African Rainbow

by dave
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« Le présent ouvrage permet de lever certains préjugés qui veulent que l’homosexualité en Afrique soit uniquement pratiquée par les adeptes des cercles ésotériques ou les Blancs. L’exposé des faits est centré sur le Cameroun où l’auteur dévoile que les homosexuels, à travers leur minoration et la marginalisation dont ils sont l’objet, sont parvenus à monopoliser certains espaces sociaux pour en faire des marchés de traque sexuelle dans les grandes villes. »

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« Sujet délicat mais qui mérite attention. Chaque jour une nouvelle vient nous dire la situation des homosexuels à travers le monde et en Afrique en particulier. Les homosexuels sont emprisonnés, pourchassés, tués, bref ils sont victime de répressions et sont obligés de se cacher même si dans certaines sphères ils s’organisent pour exister. Les homosexuels ont vécu cette situation en Europe et dans les pays développés et à force de luttes ils sont reconnus bon gré malgré, on parle même de leur pouvoir d’achat. Tous les parents n’acceptent pas la situation mais font avec. Qu’en est-il en Afrique ?

La situation est plus difficile en Afrique. Les infos venues du Sénégal ces derniers jours montrent à quel point la situation de ces gens est délicate. La pesanteur sociale, les traditions, les religions, jouent contre sa reconnaissance et le politique ne peut que suivre. Malgré les recours aux droits de l’homme, l’homosexualité a du mal à être visible en Afrique et c’est pourquoi il nous a semblé important d’inviter un chercheur qui vient de publier le seul livre paru sur la question et voici ses réflexions.

Ce travail de sociologie est un travail de recherche pour comprendre avant de juger, suivons- le.

Grioo.com : Pourquoi avoir pris comme sujet « la question homosexuelle en Afrique » ? Est-ce pour choquer, informer, lever le voile ou faire prendre conscience du phénomène dans un continent ou il passe mal ?

Charles Gueboguo : Dans l’immédiat, je n’ai été motivé que par le désir de faire un travail de sociologie, qui implique le chercheur se préoccupe d’une réalité sociale donnée, à fin de ressortir ses différentes trajectoires, ses non dits, ses ambivalences bref ses manifestations.

Or il se trouve que

  • la sociologie a été toujours étiquetée comme une science subversive, en ceci qu’elle se préoccupe des choses qui dérangent, des faits dont tout le monde ne veut pas nécessairement entendre parler, des controverses.

C’est pourquoi à un moment donné au Cameroun, le département de Philosophie où l’on donnait des cours de sociologie a été fermée : pour subversion.

Mais avec le recul, au-delà des considérations que je viens de présenter qu’on pourrait considérer comme ‘noble’,

je pense que mon but était de lever le voile sur un mythe culturellement et politiquement informés et présenter la réalité de l’homosexualité telle qu’elle est en Afrique et non telle qu’on se représente qu’elle serait : sorcellerie ; pédophilie ; criminalité ; outil ascension sociale ; comportement contre nature…

L’effort ne fut rien d’autre que l’essai de compréhension d’une réalité sociale, à partir de plusieurs point de vue :

  1. celui des religions pratiquées sur le continent (christianisme, islam) ;
  2. celui des catégories africaines se réclamant d’une identité homosexuelle et vivant en Afrique, mais aussi à partir de l’histoire de l’Afrique.

Ces différents angles ont servi de triangulation pour la validation de mes hypothèses.

J’espère que j’y suis parvenu et surtout que ceux qui ont pu me lire ont été enrichis. N’oublions pas que la compréhension d’une réalité donnée n’est pas forcément son acceptation, donc il ne faut pas avoir peur, à mon sens, d’oser amorcer la démarche qui consiste à porter un regard critique sur un fait, et cela sous divers aspects.

D’après vos recherches je signale que vous êtes des rares chercheurs africains à travailler sur ce sujet) pouvez-vous dire si l’homosexualité est un phénomène ou un comportement naturel et normal ?

On en vient là à la sempiternelle question de la genèse de l’homosexualité.

  • Serait-elle génétique ou construite socialement ?

La première thèse est dite essentialiste et s’oppose à la seconde qui est présentée comme constructiviste.

Je partage la seconde dont le postulat est que

  • rien n’est donné, tout est construit, déconstruit, reconstruit, conquis. Et le fait sexuel n’échappe pas à cette logique.

Simone De Beauvoir disait qu’on ne naissait pas femme mais qu’on apprenait à le devenir.

Cela est valable pour la sexualité humaine : on ne n’est pas hétérosexuel, on apprend à le devenir en fonction de son milieu social de production, de son environnement physique, mais surtout de son idiosyncrasie.

C’est valable pour le comportement homosexuel, qui soit dit en passant, en plus de l’hétérosexualité s’inscrit avec la bisexualité dans le vaste espace qu’on nomme la sexualité.

Je peux reformuler autrement :

on ne naît pas homosexuel ou hétérosexuel, mais on naît sexué, c’est-à-dire avec des prédispositions à la sexualité.

Les manifestations explicites d’une forme de sexualité seront différentes d’un individu à un autre en fonction des facteurs que j’ai cité plus haut.

Bien sûr puisqu’il s’agit de thèse, l’avantage est qu’elle ne peut pas satisfaire tout le monde. Le débat reste ouvert et l’opportunité est donné à tout un chacun de s’appuyer sur les thèses qui lui paraitraient les plus plausibles. Je n’ai fait que parler de celles qui me convainquent sans l’imposer comme un dogme. Je respecte les autres points de vue même si je ne les partage pas.

Pour résumer, étant donné que la réalité homosexuelle apparaît dans des communautés vivant dans la nature, je ne vois pas pourquoi on dirait d’elle qu’elle ne serait pas naturelle ou sociale.

La question de la normalité varie d’un milieu à un autre. Ce qui est accepté ou rejeté ici peut ne pas l’être là-bas. Il ne me semble donc pas prudent d’appliquer un principe d’universalité qui resterait à mon avis sujet à grandes controverses.

Peut être faudrait-il qu’on s’accorde sur les concepts :

  • qu’est-ce que la nature ? Où se situe la normalité ? Qui en pose les limites ? Qu’elle est sa validité et à qui s’adresse-t-elle ? L’acteur social est-il tenu de s’y conformer ? Dans les faits s’y conforme-t-il ?

Pourquoi l’homosexualité est si décriée et sévèrement punie (de mort) dans certaines contrées d’Afrique ?

  • Ce n’est pas qu’en Afrique cela s’observe. C’est important de le préciser.

Pour proposer une piste de réponse à votre préoccupation,

il me semble que le malaise vient de la compréhension que les gens ont de la réalité homosexuelle.

Elle est associée à tout sauf à ce qu’elle est. Il se dégage une peur de l’inconnue qui poussée à son extrême entraîne des pertes en vie humaine des acteurs soupçonnés ou accusés d’être homosexuels.

C’est la peur de l’étrange-étranger qui finit par déranger les structures psychiques, mentales et sociales les plus établies chez l’individu.

C’est la peur de ce qu’on ne connaît pas et que parfois on a peur de connaître, puisqu’on n’est pas préparé à ce qu’on pourrait découvrir.

C’est la peur que le mouvement de compréhension entraîne une acceptation même tacite dont on ne voudrait pas du tout entendre parler.

C’est la peur qui trahit en réalité aussi un malaise existentiel chez ceux qui sont mus par la phobie de la différence.

Qu’est-ce qui en Afrique fait que l’homosexualité a du mal à se développer comme en Occident ? N’est-ce pas la survivance ou le haut niveau de religiosité ( comme au Sénégal qui vient de s’illustrer pour plus de 80% homophobe) ?

Tout dépend de ce qu’on entend par avoir du mal à se développer.

L’homosexualité reste en Afrique et dans tous les endroits où elle est fortement réprimée un fait clandestin avec de nombreux tentacules.

On ne peut donc pas parler d’un mal à se développer. Je parlerai plutôt d’un mal à se visibiliser.

Encore que les réseaux formels nationaux et transnationaux, sous le prisme du sida ou de la défense du droit de la personne, se mettent de plus en plus en place comme je le souligne dans certaines publications.

Les homosexuels en Afrique ont un sort qui reste préoccupant. C’est pourquoi se pose avec acuité ses derniers temps la question de la dépénalisation de l’homosexualité sur le continent.

Vous avez sans doute entendu parler d’Africagay en Afrique francophone qui réunit des associations africaines, sous la houlette de AIDES, travaillant sur les questions d’accès aux soins ou à la prévention en termes de VIH ou encore de la Pan Africa ILGA qui est la section sous régionale de l’organisation mondiale des lesbiennes, gays, bisexuels et inter sexes (LGBTI). La Pan Africa ILGA compte plus d’une quarantaine de membres constitués d’associations LGBTI africaines et à sa base en Afrique du Sud.

Pour revenir à la question de la survivance du niveau de la religiosité,

il s’observe effectivement qu’en Afrique, dans certaines régions, l’identité religieuse supplante l’identité nationale.

On se pense d’abord à partir de sa religion d’appartenance avant de se penser comme appartenant à une Nation.

On se construit à partir des enseignements de son marabout, de son prélat et on s’y enferme parfois, semble-t-il sans distance critique. Et cette situation en effet reste critique pour le continent.

  • Hier encore les médias rapportaient un fait inédit au Sénégal d’un individu qui a été déterré d’un cimetière musulman et remis à ses parents parce qu’il aurait été homosexuel. Plusieurs ont été scandalisés par cet façon d’agir, soi disant au nom de la religion.

Votre travail prend des exemples dans beaucoup de pays par exemple en Israél l’homosexualité est considérée comme une trahison nationale et l’explication page 115 est bizarre

Je m’inspire de l’analyse d’un auteur, (DOUCE, Joseph) qui montrait en effet qu’

au-delà du postulat biblique qui veut que l’homosexualité soit interdite, que ce soit en réalité une question liée au peuplement de la terre d’Israël qui motiverait l’interdit contre l’homosexualité.

Pour le cas du Cameroun vous dressez des tableaux sur la base ethnique, la résidence, l’activité, la religion, quel est l’intérêt de cela ?

C’est une démarche classique en sociologie où doivent toujours ressortir, dans des données statistiques, des éléments de l’aspect socio-démographique du groupe qu’on veut étudier.

Par la suite on fait des croisements de variables qui nous permettront d’évaluer les liens entre ces données socio-démographiques et le comportement des catégories observées : quelles sont leurs types d’activités, de religion et est-ce que l’observateur peut en ressortir une incidence sur la visibilité des pratiques sexuelles en dépit des interdits sociaux. Voilà l’intérêt, et je pense l’avoir fait.

Il me semble que la pauvreté a quelque chose à voir avec le développement de l’homosexualité en Afrique qu’en pensez-vous ? Au Sénégal un DVD circule pour montrer comment certaines femmes riches recrutent des jeunes filles pauvres pour les livrer à des femmes fortunées préférant les femmes

  • La paupérisation des sociétés africaines a un lien significatif avec une forme de visibilisation de l’homosexualité en Afrique, qui se confond à certain niveau avec la prostitution, mais qui n’en est pas.

On parle de sexualité transactionnelle, dans ce sens que la recherche d’avantages économiques ne peut être dissociée de la recherche du plaisir per se.

Mais il y a aussi le que très souvent on confond homosexualité identitaire à pseudo-homosexualité ou homosexualité situationnelle.

Ce dernier se sert de la pratique homosexuelle comme moyen et finalité pour atteindre un but qui est loin du plaisir sexuel. Il imite très souvent le comportement hétérosexuel.

  • Il existe aussi des cas où des personnes se réclamant d’une identité homosexuelle s’en serve pour des fins économiques. Mais cela n’est pas exclusif à l’homosexualité en Afrique, on l’observe aussi chez des personnes hétérosexuelles.

Je pense que c’est dans le contexte de la sexualité en générale qu’il faut poser cette préoccupation et ne pas perdre de vue qu’en contexte de crise généralisée,

les gens se servent non pas seulement de la sexualité, mais de tout ce qu’ils ont à leur disposition pour atteindre leur fin. Ça devient dès lors une question de survie. C’est l’instinct de mort qui fait agir. Tout comme ce pourrait aussi être lié chez d’autre à un choix assumé n’ayant rien avoir avec la pauvreté. Il faudrait prendre en considération tous ces facteurs pour s’assurer d’une analyse dans la totalité de cette préoccupation.

Votre travail va plus loin puisque , non seulement vous dressez le portait de l’homosexuel, la façon de le repérer, les lieux destinés à son exercice, les jours de rencontres , bref cette activité est facilement identifiable au Cameroun, elle tant à s’organiser.

Oui, elle tend à s’organiser, et pas seulement au Cameroun, mais dans toute l’Afrique. Je vous ai parlé brièvement de la Pan Africa ILGA, mais il existe également des organisations nationales au Cameroun, au Burundi, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Botswana, au Zimbabwe etc.

  • Et si vous vous rapprochez de chaque sous groupe, vous vous rendrez compte qu’il existe des codes langagiers, vestimentaires, comportementaux, des repères, bref des scripts sexuels comme on dit en sociologie, propres au milieu.
  • C’est le fait de tous les groupes dont la minoration et l’ostracisassion les poussent à la clandestinité dans les territoires où ils se produisent et veulent se reproduire.

Vous avez des hypothèses pour expliquer le développement de l’homosexualité : la crise, l’influence des médias et du politique sur les pratiques sexuelles, je ne comprends pas parce que, l’homme peut être maître de son destin et refuser toute influence. ( page 131)

Ce sont les hypothèses qui expliquent la visibilisation de l’homosexualité, j’entends le processus qui vise à mettre en public un comportement sexuel en dépit des interdits.

L’homme est certes maître de son destin et c’est parce qu’il veut prendre la direction de son devenir qu’il pourra choisir de publiciser son orientation sexuelle, quitte à choquer, à déranger. C’est de cela qu’il est question dans mon ouvrage.

La crise, l’influence des médias mais aussi son vécu psychologique va pousser l’individu à un moment donné de sa vie à ne plus rester enfermer dans un placard. Il enverra donc des signaux pour dire ce qu’il est, la manière dont il veut être vu et voire d’être accepter tel quel.

L’homosexualité est cachée en Afrique en général ; mais elle devient visible en même temps qu’elle donne à voir des issues fatales. Que pensez-vous du sort actuel réservé aux homosexuels en Afrique

Les homosexuels en Afrique ont un sort qui reste préoccupant. C’est pourquoi se pose avec acuité ses derniers temps la question de la dépénalisation de l’homosexualité sur le continent.

L’idée est de souligner qu’

  • ils ne sont pas des citoyens entièrement à part, mais des citoyens à part entière ;
  • qu’ils ont leur mot à dire sur le fonctionnement de la cité comme tout le peuple ;
  • qu’ils ont le droit de vivre ici ou ailleurs à cause du droit incontestable du sol ; et
  • qu’en fin cette question du sort des homosexuels en Afrique pourrait à la longue contribuer à enrichir la problématique de l’immigration, clandestine ou officielle sous la forme de demande d’asile. Mais la persécution des homosexuels en Afrique peut aussi servir de filon rentable à certains réseaux pour faciliter justement cette question liée aux demandes d’asile.

La conséquence risquerait dès lors d’être que ceux qui sont le plus dans le besoin ne bénéficient pas des dispositions existantes, tandis que ceux qui ne sont pas dans le besoin (homosexuels ou non) s’en serviraient pour d’autres fins.

J’ai été contacté à plusieurs reprises pour des cas où certains présidents d’associations travaillant avec les minorités homosexuelles en Afrique se serviraient de l’homophobie ambiante pour mettre sur pied des réseaux d’immigration clandestine.

La pratique consiste à délivrer une fausse lettre de recommandation signée par le président de l’association mentionnant que le détenteur est membre de ladite association et serait persécuté pour son homosexualité dans son pays.

Il peut dès lors une fois arrivée dans un aéroport de l’espace Schengen, surtout en Belgique, faire sa demande d’asile. Il paraît même que c’est très rentable.

Vous êtes plus connu et reconnu en dehors de l’Afrique , pourquoi ne signer vous pas des dédicaces en Afrique , avez-vous peur des coups de matraques parce que vous serez considérez qui favorise le développement de cette pratique ?

Nul n’est prophète chez soi. Et il ne sert à rien d’essayer de botter dans une fourmilière, auquel cas il ne faudrait pas se plaindre si on est attaqué par les fourmis magnans.

L’important pour moi est que le modeste travail que je fais autour de la question homosexuelle en Afrique soit connu. Ce qui est le cas et j’espère continuera de l’être. Si sans signer de dédicaces en Afrique mes travaux font parler d’eux et que je peux circuler en toute liberté, pour quoi davantage attirer une attention dont je me passerais volontiers, ce d’autant plus que je continue de travailler sur cette problématique, dans le même continent.

Ma position et ma posture deviennent dès lors purement stratégiques pour avoir plus de données. Ce n’est pas en étant derrière les barreaux que je pourrais les obtenir.

Merci à vous et bon courage

C’est moi qui vous remercie. »

– Source Grioo.com

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« En Afrique sub-saharienne, l’homosexualité est largement criminalisée de façon officielle mais aussi officieuse dans plusieurs pays.
Les lois répriment cette orientation sexuelle, exposant la communauté LGBTQI+ à la stigmatisation et aux violences de tout genre.
Sur 45 pays en Afrique sub-saharienne, 28 disposent encore de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité.
Dans ces textes de loi et surtout le code pénal, cette orientation sexuelle est clairement définie comme une pratique ‘contre-nature’.
Les officiers de police et les tribunaux ont donc de facto une prise de position ‘naturelle’ qui criminalisent les faits et gestes de toutes personnes identifiées comme étant gay, lesbienne, transgenre ou queer.
A ce contexte de loi défavorable s’ajoute le poids de la culture et souvent de la religion. […] En Afrique, quelques pays ont décidé de ne pas réprimer l’homosexualité.
Nous pourrons citer entre autres le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Mali, la République démocratique du Congo (RDC) et le Lesotho.
Depuis la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud dispose d’un des cadres juridiques les plus libéraux du monde.
La Constitution interdit toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et le mariage homosexuel a été légalisé en 2006, une première encore inégalée en Afrique. Les actes de violence homophobe sont pourtant fréquents dans ce pays où l’on rapporte des cas de « viol délibérés sur des lesbiennes et des gaies pour les guérir de leur orientation sexuelle inappropriée » c’était indiqué Bheki Cele, le ministre de la Police sud-africaine lors d’un rapport sur la criminalité dans le pays en septembre 2018.
Plusieurs pays africains ont décidé récemment de faire évoluer leur législation sur l’homosexualité.
Le Mozambique, l’Angola, le Botswana et les Seychelles figure sur cette liste.
En janvier 2019, le Parlement angolais a retiré de son code pénal une disposition interprétée comme « une interdiction de tout comportement homosexuel ». Début juin, le Botswana a décidé de dépénaliser à son tour l’homosexualité à travers une démarche supprimant l’existence d’une loi de 1965.
Un exemple qui n’a pas encore inspiré le Kenya où la Haute Cour à Nairobi a voté le maintien de textes de loi pénalisant l’homosexualité datant de la colonisation britannique.
Dans ce pays d’Afrique de l’est l’homosexualité est passible de 5 à 14 ans de prison. »

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« En Afrique, les études relatives à la construction sociale de la sexualité menées par les Africains eux-mêmes ne sont pas très nombreuses, comparées à celles dont il est possible de disposer en Occident.

