Psychologie & Communication

« La psychologie est au centre de nombreuses problématiques concernant la communication.

  • En effet, la communication est une activité humaine fondamentale.

Par ailleurs, le sens, la valeur, l’appréciation et l’évaluation d’une communication dépendent essentiellement de la subjectivité des hommes qui la mettent en œuvre. Nous savons bien qu’une communication porte des sens différents selon les sujets qui ont « à faire » avec elle et aussi selon les contextes dans lesquels communication et acteurs s’insèrent.

De ce fait,

  • l’étude de la communication a souvent recoupé les théories de la subjectivité humaine et donc les études de la psychologie.

Comme nous le verrons dans cet ouvrage, les connaissances accumulées par la psychologie dans le domaine de la communication concernent essentiellement tout ce qui se passe dans les multiples formes de la relation de face-à-face et il apparaît clairement que toutes les disciplines ont besoin de s’appuyer sur cet ensemble de connaissances de base pour aller plus loin dans leurs propres recherches. On constate en effet, que la situation de communication interpersonnelle est presque toujours, d’une manière ou d’une autre, la situation de référence d’une grande majorité d’études sur les communications.

  • Si l’on explique, par exemple, comment la communication « se déshumanise », se « rationalise », se « monétarise »…, si l’on démonte les effets de marginalisation, de désimplication… dus aux nouvelles formes de communication utilisant les nouvelles technologies, c’est parce que l’on compare toujours ces « nouvelles communications » à la situation référentielle qu’est la communication de face-à-face.

Il y a à cela une raison bien simple :

  • cette situation est celle que nous vivons tous quotidiennement et que nous connaissons intuitivement sous ses multiples aspects : échange amical, fraternel, échange amoureux, communication avec la mère ou le père, avec le maître, le patron, le représentant de l’ordre, dialogue avec le médecin, dialogue psychothérapeutique, disputes diverses, oral d’examen, soutenance de dossier, conférence, interview par un inconnu ou dans un cadre organisé, séminaire de formation, entretien d’embauche, discussion de vente, demande de renseignement, conversation de salon, rituel de présentation…

A l’heure où de nombreuses disciplines se préoccupent de « communication », il convenait de rassembler et de synthétiser, pour les étudiants et les chercheurs en sciences humaines, les multiples résultats obtenus dans ce domaine par la psychologie.

Le présent ouvrage essaie donc de rassembler les données fondamentales résultant d’un siècle d’investigations psychologiques (de 1880 — Freud — à 1980 — Ecole de Palo Alto) centrées sur les phénomènes subjectifs ayant lieu dans les situations où des hommes se trouvent en face à face pour échanger. »

– Mucchielli, A. (1995). Introduction. Dans : , A. Mucchielli, Psychologie de la communication (pp. 9-10). Presses Universitaires de France.

 

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« En proposant une lecture de tous les phénomènes classiques de communication à l’aide de quatre systèmes théoriques et conceptuels (paradigmes fondamentaux) dont se servent toujours, sans le dire, les divers psychologues, l’ouvrage rend cohérente la psychologie de la communication qui pouvait paraître éclatée comme paraissent éclatées les diverses psychologies. »

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« La présence simultanée dans le champ de la psychologie de ces différents référents d’analyse de la communication est source d’une certaine confusion. Les étudiants et les chercheurs n’ont pas, la plupart du temps, clairement à l’esprit ces quatre différents paradigmes.

  • Ils sont confrontés aux analyses très différentes qui leur sont proposées et finissent par opter pour une « école » en adoptant les anathèmes que celle-ci lance sur les autres.

Les paradigmes que nous avons étudié se regroupent deux à deux. Les deux premiers se réfèrent à une psychologie des processus intrapsychiques ; les deux derniers à une psychologie des relations. De fait un grand débat a lieu actuellement en psychologie entre les tenants de ces deux conceptions.

Ainsi, Zazzo, par exemple, affirme que

l’objet de la psychologie « c’est… l’individu, ou puisqu’il s’agit de notre espèce, la personne. L’individu en sa genèse, ses fonctionnements, ses particularités, sa singularité…

Tout individu n’existe que par l’autre et les autres, certes, mais le perdre de vue, le résorber dans ses relations et son environnement, ce serait confondre l’être avec ses conditions d’existence. En tant que psychologue, le sujet est mon objet ».

A l’opposé, pour Watzlawitck,

  • l’analyse psychologique ne nécessite aucune hypothèse sur l’intérieur du psychisme et sa formation historique, il faut et il suffit d’étudier la nature des communications dans lesquelles se situe cet individu.
  • Ne pas se contenter de ce type d’observation et vouloir inférer des « processus psychiques » conduit immanquablement à inventer des propriétés dont la réalité est tout à fait invérifiable.

Nous sommes obligés de constater une forte « rupture épistémologique » entre les deux premiers modèles et les deux derniers. Les deux premiers paradigmes appartiennent à une conception « représentationniste » tandis que les deux derniers appartiennent à une conception « communicationnelle ».

Les deux premiers paradigmes s’accordent fondamentalement avec le sens commun pour lequel la communication est une affaire d’acquisition, de traitement et de transmission de l’information.

  • Ils privilégient le point de vue de l’observateur, ils considèrent l’existence d’états internes et de représentations mentales qui sont des propriétés des sujets et d’un monde prédéfini et objectif donné.
  • Les états mentaux dirigent les expressions et les indices que contient la communication sont analysés pour remonter aux représentations et aux états internes.

Le langage est un élément distinct de ce qu’il cherche à révéler. Il sert d’indice parce qu’il sert à construire les entités du monde qu’il formule.

  • L’analyse de la communication est donc une reconstruction de ses intentions et représentations.
  • Ces représentations et états étant directement accessibles au sujet comme à l’observateur.

La communication est faite pour transformer l’état du monde que ce soit les représentations ou les relations. Elle est donc « stratégique » dans le sens où elle sert les intérêts des sujets parlants. Son enjeu est cognitif, elle sert à modifier l’ensemble des faits ou des hypothèses qui sont manifestes pour un individu.

  • La « bonne communication » est celle qui permet à un sujet de bien remonter à l’état interne ou à la représentation d’un autre sujet.
  • L’intention fondamentale de la communication est de servir d’exutoire à des problèmes psychiques. Ces deux modèles sont donc aussi profondément fonctionnalistes.

Les deux derniers paradigmes sont en rupture avec le sens commun.

Individuellement, la communication n’est plus une affaire de transmission, mais une affaire de participation à l’élaboration continue et émergente d’un monde relationnel qui lui-même participe à la définition de chaque identité et du monde commun de référence. La communication est une affaire « de modelage mutuel d’un monde commun au moyen d’une action conjuguée ».

  • Le langage et la relation sont parties intégrantes de l’identité de l’être qui y participe.
  • Il permet aux partenaires de « spécifier le mode sur lequel ils se rapportent temporairement les uns aux autres et au monde, et donc de construire de façon concertée… ce qu’il se rendent mutuellement manifeste dans l’interaction ».
  • Le langage, comme les conduites (puisque c’est l’ensemble qui définit désormais la communication), participe à la définition d’une perspective commune sur le monde (le système de pertinence) qui précise la composition de ce monde, les enjeux qu’il faut retenir, les orientations possibles de l’interaction à venir…

L’expressivité (sous toutes ses formes : langage, conduites, interactions…), est partie constitutive d’une soi disant « réalité », laquelle est toujours « émergente », c’est-à-dire liée à l’échange (tout ce que l’on dit et fait « construit » quelque chose dans le réseau des échanges).

La communication participe à l’élaboration d’un univers commun (public) de référence — qui n’est donc plus prédéfini — et qui sert de base à l’intercompréhension, laquelle devient le véritable et profond enjeu de la communication. En ce sens la communication permet la généralisation et l’atteinte d’une « rationalité publique ».

  • Le langage sert donc à la clarification interactive de ce monde co-construit, il nous fait gagner en intelligibilité sur nos actions, nos intentions et sur ce qui se passe (il participe d’ailleurs à la construction de ces actions, de ces intentions de ces faits — c’est le principe du « sens incarné » de l’action).
  • Il n’y a plus de « bonne communication ». L’usage fondamental de la communication est la construction d’un monde intersubjectif qui sert de fondement à l’intercompréhension et donc à la vie collective.

En passant d’un type de paradigme à l’autre, nous devons procéder, comme le dit Kuhn, à un renversement de notre vision des choses. Ce renversement de vision est analogue au renversement qui, dans les expériences de psychologie de la forme, fait voir le vase à la place des deux visages.

D’après Kuhn, les mondes scientifiques auxquels renvoient ces deux visions sont totalement incommensurables.

En effet,

en utilisant les « paramètres conceptuels » proposés dans le paradigme structuro-expressif, le chercheur verra d’une certaine manière les phénomènes de communication, et il lui sera très difficile d’échanger avec un autre chercheur se situant dans le paradigme formel-relationnel par exemple.

  • Les mots utilisés seront peut-être les mêmes, mais, ne se référant pas aux mêmes expériences, ils n’auront pas le même sens.

Kuhn donne cependant les règles de communication pour que la compréhension entre les mondes scientifiques puisse se faire.

« En bref, dit-il,

la possibilité qui reste à des interlocuteurs qui ne se comprennent pas, est de se reconnaître comme membres de groupes linguistiques différents et de devenir alors des traducteurs.

Prenant comme sujet d’étude les différences rencontrées dans les discours inter- et intra-groupes, ils peuvent tout d’abord tenter de trouver les termes et locutions qui, employés sans problèmes à l’intérieur de chaque groupe, sont néanmoins des foyers de divergences pour les discussions intergroupes. (Les locutions qui ne font pas surgir ces difficultés peuvent être traduites homophoniquement.)

  • Après avoir isolé les secteurs de divergence dans leurs communications scientifiques, ils peuvent avoir recours au vocabulaire quotidien qui leur est commun et tenter un nouvel effort pour venir à bout de leurs difficultés.

C’est-à-dire que chacun peut essayer de trouver ce que l’autre verrait et dirait en présence d’un stimulus pour lequel sa propre réponse verbale serait différente. S’ils parviennent à refréner suffisamment leurs tendances à expliquer un comportement anormal par l’erreur ou la folie, il se peut qu’ils arrivent très bien, au bout d’un temps, à prédire leur comportement réciproque. Chacun aura appris à traduire la théorie de l’autre, ainsi que ses conséquences, dans son propre langage, et à décrire simultanément dans son langage le monde auquel s’applique cette théorie. »

Il nous faut espérer que

  • les chercheurs en psychologie de la communication mettront en œuvre ces sages conseils pour que les oppositions paradigmatiques (normales et bénéfiques aux avancées scientifiques) ne se poursuivent pas en oppositions intergroupes ou en oppositions interindividuelles, malgré le goût des humains en général (et des écoles psychologiques, en particulier) pour les conflits et les batailles de toutes sortes.

En conclusion, nous dirons, que

  • l’ensemble des méthodes et des concepts que nous avons présenté, constitue une importante « boîte à outils » pour le chercheur en psychologie de la communication.

