Grigri

Grigri by Dave

J’ai un chat chez moi, il se nomme grigri. D’où je viens le grigri est un talisman qui protège son porteur du mal, du mauvais œil, des ténèbres, bref de ce qui fait souffrir ou qui peut faire souffrir.

Croyance magique, dans un monde logico-rationnel, cela est incompréhensible. Comme l’autre juge de la cour spéciale de la sierra leone dirait : « ce sont des croyances de primitifs, que toute nation civilisée devrait rejeter ».

J’emmerde le juge.

Être plus que logico-rationnel, j’y crois.

Oui, je crois en la magie.

Grigri relève de la magie. Il est venu de nulle part. Chat égaré ou abandonné, je ne sais pas, je n’ai jamais su. Il a choisi mon domicile. Il ne m’a laissé le choix de l’adopter.

Depuis deux ans, il fait partie de la famille. Ma fille l’adore, c’est son « Grigri » et il a un effet sur elle qui dépasse le logico-rationnel. Grigi, le chat aux pouvoirs magiques.

 

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La première fois que j’ai eu un animal de compagnie, j’avais l’âge de onze douze ans, ma mère m’avait offert un chat, les chats ont toujours été de loin mes animaux préférés, les seuls d’ailleurs. Il s’appelait « Toutou ».

Un surnom de clébard pour un chat, faut dire « Toutou » c’est mon surnom d’enfance ou comme on le disait à mon époque mon nom d’enfant. Chaque enfant avait un surnom d’enfance, en plus des prénoms dits officiels.

Mes deux ainés c’étaient : « Beaufils » et « Junior » pour Charly Aymé et Chrispy Robert (chacun de nous avec deux prénoms – une espèce de tradition que j’ai d’ailleurs poursuivie avec ma fille lux freya – et non un prénom composé avec un tiret comme c’est la mode de nos jours). Nous nous appelions (très) rarement par nos prénoms de l’acte civil.

Encore aujourd’hui, dans les rencontres très officielles, devant des personnes étrangères, on s’appelle par nos surnoms – « Toutou », « Beaufils » « Junior ». Ce qui faut le dire fait toujours un drôle d’effet à ceux qui ont l’habitude de nous nommer par nos prénoms. Ma mère, malgré l’adulte que je suis devenu, malgré tout ce que je suis, ne se gêne pas devant tout le monde de m’interpeller par un « Toutou » qui me rappelle à quel point qu’importe ce que je suis et la personne que je suis devenu je reste toujours son « Toutou ».

Quelquefois, il faut l’avouer cela ne fait pas très sérieux devant les autres. Mais au fond, je m’en fiche un peu beaucoup. Je reste l’enfant de ma mère et je le serai toujours, et ce « Toutou » comme « Beaufils » et « Junior » est une marque d’affection maternelle. Aucun enfant, qu’importe qui il est ou devenu ne cesse d’être l’enfant de ses parents, et cela d’où je viens est une bénédiction, de l’ordre d’une croyance magique.

Je suis donc pour ma famille « Toutou ». Oublie « Dave ». Avec les miens, tu demandes « Dave » les gens vont te regarder comme si tu étais un extraterrestre débarquant de la lune – « Hein? Dave?? C’est qui?! ». Tu dis « Toutou » et tu auras beaucoup d’histoires de mon enfance, de l’enfant que j’ai été aux yeux de mes proches et de ma très large famille.

Chez moi, la famille est une notion très étendue, oublie le truc de la famille proche, ça part du cousin de l’oncle de la tante de ma grande cousine qui vient du côté de mon arrière-grand-père à la cousine de ma mère je veux dire de sa grande tante qui est en fait la fille adoptive du cousin de son grand-père. Je te laisse deviner les rencontres de famille durant les fêtes de fin d’année.

Il n’y a donc pas d’étrangers d’où je viens, tout étranger a des liens avec soi, donc pas un étranger (en fin de compte).

Grigri, le temps passant, je me suis dit qu’il était sans doute l’arrière arrière arrière arrière petit-fils de mon chat d’enfance qui par je ne sais quel miracle avait traversé un océan pour me retrouver au québec afin que je n’oublie pas que la famille ne s’abandonne pas. J’ai ainsi accueilli grigi chez moi. Et depuis, il est le seul compagnon non humain de cette drôle d’existence qu’est la mienne.

