Océanie, ces Autres Mondes méconnus

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« Largement ignorée de l’histoire des relations internationales, l’Océanie est pourtant investie après-guerre d’intérêts stratégiques non négligeables. L’Australie et la Nouvelle-Zélande cherchent à impliquer fortement les États-Unis en Océanie tout en s’y affirmant en tant que puissances régionales. Le processus de décolonisation, mené sur fond de guerre froide, attire également l’attention sur les enjeux et les vulnérabilités des petits États océaniens. L’émergence économique et politique des puissances asiatiques amène enfin les États d’Océanie à développer leurs relations avec l’Asie et à affirmer leur appartenance à l’Asie-Pacifique.

Dans l’immédiat après-guerre, l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui voient se dessiner de nouvelles menaces en Asie, cherchent à réduire leur isolement et à s’affirmer sur la scène politique régionale et mondiale. […]

La guerre de Corée marque profondément la politique étrangère de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ainsi que leur positionnement sur la scène internationale. Leur participation, bien que limitée, témoigne de leur engagement contre la progression communiste et de leur stratégie de défense avancée en Asie. Elles adhèrent en 1954 à l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE), une alliance militaire collective regroupant les pays de l’Asie du Sud-Est non communiste afin d’endiguer la progression communiste. Parallèlement, l’Australie et la Nouvelle-Zélande développent des politiques destinées à améliorer le niveau de leurs voisins asiatiques afin de les détourner des sirènes communistes. Cette stratégie visant à gagner les coeurs et les esprits se double d’engagements formels sur le terrain. Liées au Royaume-Uni par l’ANZAM (1949), l’Australie et la Nouvelle-Zélande s’impliquent dans la défense des intérêts du Commonwealth en Asie et participent ainsi aux opérations de contre-insurrection engagées en Malaisie entre 1948 et 1960, puis la soutiennent face aux incursions des forces indonésiennes à Bornéo entre 1963 et 1966. Elles s’engagent ensuite au Vietnam au côté des États-Unis qui, dans ce conflit, se servent de Guam comme base arrière. L’île, qui héberge une grande base aéronavale, sert de point de décollage des B52 avant de devenir un lieu de transit pour les quelque 111 000 Vietnamiens évacués après la chute de Saigon en 1975.

Dès 1962, l’Australie envoie des hommes au Vietnam dont le nombre augmente après l’instauration de la conscription en 1964 que le gouvernement Whitlam abolit dès son élection en décembre 1972. De 1962 au retrait des troupes en 1973, quelque 60 000 Australiens prennent ainsi part au conflit. L’engagement néo-zélandais est bien plus modeste puisque le déploiement entamé en 1966 concerne environ 3 000 soldats auxquels s’ajoutent près de 200 civils. En s’engageant au Vietnam, les Dominions font vivre l’ANZUS et payent par avance un soutien américain dont ils pourraient avoir besoin à l’avenir. Mais ce premier conflit dans lequel l’Australie et la Nouvelle-Zélande s’engagent sans le Royaume-Uni suscite rapidement des contestations. Les opposants dénoncent à la fois la soumission de leur pays aux intérêts américains, l’impact meurtrier des opérations militaires engagées sur les populations civiles ainsi que l’implication d’une jeunesse dans un conflit qui ne la concerne pas. Des comités anti-guerre sont constitués et de nombreuses manifestations sont organisées, notamment après les offensives de 1968.

L’engagement australasien au Vietnam entend donc contribuer à l’endiguement du communiste en Asie du Sud-Est et au-del à. L’alignement sur la politique américaine les conduit sous l’impulsion du président Nixon à préparer le retrait de leurs troupes, à prôner la vietnamisation du conflit et à repenser la politique à l’égard de l’Asie, plus particulièrement de la Chine communiste.

Après la substitution de la République Populaire de Chine (RPC) à Taiwan aux Nations unies en 1971, les deux Chines s’affrontent via les reconnaissances diplomatiques qu’elles obtiennent et l’Océanie n’échappe pas à cette rivalité. Taiwan inaugure une mission commerciale à Fidji en 1971, établit l’année suivante des relations diplomatiques avec le Samoa et Tonga et ouvre dans cette dernière île une ambassade en 1975.

