« Unbelievable : l’incroyable vérité que l’on fait taire
Plongée réaliste et ahurissante sur le traitement des plaintes pour viol aux USA, la nouvelle production Netflix à l’apparence très classique impose pourtant sa force de plaidoyer pour faire entendre des voix de femmes meurtries et un casting féminin inoubliable.
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En quelques minutes, le ton est donné, l’ambiance pesée, installée, la mise en scène est froide, le propos incroyable. Dès son début, Unbelievable impose sa capacité à embarquer le spectateur dans le déroulé d’un faits divers réel mais assez ahurissant, malheureusement peu rare : le traitement des affaires de viol, notamment aux Etats-Unis. Du dépôt de plainte initial au dénouement juridique et ses conséquences sur les victimes et les bourreaux, nous suivons à la fois le chemin de Marie, dont on ne sait pratiquement jusqu’au final si ce qu’elle dit est vrai ou pas, et à la fois l’enquête de deux inspectrices, dans un autre Etat que celui de la jeune femme, autour de viols en série qui relèvent du même procédé. Procédé ressemblant étrangement aux détails données par la plaignante…
La véritable force de Unbelievable, au-delà d’une enquête policière somme toute très banale dans sa construction narrative et sa réalisation très sobre, c’est de proposer une réflexion constante sur ce qui est montré : la spirale de ce genre d’affaire, entre doutes et affirmations, entre suspicion et défaillance psychologique, est tellement complexe que les remises en question sont permanentes, et les avis divergents aussi. L’injustice, la bienveillance, la compassion, le rejet, la haine : toutes ces émotions sont conviés chez le spectateur attentif, ainsi qu’une intéressante propension à maintenir un suspense de thriller, dans ces deux histoires parallèles (la traque policière de violeurs, le chemin de croix de Marie dans son désir de justice) qui ne feront au final qu’une, magistral plaidoyer pour ces voix féminines meurtries qu’on essaie souvent de déconsidérer ou oublier.
Cette mini-série en six épisodes quasi-parfaits ne serait pas autant réussie si le casting essentiellement féminin n’était pas de haute volée : la toujours impeccable Toni Collette forme un tandem génial avec la révélation de la série : Merritt Wever. Flic extrêmement douce, voix nonchalante, elle impose son physique patibulaire, ses regards à la fois compassionnels et distants selon les personnes, l’actrice propose un jeu émouvant et passionnant tout le long de cette enquête. Ce duo participe donc de l’Incroyable dans cette production Netflix, qui revient enfin à du solide et de la qualité télévisuelle après quelques errements dans ses rajouts récents au catalogue. Toutes ces femmes, combatives au beau milieu d’un environnement masculin bien souvent étouffant, démontrent dans cette proposition sérielle, un message qui se veut polémique et résistant, sur le traitement de ces affaires de moeurs de par le monde : faire entendre sa voix, ses voix, et ne plus se taire. #MeToo a emboîté le pas vers ce chemin, Unbelievable creuse encore un peu le sillon. Et brillamment. »
« En 2015, les journalistes Ken Armstrong et T. Christian Miller publient une enquête fouillée sur une série de viols perpétrés aux États-Unis entre 2008 et 2011. Un article passionnant, auréolé du prix Pulitzer, qui retrace l’investigation compliquée de deux femmes détectives du Colorado. Cette histoire vraie, aujourd’hui adaptée en mini-série sur Netflix, s’ouvre sur Marie (Kaitlyn Dever, touchante), adolescente perturbée qui a passé la plus grande partie de sa vie entre différentes familles d’accueil. À un officier de police, elle raconte le calvaire qu’elle vient de subir : la nuit précédente, un homme masqué s’est introduit dans sa chambre et l’a violée durant plusieurs heures.
Après un processus glaçant de réalisme où elle se voit obligée de répéter ad nauseam, à l’écrit et à l’oral, son supplice auprès de chaque nouvel interlocuteur, les policiers et l’entourage de Marie commencent à douter… Pas d’indices ou de traces ADN sur les lieux du crime. Rien pour corroborer sa version. Aurait-elle tout inventé ? Sous pression, la jeune fille finit par déclarer avoir menti. Mais où se trouve la vérité ?