 

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Ma fille l’adore, elle joue avec, et elle a appris son langage. Oui, ma fille parle le chat. Elle sait exactement ce qu’il veut dire par ses « Miaou miaou miaou ». Elle me le traduit souvent, ou répond à ses demandes. Cela dépasse le logico-rationnel, l’entendement, c’est de l’ordre de la magie. J’en reste toujours bouche bée.

Grigri, quand ma fille n’est pas là, n’est pas très heureux de rester avec moi. Je ne comprends pas toujours son langage et cela le désespère à un plus haut point. Je le vois quand il me toise, quand il piaffe en silence, ou quand il me jette des « miaou miaou miaou!!! » rageurs. Et moi, je lui réponds souvent : « Vieux, t’as qu’à parler humain si t’es pas content », à quoi il rétorque « Miaou ! » ce que je traduis d’après le regard noir qu’il me balance par un « Fuck you ! »

En ces instants-là, ma traductrice universelle qu’est ma fille nous manque à tous les deux, et c’est avec beaucoup de soulagement qu’il la voit souvent débarquer pour la semaine. « Tu me sauves de cet enfoiré ! » semble dire quelquefois ses « Miaou, miaou ! »

Ma fille dans ces moments-là me jette un mauvais regard qui dit « Papaaa, t’es pas gentil avec grigri ! » Après, pour m’excuser, je suis obligé d’aller à son parc préféré (avec les températures caniculaires, suant comme un bœuf et voyant mon black viré au bleu foncé), de grimper à des arbres et de faire le tarzan.

Mais aussi, caresser pendant une éternité grigri sous la supervision de lux freya qui s’assure que j’ai vraiment caressé comme il faut son grigri adoré.

Voilà, ma souffrance. Ma punition de ne savoir pas vraiment parler le langage de chat.

 

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Grigri est un pacha. Faut le voir étendu sur mon canapé couleur sperme de baleine pour comprendre le truc. Les pattes en l’air, vent frais du climatiseur braqué sur lui, la panse bien remplie, il est au nirvana.

Quand il revient parmi les mortels, il se dirige vers mon bureau et me commande des trucs en « Miaou, miaou ! »  Et souvent en déduisant, j’arrive à saisir ce qu’il ordonne et je m’exécute – sinon il le dira à ma fille et ce sera un peu cuit pour moi. Pas fou, grigri, il sait qu’il me tient par les couilles.

Je n’ai jamais supporté autre chose que les chats dans ma vie. Calme, discret, à leur affaire, invisible et présent, mais surtout de vrais gentlemen ou ladies. Contrairement aux chiens et aux chiennes. Ils m’insupportent.

Je ne déteste pas prodigieusement les chiens et les chiennes, cela va au-delà de ça. Impossible de m’y faire.

Durant mon enfance, nous avons eu un ou deux chiens, et j’ai toujours su qu’ils ne seraient pas les meilleurs amis de l’homme (que j’étais, encore de celui que je suis devenu).

Je pourrais faire une liste de tout ce qui m’insupporte chez les chiens et les chiennes, mais je ne le ferai pas. Juste que ce n’est pas mon truc. C’est bruyant, ça prend trop de place, c’est dans le m’as-tu vu, c’est excessif, ça bave partout, ça aboie pour tout et n’importe quoi, ça agresse, ça s’excite, etc., juste insupportable. Clairement du manque de savoir-vivre et d’éducation. De noblesse et de grâce. 

Les chats, c’est bien connu, c’est tout le contraire. De vrais gentlemen et ladies. Pas de grossièretés, tout chez eux de la noblesse et de la grâce, du savoir-vivre et de l’éducation. Même le cul chez eux, c’est dire.

Grigri est ce tout cela que j’apprécie et j’affectionne particulièrement. Il sait se tenir, il a de la prestance, il est distingué, il n’est surtout pas bordélique ou foutoir. Je n’aime pas trop le bordel et le foutoir. Faut que cela soit rangé, propre, et absolument bien ordonné.

Grigri ne fout pas le bordel, au contraire. Pas de poils qui traînent, pas de bave sur le plancher ou sur le canapé, pas bouffage de mes livres et autres conneries du genre, nope tranquillos grigri. Un vrai talisman anti-souffrance bordélique. Le vrai arrière arrière arrière petit-fils de toutou. Ce à quoi il pourrait sans doute répondre par un : « Miaou ! Miaou ! » – pour dire : « Fucking the hell yeah ! » Heureusement, ma fille n’est pas là pour traduire.

 

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Une réflexion sur “Grigri

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