Parallèlement, le parti travailliste australien fait campagne pour une diplomatie révisée à l’égard de la République Populaire de Chine que l’Australie a choisi de ne pas reconnaître. Gough Whitlam considère ainsi que le temps est venu d’accepter l’existence d’une seule Chine avec laquelle l’Australie a tout intérêt à normaliser rapidement ses relations. Pékin a en effet suspendu ses exportations de blé australien or, l’économie australienne a besoin de ce débouché. Dans ce contexte, Whitlam conduit en juillet 1971 une délégation travailliste à Pékin et assure à Zhou Enlai que l’Australie, une fois les travaillistes au pouvoir, reconnaîtra la RPC. Whitlam se rend ensuite aux Philippines et au Japon, estimant que ces contacts donnent à son pays « une autre chance de jouer un rôle constructif et progressiste dans la région ». L’initiative des travaillistes est fortement critiquée par le gouvernement mais la mission de Whitlam à Pékin est historique dans la mesure où aucune rencontre de ce niveau ne s’est tenue entre Chinois et Australiens depuis 1949. Elle l’est d’autant plus qu’elle se déroule quelques jours avant la visite secrète d’Henry Kissinger, conseiller du président Nixon à la sécurité nationale, à Pékin du 9 au 11 juillet. L’ambassadeur de France à Pékin, Étienne Manac’h, intercède auprès des autorités chinoises pour qu’elles accueillent cette délégation australienne et une partie des négociations entre Pékin et Canberra se déroulent ensuite par l’intermédiaire de leurs ambassadeurs en poste à Paris. Le 21 décembre 1972, ce sont ainsi Alan Renouf et Huang Zhen qui annoncent à Paris la décision de leurs gouvernements de nouer des relations diplomatiques. Dès les derniers jours de l’année 1972, Pékin nomme un ambassadeur à Canberra et en avril suivant, l’ambassadeur australien arrive en Chine. La Nouvelle-Zélande, qui vient d’élire un gouvernement travailliste, reconnaît à son tour le régime de Pékin. En novembre 1973, Whitlam est le premier chef de gouvernement australien reçu à Pékin où il s’entretient avec Mao Zedong. L’administration Whitlam marque donc un tournant décisif pour l’Australie qui repense sa place au sein de l’espace Asie-Pacifique et définit de nouvelles orientations à l’égard du continent asiatique tant en matière de politique étrangère qu’en matière de politique intérieure. Au plan extérieur, les exportations australiennes en Chine reprennent et les contacts entre l’Australie et l’Asie se développent.

Au cours des années 1970, le Japon devient ainsi le principal partenaire économique de l’Australie qui, du fait de son alignement stratégique sur les États-Unis, s’en est peu à peu rapproché. Après l’accord nippo-australien sur le commerce datant de 1957, les deux pays engagent à partir de 1973 des négociations qui aboutissent à la signature en 1976 d’un traité d’amitié et de coopération. Ce traité dit NARA (Nippon-Australia relations Agreement) relance les relations économiques et politiques et le Japon devient le principal partenaire commercial de l’Australie.

Pour les dominions, l’Asie passe peu à peu du statut de voisin inquiétant à celui de partenaire économique et politique. L’Australie s’affirme dès lors comme une nation de l’Asie-Pacifique : elle est géographiquement proche de l’Asie ; elle dispose de matières premières demandées par les marchés chinois et japonais qui fournissent une partie de plus en plus importante de produits manufacturés. Au plan intérieur, l’affirmation par l’Australie de son ancrage dans l’aire Asie-Pacifique se traduit par l’abolition des mesures discriminatoires en matière d’immigration et la promotion d’une politique multiculturaliste. Consciente de l’importance de son intégration en Asie dont elle veut être une puissance régionale, l’Australie initie en 1980 la création de la Coopération Économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) dont la réunion constitutive se tient à Canberra en 1989. Le tournant asiatique de l’Australie, qui répond autant à des préoccupations économiques que stratégiques, est confirmé et approfondi au cours des années 1990.

Les États-Unis, ayant des intérêts politiques, stratégiques et économiques en Océanie, entendent maintenir l’orientation profondément pro-occidentale des États insulaires et entretenir de bonnes relations avec eux comme avec les organisations régionales.

En témoigne notamment leur volonté de régler le contentieux territorial qui les oppose au Kiribati, à Tuvalu, aux îles Cook et à Tokelau, autant d’archipels qui constituent des positions importantes pour la sécurité des îles sous administration américaine. À la fin des années 1970, Washington négocie ainsi des traités d’amitié avec Tuvalu (7 février 1979), Kiribati (20 septembre 1979), les îles Cook (11 juin 1980) et Tokelau (2 décembre 1980). Par ces engagements, les États-Unis reconnaissent l’indépendance des trois premiers États, règlent le litige à propos de la souveraineté de certaines îles qu’ils ont revendiquée et obtiennent de Tuvalu et de Kiribati l’assurance qu’ils reconnaissent à eux seuls des facilités militaires sur leur territoire frontalier des archipels de Micronésie sous administration américaine. Ces traités établissent des accords de pêche. Mais le Congrès tarde à les ratifier et ils n’entrent en vigueur qu’en septembre 1983.