Il faut simplement savoir que tous ces outils ne sont pas neutres

et qu’ils renvoient toujours à un paradigme,

  • c’est-à-dire à un point de vue partiel sur la « réalité » totale. »

– Mucchielli, A. (1995). Psychologie des processus intrapsychiques ou psychologie des relations ?. Dans : , A. Mucchielli, Psychologie de la communication (pp. 69-74). Presses Universitaires de France.

 

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« Cet ouvrage présente en termes simples et accessibles les différentes théories psychologiques qui s’appliquent à la communication humaine et les techniques qui en découlent. Il s’agit donc d’une initiation à la psychologie sociale de la communication, dans laquelle théorie et méthodologie sont étroitement liées.
À partir de l’idée que la communication est une interaction, les thèmes suivants sont développés :
les facteurs généraux intervenant dans les situations de communication ;
la communication interindividuelle, la nécessité de l’écoute attentive, et les méthodes d’entretien ;
la dynamique des communications dans les groupes, l’observation et la conduite des réunions ;
les relations entre communication et influence sociale : le conformisme, l’innovation, le rôle des majorités et des minorités.
Totalement actualisée, cette troisième édition introduit un chapitre sur la dimension non verbale de la communication.
Ce livre s’adresse aussi bien aux étudiants en formation initiale aux sciences humaines qu’aux futurs travailleurs sociaux, mais il intéressera également tous ceux qui, dans leurs pratiques professionnelles, sont confrontés aux problèmes de communication. »

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« […] Dans cet exemple,

le fait de ne pas « transmettre d’informations » est une communication.

On remarque, par ailleurs, que

  • l’homme-en-situation ne peut pas ne pas faire quelque chose puisque le « ne rien faire » est justement une conduite donc quelque chose.
  • Ainsi, comme on ne peut pas ne pas avoir de conduite, Watzlawick en conclut qu’ « on ne peut pas ne pas communiquer ».

C’est là un des postulats fondamentaux de l’école de Palo Alto.

  • Ne rien dire au cours d’une réunion, comme nous venons de le voir, veut forcément dire quelque chose dans ce contexte.

Au début, le sens de cette conduite de communication est « vacant », c’est-à-dire que l’on ne peut pas inférer précisément sa signification. Plusieurs significations sont possibles, puis, petit à petit, la signification se précise sous l’effet de la mise en relation de cette conduite avec différents éléments du contexte. Ainsi, l’élément de base de l’étude de la communication n’est plus le « message », c’est la conduite totale : verbale comme posturale et gestuelle.

L’école de Palo Alto a donc montré que nous utilisons pour communiquer deux grandes catégories de signaux :

  1. les signaux digitaux (les mots, compréhensibles à partir d’un code précis) ; et
  2. les signaux analogiques (des gestes, des postures, du paralangage, qui ne renvoient pas à des codes précis).

D’une manière générale, la communication digitale concerne le contenu des échanges tandis que la communication analogique concerne la relation entre les interlocuteurs.

Ainsi, dans une communication, il y a toujours au moins deux communications :

  1. celle qui se passe au niveau intellectuel et
  2. celle qui se passe au niveau du ressenti, du vécu relationnel.

La communication digitale est celle qui relève de la conscience, de l’explicite, de l’analyse, elle fonctionne sur le mode du discontinu et de la logique cartésienne.

La communication relationnelle échappe à la maîtrise du niveau conscient, elle se déroule en dehors de l’intelligence et de la volonté. Elle fonctionne sur le mode de l’expérience totale, intuitive et indiscible.

Les analyses poussées de ce « niveau relationnel » ont montré que

  • toute communication prend appui sur ce niveau qui est le niveau de la communication affective primitive entre tous les hommes.

Ainsi, la communication interhumaine est un système à la fois verbal, gestuel, attitudinal et comportemental qu’il faut étudier globalement en tant que système.

  • Le verbal et le non verbal apparaissent comme des productions cognitives en interaction entre elles.
  • La communication est un processus permanent d’élaboration et de production de sens à deux niveaux.

Des expériences montrent, par exemple, l’anticipation de la production gestuelle sur celle du verbal, ce qui indique que le geste est un signe médiat entre cognition et production du sens.

Lorsque l’on demande à des sujets de parler en s’abstenant de faire des gestes ou des mouvements des mains, on note non seulement un nombre d’hésitations plus grand, mais aussi que le contenu verbal est modifié. Inversement, les gestes des mains constituent le soutien de la communication verbale en y ajoutant une information.

  • Il faut ajouter à cela que l’ensemble comportemental qu’est une communication s’inscrit dans une durée.
  • Une communication, ce peut être aussi toute une séquence comportementale prenant une « forme définie ».

De ce point de vue, on a tort, lorsque l’on analyse une communication de se focaliser sur une séquence restreinte d’échange, sur l’actuel et le présent.

Nous reverrons cela lorsque nous parlerons de la notion de « cadrage ».

Eibl-Eibesfeldt donne des exemples de séquences de comportements, qui sont des messages anthropologiques, c’est-à-dire qui sont compris et qui ont le même sens dans toutes les cultures humaines.

L’appel à nouer des relations adressé à un homme par une femme (appel au flirt) est une séquence toujours identique faite ainsi : prise de contact avec les yeux, léger sourire, papillotement des paupières, abaissement de la tête et des yeux, recommencement de la séquence.

  • Le mépris est aussi signifié de la même manière à travers de très nombreuses cultures : attitude rigide, lever de la tête, regard hautain, lèvres pincées, exhalaison par le nez.

Il faut signaler, par ailleurs, que les enfants et les animaux sont extrêmement sensibles au paralangage. Ils le décodent d’une manière extrêmement privilégiée.

  • Rapportons, pour illustrer cela, le cas de Hans le malin, le cheval qui savait compter.

Les « interlocuteurs » du cheval lui donnaient verbalement une opération complexe à faire et, pourvu que le résultat en soit un nombre entier, le cheval tapait, avec son sabot le nombre de coups exacts. L’observation fine de ce qui se passait dans cette expérience révéla que le cheval avait des dons de perception supraliminaire concernant les attitudes paralinguistiques des personnes qui l’observaient. Il s’arrêtait donc de frapper ses coups de sabots lorsqu’il percevait que son public s’attendait à ce qu’il s’arrête.

Les animaux, les enfants et certaines personnes sont donc extrêmement sensibles aux attitudes et au paralangage de ceux qui leur parlent. Une grande partie de l’apprentissage des termes linguistiques ne pourrait se faire sans l’accompagnement paralinguistique qui en précise (avec la situation de référence) toujours le sens.

  • Ce sont les mêmes phénomènes paralinguistiques qui sont en cause dans le phénomène de la « prédiction créatrice ».

La « prédiction créatrice » est une supposition, qui, par le simple fait d’avoir été énoncée, entraîne la réalisation de l’événement prévu et confirme par là même sa propre exactitude.

  • Par exemple, quelqu’un suppose qu’on ne le respecte pas. Il a, à cause de cette « croyance personnelle », un comportement tellement hostile et méfiant et il manifeste une telle sensibilité qu’il provoque chez les autres un sentiment de mépris (traduit dans des communications méprisantes à son égard) qui lui « prouve » sans cesse que sa profonde et solide conviction est vraie.

Avec l’apport de l’école de Palo Alto, l’homme en situation est condamné à communiquer. Il ne peut pas ne pas communiquer car il ne peut pas ne pas avoir de conduites.

  • Tout son être « parle » et s’il ne veut pas parler, il prend position sur la situation et de ce fait « parle ».

C’est là un paradoxe de la « communication » humaine que l’ancienne théorie de l’information ne pouvait approcher à travers le modèle Emetteur-Récepteur appliqué à la communication interhumaine. La conduite humaine devient donc la toile de fond de l’approche de la communication humaine.

  • Pour analyser la communication interhumaine, il est nécessaire de la penser comme échange social entre acteurs, présents dans une situation dont la représentation est partagée.
  • Ces acteurs sont toujours confrontés à un certain nombre de problèmes immédiats ou à plus long terme qu’ils peuvent résoudre par l’échange.

Il y a un certain nombre de problèmes qui sont toujours présents dans un échange interhumain. Ils sont inhérents à la coprésence de partenaires. Ils constituent les dimensions fondamentales de l’échange. Une communication ne peut pas ne pas s’y confronter.

  • La communication est globale en ce sens qu’elle répond à un ensemble d’enjeux constituant la structure phénoménologique de l’échange interpersonnel.

1/ L’enjeu informatif

Le premier enjeu qu’essaye de résoudre la communication interpersonnelle est l’enjeu informatif. La communication d’information a été la première modalité reconnue.

Toute communication porte nécessairement des informations.

La situation limite de la transmission télégraphique de renseignement, prise par la théorie de l’information, à travers son modèle Emetteur-Récepteur, est là pour rappeler cette évidence fondamentale :

  • communiquer c’est aussi informer.

La communication est certainement, pour une part, transmission d’information. C’est là sa première modalité d’existence. Mais elle ne peut être seulement une modalité d’information. Elle est un processus plus complexe qu’un simple échange de renseignements.

2/ L’enjeu de positionnement

  • Si l’on regarde ce qui se passe dans une communication, on remarque que l’on assume d’abord, à travers cette activité une identité.

Car communiquer a toujours la finalité générale d’expression de cette identité.

  • En communiquant, je ne peux pas ne pas affirmer mon être et donc me positionner par rapport à autrui.

Pour de nombreux chercheurs,

la finalité de la communication, c’est de créer son identité pour autrui, à travers un acte relationnel. Pour Goffman, par exemple, on communique pour pouvoir avoir l’identité voulue dans la situation de communication dans laquelle on se trouve. 

En effet,

toute situation de communication inter-humaine voit chaque acteur interpréter un rôle destiné in fine à assurer sa maîtrise de la situation, c’est-à-dire à pouvoir se faire reconnaître dans le rôle qui est le sien.

Les linguistes contemporains, quant à eux, mettent l’accent sur la « place » respective qu’occupent les différents interlocuteurs dans une communication. Chacun émet des énoncés en se plaçant de différents points de vue et le locuteur joue également avec l’identité de son interlocuteur en lui assignant diverses places.

Pour Flahaut, tout discours est produit à partir de questions fondamentales, à savoir : « qui suis-je pour toi ? » et « qui es-tu pour moi ? »

  • « La communication est alors perçue comme un processus complexe où l’information et le message sont moins importants que la question centrale qui est de savoir à qui l’on parle. » 

On peut donc communiquer pour essentiellement se positionner et se faire reconnaître dans cette position. Cette modalité de l’intervention communicative est liée à l’existence sociale. On ne peut être, sans être défini par rapport aux autres, dans un monde interhumain. La communication est un des outils de ce positionnement existentiel.

Les situations limites que sont toutes les rencontres avec des inconnus soulignent l’importance du positionnement des interlocuteurs dans un échange.

  • Le problème de l’identité est général, global et permanent. Mais il n’est pas sûr qu’il soit prégnant dans la situation concrète de communication dans laquelle l’acteur concret se trouve.
  • Car il y a des situations de communication où les rôles et les statuts sont bien définis et établis, et où il n’est pas question de les remettre en cause.
  • Dans de telles situations, le problème n’est pas, pour les participants, de se faire reconnaître dans leurs statuts et rôles, parties de leur identité, ils ont juste à assurer, de temps en temps, qu’ils sont bien dans ce rôle.