  • L’une des raisons est que l’univers de la sexualité en Afrique depuis l’ère du christianisme est entouré de tabous, à l’instar de plusieurs autres régions du monde.

En Afrique le plus souvent le sexe se pratique davantage qu’il ne se dit ; même à travers les contes lorsqu’il est abordé, c’est par le biais de métaphores, d’analogies, d’ellipses ou encore de métonymies.

A ce niveau, le langage qui entoure le sexe surtout quand il veut véhiculer un savoir ne peut que se deviner, ou se visualiser par le biais d’œillères pour ne jamais en préciser la pensée.

Bien que le sexe ne se prête pas toujours avec aisance au jeu de l’interprétation, son sens n’est pas systématiquement caché pour les natifs. Il ne nécessite pas d’être toujours décrypté. C’est pourquoi au sein des groupes, les acteurs sociaux ne s’interrogeront pas nécessairement sur ses significations, même quand pour un observateur étranger, il peut apparaître contre nature ou obscène.

Ce sont donc ces facteurs pris dans leur ensemble qui peuvent expliquer le peu d’engouement des chercheurs Africains sur les questions de sexualité, manifesté par le nombre réduit de publications scientifiques.

Cependant, si les Africains, d’hier et d’aujourd’hui se sont très peu interrogés sur les questions liées à leur sexualité, ce ne fut pas le cas pour les explorateurs missionnaires et pour les premiers anthropologues occidentaux, qui voyaient en ces nouveaux horizons primitifs, « une évasion romantique hors de (leur) culture trop standardisée ».

En d’autres termes,

l’univers africain en général et les pratiques socio-sexuelles en particulier apparaissaient pour ces premiers anthropologues à la fois comme une trouvaille exotique, et une occasion de sortir de l’insatisfaction que leur avait donné leur société occidentale.

Ils se feront de ce fait, une vision alternative, des « primitifs » qu’ils observent, oscillant entre une représentation des indigènes comme êtres naïfs (les « Bons Sauvages » de Rousseau) ou comme des êtres aux mœurs perverses.

Pour le dernier élément,

la terminologie décrivant la perversité sexuelle des africains est très significative. Ainsi certains de ces auteurs, au rang desquels figuraient de nombreux missionnaires, décrivaient certaines pratiques sexuelles comme : insolentes ; obscènes ; extrêmement vilaines ; « des crimes fous sans impunité » ; indécentes ; des vices détestables ; des copulations contre nature ; érotisme morbide etc.

  • Cette vision des indigènes par ces anthropologues, soutenue par un discours sociocentriste et moralisateur, a largement influencé leurs travaux « passant de commentaires moralisateurs à des descriptions croustillantes de coutumes sexuelles bizarres, et frôlant parfois même les limites de l’éthnopornographie ».

Il faudrait ajouter à cela le fait que

ces chercheurs étaient tous « andro-phallo et ethnocentriques ».

Rien d’étonnant que lesdits travaux dans leur majorité, exception faite de quelques rares cas comme cela sera démontré par la suite, ne se soient pas intéressés aux pratiques socio-sexuelles des « primitifs » ne s’inscrivant pas dans une logique moralisante ou religieusement acceptable.

L’homosexualité dans toute l’Afrique sera ainsi, dès le XVIIIe siècle, considérée comme inconnue.

D’autres auteurs de cette époque iront jusqu’à situer l’Afrique Subsaharienne hors de la zone sotadique (sotadic zone), qui semble être la zone présumée indigène où se vivait l’homosexualité loin du Sud du Sahara en Afrique (l’Afrique maghrébine laquelle aurait influencé entre autres, la côte est africaine, car dans cette zone précisément, l’origine de l’homosexualité est attribuée par les natifs à l’influence arabo-musulmane).

A l’époque de la colonisation, certains autres auteurs soutenaient que les quelques rares cas de «vices sexuels» observés en Afrique étaient dus à l’influence coloniale, comme le démontre ces propos :

« deux vices très répandus dans les sociétés civilisées : onanisme et sodomie, étaient entièrement inconnus (en Afrique chez les Bantous) avant l’arrivée de la « civilisation ». Il n’en n’est plus malheureusement ainsi ».

C’est dire que pour ces auteurs,

l’homosexualité apparaissait comme le « propre des cultures très civilisées et très policées des peuples blancs », ayant trouvé pendant et après la colonisation « des natures très propices sur les terrains nègres ».

Fort de tout cela, qu’un chercheur ose parler d’homosexualité en Afrique, surtout à travers l’histoire pour en faire une construction théorique, apparaît comme inimaginable ou une initiative d’emblée vouée à l’échec :

  • où trouvera-t-il en effet la documentation historique sur l’homosexualité en Afrique, perçue par les premiers anthropologues comme un mythe, c’est-à-dire comme un système de représentations comprenant les images, les légendes ou les récits construits et manipulés à un moment donné par la conscience individuelle ou collective sans qu’elle ne perçoive l’ensemble des implications qui y sont soustendues ?

Une telle tentative défendue par le chercheur peut également apparaître comme l’expression d’une idéologie pro-occidentale qui voudrait à tout prix que l’homosexualité soit généralisée à toutes les organisations sociétales.

Cependant, loin de toute polémique, poursuivons l’objectif de cet article, en démontrant que

l’homosexualité a toujours été connue et pratiquée en Afrique.

Nous le faisons dans le but de lever le mythe occidental savamment élaboré d’une Afrique qui n’aurait jamais connu l’homosexualité.

Ce qui pose encore en filigrane la préoccupation d’une définition plus élaborée de l’homosexualité concept occidental développé en Occident pour désigner une des pratiques socio-sexuelles qui semblait n’y apparaître qu’exclusivement. L’un des moyens de vérifier l’existence de cette réalité consiste à voir si le concept et les termes existent dans les langues africaines.

Nous verrons que sur cette question, contrairement aux idées tout aussi occidentales reçues, les langues africaines vont jusqu’à désigner les genres qui vont avec ce type de pratique, et des spécificités que la seule conception occidentale « homosexualité » n’aurait pas pu toujours cerner.

Un tel recours au passé permet de restituer l’historicité socio-sexuelle des populations africaines longtemps mythifiée par l’Occident, et largement ignorée par les africains eux-mêmes.

Pour ce faire, il convient de procéder à une présentation descriptive de certaines réalités (homo) sexuelles d’abord, ensuite, parce que la sociologie n’est pas seulement une socio-graphie mais aussi une socio-analyse, il est aussi utile de mettre en exergue les non-dits des réalités socio-sexuelles qui seront présentées. Après ce recours à l’histoire, il sera en outre souligné que

  • depuis les années 90, année entre autres de l’ « émancipation » de plusieurs Etats Africains au jeu démocratique dont l’un des principaux fondements est la liberté (social de l’individu dans l’expression ; les choix politiques et idéologiques ; la religion ; la sexualité etc.), l’homosexualité comme orientation sexuelle et les homosexualités comme praxis dynamiques dans l’univers des sexualités se font plus visibles en Afrique.

La description de cette réalité dans plusieurs sociétés africaines et l’examen des facteurs sous-jacents de cette propension à l’homosexualité en Afrique seront rapportés. Tous ces mouvements, qui constituent les principales articulations de cet article, n’auront pour autre visée que de souligner que l’homosexualité en Afrique, qu’elle soit identitaire ou juste une pratique, est une réalité en terre africaine.

Il apparaît en fin de compte que la préoccupation principale dans ce travail est de lever le mythe occidental d’une absence d’homosexualité en Afrique, et par la même occasion de remettre à jour la thèse selon laquelle l’homosexualité est de tous les temps et de toutes les cultures, à des degrés et à des significations différents. Autrement dit, c’est l’occasion de mettre en exergue le fait que le vécu sexuel dans plusieurs sociétés africaines comme partout ailleurs, s’inscrivait dans une dynamique particulière, et ayant une logique rationnelle et relationnelle qui leur étaient souvent propres.

Le lecteur pourra aussi se rendre compte que les pratiques de l’homosexualité de nos jours, ne s’inscrivent pas dans le continuum des pratiques d’homosexuels dans l’histoire des sociétés africaines, trouvant plutôt leur essence ontologique dans des facteurs non pas biopsychologiques, mais socio-anthropologiques, facteurs par ailleurs à l’origine de cette « visibilisation » accrue dans lesdites sociétés.

« (Homo) sexualité » dans l’histoire africaine : socio-graphie et socio-analyse d’une activité « jouissive ».

Présenter l’homosexualité dans l’histoire africaine comme une activité « jouissive » peut apparaître de prime abord provocateur. Cependant,

  • c’est souligner que contrairement à ce qui est toujours paru comme impensable toute l’activité sexuelle en Afrique, même à travers l’histoire, a toujours eu cette dimension relative au plaisir.

Il ne peut en être autrement, sauf en cas de frigidité ou d’excision chez les femmes. Etant donné que plusieurs sociétés africaines d’antan et même actuelles ont eu à pratiquer l’excision chez les jeunes filles,

il sera plutôt dit que le plaisir se percevait surtout chez les hommes, et socialement l’on ne s’attendait pas à ce que la femme le manifestât.

C’est dire qu’à côté de l’objectif premier qui était la reproduction dans l’activité sexuelle des individus dans ces sociétés, peut être placé comme second objectif, le plaisir, entendu comme satisfaction ou surexcitation des terminaisons nerveuses.

Dans ce cas,

l’homosexualité pratiquée occasionnellement ou non dans ces sociétés, peut tout aussi être envisagée comme une activité jouissive pour les parties prenantes.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, qu’il soit permis d’apporter quelques éclaircis sémantiques sur les concepts « d’homosexualité » et des « homosexualités » qui seront attribués au vécu socio-sexuel historique des Africains.

Homosexualité ou homosexualités en Afrique : de quelques contours sémantiques dans les langues africaines.

Il s’agit de voir à partir du vocabulaire de certaines langues africaines s’il est possible de ressortir les thèmes relatifs à l’homosexualité ou aux homosexualités. Avant d’y parvenir, il est avant tout utile de préciser ce qu’une conception occidentale entendrait par homosexualité.

L’homosexualité est un concept qui trouve son origine dans la Grèce antique, et où il était courant que le maître et l’élève entretiennent les relations étroites pouvant aboutir aux relations sexuelles, dans le but que l’élève atteigne la connaissance.

Il s’agissait alors d’une forme de pédérastie officielle instituée qui avait ses règles, lesquelles devaient être observées par les parties prenantes.

De manière plus précise, il faut dire que

  • la pédérastie à ce niveau associée à l’homosexualité faisait partie de la pédagogie (pédos = enfants ; agogein = accompagner ; pédos agogein serait le fait d’accompagner les enfants vers le savoir philosophique où la relation amoureuse avait une place centrale).

Une telle relation n’était pas concevable entre adultes libres, mais parfois pouvait se percevoir entre un maître et son esclave adulte ou non adulte.

Bref, cette forme de pédérastie pédagogique avait ses lois visant à

  • protéger l’éphèbe (l’adolescent) libre de toute relation impure condamnée en Grèce, c’est-à-dire « toute relation réduite à l’appétit sexuel et privée de toute dimension affectueuse et aimante ».

C’est la raison pour laquelle il est pensé que :

« la pédérastie institutionnelle a toutes les chances d’avoir sa source dans une pratique initiatique qui, dans la civilisation grecque classique, débouche, au terme de son évolution, sur une relation pédagogique.»

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La pédérastie institutionnelle grecque pouvait être apparentée à un rite initiatique dépourvu de toute essence libidinale et jouissive ; ce qui n’était pas le cas dans la Rome antique où l’homosexualité était acceptée dans le seul but du plaisir de l’homme libre : manifestation de la sexualité active virile.

Il s’agissait là d’

  • une forme d’homosexualité impliquée dans les rapports de classes sociales où le détenteur du pouvoir,
  • le dominant pouvait disposer sexuellement du plus faible, le dominé (esclaves de guerre, enfants…),
  • ce dernier se comportant de façon passive.

La sodomie à ce niveau des relations de position et de pouvoir était de rigueur, toute autre forme de sexualité comme par exemple le coït inter fémoral ou le coït pénibuccal était regardée comme « contre nature ».

  • C’est la forme romaine d’homosexualité, construite et déconstruite au fil des temps depuis la décadence de l’empire romain, qui a servi de modèle conceptuel en Occident.

En effet le déclin de l’empire romain dans l’histoire a établi, entre autres, la suprématie de la doctrine judéo-chrétienne qui a contribué à stigmatiser l’homosexualité, considérée comme une inversion et une perversion sexuelle. C’est au XIXe siècle, que Karoly Maria BENKERT va créer le néologisme « homosexualité », qui s’imposera seulement à partir du XXe siècle.

L’homosexualité a de nos jours plusieurs acceptions :

  1. on parle d’homosexualité identitaire ;
  2. de pseudo-homosexualité ou encore d’homosexualité situationnelle.

L’homosexualité identitaire désigne

  • l’orientation sexuelle chez un individu ayant une attirance explicite ou non pour les personnes de son sexe, et qui, après une série d’étapes psychosociologiques, parvient à la reconnaissance et l’acceptation de son identité en tant que homosexuel.

Cette reconnaissance se traduira chez de nombreux individus, par l’intégration progressive active ou non à une communauté homosexuelle, quand elle existe. Cependant cette intégration n’est pas systématique.

La pseudo-homosexualité, quant à elle, désigne

  • une forme d’homosexualité basée sur l’activité sexuelle exclusivement, et qui imite le plus souvent les rapports hétérosexuels.

A ce niveau le type de sexualité passe du rang de fin à celui de moyen. L’homosexualité situationnelle peut également être liée à cette forme de sexualité.

Une telle orientation sexuelle est abandonnée quand l’individu change de milieu.

Cette forme d’homosexualité circonstancielle se rencontre le plus souvent au sein des prisons, dans les internats ou au cours de certaines cérémonies initiatiques.

Au fur et à mesure que le travail avancera si le besoin se fait ressentir, l’homosexualité dont il est question sera à chaque fois précisée.

Par homosexualités, il faut entendre l’ensemble des pratiques s’inscrivant en dehors de toute relation pénivaginale orthodoxe, qu’il est possible de rencontrer à la fois chez les individus ayant une orientation hétérosexuelle et chez les individus ayant une orientation homosexuelle (identitaire ou non).

Ce concept « homosexualités » est une partie de l’approche du concept espagnol connu sous le nom d’ « entendido ».

L’ « entendido » ne saurait être confondu avec la pseudo-homosexualité, car il y a le facteur libre arbitre qui intervient, ce qui ne se rencontre pas toujours dans les prisons par exemple où il est surtout question de viols homosexuels que d’ « entienden ».

L’« entendido » espagnol constitue un élément du concept « homosexualités » d’après cette analyse.

En effet, les homosexualités intègrent aussi les pratiques des individus hétérosexuels qui, dans le champ de la sexualité, ne s’inscrivent pas dans l’orthodoxie d’une relation sexuelle strictement pénivaginale, mais dans une dynamique de pratiques sexuelles jadis considérée comme hors norme. C’est la raison pour laquelle la compréhension de ce concept dans cette étude se focalise exclusivement dans le domaine de la praxis sexuelle différenciée de ce que la norme envisage, praxis entreprise comme alternative à cette norme.

A partir de cette précision sémantique il sera donc nécessaire de ressortir les thèmes relatifs à l’homosexualité, la pseudo-homosexualité ou aux homosexualités dans certaines langues africaines. Il faudra avant tout préciser que ce ne sont pas toutes les langues africaines qui ont des notions relatives aux réalités conceptualisées ci-dessus. Cependant, certaines sociétés en Afrique communiquent à l’aide de langues où il est possible d’observer que ce vide conceptuel et linguistique est comblé.

C’est ainsi par exemple qu’

en Angola dans le groupe ethnique dénommé Quimbandas, la sodomie était fréquente parmi les hommes, et les hommes ayant ces rapports sexuels avec les individus du même sexe étaient aussi désignés sous ce vocable : quimbandas.

La spécificité de ce groupe ethnique était qu’ils avaient de tels rapports sexuels tout en étant habillés en femme.

D’ailleurs l’une des figures la plus marquante parmi eux était le Ganga-ya-Chibanda, ou le grand prêtre, le superintendant des sacrifices rituels qui s’habillait comme une femme, même en dehors des offices religieux. Il marquait un point d’honneur à ce qu’on l’appelle : « la grand-mère ». Vu sa position sociale, tout ce qui pouvait être considéré comme un écart de conduite venant de lui était toléré par le groupe.

Chez les Wawihé, constructeurs du haut plateau du Bangalla (toujours en Angola),

l’homosexualité se confondait à la bisexualité et était désignée omututa qui signifie précisément l’activité ou la passivité dans la pratique du sexe anal (paedicatio).

La masturbation mutuelle très répandue chez ceux qui avaient des rapports sexuels, avec des personnes de l’autre sexe, aussi bien que chez ceux qui en avaient avec les individus du même sexe étaient désignée et continue de l’être par le terme okulikoweka, littéralement terme qui renvoie aux rapports sexuels male-male ou femelle-femelle.

Le coït interfemoral y était aussi fréquent et connu sous le terme de otjizenja.

Ce terme fait également référence au coït interfemoral dans un rapport hétérosexuel.

La masturbation solitaire ou okukoweka était regardée socialement avec beaucoup de dédain.

Dans une relation homosexuelle suivie entre deux partenaires, les deux amoureux étaient connus sous le nom eponji (aponji en est le singulier, donc l’amoureux d’un homme parce qu’il est différent du mot mukuetu, qui désigne plutôt la camaraderie ou un ami avec lequel il n’ y a pas de relation sexuelle).

Dans la région Est des Wawihé, les eponji sont désignés parmi les Ovigangellas (ou Gangellas ou encore Ovagandjera) : m’uzonj’ame. L’expression Katumua k’ame traduit également la même réalité et signifie mot à mot « ma fille », et par extension « mon amoureuse ». Le coït interfemoral était traduit par m’ahanda et l’est encore jusqu’à nos jours chez les Wawihé. La digitatio ou kuzunda est un type particulier de masturbation mutuelle où les glands des pénis sont frottés les uns aux autres.

Au niveau du kirundi, qui est la langue parlée au Burundi,

  • certains auteurs ont trouvé cinq mots pour désigner l’homosexualité.

Il s’agit de :

  1. kuswerana nk’imbwa (faire l’amour comme des chiens) ;
  2. kwitomba (se faire l’amour);
  3. kunonoka (littéralement, être souple) ;
  4. kuranana inyuma (mot swahili d’origine et mal écrit en kirundi. En principe il s’écrit : kuralana nyuma et veut dire, faire l’amour de façon anale) ;
  5. ku’nyo.