La pêche constitue avec le différend sur le projet de zone dénucléarisée du Pacifique, le principal point de friction entre les États-Unis et les États océaniens. Forts du droit américain qui ne reconnaît pas la souveraineté des États sur les espèces migratoires, les thoniers américains pêchent dans les eaux de nombreux archipels sans leur autorisation. Créée en 1979, l’Agence des Pêches du Forum ne parvient pas à imposer les intérêts des États insulaires face aux pêcheurs américains. La situation se tend et plusieurs États océaniens réagissent en arraisonnant des navires américains pêchant dans leur Zone Économique Exclusive (ZEE). En 1982, la Papouasie-Nouvelle-Guinée confisque un senneur américain, action qui appelle un embargo américain sur les produits de la pêche du pays. Le bateau est relâché contre une caution et la Papouasie-Nouvelle-Guinée conclut avec l’Association des Thoniers Américains un accord liant les autorisations de pêche au paiement de droits. En 1984, c’est au tour des îles Salomon d’arraisonner un thonier et de subir l’embargo américain. Honiara demande alors à ses partenaires du Forum d’interdire l’entrée de leurs ports aux thoniers américains mais la question divise et les membres du Forum qui ne peuvent pas se passer des revenus tirés des pêches ne répondent pas à l’appel des Salomon. Cherchant l’apaisement, le Forum charge Ratu Mara de défendre le projet d’un traité multilatéral entre l’Agence des Pêches du Forum et les États-Unis afin de subordonner la pêche dans les ZEE au versement d’une compensation financière. Mais les négociations s’enlisent, suite aux pressions exercées par l’Association des Thoniers Américains sur les autorités américaines.

Dans ce contexte, l’URSS devance les attentes des États insulaires en proposant à la République de Kiribati, à la Papouasie Nouvelle-Guinée, à Tuvalu, à Fidji et à Vanuatu de leur verser une aide financière en échange de l’octroi de facilités portuaires à ses navires de pêches. Ces démarches aboutissent à un accord entre Kiribati et l’Union soviétique en août 1985. En échange d’une contrepartie financière de 1,5 million de dollars, ce qui représentait environ 10 % du PNB annuel de cette République éclatée en 33 archipels et comptant quelque 60 000 habitants, Kiribati permet à 16 navires soviétiques de pêcher dans sa ZEE large de cinq millions de kilomètres carrés. Aux réticences exprimées par l’Australie et les États-Unis, le président du Kiribati, Ieremia Tabai, répond que cet accord se limite à la pêche et intervient après le refus de l’Association des thoniers américains de s’acquitter d’un droit de pêche annuel supérieur à un million de dollars. Au même moment, Walter Lini, Premier ministre du Vanuatu, dit aussi envisager la conclusion d’un accord de pêche avec les Soviétiques. En janvier 1987, Vanuatu, qui s’en tient depuis l’indépendance à une politique de non-alignement, octroie aux chalutiers soviétiques le droit de pêcher durant un an dans ses eaux. L’accord entre Port-Vila et Moscou inquiète non pas tant en raison de son contenu que de la proximité géographique entre le Vanuatu et l’Australie, des liens de l’archipel avec les indépendantistes kanak mais aussi de la désapprobation qu’inspire sa politique étrangère jugée trop radicale.

C’est finalement, la menace de négociations entre Fidji et l’URSS en 1986 qui pousse les États-Unis à conclure un accord multilatéral avec l’Agence des pêches du Forum. Ce traité, entré en vigueur en 1988, détourne les États insulaires de la tentation soviétique. Pour se dresser contre les thoniers américains, les États insulaires ont, en dépit de nuances, présenté un front uni qui, combiné à des actions diplomatiques engagées à l’échelle internationale, contribuent à les présenter comme des interlocuteurs avec lesquels il faut compter. La question des pêches témoigne donc, comme l’a déj à fait la création du Forum du Pacifique Sud en 1971, que les États insulaires ne sont pas des acteurs passifs des relations régionales et internationales. Ils tentent par des manoeuvres diplomatiques d’attirer l’attention de leurs partenaires traditionnels sur les difficultés et contraintes qui pèsent sur leur développement. Les accords que certains États insulaires passent avec Moscou ne sont pas le signe d’un revirement stratégique de ces États qui demeurent des alliés du bloc occidental. En tant qu’État souverain, les États insulaires usent donc de la diplomatie pour tenter de promouvoir leurs propres intérêts et négocier au mieux les richesses dont ils disposent. Toutefois, les puissances impliquées en Océanie craignent que le manque d’expérience des États insulaires en matière de diplomatie et de relations internationales finisse par permettre à l’URSS de disposer d’une ou de plusieurs bases maritimes dans la région, ou pire d’un allié « aussi utile que la Grenade l’a été dans la Caraïbe ». Il faut dire que les ambitions liées au Pacifique de l’URSS inquiètent les Occidentaux. À Vladivostok en 1986, Mikhail Gorbatchev qualifie ainsi son pays de puissance du Pacifique, une affirmation que reprend plus tard le chargé d’affaire soviétique en poste à Canberra. En mars 1987, le ministre soviétique des Affaires étrangères, Édouard Chevardnadze, en visite officielle en Australie, tente de rassurer en affirmant que son gouvernement « n’a pas l’intention de pénétrer la région » et ne nourrit « aucune intention cachée ou mauvais objectifs ».

