ne suffirait même pas) sans parler de leur enrichissement personnel.

Des membres de gouvernement de la plus grande démocratie du monde qui cachent des centaines de millions de dollars de leur fortune dans des lieux édéniques (ce que certains nomment : paradis fiscaux) tout en allant sur les plateaux de télévision et autres dirent à quel point il est impératif de lutter contre l’évasion fiscale.

Billions, c’est tout ce qui relève de la science-fiction tellement cela semble improbable, irréel, sauf que la science-fiction est définitivement le nouveau réel. Pouvoir et privilèges donc, Billions n’y va pas de main morte.

Dans cette autre réalité de notre contemporanéité, l’olympe n’a rien de mythologique ou de mythique.

 

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Un autre truc intéressant dans Billions, c’est le fait de savoir s’entourer. Quand on vit dans une réalité où le pouvoir est l’alpha et l’oméga de tout, les amis en milliers c’est simplement impossible.

Comme une personne me le disait une fois si tu as beaucoup d’amis soit tu ne représentes rien (tu n’es une menace ou quelque chose d’importance – c’est-à-dire que tu n’as pas de valeur substantielle) soit tu ne sers à rien (tu n’es vraiment utile à personne, tu es simplement une présence accessoire dans un décor rempli de choses comme toi).

Du moment où tu représentes quelque chose, que tu as une certaine valeur, que tu es susceptible d’être convoitée ou susciter de la convoitise, que tu sers à quelque chose de substantiel et donc que tu occupes une position vraiment distincte des autres, tu ne saurais avoir des milliers d’amis, au contraire.

Dans Billions, les quasi dieux n’ont que très très peu d’amis, ceux-ci sont si loyaux qu’ils crèveraient pour les uns et les autres, sont si digne de confiance que les uns et les autres sont capables de les suivre aveuglement.

Dans le pouvoir, la multitude des amitiés est une faute grave qui ne (se) pardonne pas. Il faut savoir s’entourer. Choisir ses amis avec beaucoup d’exigence, et donc en avoir seulement quelques-uns, voire un.

 

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Pareil pour l’amour. Dans cette réalité, tomber amoureux est secondaire, ce qui importe c’est le choix d’un partenaire qui soit fait du même bois que soi, qui est capable de comprendre avec beaucoup de précision le monde dans lequel on évolue, qui est capable d’avoir ce qu’il faut pour encaisser et rendre les coups, qui ne rêve pas de licornes et de la vie en rose comme toutes ces choses d’une naïveté effarante et infantile (et souvent d’un ennui mortel).

On choisit un partenaire de guerre et de combat dans un monde qui n’a rien d’un conte pour enfant ou d’un conte disney. Le cœur, bof.

Son partenaire doit être aussi brillant et intelligent que soi-même (d’une façon comme d’une autre). Il n’est pas question de cursus académique, le diplôme ne décerne pas l’intelligence (beaucoup de diplômés sont loin d’être de cette intelligence à la Billions, en fait ils sont de parfaits ignares).

 

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Maggie siff l’illustre, son intelligence et son esprit brillant ne vient pas que de ses diplômes, cette femme conjointe du très ambitieux paul giamatti est dans ce couple celle qui détient le vrai pouvoir, elle est le pilier, elle est le socle.

Lorsque giamatti pose sur elle ce regard plein d’affection ce qu’il voit c’est simplement un esprit brillant impitoyable implacable d’une intelligence aussi extraordinaire que la sienne. Ou tout au moins une intelligence de la même intensité, voire plus intense que la sienne. 

Les deux forment une équipe redoutable, leur couple est craint autant qu’il suscite admiration et inspiration.

Le couple formé par damian lewis et malin äkerman aussi. Ce sont des couples de pouvoir. Le beau cul, le cute, le sexy, le cœur, les histoires à l’eau de rose, bof – c’est un truc du peuple d’en bas.

Voilà pourquoi, pour toutes ces raisons, que Billions est l’une de mes séries télévisuelles préférées. Plusieurs niveaux de lecture, une immersion dans l’olympe, une source de réflexions et de questionnements, une véritable leçon de conquête et de conservation du pouvoir et des privilèges.

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