A Zanzibar dans la zone tanzanienne, la pénétration anale passive est appelée kufira. Kufirwa traduit le fait d’être pénétré de façon anale.

Les pratiques lesbiennes à Zanzibar sont traduites soit par kulambana qui vient de kulamba qui veut dire lécher, c’est se lécher mutuellement et désignerait par déduction le cunnilingus ; soit encore par l’expression : kujitia mboo wa mpingo s’introduire un pénis en bois d’ébène.

  • Cette pratique lesbienne était répandue dans presque toutes les sociétés africaines où les relations sexuelles entre les femmes pouvaient être rencontrées, comme chez les femmes Haoussa du Nord du Nigeria. Quand elles se frottent les parties sexuelles au Zanzibar, on parle alors de kusagana.

En kiswahili, les homosexuels des deux sexes sont appelés : mke-si mume c’est-à-dire littéralement la femme n’est pas l’homme.

Il s’agit plus précisément des homosexuels adoptant le comportement passif dans les pratiques sexuelles. Il existe aussi un autre terme mzebe dérivé de l’arabe khanith ou hanisi qui littéralement qualifie une personne impotente ou impuissante sexuellement, mais qui traduit toujours l’homosexualité.

Chez les Haoussa du Nord du Nigeria, l’homosexualité masculine est désignée par dan kashili. Cependant il existe une institution beaucoup plus connue appelée dan daudu (pluriel Yan daudu) c’est–à-dire littéralement le fils de Daudu.

Le daudu se réfère à la pratique des hommes qui agissent comme des femmes et qui couchent avec les hommes. Ils servent également d’agents de prostituées : kawalai, sorte de proxénètes ou d’agents intermédiaires. Culturellement cette pratique est comprise en terme de genre, plutôt qu’en terme de sexualité, puisque les hommes qui ont les relations sexuelles avec les hommes sont dits masu harka c’est-à-dire « ceux qui font la chose ou l’affaire ».

Son abréviation est masu yi, « ceux qui le font ! (la chose) ». Quand les Yan daudu se rencontrent ils s’appellent k’awaye (copines). Quand ils ont des rapports sexuels dans le même groupe, ils appellent cela kifi, c’est-à-dire lesbianisme, quand bien même les parties prenantes sont les hommes phénotypiquement parlant.

Cette expression se réfère surtout aux hommes socialement égaux qui ont des rapports sexuels entre eux. Il s’agit donc de la désignation d’un modèle de rapport sexuel intragénérationnel, à cause du même statut social des acteurs impliqués, même si à partir d’une première observation, en fonction de la différence d’âge des acteurs, on serait tenté de parler du modèle transgénérationnel. K’wazo désigne le pédicon ou le partenaire insertif et baja le pédiqué où le partenaire réceptif dans ce genre de rapport sexuel.

Dans la Côte Est africaine, c’est le kiswahili qui est parlé de manière générale, avec de légères variantes. Ainsi, les termes relatifs à l’homosexualité seront shoga ( littéralement, ami garçon-garçon) dans la variante kiswahili de Monbassa et désigne le pédiqué de manière plus précise ; kanith ou hanisi dans celle parlée à Zanzibar ; m (i) senge dans le dialecte swahili de la Tanzanie. Tous ces termes au pluriel prennent le préfixe « ma » : on dira alors : mashoga, makhanith, mahanisi. Le partenaire actif du shoga est le basha (mabasha) ou haji (mahaji). Plus précisément, le basha est le « mwanaume anamwingila mwenzake », l’homme qui entre dans ses partenaires/ses amis ; tandis que le haji est le « mwanaume rasmi rijali » c’est-à-dire le vrai homme, l’homme puissant39.

Au Cameroun chez les Bafia (Fia), le fait que les adolescents pénétraient analement les plus jeunes, ou étaient engagés dans une relation anale réciproque était traduit par l’expression ji’gele ketön ?.

Il a été découvert chez les Luba, un groupe du Congo (ancien Zaïre) dans la province du Kasaï oriental, qu’il existait un autre rôle de genre en dehors du rôle masculin et féminin connu sous le nom kitesha (bitesha pluriel).

Ceux-ci n’aimaient pas travailler, ils n’aimaient pas rester avec les autres hommes, ils se comportaient comme les femmes, s’habillaient en vêtements de femmes.

Dans la zone Sud Africaine l’homosexualité n’était pas une chose inhabituelle.

C’est ainsi que l’homosexualité des Ovambos, un groupe parmi les Hottentots, était proverbiale. Les hommes efféminés qui subissaient les relations sexuelles anales passives étaient les ovashengi (singulier eshengi).

Chez les Hereros ou Ovahereros, l’amoureux (homosexuel/le) était désigné par le terme epanga et une amitié érotique est appelée oupanga (avec pratiques homosexuelles ou lesbiennes).

La pédérastie masculine avec pénétration anale était traduite par l’expression okutunduka vanena, littéralement « monter les garçons », comme l’on monte les taureaux.

La masturbation solitaire est appelée okurikuatisa, okuripikapikisa et okutirahî. L’onanisme mutuel se traduit par okutjanda omuzu, okukara omuzu, okurareka ‘mukuao, que ce soit dans des rapports sexuels entre mâles aussi bien que les rapports sexuels femmes.

Quand un Hottentot voulait avoir des relations homosexuelles avec un autre individu, il lui présentait un gobelet plein d’eau en lui disant « Sore – gamsa are ! », c’est-à-dire : « bois encore de l’eau de la douleur ou de l’irritation » ; ou « sore-gamsa ure ! », « prends encore de l’eau de la douleur ». Si l’autre prenait le verre d’eau, c’était le signe de son approbation pour l’acte sexuel à venir.

Chez les Kaffirs, membres du groupe Ngoni encore appelé Xhosa, l’onanisme solitaire est appelé gûi-gûisen, c’est-à-dire littéralement rendre son corps (pénis) raide. La masturbation mutuelle est appelée ôa-/huru ou /huru. La tribadie est désignée par le terme /goe-ugu.

A l’issue de cette présentation, il apparaît que dans certaines langues en Afrique les termes ou expressions relatifs aux rapports sexuels entre les individus du même sexe sont connus.

Ils désignent le plus souvent les comportements sexuels avec précision :

  • kufira (kiswahili), shoga (kiswahili), ji’gele ketön ? (langue bafia du Cameroun),
  • eshengi (ovambos),
  • hanisi (kiswahili de Zanzibar),
  • okutunduka vanena (hereros), désigneront la pénétration anale dans le sens réceptif ou alors les individus qui acceptent une telle relation ; tandis que
  • basha, haji ( variante kiswahili de Monbassa) par exemple traduiront la pénétration anale insertive ou les individus qui ont ce rôle dans les relations (homo) sexuelles.

A ce niveau, il ne peut déjà pas être question d’une quelconque affirmation de l’homosexualité identitaire, avec précision de rôles (actif/passif), puisque les langues n’ont pas désigné les classes sociales et les classes d’âge des parties prenantes.

S’agit-il des individus de même sexe et de même classe sociale : le rapport sexuel apparaîtra alors intergénérationnel ? S’agit-il plutôt de rapports sexuels entre jeunes et vieux socialement parlant : les rapports sexuels sont présentés comme transgénérationnels ? S’agit-il au contraire d’initiation ?

Rien de tout cela n’est spécifié dans les langues qui ont été présentées, et une conclusion hâtive amènerait un risque élevé d’interpréter les actes pédérastiques comme étant des rapports homosexuels identitaires, ce qui est loin d’être le cas.

Les masturbations solitaires sont désignées, okukoweka (wawihé en Angola), gûi-gûisen (xhosa), okurikuatisa (hereros), okuripikapikisa, okutirahî, tantôt appréciées tantôt socialement méprisées.

Cependant, les termes relatifs à la masturbation mutuelle sont plus descriptifs :

  • c’est le cas par exemple de kuzunda (wawihé) qui précise le fait que dans cet attouchement sexuel, ce sont les glands qui sont frottés les uns contre les autres ;
  • ou encore le terme kusagana (kiswahili de Zanzibar) qui traduit le fait pour les femmes de se frotter les parties génitales l’une contre l’autre.
  • Les pratiques comme la tribadie ou le cunnilingus sont également connues /goe-ugu (xhosa), kulambana.

De manière générale, les rapports sexuels entre les individus (femmes ou hommes) de même sexe ont un nom générique en dehors des pratiques spécifiques dans lesdits rapports.

Cette réalité est ainsi désignée dans certaines langues locales par : dan kashili (haoussa), masu harka, mke-si-mume (kiswahili), kuswerana nk’imbwa, kunonoka (kirundi), quimbandas.

Le rôle sexuel ambivalent que ce soit le rôle insertif ou réceptif à la fois où a tour de rôle est aussi connu, il est alors désigné dans d’autres langues omututa (wawihé). Les relations interfémorales ne sont pas en reste, otjizenja (wawihé).

Cependant, tout cela ne permet toujours pas d’établir un lien entre ces termes et l’homosexualité identitaire. Dans une certaine mesure, il apparaît plutôt que ce sont les homosexualités qui sont plutôt désignés, plus précisément, la forme « entendido » espagnole.

En effet, les langues traduisent seulement les actes avec précision, mais ne disent pas s’il s’en suit une logique identitaire pour les parties prenantes. Même quand il s’agit d’amitié érotique entre personnes de même sexe : aponji, m’uzonj’ame, katumua k’ame, oupanga, il n’est pas précisé s’il y a investissement identitaire à ce niveau.

L’institution dan daudu ou alors les comportements d’un officiant rituel vêtu en femme, Ganga-ya-chibanda, ne s’inscrivent pas dans la logique d’une orientation homosexuelle identitaire. Ils sont culturellement compris en termes de genre (« transgender role »), perçu en dehors de ceux habituellement connus : masculin ou féminin.

A ce niveau les langues ne disent pas avec précision comment de tels individus sont perçus.

C’est pourquoi au niveau de cette analyse, il peut être provisoirement avancé que les langues africaines, du moins certaines d’entre elles, décrivent avec précision les homosexualités, au point de partager les rôles, de souligner ceux qui sont ambivalents ou encore d’instituer de nouvelles catégories de genre.

Une chose est certaine, les pratiques sexuelles qui sont spécifiées à ce niveau, existent dans la réalité sociale, il ne s’agit donc pas d’un mythe.

Si ces pratiques sexuelles entre personnes de même sexe sont dites, c’est qu’elles existent « sous forme de catégories de perception, de principes de vision et de division » socio-sexuelles dans ces groupes.

Les termes relatifs à l’homosexualité ne peuvent pas encore ressortir ici, parce que le contexte de la reproduction des lexèmes n’est pas précisé. Il en va de même, pour les mêmes raisons, de la notion de pseudo-homosexualité.

  • Les homosexualités sont perçues de manière générale dans ces codes linguistiques, mais sans le contexte social une fois de plus, la conclusion d’ « entendido » espagnole demeure elle aussi, somme toute, hasardeuse.

C’est pourquoi

  • il apparaît nécessaire de décrire les pratiques (homo) sexuelles dans les groupes sociaux africains où ils ont existé, en présentant les divers scripts sexuels qui apparaissent, tout en tenant compte du contexte et du sens.

C’est donc cette présentation, mise en lien étroit avec les expressions des langues locales quand elles existent, qui permettra de spécifier ces notions d’homosexualité, des homosexualités ou de pseudo-homosexualité.

Nous verrons que dans certains groupes, les pratiques (homo) sexuelles peuvent exister sans qu’elles ne soient désignées. C’est pourquoi il sera utile de préciser par la suite ce à quoi cela pourrait renvoyer.

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« Homosexualité » en Afrique : construction historique.

L’homosexualité dans l’histoire de l’Afrique est souvent perçue à travers divers modèles incluant tantôt les classes d’âge, tantôt les rites d’initiation, tantôt la compensation de la présence féminine ou masculine.

  • C’est dire que toute construction de l’homosexualité dans l’histoire de l’Afrique doit nécessairement faire appel à l’univers des référents symboliques.
  • Ceux-ci sont alors porteurs de sens des pratiques sexuelles, et permettent de spécifier, d’éclairer les notions relatives auxdites pratiques en fonction du contexte d’appréciation.

Pratiques homosexuelles à travers les classes d’âge : les jeux érotiques chez les jeunes garçons.

Plusieurs sociétés africaines reconnaissaient les étapes de développement chez l’individu, développement auquel étaient attachés certains interdits et certaines activités socio-sexuelles permises.

Ainsi, les enfants n’étaient pas souvent considérés comme conscients donc en mesure d’assurer une activité sexuelle productive. Ils étaient tout simplement regardés comme socialement asexués, aucun rôle relatif au genre ne leur étant attribué.

Chez les Bafia du Cameroun par exemple, les garçons qui n’avaient pas encore de relations sexuelles avec les filles appartenaient à la première étape socialement reconnue de croissance chez l’individu (les Bafia reconnaissent trois principales étapes de croissance), le terme les désignant est : Kiembe.

  • C’est à partir de cette première étape que commençait à s’amorcer les relations homosexuelles entre les garçons dans les jeux.

En effet, les petites filles étaient très contrôlées et leur virginité jalousement préservée. Elles vaquaient donc ainsi aux occupations domestiques avec le groupe des femmes, tandis que les garçons pouvaient s’amuser ensemble.

Cette première étape incluait les individus de six ans jusqu’à quinze ans.

Les garçons de cette classe sociale, dormaient ensemble, jouaient ensemble et les plus grands pénétraient parfois analement, les plus jeunes comme le montrent certains auteurs :

« La première étape semble inclure la promiscuité commune entre les jeunes, qui peut être observée parmi les autres tribus noires, tout en étant aussi regardée par les adultes comme un jeu d’enfant. Cette promiscuité prévalente consiste en des relations étroites entre garçons et filles, et entre garçons et garçons (…) Le rôle passif est joué par les garçons Bafia de cinq ou six ans avec leur frère aîné. ».

Les premières expériences homosexuelles se font parmi les garçons, parfois issus de la même famille, ce qui a pour but d’accroître la confiance au sein des parties prenantes.

Les filles ne subissent pas ces influences sexuelles, car elles sont plus étroitement surveillées. En effet, au même moment, il est strictement interdit aux filles d’avoir les relations sexuelles avec le sexe oposé. C’est la raison pour laquelle l’homosexualité était beaucoup plus répandue parmi les jeunes, les garçons entre eux, et les filles entre elles.

De telles pratiques se faisaient dans le secret, en l’absence d’adultes : c’était par exemple le cas chez les Wahiwé.

Cependant, le secret n’était pas toujours de rigueur, comme chez les Gangellas en Angola, où les relations amoureuses entre personnes de même sexe étaient littéralement instituées : aponji.

Ainsi chez les Gangellas, un jeune garçon circoncis et non marié, d’environ dix huit ans, pouvait décider de vivre avec un autre de douze ans qui lui plaisait, en allant rencontrer ses parents et faire la demande officielle de vivre avec lui comme katumua.

Il donnait alors aux parents comme présent une vache, des vêtements ou de l’argent. Si le parent acceptait, les deux étaient socialement reconnus comme vivant en relation.

Plus tard, le mariage du plus grand ne changeait littéralement rien à la relation, car il pouvait alternativement avoir des rapports sexuels entre sa femme et son katumua, jusqu’à ce que le plus jeune grandisse et désire aussi se marier.

Il apparaît que le jeu pouvait parfois être institutionnalisé et obéir à certaines règles.

  • Tout cela était regardé avec tolérance par les adultes, puisque selon eux, il s’agissait de jeux passagers qui étaient supposés s’arrêter à l’âge adulte chez les deux parties.

Cependant,

il a été constaté que certains adultes continuaient d’avoir des relations avec des garçons, sans que cela soit condamné : ils « jouaient » disaient-ils alors (« bia bo pfianga » était l’excuse qui revenait chez les pangwé et la société disait de telles personnes qu’ils avaient encore le cœur pour les enfants, de l’attirance : « a bele nuem e bongo »).

  • Un tel constat était toléré, mais pas publié, car en parler publiquement dans certaines régions était considéré comme dégoûtant, ou vu comme de la sorcellerie.

En effet, lorsque les jeunes hommes avaient environ 25 ans, ou quand ils commençaient à se marier, on s’attendait à ce que les pratiques homosexuelles cessent, car dans la classe d’âge adulte l’homosexualité était perçue comme irrationnelle et ne pouvait apparaître que comme un signe de sorcellerie.

  • Toutefois, les rapports clandestins occasionnels entre adultes et jeunes garçons suggèrent que le passage d’une classe à une autre ne se faisait pas toujours avec succès.

Cette situation d’adultes continuant d’entretenir des relations sexuelles avec les jeunes garçons marque l’échec de la transition qui est ainsi attendue entre le passage de l’individu de la classe d’âge des célibataires vers celui des adultes mariés et constituant des piliers de la société.

Il ressort à ce niveau que les premières relations homosexuelles commençaient dans certaines sociétés africaines, dès la première étape de la croissance sociale de l’individu à travers les jeux érotiques.

Les garçons « jouant » entre eux, les filles entre elles, à cause de la séparation des sexes. C’était donc une sexualité inter-genre (« inter-gender sexuality ») et intergénérationnelle.

Une propension spéciale aux relations homosexuelles parmi les jeunes non mariés était fréquente.

L’homosexualité était souvent permissive et parfois même, apparaissait comme obligatoire dans les jeux érotiques. L’homosexualité à ce stade était sinon acceptée, tout au moins tolérée.

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« Homosexualité » dans les rites initiatiques

Dans certains rites initiatiques en Afrique, apparaissaient parfois des pratiques homosexuelles.

Ces rites pouvaient servir

  • à transformer le statut sexuel des individus (par exemple le rite marquant le passage de l’adolescence à l’âge adulte chez les Beti du Cameroun appelé « SO »), ou alors
  • à initier les individus à l’art de la guerre (les Siwans en Libye) ou encore renforcer la cohésion sociale d’un groupe.

En effet,

chez les Siwans dans le désert libyen, la pédérastie fut le plus souvent reconnue pour des fins initiatiques. Au Cameroun, le « Mevungu » chez les Beti et le « Ko’o » (l’escargot) chez les Bassa étaient des rites qui comprenaient des attouchements entre femmes ayant un caractère hautement homosexuel.

D’après ses adeptes,

  • le mevungu était présenté comme la « célébration du clitoris et de la puissance féminine ».
  • Ce rite exclusivement féminin « comportait des danses qui, parfois auraient mimé le coït et dans lesquelles les initiées ménopausées auraient joué le rôle masculin ».

Chez les Kivaï,

la pratique rituelle de la sodomie était courante et était socialement interprétée comme rendant les jeunes hommes plus vigoureux.

Dans le Nord-Ouest de la Zambie, le rite Mukanda ou le rite de circoncision des garçons, était particulier. Les initiés mimaient souvent la copulation en se servant du pénis de l’initiateur le plus âgé.

Cet acte était considéré comme rendant le sexe de l’initiandus plus fort, à l’instar de celui de l’initiateur.