3/ L’enjeu de mobilisation

L’acte de communication est toujours aussi une tentative « d’influence » de l’autre.

En effet,

même en proposant une définition de moi (de ce que je pense, de ce que je veux faire…) à autrui, je pose dans le monde une donnée par rapport à laquelle il devra alors nécessairement se positionner (toute identité affichée a des répercussions sur l’autre .

« Dans la mesure où tout échange communicatif est porteur d’enjeux et où il est coconstruction d’une réalité, il est tentative d’aliénation de l’autre par l’un et/ou de l’un par l’autre, c’est-à-dire tentative d’imposer un monde possible qui assure à l’un ou à l’autre la maîtrise des enjeux. » 

L’acte de communication apparaît donc comme fondamentalement destiné à produire des effets. Il vise à faire croire ou penser ou encore faire faire.

Par ailleurs,

  • on constate que l’un des invariants fondamentaux de l’échange interhumain est le risque d’être influencé par autrui.

« La communication, c’est “l’homme s’altérant”, enfermé dans son corps, ouvert à l’autre par la parole, le signe, par la démarche relationnelle. C’est l’individu pris dans l’altérité, qui se livre avec la peur. »

  • La peur est un des modes importants de la prise de conscience de l’autre comme nous le verrons dans la psychologie de la rencontre (troisième partie, chap. Ier).

Cette finalité d’influence est soulignée si l’on veut bien constater que « tous les énoncés d’une langue se donnent et tirent leur sens du fait qu’ils se donnent, comme imposant à l’interlocuteur un type déterminé de conclusion (et que) toute parole, au fond d’elle-même, est publicitaire ».

  • Elle n’est pas publicitaire par le fait qu’elle véhicule certaines informations qui se trouvent autoriser certaines conclusions.
  • Elle est publicitaire par le fait que sa valeur interne se confond avec la suite qu’elle réclame.
  • Ce qu’elle veut dire, c’est ce qu’elle veut faire dire à l’autre.

Remarquons aussi, pour compléter notre analyse quasi phénoménologique des situations de communication,

  • qu’à côté de la fonction logique ou cognitive du langage, qui sert à communiquer des concepts en évoquant, dans l’esprit de l’interlocuteur, des images qui se forment dans notre propre esprit,
  • il existe une autre fonction, dite fonction « volitive », liée à la communication sociale.

En effet,

nous communiquons nos pensées pour obtenir certaines réactions des autres et il ne suffit pas de dire « je t’aime » ou « attaquer la redoute », il faut communiquer la ferveur de cette passion ou le sentiment de l’importance et de l’urgence de l’attaque…

« C’est pourquoi, la communication conceptuelle (la parole) s’accompagne de gestes, de mimiques, d’inflexions de voix qui la renforcent en exprimant naturellement nos émotions, nos désirs, nos intentions, etc. » 

  • L’influence est une « ressource humaine » car elle est aussi une aptitude à motiver autrui, c’est-à-dire à le rendre capable de penser ou de faire dans le sens voulu…
  • Elle repose souvent sur une situation, comme la situation d’éducation parents-enfants qui permet l’influence par les éléments qu’elle met en jeu :
    • l’autorité, fondée sur la tradition (entraînant elle-même le respect ou l’admiration), le savoir parental et l’affection réciproque.

Mais

cette ressource est aussi inhérente à la nature de certaines personnes qui possèdent une force propre de conviction et d’entraînement qu’elles font passer à travers leurs communications.

En effet,

ce que l’on appelle le charisme réfère, en dernier ressort, à un mystère irréductible qui relève du don magnétique de fascination et de conviction appartenant à certaines personnes qui représentent une synthèse prestigieuse de valeurs fondamentales pour leurs admirateurs.

  • Cette force propre de conviction et d’entraînement a été mise au jour dans l’étude des phénomènes liés à l’autorité qui « est le pouvoir d’obtenir sans recours à la contrainte physique un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis ».

Ainsi,

la communication ne peut se passer d’une volonté, même minime, d’influence sur autrui. Communiquer, c’est nécessairement intervenir pour changer l’état de la situation pour autrui (ne serait-ce que son information) et donc agir sur lui (et son système de représentation).

Les situations limites, porteuses de compétition, ou les situations limites d’entraînement par l’exemple ou le charisme, mettent l’accent sur cette modalité fondamentale de tout échange.

Le problème de la mobilisation d’autrui est un problème général et important de la vie relationnelle. Mais, tout comme l’identité et les autres problèmes existentiels, il n’est pas toujours le plus prégnant des problèmes présents dans une situation de communication.

4/ L’enjeu relationnel

Un des phénomènes premiers qui a lieu lors d’une rencontre entre deux acteurs sociaux est le phénomène de sympathie-antipathie.

  • Ce phénomène, lié aux processus de séduction, apparaît avec plus de force lorsque les problèmes de positionnement sont réglés.

Un tel phénomène est mis en évidence en particulier lorsque, dans les nouvelles technologies télémédiatiées (le Minitel et les « salons télématiques »), le médium technique met l’autre à distance et le dispense de se présenter. Souvent, d’ailleurs, la présentation réciproque se fait sous la forme d’un pseudonyme. Ainsi, L’autre est là, mais l’on ne sait pas son identité, ainsi personne dans ce genre d’échanges n’est positionné.

Les phénomènes d’influence vont alors franchement vers un jeu de séduction. En effet, comme il faut « accrocher » l’autre, les conversations manipulent toutes les possibilités de la séduction (approches directement sexuelles, qui ont très peu de chance d’influencer l’autre ; jeux de langage qui demandent beaucoup de talent et d’adresse…).

Ainsi,

la communication apparaît comme le fondement existentiel de la relation humaine.

  • La communication porte la relation humaine de l’essence à l’existence, de l’intemporel à l’historique.
  • Sans la communication, la relation humaine aurait moins d’ancrage dans le réel et resterait une notion éthérée.
  • La relation interhumaine devient un acte par le processus de l’expression. Sans l’expression, la relation ne s’inscrit pas dans le phénoménal observable.

Toute communication fixe donc la nature de la relation que l’on entend avoir avec son interlocuteur. Cette relation ne peut pas ne pas être spécifiée au fur et à mesure que l’échange se déroule.

  • Les échanges d’amour ou de haine sont des situations limites qui révèlent cet enjeu,
  • tout comme la définition de la situation spécifique du chercheur en recherche qualitative, qui doit être à la fois impliqué et distant dans une attitude « d’implication désimpliquée » ou de « neutralité compréhensive ».

5/ L’enjeu normatif

  • Nous avons vu comment les études relevant du paradigme phénoménologique et praxéologique avaient insisté sur tout ce qui est l’arrière-plan partagé par les différents interlocuteurs et comment cet arrière-plan fonde la communication.
  • On ne peut pas communiquer sans être dans un système minimum de règles partagées.

Dans la rue d’une grande ville, à une heure d’affluence, un homme aborde une femme. Il a une démarche hésitante et il regarde de gauche à droite. « Pardon madame, connaissez-vous la rue de La paillasse ? » Sa façon de faire, d’aborder cette femme tout en ayant l’air de s’excuser à l’avance de la déranger et avec un air tout à fait neutre, voire distant, propose à cette interlocutrice une norme relationnelle. Il signale qu’il veut se situer sur le plan d’une rencontre momentanée et dans le cadre très policé et classique d’une demande de renseignement pour trouver sa direction dans une grande ville lorsque l’on ne la connaît pas. La personne ainsi abordée reconnait les règles qui sous-tendent l’échange restreint qu’on lui propose et, politesse et bonne civilité oblige (puisque l’on est dans ce cadre normatif qu’elle accepte facilement), elle répond ce qu’elle sait ou s’excuse de ne pas savoir. Mais il est bien évident que l’on peut aborder des gens dans la rue pour demander ou proposer autre chose. Si notre passant avait voulu faire des avances à cette femme, sous couvert d’une approche de demande de renseignement, à un moment donné sa communication aurait proposé à son interlocutrice de rentrer dans un autre type d’échange : un échange qui peut se prolonger et mener à une interconnaissance. Cette proposition aurait pu être refusée ou négociée…

  • Les règles qui précisent les conditions de l’échange préexistent (comme dans l’exemple que nous venons de voir) et/ou sont coconstruites dans l’échange.

Un philosophe comme Habermas a souligné comment les pratiques communicationnelles mettant en œuvre les subjectivités différentes des sujets s’efforçaient cependant de trouver dans une « raison communicationnelle » les critères d’une rationalité commune.

  • Toute communication propose à l’autre une définition du monde et, de ce fait,
  • lui propose un ensemble de normes qui vont soutenir les échanges à venir.

La communication est donc un phénomène global à deux titres.

  1. Tout d’abord parce que tout ce qui est « exprimé » par l’individu participe de sa communication. La communication intègre de ce fait les paroles, les conduites, les attitudes et tous les paralangages.
  2. Ensuite parce que la communication est tissée d’un ensemble complexe d’enjeux. Toute communication cherche à atteindre, à des degrés divers, l’information d’autrui, le positionnement individuel, la mobilisation de l’autre, la qualification de la relation avec cet autre et à spécifier les normes de référence de la situation d’échange.

Le « style propre » de communication d’un individu ce sera donc sa manière personnelle d’utiliser et de combiner langage et paralangages.

Sa subjectivité propre, éveillée par la situation dans laquelle il se trouve, participera à la définition des enjeux de sa communication.

Cette communication peut être alors conçue comme l’expression de sa manière de répondre à ce qu’il perçoit comme les enjeux de la situation.

Ainsi, raisonnant dans le paradigme structuro-expressif, nous pouvons dire qu’

à chaque instant certains éléments de la « personnalité » du sujet sont appréhendables à partir de son « style propre » d’expression révélateur de sa propre hiérarchisation des enjeux de la situation. »

– Mucchielli, A. (1995). La communication globale et ses enjeux existentiels. Dans : , A. Mucchielli, Psychologie de la communication (pp. 77-90). Presses Universitaires de France.

 

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« […] Dans le paradigme structuro-expressif,

la suggestion est définie comme un « pouvoir de la parole » lié à un « état du récepteur » appelé suggestion.

C’est ainsi que Bernheim définit

la suggestion comme « l’acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau et acceptée par lui » .

  • Les recherches sur la communication de suggestion se sont beaucoup préoccupées de définir cet « état de suggestibilité » qui prédisposait certains individus à mieux intégrer les ordres et les indications qu’on leur donnait.

Ceci est normal, puisque, comme nous l’avons vu dans le paradigme structuro-expressif,

  • on est avant tout préoccupé de la structure interne du psychisme.
  • Si certaines personnes étaient plus « suggestibles », ce devait bien être dû à leur état de réceptivité un peu spécial.

Le paradigme systémique-relationnel a introduit un point de vue nouveau dans cette façon de voir le phénomène de la suggestibilité. Ce nouveau point de vue part de la notion de « cadrage » de l’école de Palo Alto.