Dans les années 1980, l’océan Pacifique est donc de plus en plus perçu dans sa globalité, d’autant plus qu’il fait figure de nouveau centre du monde. Les échanges commerciaux des États-Unis avec le Pacifique dépassent ceux avec l’Atlantique à partir de 1984 mais l’essentiel de ces flux concerne la région asiatique et délaisse l’hémisphère Sud qui reste en marge de la croissance du Pacifique Nord. L’Océanie est alors régulièrement décrite comme un « ventre mou », un « trou noir » dont les observateurs occidentaux craignent qu’il ne soit perméable aux influences subversives venues du Nord. Les États-Unis estiment donc qu’il faut surveiller l’URSS dont la politique consiste à exploiter les faiblesses occidentales, qu’il s’agisse des questions de pêche ou de la politique menée par les métropoles dans les territoires. Quant à l’Australie et la Nouvelle-Zélande, elles s’inquiètent des troubles intérieurs qui touchent certaines îles parce qu’elles craignent qu’ils ne donnent des points d’entrée à des forces susceptibles de déstabiliser la région. […]

La fin de la guerre froide fait un temps penser qu’aucune menace ne pèse plus sur l’Océanie et les États-Unis réduisent les programmes d’aide et de coopération. En 1997, le ministre japonais des Affaires étrangères constate qu’« avec la fin de la guerre froide, beaucoup des États insulaires du Pacifique affrontent des difficultés économiques issues de l’intérêt réduit et de la réduction des aides économiques des États qui les ont autrefois administrés ». Les États insulaires cherchent de nouveaux bailleurs de fonds et se tournent vers l’Asie. Cette nouvelle orientation diplomatique est suivie avec attention par l’Australie, d’autant plus soucieuse de la stabilité régionale que ses préoccupations de puissance moyenne la portent à porter ses efforts dans l’aire Asie-Pacifique.

Après la fin de la guerre froide, les États-Unis se concentrent sur leurs positions micronésiennes et délèguent à l’Australie la surveillance des intérêts occidentaux en Océanie. Mais les troupes américaines ayant quitté l’Irak et le désengagement de celles déployées en Afghanistan étant annoncé, le président Obama refond la position américaine à l’égard de l’Asie-Pacifique qui devient une priorité comme en témoigne le voyage de neuf jours qu’il y effectue en novembre 2011.

Lors de sa halte à Canberra, le président Obama et le Premier ministre Julia Gillard annoncent la conclusion d’un accord permettant le stationnement de quelque 2 500 soldats américains à Darwin, donnant aux États-Unis un plus large accès aux bases militaires australiennes et leur permettant d’y pré-positionner du matériel tels du fuel ou des munitions. Cette visite renforce la coopération entre ces deux pays qui fêtent alors le soixantième anniversaire de l’ANZUS au nom duquel l’Australie s’est engagée dans tous les conflits menés par les États-Unis : la guerre du Vietnam, nous l’avons vu, la première guerre du Golfe (1990-91), l’Afghanistan depuis 2001, l’Irak (2003-09) et qui a rejoint fin 2014 la coalition contre Daesh. La volonté affichée de Washington d’approfondir les relations militaires avec Canberra tient à la position géostratégique de l’Australie, à la fois située dans l’océan Pacifique et l’océan Indien ; au fait qu’elle est, dans la région son allié à la fois le plus ancien et le plus sûr et parce que les liens économiques et diplomatiques avec l’Asie du Sud-Est et la République populaire de Chine en font un relais d’influence important. Washington fait donc de l’Australie un de ses alliés de choix dans sa stratégie de basculement vers l’Asie.

L’intérêt de l’Australie pour l’Asie s’est en effet renforcé au cours des années 1990, plus particulièrement sous les administrations de Robert Hawke (1983-91) puis de Paul Keating (1991-96). Ces gouvernements travaillistes ont mené des politiques réalistes visant à développer les liens avec les pays d’Asie tout en renforçant ceux unissant l’Australie à ses alliés traditionnels. S’exprimant devant l’École du Parti Communiste Chinois à Pékin, le 1er juillet 2004, Kevin Rudd, alors ministre des Affaires étrangères et de la Sécurité internationale au sein du Cabinet fantôme, expose ainsi la ligne du parti travailliste : « Nous croyons que le futur stratégique, politique et économique de l’Australie est intimement lié au futur de notre propre région. (. . .) Pour l’Australie, la Chine est au coeur de notre politique d’engagement global dans la région. » Ces gouvernements approfondissent aussi leurs relations avec d’autres alliés asiatiques, Japon en tête. Ainsi, Canberra a collaboré avec Tokyo dans les opérations de maintien de la paix menées au Cambodge au début des années 1990 ; au Timor-Oriental en 1999 ; dans la gestion de crise financière qui secoue l’Asie en 1997 ou encore dans les opérations d’aide internationale engagées en Indonésie après le tsunami de décembre 2004. Cette diplomatie du tsunami est prolongée en 2006 par la signature du traité de Lombock par lequel le gouvernement conservateur de John Howard (1996-2007) normalise les relations de l’Australie avec l’Indonésie traditionnellement considérée comme un pays frontalier et un acteur décisif de la sécurité de l’Asie orientale. Cet accord prévoit notamment des actions de coopération en matière de sécurité et de terrorisme ; élément important après les attentats de Bali d’octobre 2002 qui ont coûté la vie à 202 personnes dont 88 Australiens.