Dans d’autres groupes Bantou voisins (Luvale/Balovale ; Chokwe ; Luchazi ; Lucho et Lunda), les garçons restaient nus durant toute la première phase de l’initiation ou ils recouvraient la santé après la circoncision.

Pendant cette période de cicatrisation post-circoncisionnelle, ils s’occupaient en jouant avec les pénis des gardiens des loges initiatiques : les vilombola ou avec ceux de leurs assistants, les tulombolachika.

Cela était considéré comme accélérant la cicatrisation et partant la guérison, et les initiandus ou novices espéraient aussi qu’en le faisant, leurs propres pénis, s’accroîtraient. Tous les visiteurs des loges initiatiques « subissaient » le même traitement.

Ailleurs,

chez les Bantous parlant le Fang au Gabon, au Cameroun ou en Guinée Equatoriale par exemple (le groupe Pahouin), les relations homosexuelles étaient perçues comme le médicament pour être riche.

Cette richesse était transmise du partenaire réceptif, le pédiqué, vers le partenaire insertif, le pédicon, dans une relation pénio-anale.

Chez les Chagga du Kilimandjaro, où les jeunes étaient considérés comme adultes après une cérémonie initiatique, les jeunes, après leur cicatrisation post-circoncisionnelle, devaient encore passer par un autre rite, celui de la suturation de l’anus dans la forêt. L’explication qui en ressortait était que :

« Le jeune homme initié doit s’abstenir de toute pratique homosexuelle (…) Une fois qu’un homme peut engendrer des enfants, lui-même court le risque, en cas de pratiques sexuelles anales, de se faire engrosser ou de féconder un autre homme (…) Cela signifie par conséquent la mort, puisque l’homme est « fermé » et qu’il ne possède pas de canal de parturition.»

En fait

  • ce rite s’inscrivait dans la logique d’une peur sociale que l’homme en âge de procréer, différent du petit garçon, puisse être « enceint » ou puisse féconder un autre, situation qui aurait entraîné la mort.

C’est l’une des raisons pour lesquelles l’homosexualité parmi les adultes étaient mal vue, voire crainte, comme c’était par exemple le cas en Rhodésie du Nord. Il apparaît donc que :

« C’est au sens figuré que l’anus de l’initié est fermé. Il est fermé pour les autres hommes. Il ne peut jamais boire en compagnie d’autres hommes qui n’ont pas été initiés de peur d’être soûl, de subir des pratiques anales et donc de se faire engrosser ».

Pour être père, il fallait avoir le coït avec les femmes et s’abstenir d’en avoir avec des hommes, du moins entre adultes.

Au Togo, les femmes qui ne voulaient pas des maris qui leur étaient socialement attribués, étaient obligées de subir le rite d’initiation kpankpankwondi. C’était le cas chez les filles Moda, au Nord du Togo. Cependant, les analystes n’ont pas spécifié en profondeur de quoi il s’agissait. Tout ce que l’on sait c’est qu’il s’agissait d’un rite réservé aux femmes rebelles.

De tous ces rites qui viennent d’être brièvement présentés, il ressort qu’ils sont pour la plupart relatifs au modèle ancien, surtout les rites masculins.

Dans le modèle ancien, l’homosexualité est le médium pour la transmission du folklore contenu dans la perception sociale du genre masculin, et constitue le second niveau de la parenté qui succède à la relation mère-enfant.

Cet ancien modèle était largement répandu dans les sociétés où les jeunes avaient des relations sexuelles avec les hommes et grandissaient dans le but d’avoir aussi leurs femmes et quelques amoureux de sexe masculin.

C’est dire que

  • ces rites masculins apparaissaient comme une sorte de reproduction sociale de la culture masculine et de l’idéal masculin, loin des foyers maternels.

C’est pourquoi ces initiations « ne sont pas seulement symboliques, elles introduisent réellement le garçon dans la société ».

Le jeu des initiandus avec le pénis de leur gardien apparaît comme une sorte de transmission de certaines facultés comme la force ou le pouvoir.

En effet,

la taille du sexe à ce niveau, – celui de l’initiateur par opposition à celle de l’initiandus -, peut être perçue comme un signe de force, d’extrême virilité.

Il en va de même pour des rapports anaux qui étaient supposés rendre les jeunes plus vigoureux, ou encore chez les Fang où la relation anale était supposée rendre riche.

  • Tout cela, restent des moyens symboliques de diffusion du pouvoir à travers le fluide séminal.

Ainsi,

« le sperme, transmis oralement ou analement, représente la voie symbolique de la diffusion du pouvoir ».

La sodomie ou la relation pénio-anale devient la voie pour « connaître et (…) dérober les secrets (du) maître » pour les néophytes ; ou encore, le fait de jouer avec le sexe de l’initiateur.

C’est dire que la compréhension de tous ces rites, surtout les rites masculins, passe par la perception des symboles entourant ceux-ci.

En effet,

les rites « font (…), toujours appel aux symboles : tout rite possède un sens symbolique dans tous ses éléments constitutifs, sens que seuls les « initiés » sont capables d’interpréter ».

  • Cependant, il faudrait noter que les rites, ont aussi une valeur polysémique.

En effet,

un regard sur le rite féminin « Mevungu » ou le « Ko’o », montre qu’il s’agissait d’un rite célébrant le clitoris où les femmes l’admiraient et se frottaient contre lui, allant même jusqu’à le chatouiller, le masser, le nourrir d’une bouillie et l’étirer à la longueur d’un membre viril.

Un tel rite dans les représentations est associé à la chasse, fécondité des femmes et fécondité de la brousse se rejoignant.

En effet

  • il se pratiquait quand le village devenait « dur », c’est-à-dire, quand le gibier se faisait rare, ou quand les récoltes étaient mauvaises.

C’est pourquoi le « Mevungu » était entre les mains des femmes fécondes et matures (vieilles), supposées être efficaces auprès des instances ancestrales invoquées. C’est la raison pour laquelle l’homosexualité n’y apparaît pas thématisée :

« Tout au plus s’agit-il d’une masturbation rituelle d’initiée (…), tout à fait artificielle et exceptionnelle pour l’éthos beti, pratique magico-religieuse proche d’un plan de détresse, essayant de mobiliser les puissances de la nature et de la sorcellerie pour obtenir ce que les pratiques ordinaires ne suffisent plus à donner : la fécondité, but ultime, à laquelle toutes ces tentatives restent ordonnées ».

Autrement dit,

  • le « Mevungu » s’inscrivait dans le dessein d’une influence magico-religieuse, pour la protection et la survie du groupe, l’élimination des maléfices, la fertilité, traduite par l’accès à une source vitale, à savoir l’élément nutritionnel, lorsque celui-ci se fait rare.

Un autre fait est ici à relever, c’est que tous ces rites exceptionnels, obéissaient à une trilogie spatio-temporelle.

  1. La première, relative au symbolisme entourant ces rites, vient d’être soulignée.
  2. La deuxième quant à elle, obéissait à la désignation géographique, spatiale du lieu de l’initiation qui pouvait être fixe ou mobile, avec la particularité que cela se faisait toujours loin du regard des non initiés, à savoir les femmes et les jeunes enfants. C’est ainsi que le « Mevungu » se pratiquait dans une case loin du regard ; tandis que le rite de suturation de l’anus chez les Chagga se faisait dans la forêt. Il en va de même pour toutes les circoncisions masculines. Cela s’explique par la notion de « secret » qui entourait tout rite initiatique : le secret relatif au rite en lui-même, mais aussi à l’espace réservé au rite. Ce « secret » n’est partagé qu’avec un petit nombre de personnes vraiment sûres, avec qui on entretient des relations, c’est-à-dire les membres de la société initiatique. La marque de cette caractéristique humaine, sera alors reflété dans l’organisation des sociétés initiatiques, qui, elles aussi, obéissent à cette loi du secret, tant au niveau de leur lieu de rencontre, que de la révélation de ce qu’elles font au cours de l’initiation.
  3. Enfin le troisième élément de la trilogie de ces pratiques rituelles, consiste en la temporalité. En effet, il vient d’être souligné que l’interprétation de ces rites socio-sexuels passait par l’interprétation des symboles.

Ces initiations ou ces rites pour la plupart, pouvaient être perçus comme un moyen de transmettre aux initiés une richesse sociale.

Ensuite, il a été montré que ces rites ne se pratiquaient que dans un lieu socialement déterminé, lequel, en fonction des sociétés, pouvait être fixe ou mobile.

C’est fort de ces deux éléments, que le troisième, à savoir : la période du rite ou de l’initiation, s’impose aussi. C’est le corollaire des deux premiers. Ces pratiques socio-sexuelles étaient mouvantes et flexibles en fonction des sociétés.

Elles pouvaient se transformer au gré des périodes historiques ou alors au gré des spécificités culturelles, géographiques ou climatiques.

En dehors de cette période socialement déterminée, toutes pratiques homosexuelles, pouvaient être associées, on l’a vu, à la sorcellerie ou à une pratique irrationnelle.

Il apparaît au terme de ce développement que les pratiques qui étaient désignées comme homosexuelles ont une autre interprétation, considérant les symboles qui leur étaient associés.

Cependant, il apparaît aussi que ces pratiques sexuelles, ont un caractère homosexuel, sans investissement d’une identité homosexuelle.

  • C’est pourquoi à ce niveau, la thèse de l’ « entendido » espagnole est renforcée, et celle de l’homosexualité identitaire commence à être exclue.

La présentation n’étant pas encore achevée, une conclusion ne saurait s’imposer.

  • Cependant, le mythe de l’absence de l’homosexualité à travers l’histoire en Afrique est petit à petit remis en question.

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« Homosexualité » en l’absence d’hommes et/ou de femmes

Au Dahomey, l’actuel Bénin, les enfants de bas âges, tous sexes confondus, avaient l’habitude de jouer ensemble, jusqu’à l’adolescence où tout était arrêté.

Ainsi,

  • les garçons n’ayant plus l’opportunité d’avoir la compagnie des filles et de jouer avec elles à des jeux érotiques, trouvaient la satisfaction sexuelle dans leur compagnie respective entre garçons.

Un garçon pouvait alors prendre un autre comme sa « femme ».

Cela était désigné par le terme gaglo c’est-à-dire homosexualité, et pouvait durer toute la vie entière.

C’est le même état de chose qui a été découvert parmi les jeunes chez les Bafia du Cameroun et qui se traduisait par « a ji’gele keton ? », littéralement

  • « il/elle aime les fesses » et par extension désignait le coït anal.

Dans ce cas typique, il est question d’une (homo) sexualité basée sur le modèle de l’âge où l’un des partenaires est un peu plus âgé que l’autre et c’est celui qui est le plus âgé qui le plus souvent joue le rôle insertif.

Il est vrai que des cas exceptionnels de jeunes qui jouaient le rôle insertif sur les plus âgés ont été également signalés, notamment chez les Nkundó du Congo.

Chez les Azande du Sud-Ouest du Soudan, l’homosexualité des femmes ou lesbianisme était pratiquée dans les maisons des polygames, il en était aussi de même pour les femmes Nkundó de la République Démocratique du Congo.

Parmi les femmes Azande

  • la relation sexuelle entre elles se faisait à l’aide des godemichés taillés dans les patates douces, les morceaux de manioc ou à l’aide de banane, tandis que chez le femmes de Zanzibar la satisfaction sexuelle se faisait à travers la tribadie, kusagana ou le cunnilingus, kulambana à travers l’intromission d’un pénis en bois d’ébène, kijitia mbo ya mpingo.

Cette pratique s’est aussi retrouvée chez les femmes Wahiwé, qui le faisaient en l’absence des hommes, en plus des masturbations mutuelles, kuzunda.

Ce terme est aussi utilisé pour la masturbation entre les hommes.

Il faudrait noter que le lesbianisme n’était pas du tout accepté par les hommes dans ces sociétés, qui voyaient en cela une pratique dangereuse.

C’est la raison pour laquelle les femmes gardaient secrètes leurs activités homosexuelles.

  • Les femmes Nkundó, issues de mariages polygamiques affirmaient qu’elles n’étaient pas entièrement satisfaites par leur partenaire mâle, d’où, l’activité lesbienne qui était ainsi pratiquée entre coépouses.

Chez les femmes Herero où la tribadie était courante, et les relations homosexuelles désignées comme chez les hommes, epanga, omukuetu, oupanga, les jeunes femmes mariées l’expliquaient par le peu de fréquence des relations hétérosexuelles avec leur partenaire.

C’était donc, contrairement à ce qui pourrait être pensé, des femmes relativement jeunes, et non pas des veuves ou de vieilles femmes qui la pratiquaient. Ces jeunes femmes chez les Azande par exemple, étaient parquées dans des harems.

Pour éviter l’adultère, elles étaient étroitement surveillées. La vie en cage aurait alors occasionné les pratiques homosexuelles. Ce fut également le cas pour les femmes des harems musulmans en Afrique du Nord ou encore chez les femmes Haoussa au Nigeria.

  • Les hommes n’admettaient pas les pratiques lesbiennes, cependant,
    • ils ne voyaient aucun inconvénient aux pratiques homosexuelles avec des jeunes garçons, en l’absence de leurs femmes et parfois même en leur présence.

C’est la manifestation même de la domination masculine, du pouvoir du phallus.

Cependant,

la raison évoquée chez certains comme les Azande est que ces jeunes garçons étaient entraînés avec leur maître ou « mari » dans les camps de guerre une fois que celle-ci avait éclaté.

Ils servaient alors et jouaient le rôle attribué aux femmes dans les camps militaires, incluant aussi les relations sexuelles et non pas le rôle de disciples ou suivants des héros comme on s’y serait attendu.

  • En effet chez les Azande, la pratique consistant à épouser des jeunes garçons parmi les jeunes militaires était répandue.

Pour cela, ils payaient une dot aux parents des jeunes garçons à épouser, comme ils l’auraient fait s’ils avaient voulu épouser leurs sœurs (les sœurs des garçons).

Les parents des jeunes garçons étaient alors appelés par les prétendants en les termes de gbiore et negbiore qui désignent respectivement le beau-père et la belle-mère.

  • Les garçons recevaient aussi des présents et dans les couples ainsi constitués, l’usage était de s’appeler badiare, « mon amour » ou « mon amoureux ». le rôle du garçon était, on l’a souligné, de remplir dans la journée toutes les tâches du ménage dans les tentes du camp et dans la nuit de satisfaire sexuellement leur compagnon guerrier.

Cela, jusqu’à ce que lesdits garçons grandissent et prennent à leur tour des petits garçons pour « femmes ».

  • C’est donc là une sorte de reproduction socio-sexuelle instituée, dans le but de pérenniser des praxis qui évitaient aux femmes de se retrouver dans les camps militaires et aux hommes de s’abstenir sexuellement trop longtemps.

Les Azande ne regardaient pas de telles relations comme impropre, car c’était faire preuve de sensibilité pour un homme que de dormir avec des garçons, lorsque les femmes n’étaient pas disponibles.

Des cas similaires ont aussi été notés chez les Mossi du Burkina-Faso, à la cour royale, dès le début du XXe siècle.

De jeunes garçons appelés Soronés ou pages étaient choisis parmi les plus beaux, entre l’âge de sept ans et quinze ans. Revêtus en vêtements de femmes, des rôles féminins leur étaient attribués, incluant aussi des rapports sexuels avec les chefs.

Cela se faisait (les rapports sexuels) le vendredi, car ce jour tout rapport hétérosexuel était socialement prohibé.

  • Une fois que les Soronés avaient atteint la majorité, le chef leur donnait des femmes.
  • Un tel couple appartenait au chef, de même que sa progéniture.
  • Ainsi, un garçon issu du couple suivait la voie de son père, tandis que la fille était tout aussi promise à un Soroné adulte, tout comme l’avait été sa mère.

Il apparaît ainsi que le système social de reproduction était bien manœuvré et faisait penser au système de caste, où l’on est Soroné de père en fils.

A ce niveau, l’homosexualité est vue comme un acquis, une prédisposition sociale, car le Soroné ne l’est pas par goût, mais parce qu’il a été choisi, à travers des critères subjectifs, mais socialement forts et signifiants de beauté, dans la société Mossi.

Leur choix et leur rôle étaient associés à l’interdit social d’avoir des rapports hétérosexuels le vendredi.

  • Une fois de plus est mis en exergue la suprématie de la masculinité, car tout se passe comme si le vendredi, les femmes devaient s’abstenir sexuellement, tandis que les hommes pouvaient continuer de jouir de leur plaisir en substituant les objets sexuels.

Il faut préciser que ce n’était pas tous les hommes qui avaient ce privilège, mais seulement les chefs et, partant, les détenteurs du pouvoir qui ont par ce fait même la plena potentia agendi (le plein pouvoir d’agir) sur leur sujet.

Les Ashanti, chez les Akan de Côte-d’Ivoire, avaient créé au XVIIIe siècle

  • un puissant empire guerrier où les esclaves de sexe masculin étaient utilisés comme des concubines ou des amoureuses.

Une fois leur maître mort, ils étaient aussi mis à mort.

  • Ce type de relation dans la société Ashanti était accepté et allait même jusqu’à se répandre chez les jeunes libres, qui se rendaient plus efféminés. Cette situation trouve son explication dans le fait que les Ashanti étaient une société matrilinéaire.

De ce fait,

il était avantageux d’être des « femmes », des « concubines », à cause du statut très élevé qui était attribué aux femmes et des avantages sociaux qui l’accompagnaient : respect, dignité, héritage…

Il apparaît ainsi qu’

être efféminé pour certains hommes libres, pouvait servir comme tactique de positionnement et d’autorité, capitalisée par l’acceptation, le consentement d’une relation homosexuelle.

C’est dire que ces hommes-femmes n’étaient pas seulement symboliquement et socialement reconnus comme des femmes, mais à travers cette relation (homo) sexuelle socialement tolérée, ils devenaient de facto des femmes.

Les relations homosexuelles de type intergénérationnel entre les Bangalla d’Angola étaient très courantes, surtout au cours des voyages, quand ils n’étaient pas en la compagnie des femmes, leurs épouses.

C’est l’une des raisons pour laquelle la masturbation mutuelle Okulikoweta et la sodomie Omututa étaient répandues et regardées avec peu ou pas de honte.

C’est par contre la masturbation solitaire, onanisme, Okukoweka qui était considérée avec mépris.

  • Cela fait penser au côté communautaire des sociétés africaines, communauté qui ne connaît aucune limite.

Le sexe n’est pas alors perçu comme une activité solitaire, mais nécessairement duale ou groupale : son plaisir ne pouvant avoir un sens que dans la communauté, lequel doit être partagé.

Cependant, c’est l’exercice du rapport sexuel entre hommes ou entre femmes auquel il est possible d’attribuer ce communautarisme, puisque celui-ci avait lieu quand les hommes visitaient les villes étrangères, ou pendant les périodes de pêches en groupe, loin des femmes.

  • A ce niveau, l’homosexualité identitaire peut être aperçue.

