Ray Donovan

Josepha était assise en face de moi ce midi, on bouffait de l’agneau et on descendait quelques verres de bière. Elle n’est pas compliquée sans cesser d’être extrêmement complexe, pas de chichis avec elle et pas de scénarisation de soi tout en étant pour moi un vrai point d’interrogation. Surtout, josepha sait se tenir à table sans être très à cheval sur les règles, en fait cela dépend du contexte et qui est autour de la table.

Elle peut ainsi passer d’une posture très conventionnelle qui suscite toujours chez moi beaucoup d’admiration à un laisser-aller proprement je-m’en-foutiste scandaleux qui me fait nécessairement bander. Et c’est sans doute cela que j’adore chez elle, sa capacité à lire les situations, les moments et à s’ajuster, en effet josepha est très intelligente.

D’autant plus intelligente qu’elle parle toujours avec énormément de profondeur et beaucoup d’originalité. Quand elle parle du soleil, il est impossible de le regarder pareil qu’avant, quand elle parle du vent il est impossible de le sentir comme avant, quand elle parle d’un agneau aussi sublimement cuit il est impossible de le dévorer comme si de rien était. Sans se forcer, sans être factice, sans vouloir prouver quoique ce soit, sans en faire trop, josepha puise toujours au fond d’elle-même le sens et les significations de choses, d’objets, d’abstractions, dérisoires.

Elle plonge en elle et de ses abysses il jaillit de véritables trésors. J’ai toujours envie de l’embrasser quand elle parle, et souvent il m’arrive de le faire. Josepha du pur bonheur.

 

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Durant ce partage d’un moment au fond très ordinaire en agréable comme une norme chez elle, elle m’a demandé ce qui me turn off chez une lady. Je lui ai dit : « Premièrement, qu’elle n’ait rien d’une lady », et elle a fait comme les jeunes de sa vingtaine : « Lol » – juste pour me faire chier, ce que j’ai beaucoup apprécié.

« Ah ouinn ?? C’est quoi une lady pour toi ? » « Oh, l’équivalent féminin de lord » « Comment ça ? » « Une femme, une jeune fille, qui a de la noblesse » « Noblesse ???? » « Oui, noblesse : une éducation, un savoir-vivre, une façon de se représenter et de se présenter avec distinction et dignité, gracieuseté, de l’élégance à la fois d’une sobriété et d’une simplicité certaines et d’une originalité et d’un raffinement remarquables, de l’humour d’une certaine intelligence avec de jubilatoires pointes sarcastiques, une force de caractère et une impertinence adéquatement utilisées..

La beauté d’une lady à mes yeux c’est autre chose que le joli minois, la beauté d’une lady est entre balzac et cendrars, il faut le voir et le lire pour comprendre le truc, je te dirais simplement de la noblesse..

Noblesse du cœur aussi, surtout, bien évidemment.. » « Est-ce que pour toi je suis une lady ??? » « Je ne serai pas là aujourd’hui avec toi ». Josepha a souri, elle n’a pas ri comme ces barbares qui montrent à un public un peu consterné tout ce qui est de crade dans leur cavité buccale et toute leur dentition absolument répugnante indifféremment de leur blancheur.

 

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Après un moment de silence, elle a ajouté « et l’autre truc qui te turn off », j’ai répliqué : « Il y a en fait plusieurs.. La langue blanchâtre, les dents toutes blanches qui me semblent toujours peu naturelles, les ongles mal entretenus ou trop longs voire recouverts de trop d’artifices, les cils kilométriques, le vocabulaire, le phrasé, la pilosité et autres gros caleçons épouvantables qui se dessinent sous leurs vêtements, l’absence de bonnes manières et de tenue, le style fashionitas et autres conneries du genre – je veux dire trop de superficialités, le côté trop intellectualisme bling bling, le côté trop cultivé qui en fait trop, le côté bimbo et femme fatale qui dit objet en vente et argumentation marketing, au fond la perfection quoi, oui la perfection me turn off, c’est trop factice, trop esthétique, trop scénarisée, impossible de faire confiance en quelqu’un de cette sorte et/ou de m’y intéresser, ce présentoir ou cette façon d’être est stérile cela n’a aucun imaginaire, la perfection est sans imaginaire, rien à découvrir et rien à apprendre puisque c’est parfait, la perfection m’ennuie et m’emmerde.. »