John Howard porte également une attention particulière au Japon et déclare en 2005 que l’Australie n’a pas dans la région de meilleur et de plus fiable allié. Dans les derniers mois du dernier mandat de John Howard, Canberra et Tokyo signent d’ailleurs un traité de défense mutuelle. Cet accord qui est le premier de ce type dans lequel le Japon s’engage sans les États-Unis, prévoit des mesures de coopération en matière d’action humanitaire et de lutte contre le terrorisme. Mais il combine aussi des stratégies d’engagement vis- à-vis de la RPC sans se donner pour principal objectif de contrer la Chine. Cet accord a ensuite ouvert la voie à la négociation d’un accord de libre-échange entre l’Australie et le Japon entré en vigueur en janvier 2015. L’Australie considère le Japon comme un partenaire naturel puisque l’un et l’autre sont liés aux États-Unis qu’ils souhaitent maintenir impliqués en Asie. Au-del à, l’Australie voit dans l’alliance avec le Japon comme celle avec les États-Unis une garantie quant à la stabilité de l’Asie-Pacifique. Ces alliances stratégiques permettent aussi à l’Australie de contrebalancer sa dépendance économique à l’égard de la Chine qui est devenue en 2007 son principal partenaire commercial.

La Chine constitue ainsi le premier débouché des productions agricoles de l’Australie et Pékin regarde avec intérêt ses richesses en matière premières et énergétiques. L’Australie est en effet un géant minier : elle est le premier exportateur mondial de charbon ; le premier producteur mondial de bauxite et d’alumine ; le deuxième producteur mondial de nickel, d’or et d’uranium ; le troisième producteur mondial de zinc ; le quatrième pour le fer et l’argent. Elle dispose également d’importants gisements de gaz naturel et son sous-sol renferme des métaux de la famille des terres rares tels le lithium ou le tantale, indispensables aux industries de haute technologie et d’armement. En 2002, un accord fait de l’Australie le premier fournisseur de la Chine en gaz naturel pour une durée de 25 ans. Puis en 2006, un nouvel accord assure à la Chine l’accès à l’uranium australien pour une utilisation pacifique. En visite en Chine en avril 2013, Julia Gillard manifeste la volonté de transformer l’intérêt chinois pour les ressources naturelles de son pays en un partenariat stratégique et ce voyage est suivi d’un accord avec une société chinoise pour développer l’exploitation de gisements de plomb, d’argent et de zinc du Queensland. En assurant une partie de l’approvisionnement de la Chine en matières premières et énergétiques, l’Australie joue un rôle dans la croissance chinoise tout en rendant sa propre croissance dépendante de ce marché. Elle est ainsi le pays-membre du G20 le plus dépendant du marché chinois. Il lui faut aussi combiner ces enjeux commerciaux avec les intérêts nationaux et les impératifs de sécurité qui découlent du caractère stratégique dont l’investissent à l’échelle mondiale ses réserves minières et énergétiques.

L’Australie oeuvre pour que ses liens avec Washington, son principal allié stratégique, n’entravent pas ses relations avec la Chine, son premier partenaire commercial, qu’elle cultive en dépit des tensions sino-américaines. La visite que le président Bush rend au Parlement australien le 23 octobre 2003 suivie le lendemain par celle de Hu Jintao sont emblématiques des deux pans de la politique poursuivie par l’Australie. En 2006, le travailliste Kevin Rudd qui maîtrise parfaitement le mandarin, définit ainsi les trois piliers sur lesquels doit reposer la politique étrangère : l’alliance avec les États-Unis ; une diplomatie multilatérale reposant sur l’action de l’Australie au sein des Nations unies et l’implication en Asie. C’est dans la lignée de cette stratégie de politique étrangère fondée sur l’alliance avec Washington et l’amitié avec Pékin que Julian Gillard entreprend à la fois de resserrer le partenariat stratégique qui lie son pays aux États-Unis tout en approfondissant ses liens économiques avec la Chine. Mais les bonnes relations commerciales avec Pékin n’empêchent pas certaines tensions politiques. Ainsi, Pékin critique sévèrement la décision d’accueillir sur le sol australien des soldats américains, considérant que cela concourait à appuyer la stratégie d’encerclement menée par les États-Unis. De même, les bonnes relations de l’Australie avec le Japon peuvent irriter Pékin.

Confrontée à ces deux puissances mondiales, l’Australie s’affirme comme une puissance régionale menant une politique pragmatique face aux tensions qui traversent l’Asie-Pacifique.

Au cours des années 1990 et 2000, le Japon, la République Populaire de Chine et Taiwan confirment leur intérêt pour l’Océanie. Le Japon travaille depuis les années 1990 à améliorer son image dans la région afin de conforter les intérêts de son industrie de pêche et trouver des alliés dans son action diplomatique en faveur de la pêche à la baleine. À cette fin, il organise en 1997 un sommet des Premiers ministres des îles du Pacifique et développe ses aides au développement à destination des États océaniens plus particulièrement des archipels de Micronésie qu’il a administré.

Dans la continuité des premiers contacts établis lors des indépendances, la RPC et Taiwan voient dans les États insulaires d’Océanie de potentiels alliés dans la lutte diplomatique et n’hésitent pas à se livrer à une politique du carnet de chèque pour obtenir leur soutien. En faisant dépendre l’obtention d’aides au développement et de prêts à leur reconnaissance diplomatique, Pékin et Taipei jouent donc des faiblesses d’États océaniens qui sont parfois réduits à monnayer leur statut d’État souverain.