Nous avons déjà cité la remarque essentielle de Watzlawick qui précise qu’

« un phénomène demeure incompréhensible tant que le champ d’observation n’est pas suffisamment large pour qu’y soit inclus le contexte dans lequel ledit phénomène se produit. Ne pas pouvoir saisir la complexité des relations entre un fait et un cadre dans lequel il s’insère, entre un organisme et son milieu, fait que l’observateur de quelque chose de “mystérieux” se trouve conduit à attribuer à l’objet de son étude des propriétés que peut-être il ne possède pas… ».

  • Recadrer, pour Watzlawick, c’est donc ou redéfinir la situation ou passer à une méta-vue de la situation dans le but de faire apparaître un nouveau sens ou un nouveau phénomène qui n’était pas pris en compte.

Or,

  • les analyses traditionnelles des phénomènes de suggestion se focalisaient sur l’état de « suggestibilité » du sujet (analyse du récepteur) ou sur « le pouvoir de la parole » (analyse du message).

En élargissant le champ de l’observation,

on constate que « l’effet de suggestion » se produit toujours dans des situations non banales et non quelconques et que les dispositifs expérimentaux utilisés sont des « dispositifs d’intimidation cachée, liés à une insertion institutionnelle ».

  • En changeant de paradigme de référence, la suggestion reçoit une autre compréhension.

Prenons l’exemple d’une scène observée dans le service de Bernheim : « Nous revenons dans la salle des hommes. La veille au soir est arrivé un jeune homme, 19 ans, cordonnier de son état. M. Bernheim procède à un examen sommaire : il constate un coryza avec grippe. Le malade accuse un violent mal de tête. Il a entendu parler du magnétisme : “Une blague, quoi ? — Vous allez vous endormir et être débarrassé de votre mal de tête. Voilà déjà le sommeil qui vient.” Le malade rit. “Ah ! vous pouvez rire.” “Plus de douleur ! Le sommeil est de plus en plus profond !” Se tournant vers nous : il n’entend plus que moi. Le voilà pris ! — Le sujet rit de plus belle, d’un rire incrédule. “Dites donc, mon ami, vous allez dormir. Je ne suis pas ici pour m’amuser et je n’ai pas de temps à perdre. Dormez ! Cette fois-ci, vous dormez. Je vous lève la main ; essayez de la baisser. Cela vous est impossible. Je vous fais tourner les bras ; si vous tentez de les arrêter, ils vont tourner de plus en plus vite.” Effectivement. La figure du cordonnier est devenue grave ; il tourne les bras avec rapidité. “Vous voilà insensible ; je vous pique, vous ne sentez rien ! En effet.” “Tenez ! voilà un verre de bière. Buvez !” Il fait le geste de boire. “Vous n’avez plus mal à la tête.” Il le reconnaît. Le patient exécute ensuite à son réveil une suggestion posthypnotique. Il a tout oublié, et n’a plus mal à la tête. Delbœuf s’interroge sur la magie de cette scène : “Ainsi, dans cet esprit, la crédulité a succédé brusquement à l’incrédulité. Pourquoi ? Comment ? Mystère.” » 

On peut se centrer sur ce qui est prononcé comme paroles dans cette scène. On est alors amené à proposer une analyse en termes de « pouvoir » de la parole. Mais si, suivant les indications de l’école de Palo Alto, on élargit le champ d’observation, une interprétation faisant intervenir d’autres éléments va pouvoir intervenir.

« Dans ses deux premières suggestions, ponctuées des rires du sujet, Bernheim joue sur la performativité du langage, ainsi que, probablement, sur des effets d’intonation et de voix, qu’il avait, si l’on en croit Delbœuf, caressante, perçante et pénétrante. » Au deuxième coup, il renforce sa suggestion en prenant à parti les témoins qui l’assistent. Le pouvoir de ses paroles est alors renforcé par celui de tout le groupe de spécialistes alliés du patron dans cet hôpital. Au troisième essai, Bernheim menace le cordonnier de le quitter et met ainsi dans la balance « une autorité institutionnelle doublée d’un lien personnel ». Que se passait-il pour ce malade si le chef de service l’abandonnait sur-le-champ ? Quel serait le traitement que réserverait l’hôpital à un malade rejeté par le médecin-chef ?

Remarquons que cette analyse en termes de « situation » est incomplète.

  • Il faudrait avoir d’autres informations sur le sujet et la raison de sa venue.
  • Il faudrait que le champ d’observation soit un peu plus vaste.

La même analyse peut être faite pour les célèbres expériences de suggestion de Binet ou de Milgram. Rappelons que les expériences de Binet (1900) sont faites dans un contexte scolaire.

Un adulte (le maître le plus souvent) montre à un enfant une feuille portant deux lignes parallèles et d’égale longueur. L’adulte demande alors à l’enfant : « Quelle est la ligne la plus longue ? » On constate alors que près de 90 % des enfants de 7 à 10 ans montrent une des deux lignes. Et Binet de conclure que l’enfance est un âge où l’on est « suggestible ». Dans les expériences de Milgram (1974), des sujets participent à des expériences sur l’apprentissage. Ils doivent envoyer des décharges électriques à un « apprenant » lorsque ce dernier « se trompe » au cours de son apprentissage. Mais la force de la décharge punitive augmente à chaque erreur et l’apprenant, qui est un compère, se trompe toujours, si bien que les décharges envoyées deviennent de plus en plus dangereuses.

  • On constate que sous la pression de la situation (un universitaire en blouse blanche dans un local de la faculté), les sujets suivent les instructions jusqu’à envoyer des décharges qu’ils savent excessivement dangereuses.
  • Milgram retrouve une partie de l’explication classique de la suggestibilité (par l’état de suggestion) en expliquant ce phénomène d’obéissance par un « état agentique », état de « déresponsabilisation » dans lequel serait mis le sujet du fait de son intégration dans une situation où il a à obéir.

Cependant,

  • un des sujets de Milgram est apparu comme n’étant absolument pas intimidé par le statut de l’expérimentateur qu’il considérait plutôt comme un « technicien borné et incapable d’imaginer toutes les conséquences de ses décisions ».

La réaction de ce sujet indique bien que la force de suggestion des ordres de l’expérimentateur est liée à la situation dans laquelle est mis le sujet et à l’idée (la représentation) que celui-ci s’en fait.

Dans les phénomènes de suggestion, c’est donc la situation qui induit largement l’obéissance et non la seule parole.

Ainsi,

une grande partie des études sur la communication de suggestion (et une grande partie des études sur la communication d’influence) renvoie à la psychologie sociale dans son approche des interactions entre l’individu et la situation dans laquelle il est placé.

  • Le résultat de la suggestion est alors une certaine façon de se comporter (celle qui est suggérée).

Or, à y regarder de près,

on s’aperçoit que ce qui est suggéré est en rapport avec les normes et règles portées par certains éléments de la situation.

[…]

Nous voyons donc, sur cet exemple expérimental, comment, quelles que soient les personnalités c’est-à-dire ici quels que soient les individus mis dans la situation de l’automobiliste qui se voit reprocher une faute,

  • les réponses subissent l’influence (ou la suggestion) du statut social du personnage réprimandant.
  • C’est ce statut du « réprimandeur » qui change le sens de la situation et donc les normes relationnelles standards de référence qui dirigent les échanges.
  • Ce statut de l’interlocuteur — motard ou piéton — est un « élément inducteur » de la communication qui se fait.

Il intervient pour canaliser les réponses des sujets dans deux directions bien distinctes : l’excuse faite en minimisant sa faute ou la négation de la faute, et ce lorsqu’il y a le policier ; la minimisation ou l’agression de l’interpellant, lorsqu’il y a un personnage « tout venant ». Derrière le statut social de l’interpellant, ce sont donc les règles et les normes de la communication sociale qui agissent.

La psychologie sociale a défini une compétence spécifique des sujets humains en ce qui concerne la communication :

  • la compétence environnementale.
  • C’est une compétence acquise à travers la fréquentation de nos semblables et qui est notre capacité intuitive et immédiate à reconnaître l’impact de tel ou tel élément de l’environnement sur nos échanges et à le prendre en compte en aménageant, selon nos objectifs propres, la situation de communication dans laquelle nous nous trouvons.

La psychologie et la psychologie sociale ont accumulé de nombreux résultats concernant les influences exercées par divers paramètres de la situation dits « éléments inducteurs ». Cette connaissance fait donc normalement partie intégrante de notre compétence environnementale.

  • Un élément inducteur, c’est d’abord un élément constituant, avec d’autres éléments auxquels il est attaché, la situation de communication.
  • C’est ensuite un élément qui a un relief particulier.
  • C’est dans et par la situation de communication que sa signification « importante » est révélée.
  • Il se définit et existe dans une relation avec la situation de communication et avec les actes communicatoires qui se déroulent.

En tant qu’élément, il n’a donc pas d’existence en lui-même.

Un élément inducteur a un statut particulier du fait de son influence, plus forte que d’autres influences, sur la situation de communication. C’est donc un élément qui pèse sur la situation, il a des propriétés dites « inductrices ». L’induction est donc une action à distance faite par un élément du contexte situationnel sur la communication elle-même.

Citons quelques « éléments inducteurs » très connus en psychologie :

— La trop grande proximité entre les interlocuteurs bloque les communications avec des inconnus : cas typique rencontré lorsque l’on est dans un ascenseur ou dans le métro. Ce blocage étant renforcé par le fait que la durée du contact est faible et qu’une nouvelle rencontre est peu probable.

— Etre en « vis-à-vis » favorise les échanges : dans une situation de communication « publique », chacun s’adresse beaucoup plus volontiers et plus facilement à l’interlocuteur qui se trouve en face de lui.

— La proximité relative favorise les échanges relationnels : dans une réunion de travail, dans une assemblée… être proche de quelqu’un induit le fait que l’on a tendance à s’adresser à lui sur un autre ton que sur le ton formel.

— La décontraction corporelle induit la décontraction des échanges : la position qu’a notre corps lorsque nous parlons a des effets sur notre façon de parler. La position de l’individu dans le réseau de communication favorise ou non certains types de communication.

— La densité sociale favorise la dépersonnalisation des échanges : plus les individus sont nombreux dans un espace limité, plus les communications entre les personnes deviennent distantes et impersonnelles.

— Le regard d’autrui induit la conformisation et la réaction de prestance : la surveillance et le regard d’autrui peuvent avoir des effets variés. Le regard d’autrui restreint la liberté. Ce regard peut me gêner, peut me forcer à faire attention à ce que je fais. D’une manière générale, la présence d’autrui pousse chacun à se conformer aux usages en vigueur dans la situation. A l’inverse de ce que nous venons de voir, la présence d’autrui peut avoir des effets dits « de prestance », c’est-à-dire qui poussent les individus « à en dire plus qu’ils ne le pensent », « à prendre des rôles extrêmes » et « à forcer la note ». Cette réaction de prestance serait à rattacher à un réflexe primitif du tout jeune enfant se trouvant devant son environnement social.