« Suis-je parfaite pour toi ? » « Heu.. Non.. Je ne m’emmerde pas.. Tu es un imaginaire de dingue, du moins c’est ce que je crois..» « Oki… »

Josepha a replongé dans son assiette, elle a encore laissé passé quelques silences avant de me demander : « C’est qui ton personnage de télé préféré ? » J’ai été très surpris par cette question, de but en blanc j’ai répondu : « Ray donovan de la série éponyme ». « Je suis étonnée, je m’attendais à ce que tu dises mr robot !!! » « En fait, il est l’un des plus intéressants pour moi mais sans doute pas mon préféré.. »

« Pourquoi ray do-whatever ?! » « Parce que le mec est simplement paumé, à la dérive, incroyablement arctique à l’extérieur et pas si evident que ça, j’adore sa carrure, son magnétisme, ses expressions corporelles et verbales, pour dire j’ai rarement eu de plaisir à entendre quelqu’un dire « fuck » ou « fuck you », ray est un foutu de chez foutu qui en a bien conscience et qui essaie de faire de son mieux pour survivre à lui-même, il ne juge pas, il fait juste qu’il a à faire point final et avec c’est un « chacun sa merde, j’ai assez de problème comme ça », ray ne veut pas être béatifié il n’en a rien à foutre, il veut simplement être là pour les siens et ceux qu’il considère, bref le mec est salement amoché rien de gq ou aucune perfection, mais si plein d’authenticité, j’adore ray.. ».

 

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Josepha m’écoute déblatérer sur ray donovan comme si je faisais une présentation universitaire devant des personnes qui ne bandent que lorsqu’elles entendent des mots et expressions issus d’un vocabulaire d’initiés – un truc de classe supérieure, de snobs, de pédants.

Et en lui répondant, je me rends compte à quel point je déteste tant parler avec passion ou de ce qui me passionne vraiment, parce que je n’ai plus de contrôle sur moi, sur ce que je dis ni comment je le dis. Je parle avec mes tripes, et je ne pense pas. Ray donovan me dirait sans doute : « Great things come from great fucks ».

« Donc si tu pouvais être un personnage de télé tu serais ray donovan ??? » « Oui, absolument » « Intéressant » « Ah oui ? » « Ouinn, je t’imaginais dans un tout autre personnage » « Genre mr robot ? » « Oui !!! » « Je ne suis pas désolé de te décevoir Jo’ » « Tu m’étonnes, dave ! »

 

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Et josepha a une fois de plus laisser couler de longs silences. Josepha, je la regarde et je pense à toutes les baises qu’elle et moi on a partagées. Des baises d’anthologie. Josepha est d’une jouissive imperfection, une lady qui sait ne plus l’être quand il faut. J’adore bonnement.

Josepha lève ses yeux sur moi et me balance : « T’sé c’est la première fois depuis des mois que l’on se fréquente que tu répondes clairement à mes questions !!! » « Oui, je sais » « Pourquoi tu ne le faisais pas avant ?????!!!!!!! » « Parce que ce n’était pas dans le contrat » « Et qu’est-ce qui était dans ce fucking « contrat » ?!!!!! » « De la baise et de bons moments » Josepha m’a regardé, elle avait l’air consterné. « Je me trompe ? » Josepha n’a rien dit. J’ai replongé dans mon plat, j’ai descendu ma bière.

« Qu’est-ce qui a changé ? » « Tu sembles vouloir autre chose.. » « Ah ouiiiinnnn ?! Mais quoi donc ?!! » « A passer à l’étape suivante, je crois.. » « Quelle étape ??!!!! » « Celle qui est post-cul dans ces situations-là.. » « Hein ?!!! » « L’amitié, et sans doute plus.. »

 

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Josepha a rougi, elle n’a plus touché à son plat, elle s’est commandée une bouteille de vin, et elle m’a lâché : « ça te dis-tu alors ?? »

« Ce qu’il me dit c’est : Non.. Tu es la lady de shalott, et moi ray donovan, pas lord ni gentleman du tout, grossier et vulgaire, malotru et imbuvablebukowski version irrécupérable,  cela n’a aucune chance de fonctionner.. »

 

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