Ainsi, 6 des 22 États reconnaissant actuellement Taiwan, sont situés en Océanie : Nauru, Palaos, les îles Salomon, Tuvalu, la République de Kiribati et les îles Marshall. Bien consciente du rôle de ces États insulaires dans la détermination de sa place sur la scène internationale, Taiwan crée en 2006 une Union Démocratique du Pacifique qui regroupe une trentaine de pays de la région pour promouvoir la démocratie, la paix et de prospérité et qui lui permet surtout de s’exposer sur la scène Pacifique.

Parallèlement, 6 États insulaires reconnaissent la République Populaire de Chine : Fidji, la Papouasie Nouvelle-Guinée, Samoa, les États Fédérés de Micronésie, Tonga et Vanuatu. L’implication de Pékin en Océanie participe de sa volonté de peser sur l’ensemble de l’aire Asie-Pacifique. La politique océanienne de la RPC combine ainsi des actions diplomatiques traditionnelles tels des visites ministérielles, la signature de contrat avec le développement du tourisme et des échanges économiques. Le bois de Papouasie Nouvelle-Guinée et des îles Salomon intéressent ainsi particulièrement la Chine.

De leur côté, les États insulaires savent tirer profit de la rivalité entre Taiwan et la Chine d’où des revirements diplomatiques réguliers. Ainsi Nauru, le plus ancien allié de Taiwan dans la région, s’en détourne en 2002 au profit de la RPC qui lui verse plusieurs millions de dollars d’aide au développement avant de renouer avec Taiwan en 2005. À l’inverse, Kiribati reconnaît la RPC de 1980 à 2003 et en 1997 le gouvernement de Teburoro Tito autorise Pékin à disposer dans l’archipel d’une station de repérage satellitaire. Mais en 2003, Teburoro Tito sur lequel planent des soupçons quant aux moyens déployés par la Chine pour installer cette base, est renversé par le Parlement. Son successeur, Anote Tong, qui estime que cette station est susceptible de servir à espionner les installations américaines dans le Pacifique, lève l’autorisation donnée à Pékin et se rapproche de Taiwan. La reconnaissance de Taiwan par Kiribati est aussitôt suivie du déblocage d’aides au développement et en mai 2013, Kiribati inaugure à Taipei sa première ambassade située en dehors d’Océanie. De même, la Papouasie Nouvelle-Guinée se détourne brièvement de Pékin en 1999 au profit de Taiwan. Mais cette initiative du gouvernement de Bill Skate ne résiste pas au changement de majorité et Port-Moresby rétablit ses liens avec Pékin.

La lutte diplomatique à laquelle se livrent Taiwan et la RPC auprès des États insulaires s’exprime donc par une politique du carnet de chèques dont les effets pervers pèsent régulièrement sur la situation intérieure des archipels. La plupart d’entre eux sont fortement endettés à l’égard de la Chine ou de Taiwan. En 2012, la Chine détient ainsi quelque 62 % de la dette de Tonga qui doit aux banques chinoises plus de 113 millions de dollars. En outre, le montant important des aides et prêts et le fait qu’ils ne soient pas soumis à certains critères tel celui d’une bonne gouvernance, suscitent régulièrement des interrogations quant à leur utilisation et des soupçons de corruption sont régulièrement exprimés. En 2008, le ministre des Affaires étrangères de Taiwan doit démissionner après qu’a été révélée sa tentative d’obtenir la reconnaissance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée en échange de 19 millions d’euros.

Les îles Salomon constituent sans doute l’exemple le plus vif des turbulences politiques découlant de la concurrence entre Taiwan et la RPC. En 2006, peu avant les élections, Taiwan offre de l’argent à une grande partie des candidats, ce qui en fait un acteur en sous-main du jeu politique salomonais. L’élection est remportée par les opposants au gouvernement en place mais le Parlement réélit pourtant le Premier ministre sortant, Snyder Rini. Cela enflamme l’archipel qui y voit l’intervention de Taiwan pour maintenir en place un politique qui lui est favorable. Des émeutes éclatent au cours desquelles le quartier chinois de Honiara est ravagé et Pékin se porte au secours pour sa diaspora. Celle-ci, évaluée à quelque 80 000 personnes dont la moitié sont établies en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Fidji, 3 % dans le reste de la Mélanésie, 25 % en Micronésie et 15 % en Polynésie, est d’ailleurs un enjeu de la rivalité entre la Chine et Taiwan. La débauche des moyens mis en oeuvre par Taiwan aux îles Salomon fragilise donc la démocratie. Cette situation inquiète particulièrement l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui soulignent le caractère potentiellement perturbateur du jeu chinois dans une région qu’ils veulent stable. Si les partenaires occidentaux des États insulaires jugent souvent inquiétante l’implication croissante de la Chine Populaire dans la région, celle-ci souligne au contraire le rôle positif joué par Pékin.