— La tendance des échanges à s’organiser en complémentarité ou en symétrie : c’est le phénomène de schismogenèse de Bateson que nous avons déjà vu. Lorsque les individus sont dans des relations obligées (relations entre personnels d’une même entreprise, relations entre les membres d’une même famille, relations dans une réunion, relations dans un système de communication…), ce processus de constitution de rôles complémentaires ou symétriques ne peut pas ne pas avoir lieu.

— La tendance à répondre sur le même registre qu’un interlocuteur s’adressant à soi (norme de réciprocité) et la plus grande facilité à approuver quelque chose qu’à le contredire.

Le paradigme relationnel systémique apporte une autre façon de considérer les phénomènes de suggestion et d’influence liés à la communication. La parole et l’individu ne sont plus au centre des analyses. Les analyses s’élargissent à la situation et aux conditions de la relation.

  • Les phénomènes d’influence relèvent alors davantage de la psychologie sociale qui porte son attention sur la situation dans laquelle se trouve le sujet plutôt que sur la subjectivité du sujet lui-même.

Par ailleurs, nous avons vu qu’

une « communication » n’est pas analysable en elle-même. On peut s’en rendre compte facilement en constatant qu’aucune description d’une « communication » ne se fait sans qu’il y ait des notations sur les éléments du contexte qui l’accompagne.

  • Le processus de communication est lié à l’ensemble des éléments définissant une situation de communication.
  • Ces éléments sont de toute nature, ce sont aussi bien les intentions des acteurs, les enjeux présents ou encore les caractéristiques physiques et spatiales de la situation de communication.

C’est ainsi que nous avons été conduits à définir la « compétence environnementale » et à rappeler les résultats des recherches concernant les « éléments inducteurs ». »

– Mucchielli, A. (1995). La communication de suggestion et les situations d’influence. Dans : , A. Mucchielli, Psychologie de la communication (pp. 119-129). Presses Universitaires de France.

 

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« La rencontre amoureuse a été très étudiée par les psychologues car elle est soi-disant « pleine de mystère ».

  • Il y a dans cette rencontre toute une communication infraverbale (sans parole) qui se fait et qui permet à deux êtres de se dire qu’ils se plaisent mutuellement.

En effet,

  • la rencontre amoureuse est une « situation limite » de « communication sans paroles » qui se veut « authentique » et qui fait ressortir quelques processus fondamentaux de la communication.

Rappelons, tout d’abord, que l’on ne rencontre pas n’importe qui. On sait, par de nombreuses enquêtes sociologiques sans arrêt validées, que l’on rencontre en priorité des personnes du même milieu social (homophilie) et des personnes résidant dans un environnement relativement proche (vicinité).

  • Il y a donc un « champ des éligibles » qui est assez déterminé par un ensemble de facteurs sociologiques échappant à la conscience et à la volonté des individus.

Examinons les principaux phénomènes psychologiques mis en œuvre lors de la sélection de l’être aimé.

1/ Les idées « a priori » sur l’amour et la vie en couple

Nous avons dans notre société des représentations et des attentes spécifiques envers l’amour et la vie en couple.

  • Ces représentations attentes ne sont pas sans importance pour comprendre ce qui se passe dans la rencontre elle-même.

Les enjeux individuels de l’amour et de la vie en couple

Pour Claude Roy le :

  • « je vous aime », peut vouloir dire :
    • « je désire me prouver à moi-même que j’existe en présentant pour vous un sentiment violent ;
    • je désire vous caresser, vous toucher, vous embrasser, vous donner du plaisir ;
    • je désire que vous me caressiez, me touchiez, m’embrassiez, me donniez du plaisir ;
    • je désire m’assurer de ma valeur en étant aimé par vous ;
    • je désire être subjugué, anéanti, humilié par vous pour me reposer de la fatigue d’être moi ».

Dans un autre état d’esprit,

  • le « je vous aime » peut vouloir dire :
    • « je désire vous écraser, vous humilier, vous faire mal pour exalter mon moi et me rassurer sur mon pouvoir ;
    • j’ai besoin d’un partenaire, d’un associé, je désire conclure un marché, je vous offre ceci, vous m’apportez cela, topons là ;
    • j’ai envie de faire un placement et j’investis en vous un capital d’affection, de soins et d’argent qui me rapportera un intérêt ;
    • j’ai besoin de retrouver ma mère (ou mon père), c’est ce que vous pouvez être pour moi ».

Cela peut vouloir dire aussi :

  • « j’ai besoin d’un prétexte pour vibrer, m’exalter, pour souffrir mille morts, m’inventer mille délices, vous serez ce prétexte (si je t’aime, est-ce-que cela te regarde ?).

« Je vous aime » peut aussi prendre le sens de :

  • j’ai à vaincre un sentiment de culpabilité, à combattre des complexes d’infériorité, et vous idolâtrer va me libérer ;
  • je n’aime pas faire la vaisselle et passer les soirées seul, vous serez là.

Ou encore :

  • un être à torturer, qui me torture aussi m’est indispensable :
    • soyez mon partenaire dans cet exercice.

Cela peut aussi signifier que

  • celui qui dit « je vous aime » aime vraiment l’être à qui il le dit ».

On se rend compte à travers cette revue des enjeux et des attentes qui peuvent se cacher derrière les paroles si classiques du « je vous aime » que la rencontre amoureuse n’est pas simple.

  • Elle peut répondre à une multitude de projets et d’aspirations, à une multitude de façons de concevoir la vie de couple, à une multitude de complexes et d’expériences personnels.

Si bien que certains psychologues concluent que

toute relation amoureuse repose, au départ, sur un malentendu construit à partir des illusions que l’on a sur ses propres motivations et attentes et sur la méconnaissance des motivations et attentes de l’autre.

  • La rencontre amoureuse se concrétise parce qu’elle est le temps primordial ou l’espoir que notre incomplétude fondamentale va être comblée.
  • « La rencontre amoureuse porte souvent en elle le mirage d’une réparation possible des blessures de la vie. »

Les représentations « a priori » de la vie en couple

Vivre en couple c’est très souvent, dans l’imaginaire de la plupart de nos contemporains, avoir la possibilité de trouver le bonheur, de réaliser son identité et de trouver un véritable sens de la vie qui ne soit pas égoïste.

La vie en couple doit compenser toutes les frustrations de la vie, c’est le lieu où l’on se ressource affectivement, où l’on reprend des forces et où l’on retrouve son équilibre…

Mais cette attente de bonheur est largement fondée sur un « fantasme de complétude » et non pas sur l’observation de la vie, nous dit J. Salomé.

  • Bien entendu d’autres individus ont tiré de tout autres enseignements de leurs expériences de la vie de couple de leurs parents.
  • Ils en auront conclu, par exemple, que

la vie de couple est un enfer à éviter ou bien que la vie de couple ne peut être vivable que sous un certain nombre de conditions qu’ils s’efforceront ensuite de réaliser, voire d’imposer à leur partenaire.

  • Nous savons très bien que les enjeux et les représentations dont nous venons de parler ont de l’importance.
  • Ils vont intervenir pour « construire » la réalité de notre rencontre amoureuse avec autrui.

Cette rencontre, en effet, si elle surgit d’un certain hasard, est aussitôt contextualisée par nos enjeux et représentations auxquels il faudra ajouter, dans l’instant même, les enjeux et représentations que possède le partenaire.

  • Cette « contextualisation », dans le paradigme phénoménologique et praxéologique, est le processus d’attribution de sens qui se fait à partir du « contexte ».
  • Ce contexte est ici fondamentalement constitué par l’ensemble des représentations qui « interprète » la rencontre de l’autre et « commente » cette « réalité ».

2/ Le processus de la sélection amoureuse

Tous les psychologues qui parlent du « choix » amoureux et les observateurs perspicaces ont plutôt tendance à le démystifier en le comparant au phénomène d’empreinte qui a lieu, par exemple, chez le tout jeune oison sortant de l’œuf qui « fixe » comme étant sa « mère » la première forme vivante qu’il voit.

Autrement dit,

  • la « fixation amoureuse » se produirait lorsque l’individu est dans un certain état de prédisposition, lorsqu’il est, par exemple, à la fin d’une attente ou d’une quête qui, à une époque non quelconque de son existence et dans un contexte personnel particulier, le met de façon consciente ou inconsciente, en instance d’être amoureux .

Pour Barthes aussi,

le « coup de foudre » « est ordinairement précédé d’un état crépusculaire : le sujet est en quelque sorte vide, disponible, offert sans le savoir au rapt qui va le surprendre.

De même Werther nous décrit assez longuement la vie insignifiante qu’il mène à Wahlheim avant de rencontrer Charlotte : point de mondanité, du loisir, la seule lecture d’Homère, une sorte de bercement quotidien un peu vide, prosaïque (il se fait cuire des petits pois).

  • Cette “merveilleuse sérénité” n’est qu’une attente…

Certes, à l’amour il faut un déclencheur, comme au rapt animal, le leurre est occasionnel, mais la structure est profonde, régulière, comme est saisonnière la pariade… »

  • L’analyse des manières dont les amoureux parlent de la façon dont ils sont « tombés amoureux » permet également à Barthes de mettre en évidence une sorte de « modèle intérieur » ou de « forme a priori », servant de filtre et de sélecteur dans la recherche du partenaire amoureux.
  • C’est à partir de cette « forme » qu’ils portent en eux que les futurs « amoureux » sélectionnent quelques éléments « admirables », « ravissants », craquants » ou « formidables » de l’être aimé, éléments qui sont alors les réels « déclencheurs » de leur amour.

«

… Le déclencheur de la mécanique sexuelle n’est pas un individu détaillé, mais seulement une forme, un fétiche coloré (ainsi démarre l’imaginaire). Dans l’image fascinante, ce qui m’impressionne (tel un papier sensible), ce n’est pas l’addition de ses détails, c’est telle ou telle inflexion.

  • De l’autre, ce qui vient brusquement me toucher (me ravir), c’est la voix, la chute des épaules, la minceur de la silhouette, la tiédeur de la main, le tour d’un sourire, etc.

Dès lors, que m’importe l’esthétique de l’image ? Quelque chose vient s’ajuster exactement à mon désir (dont j’ignore tout) ; je ne ferai donc aucune acception de style.

Tantôt, dans l’autre,

  • c’est la conformité d’un grand modèle culturel qui viendra m’exalter (je crois voir l’autre peint par un artiste du passé),

tantôt, au contraire,

  • c’est une certaine désinvolture de l’apparition qui ouvrira en moi la blessure : je puis m’éprendre d’une pose légèrement vulgaire (prise par provocation) : il y a des trivialités subtiles, mobiles, qui passent rapidement sur le corps de l’autre : une façon brève (mais excessive) d’écarter les doigts, d’ouvrir les jambes, de remuer la masse charnue des lèvres en mangeant, de vaquer à une occupation très prosaïque, de rendre son corps idiot une seconde, par contenance (ce qui fascine dans la “trivialité” de l’autre, c’est peut-être que, pour un très court moment, je surprends en lui, détaché du reste de sa personne, comme un geste de prostitution).

Le trait qui me touche (encore un terme de chasse) se réfère à une parcelle de pratique, au moment fugitif d’une posture, bref à un schème.

» 

La perception visuelle et auditive est donc au premier plan de la recherche de « signes » (de détails morphologiques, souvent infimes (une fossette, une couleur des yeux, une tonalité de la voix, un dessin des lèvres…), qui prennent valeur de symboles.