Entièrement tournée vers les victimes et les femmes (dont elle adopte en permanence le point de vue), Unbelievable met en parallèle les souffrances intérieures de la jeune fille et l’obsession, trois ans plus tard et à l’autre bout du pays, de deux détectives du Colorado qui travaillent sur une affaire de viols en série : Karen Duvall (Merritt Wever, vue dans Nurse Jackie, ici incroyable de justesse) et Grace Rasmussen (Toni Collette, parfaite en flic indépendante et gentiment cassante) sont sur la piste d’un suspect, dont les méthodes sont étrangement similaires à celles du potentiel agresseur de Marie… Un duo admirablement calibré qui est pour beaucoup dans la réussite d’une série s’interrogeant comme aucune autre sur la façon dont le système reçoit la parole des victimes d’agressions sexuelles.
Tantôt clinique et froide, tantôt profondément humaine, Unbelievable a l’intelligence de montrer les conséquences désastreuses du victim blaming à travers une machine à suspense implacable, ne privant ainsi jamais le spectateur du frisson du true crime qu’il venait initialement chercher. »
« […] Dès les premières minutes, on se retrouve plongé dans le cerveau et le corps supplicié de Marie. Et, tout au long des huit épisodes, « Unbelievable » explore avec beaucoup de psychologie le traumatisme des victimes de viol. La série dénonce notamment les méthodes de certains policiers face à ces victimes. Elle s’intéresse aussi aux réactions inattendues ou déroutantes de celles-ci et aux effets d’une agression sexuelle sur le long terme.
Ultra-addictive, ponctuée par des fins d’épisodes en formes de points de suspension, la fiction retrace pas à pas les étapes d’une enquête laborieuse, jalonnée d’impasses… Mais dans laquelle vont s’investir jour et nuit deux détectives de choc, interprétées par Toni Collette (formidable en flic chevronnée et pète-sec) et Merritt Wever (qui joue Denise dans « The Walking Dead », impressionnante ici d’empathie et de détermination).
À certains moments, ce duo perdu dans l’Amérique profonde a même des airs de ressemblance avec le tandem Matthew McConaughey/Woody Harrelson de « True Detective ». Incroyable ? Et pourtant… »
« Bad Blood (Netflix)
[…] la série Bad Blood. Portée par Anthony LaPaglia, cette fiction s’inspire du clan des Rizzuto, une famille mafieuse basée à Montréal au Canada.
[…] Ce clan mafieux a été créé en 1953 par Carmine « Lilo » Galante avant d’être récupérée quatre ans plus tard par son bras droit, Vincenzo « Vic » Cotroni, qui gère le trafic de drogue à Montréal et ses alentours. L’influence du clan s’étale alors au sud du Québec et dans l’Ontario. Il est rejoint par Nicolo Rizzuto et sa famille qui émigrent de la Sicile. Après des tensions entre les Cotroni et les Rizzuto, ces derniers partent au Venezuela dans les années 1970.
En 1981, Vito Rizzuto devient le parrain du clan, et il a ensuite un rôle important dans la mise en place d’une trêve entre les Hells Angels, la mafia, les gangs de rue, les cartels colombiens et la mafia irlandaise. En 2004, très surveillé par le FBI, il est arrêté et condamné à dix ans de prison en 2007. Depuis 2009, le clan Rizzuto a été affaibli par l’assassinat de plusieurs de ses membres, dont celui de Nick Rizzuto Junior, celui de Nicolo Rizzuto, ou la disparition de Paolo Renda, beau-frère de Vito. Un an après sa sortie de prison, Vito est mort en décembre 2013 d’une pneumonie. En novembre 2015, le fils de Vito, Leonardo Rizzuto, et d’autres, sont arrêtés pour complot en vue de faire un trafic de drogue, avant d’être acquittés en février 2018. La famille est considérée comme en sérieux déclin par de nombreux observateurs. »