Cette même année, Fidji est le théâtre d’un nouveau coup d’État par lequel le colonel Bainimarama renverse le Premier ministre Laisenia Qarase. Dès lors, les relations de Fijdi avec ses partenaires régionaux se tendent. Dénonçant un déni de démocratie, l’Australie décrète des sanctions auxquelles les autorités fidjiennes réagissent en l’accusant d’avoir pensé à une intervention militaire puis en expulsant en 2009 les représentants australien et néo-zélandais en poste à Suva. Suite à ce coup d’État, les participations de Fidji au Commonwealth (2006-14) et au Forum du Pacifique (2009-14) sont suspendues. La tenue en septembre 2014 d’élections législatives est toutefois très rapidement suivie de la restauration des relations de Fidji avec ses partenaires régionaux. Durant sa mise à l’écart de la scène régionale, Fidji trouve un soutien auprès de la RPC avec laquelle elle renforce fortement ses liens : Pékin finance de nombreuses infrastructures et les relations commerciales et culturelles se développent ; en témoigne la visite officielle de Xi Jinping à Fidji en novembre 2014. La venue du Président chinois précède de quelques jours celle du Premier ministre indien, témoignant du rôle particulier qu’occupe l’archipel dans les relations régionales. Le 4 février 2015, c’est au tour du ministre russe des Affaires étrangères de faire le déplacement à Fidji afin d’approfondir des actions de coopération en matière militaire, culturelle, d’éducation et de santé. Moscou et Suva ont conclu en juillet 2013 un accord militaire par lequel la Russie s’engage à fournir du matériel à l’armée fidjienne. Parallèlement, les États-Unis travaillent depuis 2010 à améliorer leurs relations avec Suva où ils inaugurent début 2015 une grande ambassade dont la compétence s’étend à Kiribati, Tuvalu, Tonga et Nauru et qui manifeste le rapprochement voulu par Washington avec des États insulaires. Depuis son retour sur la scène régionale à la fin de l’année 2014, Fidji est ainsi perçu par ses nouveaux alliés comme un acteur clé de l’Océanie et un tremplin pour y nouer des liens avec les États insulaires.

Après-guerre, la représentation de l’Océanie sur la scène internationale se limite à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande, soucieuses de garantir leur sécurité et celle de la région par une alliance formelle avec les États-Unis. Puis, l’émergence d’États océaniens qui développent des politiques étrangères conformes à leurs intérêts nationaux, complexifie le jeu. Leur statut d’État souverain doté d’une voix aux Nations unies en fait des appuis recherchés et des protagonistes plus ou moins versatiles de jeux de pouvoirs dont les puissances asiatiques sont des acteurs de plus en plus importants. L’émergence de menaces internes à la région, la souveraineté des États insulaires et l’affirmation de l’Asie-Pacifique comme une zone majeure des équilibres stratégiques, économiques et politiques du xxie siècle sont enfin autant d’éléments qui maintiennent l’intérêt des grandes puissances pour l’Océanie.« 

Mohamed-Gaillard, S. (2015). Chapitre 14 – L’Océanie et les relations internationales depuis 1945. Dans : , S. Mohamed-GaillardHistoire de l’Océanie: De la fin du XVIIIe siècle à nos jours (pp. 189-210). Armand Colin.

 

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« Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Océanie est investie d’intérêts stratégiques forts, dépendant des objectifs globaux de puissances extérieures à la région. Le phénomène n’est pas nouveau mais, prend une importance particulière avec les essais nucléaires auxquels procèdent la Grande-Bretagne (21 essais), les États-Unis (106 essais) et la France (181 essais). L’importance qu’occupent ces expérimentations dans les stratégies de puissance des États-Unis et de la France dans un monde en guerre froide, influence fortement l’orientation de leur politique dans leurs territoires et métropoles et pèse sur l’histoire de la région. Les essais nucléaires français qui s’égrènent sur une durée de trente ans s’affirment ainsi comme un élément structurant de la vie régionale au moment où s’engage la décolonisation de l’Océanie. […]

La fin des essais atomiques français en Océanie ne clôt toutefois pas la fin de l’histoire de la région avec le nucléaire car la question de la réhabilitation des sites et celle de l’indemnisation restent ouvertes.