  • La communication qui se fait alors est hors du contrôle de la volonté.
  • C’est une sorte de communication spontanée et primitive.

Le fonctionnement de la « forme » laisse ensuite l’individu en un état particulier dit « état amoureux » que Barthes compare à un état d’hypnose.

« Le coup de foudre est une hypnose : je suis fasciné par une image : d’abord secoué, électrisé, muté, retourné, “torpillé”, comme l’était Ménon par Socrate, modèle des objets aimés, des images captivantes, ou encore converti par une apparition, rien ne distinguant la voie de l’énamoration du chemin de Damas ; ensuite englué, aplati, immobilisé, le nez collé à l’image (au miroir). Dans ce moment où l’image de l’autre vient pour la première fois me ravir, je ne suis rien de plus que la Poule merveilleuse du jésuite Athanase Kircher (1646) : les pattes liées, elle s’endormait en fixant les yeux sur la ligne de craie, qui, telle un lien, lui passait non loin du bec ; la déliait-on, elle restait immobile, fascinée » (p. 225).

Ainsi donc, on peut conclure que

le choix amoureux est un phénomène de sélection-implication qui s’apparente au phénomène de l’empreinte ou de la conversion.

  • Un certain état intérieur prédispose l’individu à reconnaître chez les partenaires sexuels des signes chargés de valeurs positives.
  • Lorsque ces signes sont reconnus, le processus d’attraction prend en masse, il apparaît un sentiment appelé culturellement l’ « amour » et l’attachement à la personne repérée se fixe alors.

L’idéalisation de l’aimé(e) s’accompagne d’un certain aveuglement.

Dans De l’amour, paru en 1822,

Stendhal compare l’amour au phénomène de cristallisation qui, dans les mines de sel de Salzbourg, transforme en joyau merveilleux par dépôt de cristaux le morceau de branche le plus banal.

L’être aimé est alors paré de toutes les qualités (« quoi que je dise, quoi que je fasse, ce blondin fade aux yeux de merlan », dit la Comtesse, « trouve cela admirable et c’est bien commode »).

  • Les recherches psychologiques se sont efforcées d’expliciter les différents éléments qui peuvent intervenir pour composer la grille dont chaque homme ou chaque femme dispose pour sélectionner son partenaire.

Cette grille est composée de deux sous-systèmes :

Nous allons successivement évoquer ces deux systèmes.

1/ Le système des représentations de l’autre « aimable »

Les souvenirs, souvent parcellaires et réduits à un détail qui résume tout un contexte, entrent dans la composition de la grille de sélection.

  • Ces souvenirs construisent une sorte de « représentation » avec tous les processus propres à cette construction, très étudiés par les psychosociologues de l’école française (sélection, schématisation, grossissement, ancrage..).

Nous allons examiner rapidement les influences :

  1. des figures parentales,
  2. des « amours » d’enfance et des images de soi, sur la constitution de la grille de sélection du partenaire amoureux.

L’influence des figures parentales

Sous l’impulsion de la psychanalyse les influences positives de la figure parentale de sexe opposé ont été très étudiées.

C’est l’image de la mère qui fournit une grande partie des éléments physiques ou moraux pour sélectionner le partenaire féminin pour l’homme, et l’image du père qui fournit aussi la majeure partie des éléments physiques ou moraux pour sélectionner le partenaire masculin pour la fille.

  • Lorsque la relation affective enfantine a été positive avec le parent du sexe opposé, la grille de sélection du partenaire amoureux comprendra un certain nombre de traits physiques ou de caractères de ce parent tel qu’il a été perçu à l’époque et qu’il est resté dans le souvenir.
  • A l’inverse, bien entendu, lorsque la relation avec le parent du sexe opposé a été pénible, certains de ses traits morphologiques, certaines de ses habitudes et de ses caractéristiques morales seront intégrées comme éléments négatifs dans la grille de sélection personnelle.

Des grilles de sélection plus « pathologiques » peuvent se mettre en place dans certains cas. Les psychanalystes parlent alors de l’interférence de désirs œdipiens mal résolus qui ne peuvent s’empêcher de ressortir ensuite dans la vie conjugale.

« Elle a vécu dans sa famille les colères du père si elle-même ou sa mère arrivait en retard. Son mari, Paul, ne se fâche jamais quand elle rentre en retard. Elle imagine qu’il cache ses sentiments réels (il ne devrait pas supporter ces retards et réagir). Elle va donc le provoquer, en rajouter “jusqu’à ce que cela explose enfin”. Elle a épousé un homme bien différent de son père et va tout faire pour qu’il devienne comme lui. »

« Il a eu une mère austère, dévouée, rationnelle, qui mettait l’accent sur le devoir, la logique, les idées, la rigueur sous toutes ses formes. Il s’est marié très tôt avec une jeune fille, coquette, joyeuse, spontanée et parfois capricieuse. Il lui reproche sa légèreté, son manque de logique et de rigueur, son absence de goût pour les débats intellectuels, son trop grand goût pour le plaisir facile. Elle fait de gros efforts pour lui plaire (pour correspondre à ce qu’elle croit être sa demande) et va perdre l’insouciance, la spontanéité, la fraîcheur qu’elle avait. Il lui reprochera plus tard ce changement qu’il a contribué à provoquer » (et, sans doute la fuira-t-il comme il fuyait sa mère !).

On voit sur ces exemples comment, par-delà l’influence sur la grille de sélection du partenaire, les influences parentales induisent les communications futures.

D’autres figures du milieu familial ou social interviennent dans la constitution de la grille de sélection du partenaire, ayant servi de substituts éventuels (grand frère, grande sœur, grands-parents, mère ou père-substituts, nurse, oncle ou tante, etc.).

L’influence des amours d’enfance

Les élans amoureux réels et précoces sont fréquents. Un garçon de 10 ans peut être amoureux de la maman de son camarade, de sa grande cousine, de sa petite voisine ou de son institutrice. Ces amours enfantins sont intenses et, n’ayant pas d’avenir, se perdent dans l’oubli.

  • Il en reste cependant une fixation de certaines caractéristiques observées,
    • soit purement physiques (telle la couleur des yeux, des cheveux, la forme du nez, le regard, la démarche, la voix, l’odeur, etc.),
    • soit comportementales (manières d’être, humeur, attitudes, etc.).

Influence des images de soi

Ces influences sont nombreuses et complexes. Notons d’abord la reconnaissance de notre propre image dans l’autre. Dans ce cas,

lorsque l’on a une image positive de soi, l’autre est alors perçu comme un double, une « âme-sœur » et cette identification exerce un fort attrait.

Notons aussi que

la reconnaissance chez l’autre de l’expression libre de projets, d’attentes ou d’attitudes que nous avons mais que nous ne nous permettons pas de manifester, exerce une attirance.

Dans ce cas,

  • l’autre-aimé représente quelqu’un par lequel je vais pouvoir me réaliser davantage.

Enfin,

la reconnaissance en l’Autre de mon Moi-idéal déclenche une identification dite d’aspiration : l’Autre-aimé a les qualités ou les manières d’être que je voudrais ou aurais voulu avoir.

  • Le conquérir serait équivalent à posséder cet idéal et ceci est très attirant.

2/ Le système des attentes et des répulsions de rôles des futurs partenaires

La personnalité est

  1. un ensemble de rôles (ce que l’on a l’habitude de faire) et
  2. elle est aussi un ensemble d’attentes et de répulsions de rôles (ce que l’on voudrait que l’autre fasse et que l’on ne voudrait pas qu’il fasse).

Ce système des attentes et répulsions est actif, c’est-à-dire qu’il cherche sans cesse les partenaires idéaux qui vont le satisfaire. Les attentes de rôles fonctionnent comme de véritables « besoins » de relations spécifiques. Tout se passe comme si l’individu avait « besoin » d’un certain type de relations pour sentir la plénitude de son être.

  • On peut très souvent lire l’histoire d’une vie individuelle comme une succession de réussites ou d’échecs de l’individu pour trouver des partenaires répondant à ses attentes de rôles et donc lui permettant d’être-selon-son-rôle-privilégié.

La recherche du partenaire idéal qui répondra aux attentes de rôles a bien été mise en évidence par les recherches sur la psychothérapie conjugale.

Lors de la recherche de partenaire amoureux, chaque être se trouve, dit E. Berne, « dans la situation d’un metteur en scène. L’homme cherche le premier rôle féminin qui jouera le mieux possible le personnage exigé par son propre scénario ; la femme cherche un premier rôle masculin qui interprétera le caractère adapté à son protocole.

  • Pendant la “période des auditions”, les “candidats” commencent par être classés en deux catégories :
    • ceux ou celles qui donnent des réponses attendues, et
    • ceux ou celles qui ne le font pas.

La première catégorie est ultérieurement réduite par des tests de jeux (ou par des jeux qui sont des tests) ; des manœuvres de provocation sont mises au point… Puis le choix final se porte sur celui ou celle qui semble s’adapter le mieux au scénario dans son ensemble. C’est-à-dire que les partenaires sont attirés l’un vers l’autre par la supposition intuitive que leurs scénarios sont complémentaires ».

  • Ainsi donc, dans ce cas particulier, parfaitement généralisable à d’autres situations, chacun des deux futurs époux attend de l’autre qu’il comble un certain nombre de ses attentes de rôle.
  • Chacun des deux a besoin que l’autre ait à son égard certains comportements et, par ailleurs, attend que l’autre tolère certaines exigences qui sont vécues, par celui qui attend, comme indispensables à sa satisfaction existentielle.

Par ailleurs,

la perception, chez l’Autre, de besoins correspondant à ce que nous pouvons combler provoque l’attirance par espérance de pouvoir donner ce qui manque à l’autre.

A l’inverse,

il existe un système de répulsion de rôles. Ce système est l’ensemble des valeurs, attitudes et conduites qui sont insupportables chez les partenaires. Aux exigences des conduites à avoir, il faut donc ajouter cette exigence que l’autre n’ait pas certaines conduites et ne joue pas certains rôles insupportables.

  • Les fondements de la communication et même de la relation à autrui reposent donc sur de tels présupposés acquis dans le passé enfantin et affectif. J. Salomé en cite quelques-uns :

« Je n’aime pas les femmes qui font des chichis, qui sont trop féminines, toi tu n’es pas comme ça. Autrement dit : sois comme un homme et tu restera ma femme. Ainsi, bien plus tard, quand elle s’est acceptée comme femme elle a aussi accepté de le perdre. »

  • Une grande partie du système des attentes et répulsions de la personnalité est inconscient.

Il y a donc toujours des risques d’erreurs dans le choix des partenaires. On se trompe en voulant faire un choix trop conscient et rationnel, on se trompe en sous-estimant ses propres répulsions ou on se trompe en pensant que l’on pourra se satisfaire de voir seulement quelques attentes comblées.

Mais

la plus grande partie des erreurs vient de la « période de sélection », souvent trop courte pour que l’on puisse vraiment apprécier le système d’interactions mis en place avec le partenaire et où, dans tous les cas, les individus ne sont pas vraiment eux-mêmes et jouent des rôles non ordinaires qui transforment momentanément leur personnalité.