En effet,

chez les Ashanti, l’homosexualité socialement acquise par les esclaves ou quelques hommes libres pouvait être considérée comme identitaire, à cause du statut social que cela conférait.

Le fait pour les jeunes Azande d’accepter les présents de leur prétendant et de vivre avec eux en couple, montre bien que durant cette période jusqu’à la majorité des jeunes, l’identité homosexuelle était acceptée, comprise et intégrée.

  • C’est pourquoi ces garçons pouvaient faire des travaux attribués socialement aux femmes, accepter des relations sexuelles avec les hommes, mais surtout parvenaient à appeler leurs amoureux badiare.

Pour ce qui est des femmes, dans la plupart des cas, il s’agissait de pseudo-homosexualité, qui compensait soit l’absence des hommes, soit leur incapacité à satisfaire leurs jeunes épouses.

Cependant,

  • des cas d’homosexualité identitaire couverts par les expressions d’aponji ou eponji, peuvent être mis en exergue.

C’est dire que dans ces amitiés amoureuses entre femmes ou entre hommes qui pourraient être établies, il ressort une forte prise de conscience de l’investissement sexuel qui entourait les amitiés.

Le but des actes sexuels était peut-être de renforcer l’amitié, de la sceller, toujours est-il que tout cela passait par la prise de conscience de ce caractère d’amitié hors du commun.

C’est pourquoi les langues ou les sociétés à travers les langues ont su qualifier de telles amitiés, les distinguant de celles sans investissement érotique entre ami (es) de même sexe, mukuetu.

L’ensemble de tout ce qui vient d’être présenté s’inscrit alors dans ce qu’il est convenu de nommer les homosexualités, car

  • on y voit un éventail large des relations sexuelles que ce soient hétérosexuelles ou encore homosexuelles (pseudo ou identitaire).

Dans ce sens, les termes pour désigner la sexualité et les rôles joués par chacun dans l’acte sexuel s’appliquaient à la fois aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels (voir supra).

Cependant,

il reste les cas spécifiques de comportement des individus à mi-chemin entre le genre féminin et le genre masculin.

Certaines sociétés africaines reconnaissaient cette particularité au point de les identifier, de les nommer avec peu ou prou de dédain.

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« Quelques bougies roses, jaunes et mauves passent entre les mains des fidèles, des membres de la communauté gaie et lesbienne et leurs soutiens. À quelques jours d’un jugement historique qui pourrait décriminaliser l’homosexualité au Kenya, ils prient pour une issue favorable.
« Le seigneur est aux commandes », tonne une des responsables homosexuelles avant que ne résonnent les cris des dizaines de convives amassés dimanche dans une petite salle de réunion vieillissante et discrète, dans le centre de la capitale kényane Nairobi : « Victoire ! ».
La Cosmopolitan Affirming Church (CAC) est un des rares endroits où les membres de la communauté gaie du Kenya peuvent échapper à l’hostilité de la société, d’ailleurs souvent exprimée depuis les autels religieux.
Mais les fidèles de la CAC espèrent qu’un jugement prévu vendredi aidera à l’évolution des mentalités : un tribunal doit se prononcer sur la constitutionnalité de deux lois criminalisant l’homosexualité.
« Lorsque cette loi sera cassée, ce sera comme une immense libération pour nous, comme si un poids était enlevé de nos épaules », soutient le pasteur David Ochara, cofondateur de l’Église en 2013.
Ces lois kényanes datant de l’époque coloniale font écho à celles en vigueur dans 34 autres pays d’Afrique où l’homosexualité est illégale. La peine de mort est même prévue en Mauritanie, au Soudan, dans le nord du Nigeria et certaines parties de la Somalie.
Police des chambres
Une section du code pénal kényan prévoit que quiconque a une « connaissance charnelle… contre l’ordre naturel » peut être emprisonné 14 ans, tandis qu’une autre prévoit cinq ans de prison pour les « pratiques indécentes entre hommes ».
« La loi précise « en public ou en privé », ce qui permet à la police d’entrer dans nos chambres pour enquêter sur ces crimes », affirme Eric Gitari, cofondateur du Conseil national des droits de l’homme pour les homosexuels et lesbiennes (NGLHRC), un des signataires de l’action en justice. »

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« Gender-defined homosexuality »

  • Ce type de comportement est désigné sous le terme du genre défini en fonction du rôle qu’acceptent jouer les individus, en dépit de leur caractère phénotypique et du comportement social qui l’accompagne.

Le monde occidental pouvait alors parler de travestisme, mais nous nous parlons d’homosexualité définie à travers le genre.

En effet

  • la plupart de ces individus préféraient avoir des relations avec les personnes de leur sexe, ou alors c’est la société qui leur en donnait l’autorisation tacite.

Chez les Massai du Kenya par exemple, certains initiés, appelés Sipolio, aimaient sortir vêtus et maquillés en femmes et avaient des relations sexuelles avec les hommes.

  • Il en était de même de certains prêtres comme le ganga-ya-chimbanda qui disait ne pas aimer les femmes et
    • la société acceptait cela comme étant la volonté de Dieu.

C’est le cas aussi pour les religieux en chef des Meru, agriculteurs du Kenya qui portaient le nom de Mugawe, s’habillaient en femmes et parfois épousaient des hommes.

Chez les Zanzibars certains esclaves étaient destinés à jouer ce rôle. Ils étaient ainsi exclus des durs labeurs, bien habillés systématiquement, rendus plus efféminés, ku/ainishwa.

Chez les Zanzibar toujours, il existait même des rites d’inversion à travers la possession des esprits, où les hommes étaient habillés en femmes : ce sont les mashoga (pluriel de shoga voir supra).

De tels rituels semblent alors « marquer la centralité du genre vers l’organisation sociale et les hiérarchies sociales, aussi bien que les limites du croisement de genre deviennent des parts significatives des défis, des expressions et de et de la réinvention de l’ordre social ».

Au Sénégal, de tels individus sont désignés en Wolof gor-digen ou des hommes-femmes, lesquels fournissent de grands efforts pour mériter cette appellation, à grand renfort de maniérismes, tout cela rappelant les femmes au souvenir de tout observateur.

Ils avaient aussi des relations sexuelles avec les hommes, c’est la raison pour laquelle, le Wolof, utilise le même terme pour désigner l’homosexualité : gor-digen et le partenaire insertif homosexuel ou hétérosexuel est désigné par yauss, le partenaire réceptif par oubi c’est-à-dire « ouvert ».

Dans la province du Kasaï oriental, ce rôle alternatif était appelé kitesha désignant les femmes ou les hommes se retrouvant dans lesdits rôles et ayant des relations sexuelles avec les individus de leur sexe.

Dans le Sud de la Zambie, de tels individus étaient désignés mwaami dans la langue Ila. Ils s’habillaient comme des femmes, faisaient des travaux attribués aux femmes, dormaient avec les femmes sans coucher avec elles.

Ils étaient considérés comme des prophètes, c’est d’ailleurs la signification de leur nom.

La pédérastie n’y était pas rare, cependant elle était considérée comme dangereuse, car ils craignaient (les membres de la société) que les jeunes garçons reçoivent des grosseses.

  • Il existait aussi des cas de passage à travers les genres observés dans certains mariages de femmes, veuves et âgées, qui épousaient des jeunes filles pour qu’elles leur procurent une descendance.

Le choix du partenaire de l’autre sexe était fait par le « mari », c’est-à-dire la femme plus âgée qui avait payé la dot de la jeune femme.

Les enfants issus du couple lui appartenaient alors et constituaient sa descendance. Cela se passait lorsque le mari de la veuve était mort sans lui laisser des enfants.

Ce fut par exemple le cas chez les Nuer en Ethiopie84 ; chez les Yoruba au Nigeria ; chez les femmes Zulu, surtout les plus riches ; chez les Nandi du Kenya ou le mari-femme est appelé manong’otiot ; chez les Kikuyu, les Venda d’Afrique du Sud où une telle dot est désignée par Lobola.

Le mariage des femmes était aussi une pratique courante dans la cour du Bénin, et dans le Transvaal en Afrique du Sud.

Il apparaît alors que les femmes plus âgées, ne pouvaient avoir ce droit que parce qu’elles étaient parvenues à traverser le genre social qui leur était attribué.

C’est comme une forme de promotion, puisque dans certaines sociétés comme chez les Nandi du Kenya, ont dit : Katogotogosta Komostab murenik, c’est-à-dire qu’elles sont parvenues à atteindre le même niveau que les hommes.

C’est l’interprétation socio-anthropologique qui peut être apportée ici, pour traduire ces mariages lesbiens où

  • le sexe, faut-il le préciser n’intervenait que par personne interposée, dans le seul but de la procréation, la descendance appartenant alors à la femme plus âgée, de même que la jeune fille, qui était appelée à lui vouer respect et dévouement sans aucune faille.

Les hommes qui traversaient les genres, contrairement aux femmes, avaient des relations sexuelles avec les individus de leur sexe.

Cela était parfois accepté comme chez les Ashanti et dans la plupart des tribus où ces comportements étaient observés, mais parfois aussi, la sodomie était redoutée par crainte d’une grossesse ou à cause de la douleur physique que sa pratique entraînait comme chez les Hottentot par exemple ou encore en Zambie.

A travers tout cela, il ressort que

l’Afrique dans son histoire a connu divers type d’homosexualité : tantôt occasionnelle, tantôt identitaire, tantôt une sexualité s’inscrivant en dehors de l’orthodoxie judéo-chrétienne hétérosexuelle, avec pour particularité que chaque acte sexuel bien défini, dans plusieurs sociétés, était linguistiquement qualifié, donc dans une certaines mesure conceptualisée.

Somme toute, cette partie historique et analytique de la réalité homosexuelle en Afrique, montre que

l’homosexualité n’était pas une réalité conceptualisée dans toutes les sociétés africaines.

Quand bien même c’était le cas, les significations n’étaient pas toujours en accord parfaits avec la conception Occidentale.

Ainsi, tandis que

l’homosexualité en Occident connote la symétrie relationnelle entre homme-homme et femme-femme, en Afrique dans l’histoire elle dénotait une orientation exclusive et temporaire en fonction des classes sociales.

Les sexes n’y étaient pas conçus de manière symétrique.

S’il est donc vrai que

l’homosexualité est et a toujours été de toutes les cultures, sa perception sociale, sa désignation, son interprétation bref sa conceptualisation par contre, n’est pas la même dans tous les horizons sociaux.

Autrement dit,

désigner l’homosexualité dans l’histoire africaine ne peut se faire qu’à partir d’un compromis théorique quant à l’évaluation et la désignation des contenus relatifs à l’objet même de l’homosexualité.

C’est ce compromis qui a été tenté d’être réalisé ici,

  • l’homosexualité étant
    • d’abord identifiée à la lumière de la perception occidentale pour enfin s’en détacher à travers la notion du « Gender-defined role » ; ou encore
    • à travers la notion d’homosexualité chez les Azande et les Mossi où il ne s’agit en réalité que d’une étape homosexuelle pour les individus, pleinement assumée, vers une autre étape :
      • l’hétérosexualité avec au passage la reproduction des schèmes socio-sexuels envers les cadets sociaux et les cadets d’âge.

Comment se présente l’homosexualité de nos jours en Afrique ?

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Manifestations et facteurs explicatifs de l’homosexualité dans les villes d’Afrique contemporaine

Après avoir exploré et essayé de sortir la réalité homosexuelle à travers l’histoire en Afrique de son mythe, il s’agit maintenant de voir comment se manifeste l’homosexualité de nos jours en Afrique, mais aussi de ressortir quelques facteurs sociologiques explicatifs de cette visibilité notoire.

Durant la période coloniale jusqu’à la période post-coloniale, les rites, mœurs, et coutumes qui ont été présentés dans la partie historique de ce travail et relatifs aux diverses formes de pratiques, homosexuelles, ont été longtemps combattus et déniés en Afrique.

  • C’est ainsi que plusieurs pays africains, après les indépendances, et copiant les législations des anciennes puissances coloniales d’alors, interdirent l’homosexualité en la considérant comme un crime passible d’un emprisonnement et d’une forte amende.

L’homosexualité a alors pris en Afrique, « la clé des champs », à tel point que plusieurs esprits ont pensé en toute bonne foi que l’homosexualité n’avait jamais existé en Afrique.

Ils arguaient pour bon nombre d’entre eux,

  • du vide linguistique et conceptuel pour désigner la réalité homosexuelle ; oubliant que

vide conceptuel ne veut pas dire absence de pratique, mais tout au plus, peut signaler que la société ne modèle pas culturellement une telle pratique.

De plus, comme cela vient d’être démontré,

ce ne sont pas toutes les sociétés africaines qui faisaient montre de ce vide conceptuel en matière d’homosexualité, plusieurs s’en démarquaient et continuent de le faire, avec une précision telle que le seul concept d’homosexualité tel que perçu à l’occidentale, pris dans toute sa complexité n’aurait pas suffi à cerner ou à englober les réalités homosexuelles africaines décrites.

La genèse des manifestations ou de la visibilité croissante du fait homosexuel en Afrique est différente, selon que l’on se trouve en Afrique au Sud du Sahara ou en Afrique du Nord.

Le constat qui se dégage cependant et pouvant être généralisé, est que

  • c’est à partir des années quatre vingt que l’homosexualité a commencé à devenir visible en Afrique, notamment dans la partie Sud.

En effet à Cape Town dès 1980, une discothèque pour homosexuels/les voyait le jour et organisait des compétitions de « dragues » ou « drag queen ».

Au Zimbabwe, l’association des « Gays and Lesbians of Zimbabwe » (GALZ) fut mise sur pied dès 1990 avec deux principaux objectifs : promouvoir les services sociaux aux gais et lesbiennes dans le pays, et établir un programme de counselling sur le VIH/SIDA90.

La première « gay pride » (sorte de festival homosexuel) organisée en Afrique eu lieu en Afrique du Sud en octobre 1990, en dépit de l’apartheid dans lequel vivait le pays et en dépit aussi du fait que la sodomie et par extension l’homosexualité était punie et condamnée.

  • En Afrique francophone, c’est avec l’avènement du processus de démocratisation, marquant, entre autres, les libertés individuelles d’expression, de religion et pour certains de choix sexuels, que l’homosexualité a été de plus en plus visible.

Exception faite de la Côte-d’ivoire où dès les années quatre vingt aussi, l’homosexualité était déjà visible, notamment avec le passage à la télévision d’Oscar, un jeune homme qui s’était investi et imitait à la perfection la star Ivoirienne Aïcha Koné. Les journaux « Ivoire Dimanche » et ensuite « Fraternité Matin » emboîtèrent le pas à la télévision à travers des reportages sur ledit Oscar. Nous sommes exactement en 1982, et tout cela semble-t-il avait reçu un écho favorable du public.

Au Cameroun, les lieux de rencontre se sont multipliés, surtout dans les grandes villes : il s’agit le plus souvent de bars, restaurants, de boîtes de nuit…

La première boîte gay fut ouverte en 2002 à Douala (capitale économique du Cameroun), « le Pacific » et fermée parce que le bailleur des lieux voulait y faire un autre investissement.

Une seconde boîte de nuit fut ensuite ouverte dans la ville de Douala toujours, par ailleurs capitale économique.

La boîte de nuit fut également fermée parce que son propriétaire, un Occidental, devait retourner chez lui, laissant au Cameroun son « époux ».

D’après nos enquêtes, une autre boîte de nuit, le « folofolo », est toujours opérationnelle.

L’homosexualité dans le milieu gay au Cameroun est appelée « nkouandengué », néologisme désignant à la fois le concept et l’activité.

A Soweto le terme qui désigne les gays est Sitabane et traduit littéralement un individu ayant deux organes : un hermaphrodite.

Cela s’explique par la dominance de la perception sociale selon laquelle les homosexuels auraient deux organes sexuels.

En Côte-d’Ivoire le réseau de sociabilité est désigné par les homosexuels eux-mêmes par « le milieu ». Bien que « dispersé dans la ville, le milieu ne s’est pas organisé en ghetto, il ne revendique pas non plus une culture gay. La clandestinité n’est pas pour autant une nécessité.

  • Pas de répression policière spécifique, pas de stigmatisation par l’opinion publique : le fait homosexuel suscite principalement la curiosité ».

Cette réalité n’est pas similaire dans les autres villes africaines, où l’homosexualité est réduite à la clandestinité.

Au Kenya le lieu de rencontre principal des homosexuels en ville est dans les toilettes publiques ou encore les « cottages» ou au bord des plages, dans les zones estuaires. Au Cameroun, les homosexuels sont contraints de vivre cachés et de se constituer en réseaux fermés, restreints et pratiquement inaccessibles. Les lieux de rencontres obéissent à des lois internes en fonction des villes, avec une moindre insistance sur le type de quartier. Ils se réunissent pour se divertir comme ils peuvent et où ils peuvent. C’est pourquoi nous appelons leur lieu de rencontre des small g, « g miniature », c’est-à-dire des endroits où l’on rencontre des gays, mais pas exclusivement, certains jours de la semaine et à certaines heures.

C’est ainsi par exemple qu’à Yaoundé, le dimanche à 22 heures, dans un quartier de la ville, la probabilité de rencontrer un grand nombre d’homosexuels est élevée. Ils s’y réunissent dans un bar et utilisent l’expression codée « la messe de 22 h » pour y faire allusion. Aller à la messe le dimanche à Yaoundé dans un certain bar à 22 heures, signifie en d’autres termes faire une sortie pour se rendre dans le milieu gay et établir éventuellement des contacts.

A Bastos au Carrefour, dans un autre quartier de la ville de Yaoundé, les rencontres se font souvent le samedi, à partir de 20 heures.

Les boîtes de nuits et devantures des hôtels sont aussi des lieux privilégiés de grande visibilité de l’homosexualité en action en Afrique.

Il faudrait préciser que la plupart du temps, il s’agit d’homosexualité identitaire exprimée juste parce qu’ « on se sent comme ça ! » ou parce qu’ « on est là dedans ! ».

Tout cela montre que dans bien des cas, le « marché homosexuel » africain qui est encore en devenir à cause des contraintes sociales, tend de plus en plus à s’affirmer, à s’ériger en une sorte de communauté, de sous-cultures, car :

« Il suffit qu’un groupe quelconque d’individus ait un minimum de vie commune, qu’il soit un tant soit peu séparé d’autres groupes, qu’il occupe en petit coin de l’espace social, qu’il se pose les mêmes problèmes et peut-être qu’il ait quelques ennemis en commun pour qu’une culture se développe ».

Internet en Afrique est également un autre lieu de manifestation du fait homosexuel à travers les sites de rencontres gais, lesbiens ou bisexuels.

Au Cameroun, le plus populaire et le plus fréquenté c’est le site « www. cybermen. com ».

Le but avoué des acteurs sociaux s’y rendant est le désir de trouver un partenaire occidental de préférence, qui pourra jouer le rôle de sponsor économique et enfin qui pourra faire voyager en Europe le correspondant.

Ainsi,

l’usage d’Internet par les homosexuels en Afrique, en plus de se divertir ou de faire des recherches autres, apparaît aussi comme une tactique de positionnement favorisant l’accès à un mieux-être supposé se retrouver exclusivement en Occident.