Alors que les habitants de Rongelap sont définitivement évacués de leur île en 1985, les États-Unis sont saisis de demandes d’indemnisation des populations des îles Marshall et l’indépendance de cet archipel, comme celle de la République de Palaos, se sont accompagnées d’accords financiers destinés à compenser le préjudice subi. L’atoll de Bikini reste en effet inhabitable et la tentative de réinstallation de la population faite en 1972 se solde par une nouvelle évacuation en 1978. Face à ce problème, les États-Unis créent en 1975 un fonds doté de 3 millions de dollars auxquels ils ajoutent 3 millions supplémentaires lors de la seconde évacuation de 1978. En 1982 est créé un nouveau fonds de 20 millions de dollars auxquels s’ajoutent 90 millions de dollars débloqués au début des années 1990 par le Congrès américain afin d’aider à la décontamination de l’île et à son repeuplement. Mais en 1998, l’Agence internationale à l’Énergie Atomique considère encore l’atoll impropre au retour d’une population qui, à sa grande majorité, n’y est pas née. De ce fait, l’exil vécu par les habitants de Bikini se double pour eux et leurs descendants d’une perte de repères et de transmission culturelle. Les essais nucléaires menés par les États-Unis aux îles Marshall sont donc lourds de conséquences pour leur population. Le contrat de libre association (Compact of Free Association) conclu en 1983 reconnaît la contribution et les sacrifices supportés par la population des îles Marshall au programme nucléaire américain. Il permet aux États-Unis de maintenir des bases militaires aux Marshall et met en oeuvre un important programme d’aide et d’assistance économique ainsi qu’un fonds de 150 millions de dollars devant permettre à la République des Marshall d’indemniser sa population pour les dommages subis. L’accord prévoit également la création d’un Tribunal chargé de traiter les réclamations relatives au nucléaire. À la fin des années 2000, plus de 73 millions de dollars ont ainsi été versés à 1 708 habitants de la République des Marshall.

La Grande-Bretagne est également saisie de demandes de réparations. Après une longue période de non-dit, le nucléaire devient un sujet de questionnement dans l’Australie des années 1980 et une Commission royale est créée en 1985. Puis, au cours des années 1990, l’Australie et la Grande-Bretagne versent des compensations financières pour la contamination des terres aborigènes mais la plupart des demandes personnelles portées par des individus se déclarant victimes des radiations sont rejetées. Il en va de même des demandes de réparations émanant de personnels britanniques, fidjiens et néo-zélandais ayant contribué aux essais britanniques menés à l’île Christmas. Après un verdict défavorable rendu par la justice britannique en 2012, le gouvernement fidjien envisagerait de dédommager les 70 plaignants fidjiens.

En Polynésie française, les installations du CEP sont démantelées entre 1996 et 1998 mais les sites de Mururoa et Fangatufa restent interdits. Alors que les opposants au nucléaire posent la question du démantèlement nucléaire des atolls c’est- à-dire du sort fait aux déchets radioactifs, d’anciens employés imputent les maladies dont ils souffrent à leur exposition aux retombées atomiques. Une loi du 5 janvier 2010 permet en effet aux personnes souffrant d’une maladie radio-induites de déposer une demande d’indemnisation. En 2014, 931 demandes d’indemnisation sont déposées par des personnels des sites du Sahara et de Polynésie mais seuls 13 dossiers concernant des personnels du CEP obtiennent une indemnisation. Face à cette faible proportion, les associations de défense des vétérans du nucléaire ne désarment pas. Enfin, la fermeture du CEP qui a constitué durant trente ans le principal moteur de l’économie polynésienne, se traduit par une importante perte de revenu pour le territoire. Dès le moratoire de 1992, la France décide de mesures compensatoires pour pallier la chute des revenus de la Polynésie et l’aider à reconvertir son économie. En dépit d’importants transferts financiers de la Métropole, le territoire dont l’économie est basée sur le coprah, la pêche, la perliculture et le tourisme, rencontre d’importantes difficultés financières.

Le rôle militaire et nucléaire que les États-Unis et la France assignent à certains archipels, pèse fortement sur l’évolution politique de ces îles qu’ils administrent et oriente globalement la politique qu’ils mènent en Océanie. Sur fond de guerre froide, les enjeux stratégiques et les aspirations à l’indépendance des îles s’entremêlent et les réactions que suscitent essentiellement les essais nucléaires français s’imposent comme des éléments structurant d’une scène régionale en formation. Enfin, si la page du nucléaire est tournée, les essais continuent de part leurs conséquences environnementales, économiques et sociales à peser sur les archipels où ils ont été menés. »

Mohamed-Gaillard, S. (2015). Chapitre 12 – L’Océanie, une région militarisée et nucléarisée. Dans : , S. Mohamed-GaillardHistoire de l’Océanie: De la fin du XVIIIesiècle à nos jours (pp. 165-177). Armand Colin.

 

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« Avec une approche pluridisciplinaire (Fabrice Argounes est politologue, Sarah Mohamed-Gaillard historienne et Luc Vacher géographe) et un effort de cartographie appréciable qui renouvellent quelque peu la tradition de l’atlas, ce petit ouvrage mérite de figurer en bonne place dans toute bibliothèque s’intéressant de près ou de loin à l’Océanie. On peut regretter toutefois l’absence d’index et d’études de cas plus poussées qui permettraient d’intéresser un public plus spécialisé. Si l’Australie, la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Zélande reviennent souvent dans les exemples donnés, sans doute en raison des terrains d’études privilégiés des auteurs, on aurait aimé peut-être aussi une plus grande diversité reflétant mieux celle de ce continent du « bout du monde ». Mais on atteint sans doute là les limites d’une telle collection qui se veut grand public et donc ne rentre pas dans les détails. »

– Isabelle Leblic, « Atlas de l’Océanie. Continent d’îles, laboratoire du futur de FabriceArgounes, Sarah Mohamed-Gaillard et al. », Journal de la Société des Océanistes, 134 | 2012, 158-159.

 

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