  • Ils sont d’autant moins eux-mêmes que le contexte situationnel n’est pas le contexte habituel.

Dans l’ensemble des déterminants que nous venons de voir,

  • se trouvent des facteurs plus ou moins névrotiques, qui bloquent la communication authentique et ne cherchent qu’une satisfaction égocentrique.

On pourrait donc conclure avec J. Salomé que,

dans la rencontre amoureuse, « il y a tant de facteurs qui jouent, tant de dissimulations des vrais besoins affectifs et érotico-sexuels, que c’est le temps seul qui permet aux êtres de se connaître. Ils s’engagent presque toujours en connaissance de cause incomplète, et c’est finalement sur le hasard d’une rencontre, d’une avance, d’un sourire, mais aussi d’une réticence, d’une timidité, d’un malentendu, qu’une existence peut se jouer ».

  • Une grande partie des éléments que nous avons rapporté concernant le « choix amoureux » peut être transposé au « choix amical » et à la « sympathie ».

Cependant,

la rencontre amicale n’a rien d’un coup de foudre. C’est un rapprochement progressif fondé sur une évaluation réciproque des similitudes psychologiques : même sensibilité, même façon d’analyser les choses, même façon de les vivre… et sur une confiance progressive en l’autre qui sait « comprendre et soutenir ».

Cependant aussi,

le choix de l’ami met beaucoup plus en œuvre des processus de recherche de la similarité de l’autre.

  • L’ami est quelqu’un qui ressemble à ce que nous pensons être et/ou à quelqu’un que nous voudrions être.Ceci variant d’ailleurs en fonction de notre degré d’acception et d’estime de nous-même.

Nous attendons de lui la « réciprocité » et la « complémentarité ». C’est-à-dire que nous attendons d’abord qu’il se comporte envers nous comme nous envers lui et, ensuite, qu’il ait des aptitudes et des goûts qui vont plus loin que les nôtres (les complètent) en exprimant ce que nous voudrions faire et être.

Avec cette réciprocité et cette complémentarité, la communication avec l’ami remplit un double rôle.

  1. Elle est narcissiquement gratifiante (on se retrouve dans ce que dit l’autre) ; et
  2. elle est psychologiquement stimulante (on prend conscience de ce que l’on pourrait penser et faire).

La découverte de l’autre

  • Après le « coup de foudre » vient une période de communication intense (lettres, coups de téléphone, longues conversations au cours de promenades…) où les deux amoureux s’explorent mutuellement avec avidité.
  • Ils cherchent à se rencontrer le plus souvent possible.
  • Leur rencontre est attendue dans l’émoi.
  • Cette rencontre elle-même est, comme le dit encore Barthes, une fête, c’est-à-dire une sommation inouïe de plaisirs, une jubilation toujours renouvelée.
  • C’est la période de l’idylle.

Pendant cette phase,

la communication entre les amoureux est composée de récits de morceaux de vie que chacun offre à l’autre, lequel y puise ce qui le confirme dans son éblouissement. C’est une communication « inattentive » ou l’ « attention flottante » de l’un et de l’autre ne retient de ce qui est dit que ce qui l’intéresse.

  • La communication y est en partie « phatique », c’est à dire qu’elle a la fonction de renforcement du lien affectif.

« Dans la rencontre, je m’émerveille de ce que j’ai trouvé quelqu’un qui, par touches successives et à chaque fois réussies, sans défaillance, achève le tableau de mon fantasme ; je suis comme un joueur dont la chance ne se dément pas et lui fait mettre la main sur le petit morceau qui vient du premier coup compléter le puzzle de son désir. C’est une découverte progressive (et comme une vérification) des affinités, complicités et intimités que je vais pouvoir entretenir éternellement (à ce que je pense) avec un autre, en passe de devenir, dès lors, “mon autre” : je suis tout entier tendu vers cette découverte (j’en tremble), au point que toute curiosité intense pour un être rencontré vaut en somme pour de l’amour (c’est bien de l’amour qu’éprouve pour le voyageur Chateaubriand un jeune Moraïte, qui observe avidement le moindre de ses gestes et le suit jusqu’à son départ). A chaque instant de la rencontre, je découvre dans l’autre un autre moi-même : Vous aimez ceci ? Tiens, moi aussi ! Vous n’aimez pas ca ? Moi non plus ! Lorsque Bouvard et Pécuchet se rencontrent, ils ne cessent de faire le compte, avec émerveillement, de leurs goûts communs : c’est, on s’en doute, une vraie scène d’amour. La Rencontre fait passer sur le sujet amoureux (déjà ravi) l’étourdissement d’un hasard surnaturel : l’amour appartient à l’ordre (dionysiaque) du Coup de dés. Ni l’un ni l’autre ne se connaissent encore. Il faut donc se raconter : “Voici ce que je suis.” C’est la jouissance narrative, celle qui tout à la fois comble et retarde le savoir, en un mot, relance… » 

L’amoureux, dans la phase idyllique, n’est pas sans connaître quelques angoisses et craintes. Il veut sans cesse être rassuré sur l’amour que lui porte son aimée. Il scrute donc tous les signes qui peuvent le réconforter. Mais aucun de ces signes (même le langage) n’est « sûr » et tous peuvent prêter à plusieurs interprétations.

« Je cherche des signes, mais de quoi ? Quel est l’objet de ma lecture ? Est-ce : suis-je aimé (ne le suis-je plus, le suis-je encore) ? Est-ce mon avenir que j’essaye de lire, déchiffrant dans ce qui est inscrit l’annonce de ce qui va m’arriver, selon un procédé qui tiendrait à la fois de la paléographie et de la mantique ? N’est-ce pas plutôt, tout compte fait, que je reste suspendu à cette question, dont je demande au visage de l’autre, inlassablement, la réponse : qu’est-ce que je vaux ? » 

Les psychologues ont trouvé une « fonction » psychologique à la communication amoureuse : se rassurer.

Mais il y a aussi une fonction intellectuelle, voire éthique, qui apparaît lors de cette phase : construire un autre et lui donner à construire.

  • C’est d’ailleurs le plaisir de toute conversation que de construire l’autre et de lui donner la possibilité de construire à travers soi-même.

D’autres plaisirs apparaissent aussi dans la conversation avec l’être aimé :

  • l’exercice d’expression de l’amour et du désir de l’être aimé.
  • Le désir de l’autre est donc aussi un moteur de la communication amoureuse.

« Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre. C’est comme si j’avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir. L’émoi vient d’un double contact : d’une part, toute une activité de discours vient relever discrètement, indirectement, un signifié unique, qui est “je te désire”, et le libère, l’alimente, le ramifie, le fait exploser (le langage jouit de se toucher lui-même) ; d’autre part, j’enroule l’autre dans mes mots, je le caresse, je le frôle, j’entretiens ce frôlage, je me dépense à faire durer le commentaire auquel je soumets la relation. » 

La communion

La psychologie phénoménologique a développé l’analyse de cette forme exceptionnelle que prend la communication dans la phase de fusion amoureuse.

  • Dans cette phase qui est « l’état naissant d’un mouvement collectif à deux », de puissantes forces sont libérées.
  • Elles transportent l’amoureux dans un monde différent, elles amènent la joie, elles chassent complètement de la conscience les préoccupations banales et égoïstes, elles stimulent une sensibilité nouvelle aux choses de la vie…
  • bref elles transforment radicalement la manière d’être au monde de l’amoureux et son système de pertinence (tout est réorganisé autour de l’être aimé : le passé, l’avenir, le travail…).

« L’amour élabore une géographie sacrée du monde, dit Alberoni, il correspond au désir de reconstruire la société, de voir le monde d’un œil nouveau… »  

L’être aimé devient l’être unique et irremplaçable dont tout l’être fascine. Dans cette phase aiguë de l’amour (la seule, selon certain, qui puisse être appelée amour) la communication est obligée d’utiliser un langage poétique, sacré, voire mythique tellement les formulations banales semblent inappropriées pour rendre compte de l’état intérieur de ravissement, de comblement et de transport.

Par ailleurs,

  • le processus de la communication entre les amoureux est alors porteur d’une dynamique de développement de la personne :

« En amour, chacun essaie de valoriser ce qu’il y a de meilleur en lui, ce qui lui semble le plus original, le plus authentique, ce qu’il veut que l’autre apprécie. L’autre, au contraire, apprécie davantage un autre aspect de sa personnalité et le lui révèle. Puisque l’amour nous amène à adopter le point de vue de l’être aimé, nous sommes alors obligés de réviser l’image que nous avons de nous-mêmes. Le désir de plaire à l’être aimé nous oblige donc à nous modifier. Ainsi chacun impose-t-il à l’autre ses propres jugements et se transforme-t-il pour plaire à l’autre. Et tout cela sans contrainte, mais grâce à un décodage perpétuel, une perpétuelle découverte. Toutes les attitudes de l’être aimé, ses gestes, ses regards, deviennent autant de symboles à interpréter. Et nous aussi devenons une source permanente de symboles. »

L’enrichissement personnel à travers les échanges avec l’autre aimé se fait aussi parce que la confiance totale que nous lui faisons nous permet d’appréhender le monde de son point de vue, avec sa sensibilité et ses yeux.

C’est là que l’être humain atteindrait la véritable « compréhension », la véritable possibilité d’ « empathie » et ce phénomène que représente le fait de pouvoir voir le monde « dans la perspective de l’autre constitue l’extrême possibilité et l’extrême faculté de voir et de comprendre ».

  • Le couple amoureux est alors le « chemin vers l’absolu » car il mène les amoureux à la découverte des valeurs profondes de ce qui fait son humanité.

1/ L’évolution de la relation intime

Des études portant sur l’évolution des relations chez des personnes mariées permet de préciser l’évolution de la relation intime dans le mariage.

Blood a comparé l’évolution des expressions de l’affection chez des personnes mariées par amour et chez des personnes dont le mariage avait été « arrangé » par la famille. Les résultats révèlent trois phases distinctes : au cours des deux premières années de mariage, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes. Après la deuxième année de mariage, les signes d’affection déclinent de façon spectaculaire dans les mariages arrangés.

  • Dans les mariages d’amour, on constate une stabilisation entre deux et huit ans après le mariage. Il apparaît une troisième phase après neuf ans de mariage. Les expressions de l’affection se réduisent au tiers de ce qu’elles avaient été au début du mariage dans les deux groupes.

« Cette étude montre donc que, quelles que soient l’intensité de l’affection et la force des émotions au début du mariage, (les communications affectives) s’estompent progressivement avec le temps. »

Le développement des normes de l’intimité

  • Les communications intimes n’échappent pas aux normes.
  • Ces normes sont fonction des cultures et des époques et elles évoluent avec la durée de vie du couple.

Des chercheurs ont analysé la façon dont les individus parlaient de leurs sentiments affectifs et amoureux.

  • Ils ont montré que les émotions se manifestent dans un langage choisi qui caractérise un certain niveau de profondeur des relations.

Ainsi,

le vocabulaire employé dans la relation intime a une fonction stratégique qui permet de savoir jusqu’où une relation peut s’établir en fonction de l’accueil réservé par autrui aux expressions du partenaire.