Les prisons sont aussi les endroits privilégiés de l’homosexualité en Afrique.

Il s’agit dans la majeure partie des cas d’homosexualité situationnelle due, semble-t-il, à la promiscuité dans laquelle vivent les prisonniers, à l’absence de partenaires de l’autre sexe et enfin au mauvais traitement.

Pour le dernier aspect, il ressort que les prisonniers qui sont souvent mal nourris, s’engagent dans une lutte à la survie où les plus faibles sont rançonnés et obligés de se soumettre sexuellement en échange de quelque argent.

On assiste à des démonstrations d’autorités où certains caïds, pour établir leur suprématie dans la cellule, soumettent les nouveaux ou les rebelles (prisonniers) à des relations sexuelles anales.

  • D’où la multiplicité des viols à caractère homosexuel sous le regard complice des « gardes-chiourmes » qui est souvent rapporté.

Il apparaît ainsi que l’homosexualité en Afrique, bien qu’étant de plus en plus visible, n’est pas encore affranchie des contraintes « non sexuelles ».

Cette situation par rapport au sida, traîne l’homosexualité en Afrique nécessairement vers la clandestinité, où les risques d’infection sont minimisés tandis que sont optimisées l’efficacité et la réussite des « sorties » dans le « milieu ».

Cette réussite est matérialisée par la possibilité de rencontrer un partenaire, car dans ces marchés sexuels, « on traque orgasme contre orgasme », le temps étant littéralement compté.

Toute cette situation voue plusieurs homosexuels en Afrique à « une gestion complexe de (leur) vie, (les) contraignant souvent à une double vie, voire à des vies multiples ».

Certains auteurs pour désigner cette double vie, ont alors parler de « stratégie de discrétion » de la part de ces individus qui optent alors pour « le « choix » d’une visibilité hétérosexuelle pouvant induire des rapports clandestins avec les hommes ».

A ce stade,

  • l’ensemble des normes sociales et personnelles inatteignables est transformé, à travers des tactiques symboliques basées sur la rationalité mises en œuvre, pour créer une autre forme de normativité, laquelle possède une cohérence pour les individus qui procèdent par de tels bricolages et autres arrangements identitaires successifs.

Cela va servir de paravent, pour ne plus se heurter de front à des sanctions ou à des tensions sociales qui s’érigent contre l’activité homosexuelle dans la société.

C’est dire à ce niveau que ces normes idéelles instituées par la société et inculquées à travers la socialisation de l’individu se trouvent être supplantées par la norme du désir et de l’attirance liée à l’orientation sexuelle :

  • la norme pratiquée et pas nécessairement pratique en cas de rapport sexuel non protégé.

Malgré l’hostilité généralisée contre l’homosexualité en Afrique – en dehors de l’Afrique du Sud et de la Côte-d’Ivoire-, qu’est-ce qui peut expliquer une telle visibilité ?

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De quelques facteurs sociologiques explicatifs de la visibilité homosexuelle en Afrique

Les facteurs sociologiques explicatifs de la propension croissante et visible à l’homosexualité en Afrique sont nombreux. Pour les besoins de ce travail, il ne sera retenu que trois facteurs qui apparaissent capitaux.

Le premier facteur explicatif de cette visibilité de la manifestation homosexuelle en Afrique est celui de l’influence des productions des médias, surtout les médias étrangers qui sont reçus en terre africaine.

Ceux-ci irriguent d’images fortes et brutales, alimentent le subconscient et l’imaginaire des africains.

Loin d’être neutres, ils amplifient ou valorisent certaines représentations au détriment d’autres.

Les individus les plus exposés à l’impact des médias, sont ceux qui sont en mesure de se procurer des journaux, un appareil récepteur de radio ou de télévision, parfois couplé aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

  • Ceux-ci en s’y exposant, finissent par avoir un large champ de perception des réalités et schèmes de pensées présentés, qui ne sont pas toujours en harmonie avec les modèles de leur groupe d’appartenance.
  • Ils sont ainsi considérés comme exutoire chez certaines populations, pour combler leurs insatisfactions. C’est ainsi que,

« Par un mécanisme de « catharsis » ou d’identification-projection, les gens en viennent à ne plus « penser » et agir qu’à partir des schémas, des images et des symboles élaborés à l’extérieur et qui, faute de trouver localement des contrepoids crédibles, sont susceptibles de modifier considérablement le comportement ».

Ils s’entourent alors de l’illusion selon laquelle dans le fond, les médias pensent comme eux.

Autrement dit,

  • les médias expriment tout haut, ce qu’ils auraient ou qu’ils ont toujours pensé tout bas.

Toujours est-il que ces modèles nouveaux que proposent les médias, dans une époque idéologique de mondialisation des cultures, sont susceptibles d’influencer d’une certaine manière les représentations.

Pour les individus, faire comme ils ont vu dans les médias apparaît comme la manifestation d’un alibi discursif, permettant de sortir de la double tactique dans laquelle sont entrés de nombreux africains pour masquer leur vie homosexuelle réelle.

  • Ils sont par là même encouragés par ce qu’ils observent dans les médias, et par ce qu’ils croient à tort ou à raison être la réalité homosexuelle occidentale.

Cette visibilisation de l’homosexualité qu’ont incité les médias en Afrique, est aussi l’expression d’une reconnaissance sociale qui ne veut toujours pas dire son nom.

Le flux des productions médiatiques étrangères qui se déverse en Afrique, a trouvé un champ social en état de crise.

La crise sociale apparaît ainsi comme le deuxième facteur explicatif de la visibilité accrue de l’homosexualité dans la sphère sociale africaine.

L’Afrique est en crise, elle vit la crise depuis les années quatre vingt.

La crise ou le concept de crise se présente comme un moment de perturbations, de graves difficultés, de turbulences, de tensions et de conflits que connaît une société à un moment donné.

En effet,

l’étymologie du mot crise est en lui-même révélateur de ce qui précède. Il est issu du jargon médical et vient du grec « krisis » qui veut dire étape décisive, moment critique.

C’est donc un moment décisif dans l’évolution d’une maladie, moment décisif qui à son tour détermine l’issue de l’évolution de ladite maladie.

C’est pourquoi, transposée dans le champ social, la crise est cet état qui provoque une série de déséquilibres, de troubles, de malheurs ou de dysfonctionnements sociaux.

Au plan économique, malgré quelques indicateurs encourageants pour certains Etats où la tendance économique est à la reprise, il en ressort que cette relance est encore au niveau macro-économique, le quotidien des individus étant pour la majeure partie, stable, c’est-à-dire économiquement très faible.

En Afrique donc, certains individus confrontés à la misère sont parvenus à développer des tactiques de survie.

Ainsi certains homosexuels, comme c’est le cas au Cameroun, pensent que le « nkouandengué donne l’argent », entendez l’homosexualité est source d’enrichissement, de capitalisation économique pour devenir riche matériellement.

  • Cette croyance trouve son origine loin dans le temps et elle place ainsi l’homosexualité comme un fétichisme fallacieux, capable d’apporter les gains.

En effet, chez les Pangwé, groupe Fang du Cameroun, Gabon et de la Guinée Equatoriale, l’homosexualité était vue comme une « médecine de richesse ». On croyait que les partenaires qui se livraient aux actes homosexuels devenaient riches.

  • L’explication sociale qui en ressortait venait du fait même de la solidarité africaine et du support mutuel entre deux amis, car la richesse pouvait être facilement accumulée et amassée à deux, plutôt que seul.

Cependant, la croyance moderne africaine selon laquelle l’homosexualité donne de l’argent ne s’inscrit pas dans le continuum de la perception des Pangwé. Elle se porte même en faux contre elle, car l’homosexualité à ce niveau est utilisée en guise de moyen et de fin en même temps, pour subvenir aux besoins des individus.

  • La crise a poussé certains individus homosexuels en Afrique, à se faire de plus en plus voir notamment dans les grands hôtels, les boîtes de nuit à la recherche de clients, européens de préférence.

C’est ce qui peut aussi être observé quand certains homosexuels africains vont surfer sur les sites de dialogue gais. Ils recherchent, pour bon nombre d’entre eux, des partenaires européens riches, susceptibles de leur faire vivre leur rêve et de leur permettre de libérer leur sexualité en Occident, sans plus avoir besoin d’user de la tactique de camouflage.

  • Celle-ci consiste à se doter d’un partenaire de l’autre sexe, pour masquer à l’entourage social sa véritable identité homosexuelle.
  • Le partenaire de camouflage est alors désigné dans certains milieux gais au Cameroun le « nfinga » c’est-à-dire littéralement la couverture.

Plusieurs sociétés africaines ont prohibé juridiquement l’homosexualité. Cependant dans certaines d’entre elles, les condamnations des individus pour cause d’homosexualité sont quasi inexistantes, malgré les visibilités grandissantes des plus manifestes, comme cela a été souligné plus haut.

  • C’est pourquoi l’action répressive laxiste, en rapport avec le contenu des lois qui interdisent l’homosexualité en Afrique, apparaît aussi comme facteur sociologique générateur de cette propension croissante et observable à l’homosexualité.

En effet, certains pouvoirs africains ont adopté une politique de conspiration, de mutisme, dans le dessein de voir banni du réel ce qui est officiellement interdit et officieusement pratiqué par certains acteurs sociaux.

Cependant, par ricochet, ces mêmes acteurs sociaux ont pensé que les politiques étaient de leur côté, et ont continué d’entretenir cette illusion à force de rumeurs évoquant l’homosexualité avérée ou non de certains acteurs politiques.

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« Assis dans son petit bureau, installé sur une des collines qui entourent la capitale camerounaise, Jean-Pierre Amougou Belinga fait partie de ceux qui ont récemment découvert le filon des «homos» dénoncés et l’exploite à fond. Il y a trois semaines, son hebdomadaire, l’Anecdote, jusqu’ici quasi inconnu, a publié un «Top 50 des homosexuels présumés du Cameroun». Au menu : des ministres, des hauts fonctionnaires, des hommes d’affaires, des évêques, des musiciens, des sportifs et même… des morts ! Depuis, ce journal bat tous les records de vente : le dernier numéro a été imprimé à 40 000 exemplaires, contre 6 000 pour les quotidiens les plus lus. Lorsque les stocks sont épuisés, les photocopieuses prennent le relais des rotatives. Et les copies se monnayent à un tarif parfois vingt fois plus élevé que l’original.
Déontologie. Si les trois quotidiens privés nationaux ont condamné le manque de déontologie de l’Anecdote, plusieurs autres publications n’ont pas eu ces pudeurs : «Voici les pédés de chez nous», «l’épouse d’un ministre homosexuel en larmes»… Chaque jour, un journal s’épanche sur le sujet.
Les victimes de ces dénonciations commencent à saisir la justice. Hier, le tribunal de Yaoundé a enregistré les plaintes en diffamation de cinq ministres ou ex-ministres, dont celle de l’ex-secrétaire général de l’Organisation de l’Union africaine (OUA) William Eteki Mboumoua. Dans la presse, un haut fonctionnaire se défend : «Je ne suis pas homosexuel, je ne l’ai jamais été et je n’envisage pas de l’être. Ceci par éducation, culture, conviction personnelle, philosophique et religieuse.» Son indignation est à la mesure de ce que représente l’homosexualité au Cameroun : interdite et passible de cinq ans d’emprisonnement. Mal connue surtout, elle est considérée au mieux comme une «déviance» venue d’Occident, au pire comme une ignominie dont on ne parle pas. «J’ai des amis qui sont homos. Mais comme je ne peux pas leur dire que je le sais, ils continuent à vivre avec leur secret devant moi. A la fac, un de mes meilleurs potes était homo. Je l’ai su bien après, grâce à celle qui faisait semblant d’être sa copine et qui elle-même est lesbienne», témoigne un jeune Camerounais.
En réalité, davantage que la question de l’homosexualité, ce sont les rumeurs circulant depuis une dizaine d’années qui tiennent aujourd’hui les lecteurs en haleine : «Ce que nous dénonçons, ce n’est pas l’homosexualité en tant que telle, mais l’usage de pratiques homosexuelles auxquelles sont obligés de se soumettre ceux qui veulent entrer dans des écoles, ou accéder à un poste de responsabilité», tente de se justifier le patron de l’Anecdote. Selon lui, le pays serait entre les mains de «cercles homosexuels sataniques» . «Ce qu’on dit tout haut aujourd’hui, on le chuchotait depuis longtemps. Tout le monde savait que si untel avait eu un poste, ce n’était pas pour ses éventuelles compétences, mais pour autre chose», commente, dégoûtée, Catherine, agent de santé dans un hôpital de Yaoundé.
Réalité ou fantasme ? Cette affaire révèle le profond désarroi de la société camerounaise. Confronté depuis vingt ans à une crise économique et sociale, gangrené par la corruption, gouverné par un régime qui semble inamovible (le président Paul Biya est au pouvoir depuis 1982), le pays est mal en point. Les mécanismes de la mobilité sociale sont en panne, et les modalités de promotion apparaissent de plus en plus obscures pour le citoyen ordinaire.
Fantasmes. Dès lors, ceux qui réussissent sont, aux yeux des autres, forcément passés par une compromission honteuse. «Les fantasmes sur l’homosexualité qui ressortent aujourd’hui succèdent aux rumeurs et aux pouvoirs prêtés à des réseaux ésotériques au Cameroun, explique Fred Eboko, un politologue. Ils traduisent les questions sans réponse des Camerounais sur leur avenir et la manière avec laquelle ils peuvent progresser et élever leurs enfants.» Selon certains analystes, cette effervescence s’expliquerait aussi par des règlements de comptes au sein du régime, dans la perspective de la succession du président Biya. Depuis la publication des listes , les journalistes de l’Anecdote bénéficient d’une protection policière. « 


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« Entretien avec l’avocate Me Alice Nkom, présidente de l’association pour la défense des droits des homosexuels au Cameroun. Elle fait partie du duo d’avocats en charge de la défense de deux jeunes hommes arrêtés et incarcérés fin juillet à Youndé pour leur homosexualité supposée.
Présidente de l’association pour la défense des droits des homosexuels (ADEFHO) au Cameroun, Alice Nkom fait partie du duo d’avocats qui défend les deux jeunes hommes, âgés de 19 et 22 ans, arrêtés à Yaoundé dans la nuit du 25 au 26 juillet pour leur apparence efféminée. Déférés au parquet le 1er août, leurs avocats ont réclamé leur liberté provisoire en attendant le procès prévu le 27 septembre, mais la demande a été rejetée le 23 août par le tribunal de première instance. L’avocate au barreau du Cameroun revient sur cette audience et parle de l’homosexualité dans le pays. »


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« Un jeune homme s’active derrière une photocopieuse, serein et jovial. Et l’appareil crache sans interruption des pages du journal L’Anecdote. « C’est un journal qui est très demandé », lance une dame, plus que quinquagénaire, responsable de l’établissement situé au centre-ville de Yaoundé, où l’on vend aussi bien des boissons gazeuses, des recharges de cartes téléphoniques que des journaux. Très demandé, au point que les commerçants au flair exercé se prémunissent des pénuries déjà certaines à leurs yeux en multipliant les photocopies proposées aux lecteurs. L’exemplaire de cet « hebdomadaire d’enquêtes et d’informations » est habituellement vendu au prix de 300 Fcfa. L’édition de ce mardi 31 janvier dévoile en une « la suite de la liste des homosexuels ». Elle se vend 500 Fcfa. Le même prix que sa version photocopiée.
Ce même jour, Jean-Pierre Amougou Belinga, le directeur de publication donne une conférence de presse annoncée à grands renforts de publicité. Le rendez-vous est assez couru. Et les révélations attendues plutôt maigres. Si l’on excepte une série d’affirmations vagues. « Nous avons les preuves de ce que nous avons écrit », lance le conférencier. Et d’ajouter, en guise de « preuve » : « des épouses de ces gens nous ont contactés. Ce n’est pas encore le moment d’aller plus loin. C’est aussi une question de stratégie». Dans l’édition du jour, qui reprend pour la compléter une liste parue dans le précédent numéro, se côtoient des « lettres d’encouragement » attribuées à des lecteurs visiblement peu soucieux de s’étendre sur leurs adresses, et deux « droits de réponse », en forme de démentis. Parmi les personnes qui disent avoir été injustement mises en cause : Grégoire Owona, ministre délégué à la présidence de la République, secrétaire général-adjoint du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), et Rosine Ebessa, animatrice de radio et musicienne.
Trois semaines que les grandes villes vivent au rythme des « révélations » sur l’homosexualité. Trois supports, à la périodicité souvent aléatoire servent, à longueur de colonnes, des « listes des homosexuels » du pays. Au départ, c’était La Météo, titrant : « Homosexualité au sommet de l’Etat ». Puis, ce fut au tour de Nouvelle Afrique, de publier « la liste des pédés ». Enfin, l’Anecdote annonçait rien moins que le « top 50 des homosexuels présumés du Cameroun », avant de récidiver. Des noms : depuis les grands commis de l’Etat jusqu’aux musiciens, en passant par des cadres d’entreprise. Des morts aussi. Juste des listes. Pas de faits établis. Au mieux des reprises d’articles sur la franc-maçonnerie en guise d’« investigations ». Un succès populaire, autant qu’une supercherie professionnelle, selon des observateurs. »


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« Plusieurs journaux à scandale camerounais publient depuis plusieurs semaines des listes de personnalités accusées de « déviance ». Des « révélations » qui se vendent à prix d’or et nourrissent les conversations dans un pays où l’homosexualité est punie par la loi. Personne n’y échappe. Politiques, cadres d’entreprises, musiciens sont la cible de journaux privés à scandale camerounais qui, depuis plusieurs semaines, publient des listes de personnalités accusées de « déviances » . Même des religieux sont mis en cause. C’est le bimensuel La Météo qui a lancé le premier, à la mi-janvier, cette chasse aux sorcières avec un dossier sur les homosexuels camerounais. Deux autres journaux peu connus pour leur déontologie, Nouvelle Afrique et L’Anecdote, lui ont emboîté le pas, le premier sous le titre « Voici les pédés de chez nous », le second en affichant « Déviance : la liste complète des homosexuels du Cameroun ».
Citées selon de « bonnes sources » jamais identifiées, ces personnalités auraient eu des rapports avec des personnes du même sexe pour décrocher des promotions. Des « révélations » qui ont aussitôt nourri les conversations. « Il est bon que l’on sache, afin que chacun puisse éviter ces chemins de la dépravation », plaide ainsi Dupleix Kuenzob, du Service œcuménique pour la paix, une ONG habituellement engagée dans la défense des droits humains. »

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« Roger Mbédé, mort le 10 janvier à l’âge de 34 ans, dans une chambre de la maison familiale, à Ngoumou, sa ville natale dans le nord du Cameroun, est l’un des symboles de la lutte que mènent les homosexuels sur le continent africain. Sa mort serait due à des mauvais traitements subis au cours de sa détention et à l’insuffisance de soins reçus à sa sortie de prison. Aucune autopsie n’a toutefois été pratiquée avant que son corps ne soit inhumé, lundi 13 janvier, et sa mort reste entourée d’interrogations. En 2011, Roger Mbédé avait été condamné par la justice camerounaise à purgerune peine de trois ans d’emprisonnement pour avoir envoyé par SMS « Je suis très amoureux de toi » à un autre homme. Provisoirement libéré en juillet 2012, après une détérioration de son état de santé, il fut pris en charge par un hôpital de Yaoundé. Mais n’ayant pas les moyens de payer les soins, il a dû quitter l’hôpital et partir vers le nord du pays.
Son avocate, Me Alice Nkom, a relaté à la chaîne France 24 les obstacles qu’elle a dû surmonter pour lui venir en aide dans les jours précédant sa mort : « Roger Mbédé s’était réfugié là [à Ngoumou] car il y avait un mandat d’arrêt qui faisait qu’il pouvait être arrêté à tout moment. Il nous a alors annoncé la mauvaise nouvelle : il était séquestré. La famille nous accusait, mon association et moi, d’avoir passé un pacte avec le diable. Il fallait qu’on leur ramène toutes les photos, toutes lesvidéos où l’on voyait Roger Mbédé et où l’on parlait de son homosexualité. On était en train d’envisager comment l’extraire de cet endroit, on a même pensé àenvoyer une ambulance avec des gardes du corps. Et puis, on a appris la nouvelle. » Me Nkom est elle-même une figure de la lutte pour la défense des droits de la communauté homosexuelle au Cameroun. Lauréate du prix des droits de l’homme d’Amnesty International en 2013, régulièrement menacée de mort, elle bataille depuis plusieurs années pour changer tant les mentalités que les lois qui pénalisent l’homosexualité au Cameroun.
La mort de Roger Mbédé comme les difficultés de son avocate constituent une nouvelle illustration du statut extrêmement précaire des personnes homosexuelles et de ceux qui les défendent au Cameroun et dans le reste de l’Afrique. Le cas du militant Eric Lembembe, dont le cadavre mutilé avait été découvert à Yaoundé à l’été 2013, avait particulièrement choqué hors des frontières du Cameroun. De nombreux diplomates étrangers, dont l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé, avaient assisté à ses obsèques et manifesté leur inquiétude quant à la montée des violences perpétrées à l’encontre de personnes homosexuelles dans le pays. Une semaine plus tard, deux jeunes hommes homosexuels, dont un mineur, étaient condamnés par un tribunal de Yaoundé à des peines de deux ans de prison ferme et d’un an de prison avec sursis.
Selon la loi camerounaise, être homosexuel est passible de 5 ans d’emprisonnement. Si la majorité des pays africains limitent les droits des homosexuels (au Nigeria comme en Ouganda, ils pourraient prochainement êtrede nouveau restreints), certains font figure d’exceptions comme l’Afrique du Sud, seul Etat du continent à avoir autorisé le mariage homosexuel mais où les violences perpétrées à l’encontre des homosexuels perdurent.
Le rejet par les sociétés peut s’avérer plus destructeur encore que la menace des tribunaux. Un certain conservatisme religieux au sein de nombreux pays, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, explique en partie le regard porté sur les pratiques homosexuelles. Le sociologue Charles Gueboguo interprète le sentiment anti-homosexuel prégnant dans la population camerounaise comme une tentative de construire une identité culturelle « originelle ». »


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« Une centaine d’homosexuels sont arrêtés chaque année au Cameroun. Sept sont actuellement incarcérés à Yaoundé. Cette traque homophobe risque de persister encore longtemps dans le pays. Le gouvernement envisage de faire passer la peine de prison pour homosexualité de 5 à 15 ans en cas de « circonstances aggravantes ». Comment vit-on aujourd’hui au Cameroun lorsque l’on est gay ? Témoignages. »


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« L’avocate camerounaise Alice Nkom est connue au Cameroun comme l’une des rares personnes à lutter contre la répression de l’homosexualité. Elle révèle ce 1er janvier 2013 craindre pour sa propre vie. La présidente de l’association pour la défense des droits des homosexuels (ADEFHO) au Cameroun se dit victime de messages la menaçant de mort et provenant d’inconnus. »

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« La cabale anti-homosexuelle agirait à la façon d’un « […] bouc-émissaire comparable au rituel d’inversion qui permet au groupe de trouver des objets de substitution vers lesquels s’évacuent les conflits et les tensions sociales dans un moment où l’ascenseur social semble bloqué . Si d’autres arguments de rejet de cette orientation sexuelle, comme celui de l’« inauthenticité […], c’est-à-dire son extériorité à la culture africaine » sont évoqués, la plupart des analyses voient prioritairement dans l’« affaire des listes » un affrontement par presse interposée entre l’élite politique et une partie de la population. Pour Fabien Eboussi, cette pratique de listes a constitué « une occasion favorable pour poser de graves et décisifs problèmes politiques concernant la légitimité de ceux qui sont au pouvoir par la manifestation au “peuple camerounais” de leur indignité morale ». Ainsi, en citant nommément parmi l’élite nationale les auteurs présumés d’une « pratique immorale » du point de vue des représentations collectives, les journalistes désigneraient les « coupables » de la dérive du pays. Accuser ces personnes de s’adonner à une « pratique honteuse » reviendrait à dénoncer publiquement la défaillance d’hommes de pouvoir suspectés d’avoir transgressé la loi dans un contexte où l’homosexualité est prohibée . De la sorte, « c’est aussi poser la question de leur désignation, des mécanismes qui ont présidé à leur sélection et hypothéquer leur longévité au poste qui leur a été confié ». Si les ministres et autres directeurs généraux listés sont « coupables » de tels délits, cela questionne l’État. Mais en se focalisant autant sur la dimension apparente d’affrontement entre la presse et les détenteurs du pouvoir, l’analyse élude certaines des autres dynamiques de cet événement. L’opposition entre presse privée et milieu politique néglige par exemple les facteurs liés au monde des médias lui-même, dont les luttes intestines influencent de façon déterminante certains choix éditoriaux populistes, qui à leur tour affectent la vie publique en faisant courir un risque au projet démocratique. » – Awondo, P. (2012). Médias, politique et homosexualité au Cameroun. Retour sur la construction d’une controverse. Politique africaine, 126(2), 69-85. 

source (3)

  • La visibilité trouve sa motivation dans le fait que ces individus pensent que les politiques sont comme eux, c’est-à-dire qu’ils sont aussi homosexuels.

C’est pourquoi ils les citent comme des modèles, des exemples à suivre sexuellement.

Fort de tout cela, certains pouvoirs en Afrique, en raison de leur mutisme sur cette visibilisation de l’homosexualité en leur terroir, mutisme qui se manifeste par une faible fréquence des sanctions légales négatives à l’endroit d’actes homosexuels, apparaissent eux-mêmes comme ceux qui promeuvent cet état de chose.

En définitive,

l’homosexualité en Afrique à travers l’histoire ou de nos jours, est loin d’être une construction mythique. C’est une réalité palpable et visible.

C’est le fait de vouloir nier son existence au début par les occidentaux, ensuite par les africains eux-mêmes, qui relève d’une construction mythique dont le but de cet article était de dé-« mythifier », mais aussi d’essayer de donner une sens sociologique à ses manifestations dans les sociétés africaines contemporaines. »

– Charles Gueboguo, « L’homosexualité en Afrique : sens et variations d’hirer à nos jours », Socio-logos [En ligne], 1 | 2006, mis en ligne le 09 octobre 2008,  URL : http://journals.openedition.org/socio-logos/37

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« L’hostilité à l’égard de l’homosexualité n’a pas toujours été la norme en Afrique. Elle est une réalité héritée en majeure partie de la colonisation, comme l’explique Trésor Ntore : « On a souvent tendance à dire que l’homosexualité a été amenée par les Occidentaux, alors que c’est l’homophobie qui a été amenée par le christianisme, imposé au temps de la colonisation« .
Shirley Souagnon explique même qu’avant cette période, l’homosexualité existait déjà, et prend l’exemple de son père « qui s’est rendu compte que son homophobie était liée à des angoisses liées à l’extérieur, et pas à sa propre personnalité ». Elle précise : « Mon père savait qu’avant la colonisation et l’esclavage, existaient des peuples noirs, non-genrés et de différentes orientations sexuelles. J’ai la chance d’avoir un père instruit qui fait qu’au-delà du fait qu’il ait la foi, dans l’islam, il n’oublie pas d’où il vient, ni qui il est », dit-elle dans le troisième épisode de la série. »


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« De purs hommes (Philippe Rey), un titre choisi par ironie sur la question de la « pureté » en opposition avec son contraire qu’on associe dans bien des lieux du monde encore à l’homosexualité, est le troisième roman du jeune Sénégalais. Il se sent en terrain ami à Genève où le prix Kourouma lui a été remis en 2015 pour Terre ceinte , paru aux éditions Présence africaine, et qui nous menait au cœur des enjeux de la radicalisation de la jeunesse dans un pays subsaharien, en décrivant les ravages qu’il provoquait dans une famille. Dans le deuxième, tout récemment couronné par le prix de la Porte dorée, ce sont les migrants dont il incarne le quotidien, avec de formidables personnages et une narration peut-être un peu trop en chair, mais qui n’enlève pas sa qualité de fond à ce Silence du chœur, toujours chez Présence africaine, qui confirme le talent de l’écrivain.
Il revient en librairie dans une coédition Philippe Rey (France)-Jimsaan (Sénégal), avec un livre totalement différent, mais tout aussi ancré dans les problématiques de son continent d’origine. Mohamed Mbougar Sarr a la dent dure, l’écriture transgressive, sa lucidité ne laisse rien passer, et le fait que cet étudiant en philosophie soit installé à Paris ne l’éloigne pas, peut-être même le contraire, comme on le voit souvent, de la réalité de sa société. Ce livre, explique-t-il, est peut-être l’un des premiers sujets sur lesquels il aurait pu écrire, sans se douter qu’il deviendrait un écrivain reconnu aujourd’hui, quand il a découvert une vidéo au Sénégal en 2008, montrant le cadavre d’un supposé homosexuel en train d’être déterré du cimetière musulman par une foule haineuse. C’est ainsi que s’ouvre De purs hommes, dont le narrateur, Ndéné, est un peu à l’image de l’auteur à l’époque, relativement compréhensif par rapport à cet acte violent contre l’homosexuel, celui qu’on nomme en wolof « goor jigeen », homme-femme. Sa compagne, la libre Rama, sensuelle, bisexuelle, en veut à Ndéné de ne pas se révolter aussitôt contre le sort réservé à cet homme.
Mohamed Mbougar Sarr confie qu’il n’était pas loin, à l’époque, de réagir comme son personnage. Et que cette affaire lui a permis d’entamer pour lui-même une réflexion sur la question de l’homosexualité dans son pays. Des années plus tard, il en fait ce roman à la fois documenté, palpitant, audacieux dans sa liberté à décrire la sexualité, d’une modernité de point de vue et de langage percutante. Il offre une véritable plongée dans la société sénégalaise au miroir de son rapport à ceux qui dérangent. »

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« […] L’animisme et le déni de l’existence de l’homosexualité

Les convictions homophobes au Cameroun sont fondées sur l’idée reçue selon laquelle l’homosexualité est une importation co­loniale.

Elle relaie la fameuse théorie de l’origine occidentale de l’homosexualité. Selon cette théorie, les sociétés animistes d’Afrique ne connaissaient pas de souillure homosexuelle jusqu’au(x) contact(s) avec l’Occident.

Considérée comme l’apanage des sociétés occidentales, l’homosexualité aurait été introduite en Afrique par des colons vicieux, lorsqu’elle n’a pas été tout simplement promue par une certaine élite africaine sous l’emprise de « la fascination de l’Occident » (Njoh Mouelle, 1998 : 44).

On a parlé d’« exception culturelle », en insistant sur l’influence décisive des « dynamiques du dehors » dans l’émergence contemporaine de l’homosexualité dans l’espace public camerounais.

  • Cet argument a par exemple été évoqué par « Les jeunes du Cameroun » parrainés par le mouvement œcuménique pour s’opposer à l’émergence de la question homosexuelle dans l’espace public national.

Aussi avaient‑ils publié un mémorandum intitulé « Les jeunes du Cameroun disent non à l’homosexualité ».

Ils faisaient explicitement allusion à ce concept d’« exception culturelle » pour relayer le mythe d’une Afrique traditionnellement homophobe du fait de l’animisme.

L’homophobie ambiante reste d’abord perçue comme relevant d’un décret divin. Elle est aussi l’expression de « l’exception culturelle camerounaise » (Akana, 2007 : 251).

Sous ce rapport, elle participe en réalité d’une forme d’usage plus ou moins opportuniste du relativisme culturel. Mobilisé par « Les jeunes du Cameroun », le paradigme « différentialiste des cultural studies » est mis à contribution pour revendiquer « leur identité propre à la lumière des éclairages des traditions africaines ».

Le mythe de l’Afrique vierge de toute souillure suggère aussi que les sociétés africaines en général et camerounaises en particulier ne connaissaient pas les pratiques homosexuelles parce qu’aucune d’elles n’avait explicitement nommé la chose.

  • Cette forme de déni homologique est problématique dans la mesure où elle est assortie d’un biais épistémologique : le nominalisme.

‪Certes, comme le soulignent S. Murray et W. Roscoe (‪ ‪ibid.‪ ‪ : 149-162),

« Among the many myths Europeans have created about Africa, the myth that homosexuality is absent or incidental in Africa societies is one of the oldest and most enduring ».

‪Mais, en réalité,

« le mythe savamment élaboré d’une Afrique qui n’aurait jamais connu l’homosexualité » (Gueboguo, 2009 : 192) n’est qu’une idée reçue sans véritable référence à la réalité car, comme l’a observé Marc Oraison « l’homosexualité est de tout temps et de toute culture » (1975 : 49).

  • Ce n’est donc pas parce qu’on n’a pas expressément nommé la chose qu’elle n’a jamais existé.

Toujours est-il qu’elle fait l’objet d’usages politiques et pour cela même, elle suscite une inflation de liturgies homophobes.

Les usages politiques de l’homosexualité

Le discours qui entretient « l’homophobie populaire au Cameroun » suggère que l’homosexualité est une forme de relation de rente.

Vraisemblablement,

  • un commerce sexuel atypique qui crée des passerelles entre les « aînés sociaux » et les « cadets sociaux » se serait développé dans le cadre de l’émergence des minorités sexuelles.

Dans un contexte socio-économique qui a imposé de rudes conditions de vie aux populations, l’homosexualité serait devenue un moyen de survie, un rite conditionnant l’ascension sociale promu par des réseaux dont les points focaux se situeraient aussi bien dans la haute administration que dans l’establishment politique.

Fanny Pigeaud (2011 : 11) signale à ce propos que

  • « l’homosexualité existe dans l’administration camerounaise depuis les années 1950. Mais cela n’a jamais atteint les niveaux de ces dernières années ».

Une source révèle dans un récit de vie mentionné par cet auteur que

  • « [Les gouvernants] ne sont pas sans reproche dans ce qui se passe dans l’administration, par exemple, dans la police pour avoir un poste, on vous demande de baisser le pantalon » (ibid. : 11).

C’est l’imbrication entre sexualité et politique qui est ici sujette à caution.

Certes, d’un point de vue scientifique, Murray Edelman (1991 : 161), se référant à Michel Foucault, a pu démontrer que

« la sexualité est toujours politique, car elle instaure des liens, des tensions, des hostilités et des contraintes et engendre des symboles de l’idéal et du répugnant ».

Mais, le fait que l’homosexualité soit perçue comme

  • un instrument de domination et de mobilité sociale dans une perspective clientéliste ne peut que susciter des comportements homophobes.

Cette forme d’homophobie est l’expression par excellence de la satire de l’homosexualité qualifiée de « rite de passage » (Gennep, 1902).

De ce point de vue,

elle apparaît comme une stratégie de mobilité sociale censée permettre le contournement des obstacles sociaux.

  • L’« homosexualité politique » (Toulou, 2007 : 90) est ainsi considérée comme la forme la plus pernicieuse de sexualité dans la mesure où elle relèverait de « la dictature des minorités ».

Sans doute conscients des obstacles sur lesquels achoppent toutes les velléités de légitimation sociale de l’homosexualité, certaines élites politiques auraient choisi de promouvoir autrement cette sexualité « asociale ».

Leurs positions sociales et leurs capacités de redistribution seraient mises à contribution. Or,

dans les représentations populaires, les rapports homosexuels ou la pratique de la sodomie sont liés à un pacte de domination et de soumission qui peut être conclu dans la sphère politique.

Dans le cadre de la quête d’autorité, de l’exercice de la domination ou de la matérialisation du pouvoir, « l’homosexuel actif » peut arriver à soumettre « l’homosexuel passif » par ce rite.

« Le sodomisé », c’est-à-dire « l’homosexuel passif » perd son autorité, « ses chances » et les troque avec « le sodomiseur », c’est‑à-dire « l’homosexuel actif » contre des biens matériels ou symboliques, une promotion ou un recrutement dans une grande école, dans une administration publique ou privée.

Sous ce rapport, « la pratique de la pénétration anale […] devient de facto l’une des affirmations de la libido dominanti » souligne Charles Gueboguo (2007 : 58) reprenant une expression chère à Pierre Bourdieu (op. cit.).

Dans le contexte camerounais de clientélisme politique, cette homosexualité de rente serait une pratique éminemment élitiste :

  • ce serait avant tout une (homo)sexualité transactionnelle.

D’ailleurs, on a pu relever que

« la haute bourgeoisie administrative et des affaires en a [ensuite] fait une pratique sexuelle de luxe et même de classe » (Abéga, 2007 : 105).

Le récit d’un ancien commissaire de police, désormais en exil au Canada l’indique suffisamment :

On me l’a demandé à moi sans succès [déclare t-il]. On me proposait un poste à la présidence de la République à condition que j’accepte de baisser la culotte. C’était quelqu’un dans la haute hiérarchie qui me faisait cette proposition. […]. C’est un malaise réel au Cameroun [poursuit-il]. Cela est vrai dans l’administration comme dans les entreprises privées conclut-il (cité par Pigeaud, op. cit. : 11).

Dans cette perspective,

les campagnes homophobes apparaissent comme l’expression du refus de l’assujettissement et de la soumission par « la souillure ». C’est aussi la contestation de l’humiliation de la pénétration anale, de « la sodomie ». C’est cette sorte d’« homocratie » que condamnent les ministres du culte.

source

L’inflation des liturgies homophobes

Sous une forme satirique,

  • elles expriment une indignation contre des pratiques homosexuelles constituées en outils de chantage politique.

On a assisté à une véritable inflation de liturgies homophobes depuis qu’il a été rapporté qu’avant sa célèbre homélie du 25 décembre 2005, l’archevêque de Yaoundé avait été saisi de plus de 3 000 dénonciations (Tonyé Bakot, 2012 : 70).

C’est ainsi que Mgr Victor Tonyé Bakot avait condamné le fait que

« pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint [les] jeunes à l’homosexualité. [C’est] un vrai chantage alimentaire, […] un honteux clientélisme » (ibid. : 70).

Il s’était aussi employé à dénoncer et à condamner

les « hauts responsables » qui se livrent à des pratiques « sataniques » notamment l’assassinat des jeunes enfants pour boire leur sang et manger leurs organes, l’inceste, la pédophilie, mais aussi et de manière insistante l’homosexualité ».

Selon l’archevêque métropolitain de Yaoundé,

si « elle fait l’objet d’une grande promotion dans le monde, se fondant sur le traité d’Amsterdam de 1997 qui recommande aux Européens de favoriser la diversité dans les pratiques sexuelles », il reste constant que « l’homosexualité [reste] un complot contre la famille et le mariage, […] une infamie [qui] mérite d’être condamnée ».

Dans un contexte où « le fameux projet sur le mariage pour tous » dominait l’actualité en Europe et particulièrement en France,

  • l’archevêque craignait par ailleurs que la question ne fasse tache d’huile.

À vrai dire,

  • il redoutait que cette question ne finisse par s’importer à cause des effets mimétiques d’un « darwinisme normatif » (Commaille, 2010 : 695-713) très mobilisé dans « la fabrique du droit » (Latour, 2002) dans les États d’Afrique subsaharienne.

Il s’agissait donc aussi d’

  • une critique de l’impérialisme culturel manifesté par les pressions de certains États sur le gouvernement camerounais.

Car, la perspective d’une dépénalisation de l’homosexualité, condamnée par l’article 347 bis du code pénal camerounais, promue et voulue par certains États occidentaux, traduisait cet impérialisme culturel.

Dans le contexte camerounais d’« effervescence religieuse » (Séraphin, 2004) beaucoup de ministres du culte ont profité de « la croisade contre l’homosexualité » pour légitimer leurs mouvements religieux.

Depuis l’apparition d’une tendance à la promotion « soft » de l’homosexualité dans la plupart des séries télévisées diffusées sur les chaînes de télévision locales et internationales, on a assisté à

  • une radicalisation du combat contre l’homosexualité.

Ce combat, est peu à peu devenu un prétexte commun d’activisme religieux.

Il a permis à plusieurs mouvements religieux et/ou spirituels d’acquérir une visibilité. En profitant des effets mobilisateurs des campagnes d’évangélisation initiées pour sensibiliser les jeunes sur les travers de cette « perversion sexuelle », ces mouvements ont bénéficié d’un surcroît de légitimité.

C’est dans cette perspective que plusieurs autres mouvements d’obédience chrétienne vont emboîter le pas à l’archevêque de Yaoundé. L’EPC (Église presbytérienne camerou­naise) en fait partie. En marge de la 51e assemblée générale de l’EPC qui s’est tenue du 10 au 17 décembre 2007 par exemple, les pasteurs et les anciens d’Églises appartenant à cette mouvance chrétienne avaient publié un communiqué final.

  • Il s’agissait de se faire l’écho de cette forme d’homophobie œcuménique.

Le communiqué dénonçait

  • « l’apostasie et l’hérésie qui ébranlent la foi des fidèles, l’homosexualité et les déviances comme la pédophilie, et autres pratiques qui constituent un blocage à la procréation».

Des chrétiens, convaincus d’homosexualité, « avaient été mis à nu en plein culte et [se sont vus] par la suite, temporairement excommu­niés » (Guebogou, 2007 : 116).

Mais,

  • c’est l’implication de la communauté musulmane dans cette croisade contre l’homosexualité qui donne sens au concept d’homophobie œcuménique.

Les discours radicaux de mobilisation contre l’homosexualité ont été relayés notamment par le Conseil des imams et dignitaires musulmans du Cameroun (CIDIMUC). Toutes les confréries soufies,

toutes les communautés wahhabites et sunnites en activité au Cameroun consi­dèrent que l’homosexualité est une pratique sexuelle « haram » c’est-à-dire détestable et abominable.

  • Même la secte fondamentaliste et prodjihadiste Bokoharam – qui signifie étymologiquement « l’éducation occidentale est un péché, une abomination » – s’est faite l’écho de cette homophobie œcuménique. Notamment en avertissant les États africains qui se rendraient coupables d’hérésie et dépénaliseraient l’homosexualité qu’ils seraient les cibles de ses actes terroristes.

Cependant, l’observation montre que les liturgies homophobes empruntent aussi au registre fantasmatique de l’homosexualité.

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Le registre fantasmatique des liturgies homophobes

Les discours religieux homophobes mobilisent d’autres catégo­ries d’arguments. On a pu observer que les ministres du culte utilisent des formes alternatives d’explications. Il en est ainsi des références aux usages ritualo-initiatiques de l’homosexualité.

Les usages ritualo-initiatiques de l’homosexualité

Il est un fait intrigant dans l’argumentation des liturgies homo­phobes. La quasi-totalité des discours des ministres du culte se réfèrent aux usages anciens de l’homosexualité dans les rites tradi­tionnels de certaines ethnies.

D’un point de vue ethnologique et anthropologique, des auteurs ont pu mettre en rapport l’homosexualité et les rites initiatiques particuliers de certaines so­ciétés humaines.

Ainsi par exemple, se référant à Wayne Dynes (1992 : 166-167), Stephen Murray et Will Roscoe (op. cit. : 149‑162) avaient déjà répertorié les usages de l’homosexualité dans les rites anciens en Afrique.

Dans le contexte camerounais,

l’homosexualité est souvent perçue comme une pratique occulte et initiatique. Cette représentation est largement reprise par les reli­gieux pour justifier leur hostilité à toute velléité de promotion de cette forme de sexualité. Certains évoquent le recours à l’homosexualité dans les rites des sociétés secrètes pour susciter des comportements d’homophobie.

C’est ce qui explique pourquoi « la perception sociale de l’homosexualité est très marquée par les caté­gories ritualo-initiatique » (Machikou, op.cit.).

  • Si « l’homosexualité est une pratique assimilée d’emblée à la sorcellerie » (Abéga, 1995 : 104), c’est surtout à cause de ses fonctions initiatiques assimilées de nos jours à la sorcellerie.

C’est une explication que l’on mobilise systématiquement pour susciter la répugnance de la population à l’égard de toute pratique homosexuelle, dans un contexte où le dé­senchantement de la sexualité est loin d’être la chose du monde la mieux partagée.

Par conséquent, « la répugnance est telle que l’Africain traditionnel considère cette pratique comme une réelle pratique de sorcellerie » (Mono Ndjana cité par Akana, op. cit. : 240).

Or, toute pratique dont on soupçonne le côté sorcier ou le potentiel occulte est généralement redoutée et entourée d’un halo de mystère (Geschière, 1998 ; Hebga, 1979).

En effet, lorsqu’on ob­serve le procès de « l’homophobie populaire au Cameroun », la part d’irrationalité est décisive. Les redoutables usages initiatiques de l’homosexualité décriés par les religieux suscitent crainte et appré­hension.

Au Cameroun, le registre fantasmatique de l’homophobie est d’une impressionnante fécondité. Il convoque la part plus ou moins grande d’homosexualité qu’il y aurait dans les rituels anciens pour nourrir et enrichir l’imaginaire homophobe.

Les Africains en général et les Camerounais en particulier savent que les pratiques homo­sexuelles étaient souvent intégrées dans les rituels initiatiques anciens de manière fort exceptionnelle.

Par conséquent, la banalisation contemporaine de l’homosexualité jadis connue pour ses fonctions initiatiques suscite beaucoup de suspicions.

Le re­gistre fantasmatique de ce genre sexuel fait donc partie des cultural engineering (Mattelart & Neveu, op. cit.) ou modes de perception culturelle de l’homosexualité.

  • On a par exemple évoqué la part d’homosexualité initiatique – ou d’« hermaphrodisme mystique » – qu’il y aurait dans les rites initiatiques des sociétés secrètes ou dans la stérilité féminine pour montrer que le recours à l’homosexualité n’est jamais « simple » ou anodin.

Certains socio-anthropologues ont même montré qu’il existe des « rites traditionnels camerounais ayant un caractère homosexuel » (Gueboguo, 2007 : 72).

On cite souvent les rites du mevungu chez les Béti (groupe ethnique du Sud‑Cameroun) et le koo chez les Bassa (groupe ethnique bantou disséminé dans les régions du littoral, du centre et du Sud‑Cameroun).

Ces rituels anciens avaient semble-t-il souvent un caractère homosexuel. D’ailleurs selon Charles Gueboguo, « le mevungu et le koo sont des pratiques rituelles identiques au sein de deux groupes ethniques camerounais voisins » (ibid. : 74).

Dans les sociétés traditionnelles, on avait recours à ce rite initiatique plus ou moins homosexuel − administré par un prêtre traditionnel – en cas de disette, d’épidémie ou quand « les récoltes étaient mauvaises et lorsque le gibier [devenait] rare » (Laburthe Tolra, 1985 : 327).

Comme le souligne Charles Gueboguo (2007 : 77), « c’est un moyen de protection et d’élimination des maléfices aux yeux de tous ». Ces rites intégraient « des attouchements ayant un caractère homosexuel » (Gueboguo, ibid. : 73).

  • D’après Ombolo, « le mevungu, rite exclusivement féminin, comportait des danses qui, parfois, auraient mimé le coït et dans lesquelles les initiées ménopausées auraient joué le rôle masculin » (1990 : 119).

Ainsi la banalisation contemporaine de cette catégorie de sexualité devient suspecte, ce qui permet aux prêcheurs d’effectuer un amalgame entre homosexualité, sociétés secrètes et sorcellerie.

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Homosexualité, sociétés secrètes et sorcellerie

Les craintes et suspicions entretenues par le registre fantasmatique de l’homophobie s’articulent autour d’une question redondante :

« Si les pratiques homosexuelles étaient anciennement intégrées dans les rites initiatiques des sociétés secrètes, que cache leur banalisation contemporaine ? ».

En fait, cette question contribue à enrichir les liturgies homophobes en présentant l’homosexualité comme une pratique dont le recours n’est jamais anodin au regard de son intégration dans les rituels anciens.

C’est en s’y référant qu’

on l’assimile à « une sorte de vampirisme » (Abéga, 2007 : 101) promue par les loges ésotériques comme la Rose-Croix et surtout la franc-maçonnerie, confréries initiatiques dont la seule évocation suffit à susciter l’effroi dans le contexte camerounais (Menguele Menyengue, 2014).

Comme le souligne Sandra Fancello le fait est que

« le caractère confrérique de la Rose-Croix et de la franc‑maçonnerie alimente l’imaginaire sorcellaire en Afrique » (2008 : 161-183).

C’est pourquoi leurs membres sont « accusés de détenir les magies internationales les plus redoutables […] on leur attribue [certaines] pratiques incestueuses, homosexualité, meurtres rituels et d’autres pratiques symbolisant la sorcellerie la plus disruptive » (Tonda, 2002 : 51).

Dans l’imagerie populaire,

« le caractère initiatique de l’homosexualité est d’autant plus soutenu qu’à Yaoundé (la capitale politique du Cameroun), les homosexuels sont parfois baptisés de francs-maçons, la confusion entre les deux catégories revenant aussi à en faire des sorciers car, les cercles mystiques ne se distinguent pas toujours, dans le clair obscur des sorciers » (Abéga, 1995 : 104).

C’est ainsi par exemple qu’

  • « en 2006, le meurtre d’un Camerounais de 30 ans avait laissé entrevoir une possible implication des cercles ésotériques proches du pouvoir et pratiquant des rites sataniques » (Pigeaud, op. cit. : 115-116).

En fait,

« le 21 août, Narcisse Olivier Djomo Pokam, avait été en pleine journée sodomisé, flagellé, brûlé au fer à repasser, tué et défenestré depuis le huitième étage de l’Hôtel Hilton de Yaoundé, situé au centre‑ville » (ibid.).

  • Ce crime rituel assorti de sodomie a contribué à entretenir « les représentations communes de l’homosexualité [considérée comme] un lien physique et spirituel entre les membres de la classe politique et [comme un] pacte néo-traditionnel de soumission » (Toulou, op. cit. : 89).

Pour affirmer ces redoutables propriétés ritualo-initiatiques et occultes de l’homosexualité, plusieurs faits ont été mis à contribu­tion.

Des données concordantes confirment par exemple que « certaines sectes liées au pouvoir utilisent la sodomie en guise de rite de passage pour humilier et soumettre le nouvel initié ou dans le cadre des croyances mystiques » (Pigeaud, op. cit. : 116).

Cette interprétation a gagné en arguments depuis que Titus Edzoa, « le frater transfiguré » (Aboya Endong, 2008 : 83), plusieurs fois mi­nistre et ancien secrétaire général à la présidence de la République du Cameroun a fait une révélation grave.

Connu comme illustre membre de la Rose-Croix AMORC,

il a notamment révélé que « pra­tiquer comme rituel de purification et d’allégeance l’homosexualité, c’est une haute distinction discriminatoire pour l’honorabilité de la confrérie supposée prestigieuse » (Edzoa, 2012 : 67).

Certains affir­ment qu’

il s’agit en même temps d’un rituel de rajeunissement, de purification et de soumission semblable à celui que pratiquaient les Kivaï, une tribu africaine, où l’on considérait que « la pratique de la sodomie rendait les jeunes hommes plus vigoureux » (Gueboguo, 2007 : 58).

Dans cette perspective,

l’homosexualité apparaît pour beaucoup comme quelque chose de maléfique, de satanique et une pratique de sorcellerie dont les secrets seraient révélés aux seuls initiés.

De nombreux récits recueillis auprès de ministres du culte l’illustrent amplement.

Ainsi, au cours d’une campagne de déli­vrance initiée par des ministres du culte d’obédience néo-pentecôtiste, R.T. un fidèle dit délivré de l’homosexualité a pu témoigner que :

L’homosexualité n’est pas quelque chose de naturel. C’est comme un sortilège, c’est même une possession diabolique. J’ai eu des fan­tasmes pour des personnes de même sexe que moi mais j’en ai été délivré grâce à la campagne de délivrance. Je peux donc témoigner que c’est comme une pratique mystique, de la sorcellerie en fait.

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Vers un renouveau de la fonction tribunitienne des entrepreneurs religieux

  • L’émergence contemporaine des minorités sexuelles a donc servi de prétexte à l’énonciation religieuse de discours homophobes.

Ces prédications visent à structurer les représentations sociales et à proposer une forme de sacralisation des comportements homo­phobes légitimée par une sorte « d’homologation œcuménique » de la répugnance envers les homosexuels.

Être homophobe apparaît donc comme l’expression d’un acte de foi, la manifestation d’une dévotion sui generis, la preuve du respect scrupuleux des Saintes Écritures et l’objectivation d’un attachement profond aux principes théologiques et aux usages ancestraux de la sexualité.

L’homosexualité est décrite tantôt comme

  • une pratique satanique, tantôt comme
  • une abominable hérésie,
  • une forme de possession diabolique,
  • un commerce ou
  • un pacte dont on peut être délivré.

Les séances de délivrance qui ponctuent souvent certains services reli­gieux et le recours à des formes d’exorcisme traditionnelles ou syncrétiques conduisent souvent à dépasser cette condamnation radicale des homosexuels.

Le discours religieux de condamnation de l’homosexualité a pu se relativiser sous l’influence de deux facteurs.

  • En premier lieu la prédication selon laquelle l’homosexualité n’est pas une fatalité.

Les séances d’exorcisme et de délivrance donnent lieu à de véritables théâtralisations du combat spirituel contre l’homosexualité, elles ont contribué à répandre une conception selon laquelle « on peut en sortir », « on peut en être guéri », « on peut en être délivré » .

  • Ensuite, le marché religieux camerounais est forte­ment compétitif du fait de la prolifération des mouvements religieux.

Cette situation contraint les entrepreneurs religieux et les ministres du culte à recentrer leurs homélies sur la question du possible salut des homosexuels, salut conditionné par la repentance, la délivrance et la reconversion.

L’analyse de ces dynamiques suscite un certain nombre de questionnements concernant les formes d’articulation du politique et du religieux.

De nombreux chercheurs ont souligné les rapports de clientélisme politique qui structurent les interactions entre les entrepreneurs politiques et les religieux (Bayart, 1989).

Dès lors, l’inflation des liturgies homophobes ne serait-elle pas l’indice d’un renouveau de « la fonction tribunitienne » des ministres du culte dans le contexte camerounais ? »

– Menguele Menyengue, A. (2016). ‪Discours religieux et homosexualité au Cameroun‪. Journal des anthropologues, 146-147(3), 67-86.

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Lectures supplémentaires / complémentaires :

  • Akana, P.D.  « Les arguments contre l’homosexualité », Terroirs, n° 1-2, 2007, p. 239-252.
  • « « Aimer, c’est accepter l’autre tel qu’il est » », Africultures, 2005/2 (n° 63), p. 19-23.
  • Broqua, C. (2012). L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique. Politique africaine, 126(2), 5-23.
  • Mongo-Mboussa, B. (2005). Lyriques amoureuses. Africultures, 63(2), 12-18.
  • Crenn, J. (2012). Zanele Muholi. À visages découverts. Politique africaine, 126(2), 141-142.
  • Le Roux, G. (2012). Fièrement Africains & Transgenres. Politique africaine, 126(2), 139-140.
  • Evans-Pritchard, E. (2012). L’inversion sexuelle chez les Azandé. Politique africaine, 126(2), 109-119.
  • Larmarange, J., Desgrées du Loû, A., Enel, C. & Wade, A. (2009). Homosexualité et bisexualité au Sénégal : une réalité multiforme. Population, vol. 64(4), 723-756.
  • Currier, A. (2012). De la ventriloquie provisoire : l’inclusion de la catégorie transgenre dans les mobilisations LGBT en Namibie et en Afrique du Sud. Politique africaine, 126(2), 87-108.
  • Awondo, P. (2012). Médias, politique et homosexualité au Cameroun. Retour sur la construction d’une controverse. Politique africaine, 126(2), 69-85.
  • Ladŏ, L. (2011). L’homophobie populaire au Cameroun (Popular Homophobia in Cameroon). Cahiers D’Études Africaines, 51(204), 921-944.
  • Patrick Awondo, « Identifications homosexuelles, construction identitaire et tensions postcoloniales entre le Cameroun et la France », L’Espace Politique [En ligne], 13 | 2011-1, mis en ligne le 06 mai 2011. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/1818 ; DOI : 10.4000/espacepolitique.1818
  • Demange, É. (2012). De l’abstinence à l’homophobie : la « moralisation » de la société ougandaise, une ressource politique entre Ouganda et États-Unis. Politique africaine, 126(2), 25-47.
  • Fassin, É. (2006). La démocratie sexuelle et le conflit des civilisations. Multitudes, no 26(3), 123-131.
  • Blanchard, V., Revenin, R. & Yvorel, J. (2010). Les jeunes et la sexualité: Initiations, interdits, identités (XIXe-XXIe siècle). Autrement.

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