  • Par ailleurs par-delà les normes culturelles de formulation de sentiments chaque couple construit progressivement ses normes de relations intimes (normes qui concernent les manières de faire ensemble).

Ces règles participent grandement à la routinisation des échanges.

Si cette routinisation est source d’appauvrissement, il faut aussi signaler qu’elle fournit aux partenaires un répertoire commun permettant d’approfondir la relation.

2/ Caractéristiques de la communication chez les couples heureux ou malheureux

Chez les couples heureux,

  • les époux sont spontanés l’un envers l’autre.
  • Ils sont capables d’exprimer leur point de vue personnel sans que soit mise en question leur communauté d’existence.
  • Sur la base d’un être-ensemble assuré, les différences d’opinion et les discussions se manifestent librement.

Chez les couples malheureux,

  • les partenaires ne vont pas jusqu’au bout de leurs opinions devant l’autre.
  • Ils émettent allusivement et par sous-entendus, avec une part qu’ils gardent secrète.
  • La revendication personnelle est importante, impliquant l’accusation de l’autre et l’organisation d’attitudes défensives qui tendent à devenir automatiques.

Le tableau suivant résume les différences.

Couples heureux 

1. La fonction de la communication est d’accroître la connaissance interpersonnelle, la conscience des problèmes ou des attentes de l’Autre.

Couples malheureux

1. La communication a une fonction offensive-défensive. Elle ne fait en rien progresser l’ajustement des perceptions.

Couples heureux

2. Langage et paralangage sont congruents, c’est-à-dire que le ton, la voix, les mimiques et autres accompagnateurs du message (paralangage) sont en accord avec le contenu de ce qui est dit.

Couples malheureux

2. Langage et paralangage sont non congruents. Des choses banales sont dites de façon agressive, des choses agressives avec le sourire, etc.

Couples heureux

3. Les échanges sont plus souvent dynamisants et sources de satisfactions, Leur efficacité fait qu’ils sont plutôt recherchés.

Couples malheureux

3. Les échanges consomment de l’énergie, sont fatigants et prolongés pour rien, ou, inversement, cette inefficacité étant comprise, il y a absence d’échanges.

Couples heureux

4. Les problèmes du couple sont délimités et traités. Il n’y a pas de digressions.

Couples malheureux

4. Chaque problème du couple met en branle d’autres problèmes et finalement la relation conjugale dans sa totalité. Les digressions sont nombreuses. Des problèmes semblent toujours en suspens.

Couples heureux

5. Les époux parlent l’un à l’autre et en même temps sont ensemble, l’un avec l’autre. Une relation de base existe qui n’est pas verbalisée.

Couples malheureux

5. Les partenaires se parlent sans être l’un avec l’autre. Chacun des deux cherche soit à convaincre, soit à esquiver, soit à manipuler l’autre.

Couples heureux

6. Quoique l’acceptation de l’Autre comme individualité ne soit pas inconditionnelle (il y a des choses à changer), son acceptation comme conjoint et partenaire est inconditionnelle.

Couples malheureux

6. L’Autre est non seulement pas accepté tel qu’il est, mais il est considéré comme source de frustrations et pratiquement récusé comme partenaire.

Couples heureux

7. La communication verbale et paraverbale n’est pas la seule forme de relation, D’autres existent qui sont non verbales : la caresse, la sexualité, la pensée, le souvenir, etc.

Couples malheureux

7. La communication tend à se rétrécir à des signaux verbaux conventionnels. Dans certains cas la parole est remplacée par l’écriture (petits mots d’information objective).

3/ La communication conflictuelle dans le couple

Les sources de la communication conflictuelle sont nombreuses. Nous n’en évoquerons que quelques-unes en complément de celles déjà vues.

Le désaccord sur les domaines de décision

Prenons un exemple :

le mari, seul à la maison, reçoit un coup de téléphone d’un ami qui lui dit qu’il va venir pour quelques jours dans la région. Aussitôt le mari invite cet ami à la maison, il sait que cela fera plaisir aussi à sa femme, et il est certain qu’elle aurait agi de même. Pourtant, au retour de la femme, une scène violente éclate entre eux à propos de l’invitation faite par le mari.

Dans cette communication il y a deux niveaux intriqués :

  1. l’un concerne le contenu (l’invitation) et sur ce point les deux époux sont d’accord ;
  2. l’autre niveau latent concerne la prise d’initiative (qui a le droit d’inviter sans consulter l’autre ?).

Le désaccord porte en fait sur le deuxième niveau. Dans ce cas (traité en psychothérapie conjugale), en fait, la femme voyait dans la décision d’invitation un nouveau signe de la tendance du mari à décider sans jamais la consulter.

L’étude de la structure formelle de la communication entre les époux au cours de la psychothérapie systémique de couple a montré que chacun cherchait à avoir le dernier mot et à imposer son point de vue à l’autre.

Les complexes personnels

Voici le récit fait par une femme.

« J’ai découragé l’amour de Jean en n’y croyant pas. Il a tenu le coup très longtemps à vouloir m’aimer jusqu’à ce que je m’aime, jusqu’à ce que je puisse enfin m’aimer…. et même aujourd’hui où nous sommes séparés, il ne m’a jamais reniée, ne le fera jamais… Le soir de notre mariage après avoir quitté les amis, les premiers mots qu’il m’a dit dans la 2 CV qui traînait des vieilles boîtes de conserve :
« — Alors maintenant, tu le crois que je t’aime ?
« — Non.
« — Alors c’est pour ta fortune que je t’ai épousé ?
« Je n’ai rien répondu mais je pensais — oui (moi qui ne possédait rien). Je m’en suis tenu pendant des années à cette conviction nécessaire pour moi. Je lui ai donné mon efficacité, mon aide pour ses travaux, mon argent et mon temps aux enfants pour qu’il soit plus libre. Je lui ai donné ma vie, sans restriction, mais pas moi, qui n’avait pas de valeur. Ah ! Etre simplement pour l’autre, au lieu de toujours s’obliger à faire pour lui, pour “réparer” ma non-valeur. Je me sentais trop pauvre, trop démunie pour donner autre chose que des cadeaux actifs à la place de l’amour. Je réalise en écrivant ces phrases que je lui ai caché tout cela qu’il aurait peut-être accepté… c’était beau de faire des tas de choses ensemble, d’agir côte à côte, mais mes efforts ont abouti, il m’a quitté. J’avais fait la preuve qu’il ne pouvait m’aimer jusqu’au bout, j’ai perdu l’équilibre (“je ne peux être aimée”) quand mon balancier (“je ferai la preuve que tu es aimé”) s’est éloigné, brisé, découragé, amoindri. »

Ce récit, nous dit Salomé, montre sur quelle dynamique complexuelle s’est construite la relation dans ce couple :

  • « je ne m’aime pas, donc personne ne peut m’aimer quoiqu’il en dise et fasse, car moi seule sait que c’est impossible » pense la femme ;
  • vision à laquelle le mari a répondu : « Je t’aime et je vais en faire la preuve irréfutable d’abord en t’épousant puis en t’offrant toutes mes créations, tous mes projets, tous mes désirs. Tout cela pour toi seule. »

Avec ces présupposés complexuels la dynamique est en place,

« plus tu en fais, plus je m’éloigne…, plus tu en fais, plus tu fais la preuve que je ne vaux rien, car autrement tu ne me donnerais pas autant ».

La manipulation de l’identité de l’autre

L’un des partenaires peut essayer de pousser l’autre à remplir un rôle. C’est « l’assignation implicite de rôle ou d’identité » décrite par l’antipsychiatrie.

  • Il s’agit d’une pathologie relationnelle dans laquelle le partenaire en question veut récréer un système relationnel prégnant structuré dans son propre passé.
  • Il cherche à rejouer ce qu’il a connu pendant son enfance. Il va mettre en oeuvre tous les moyens d’injonctions, d’assignations et de persuasion pour pousser l’autre dans le rôle qu’il faut qu’il tienne pour assurer l’identité complémentaire à la sienne.
  • Si l’autre ne « joue pas le jeu », il sera accusé, si nécessaire, de déloyauté et sera culpabilisé ou menacé par un rejet affectif (je ne t’aime plus — je ne veux plus t’aimer, il faut nous séparer, divorcer…).

Les communications symétriques

« Oh Tom, je me sens faible, la tête me tourne comme si j’allais m’évanouir d’un moment à l’autre…
« — C’est tout à fait comme moi, Mabel… Je me demande si un cognac ne nous ferait pas du bien !
« — J’ai aussi mal au cœur, Tom !
« — Moi de même…
« — Ce doit être mon cœur, j’ai des palpitations.
« — Tiens ? Tu ressens cela toi aussi ? Je me suis demandé à l’instant si je ne faisais pas une embolie ! »

Cet ensemble de communications parfaitement symétriques montre que l’un comme l’autre des partenaires sont incapables de comprendre la demande du conjoint car

  • « quand l’épouse déclare : j’ai une migraine affreuse, le mari doit témoigner de l’anxiété et reconnaître que son épouse n’a pas bonne mine.
  • Le mari qui répond : c’est étrange car tu as l’air en pleine forme, est d’une brutalité inhumaine ».

En fait chacun reste enfermé dans ses attentes et exigences sans manifester la moindre ouverture.

Les communications complémentaires

  • La communication complémentaire est une réponse positive à la demande de l’autre.
  • Elle est le comblement d’une attente formulée soit verbalement soit évoquée à travers le paralangage et la posture.

Les communications complémentaires satisfont par définition le système des attentes du partenaire, mais veut aussi, par le renforcement permanent de besoins pathologiques, aboutir à une rigidité des communications du couple qui devient incapable de s’ouvrir à autre chose et se rigidifie dans un égoïsme à deux.

  • Les couples malades, comme les familles pathologiques, présentent non seulement des interactions réduites,
  • mais aussi toujours la même structure formelle de ces échanges.

4/ La rééducation de la communication de couple

La méthode de rééducation de Satir s’appuie sur un « contrat » passé entre les partenaires et qui a pour seul but d’assurer la coopération et la coresponsabilité de la rééducation.

Sur cette sécurité de base qui neutralise les réactions de défense, la rééducation s’opère selon deux directions :

  1. un entraînement à la clairvoyance et
  2. un entraînement à la transparence.

1. Entraînement à la clairvoyance

Les conjoints sont invités à faire attention non pas au contenu verbal-intellectuel de ce que l’Autre dit mais à ce que cela contient d’information sur ses demandes, ses attentes, ses projets, ses perceptions, etc.

  • Il s’agit donc de s’entraîner à la décentration (s’orienter sur l’Autre, comprendre par rapport au contexte de l’Autre) et de s’entraîner à percevoir les dispositions ou les frustrations du partenaire.
  • Ce qu’il faut apprendre, c’est à utiliser l’information contenue dans les innombrables communications verbales et paraverbales du partenaire en se posant systématiquement la question :
    • qu’est-ce que cela signifie pour lui ?
    • qu’est-ce qu’il me dit aussi et en même temps sur ses attentes, ses désirs, ses insatisfactions, ses déceptions ?

2. Entraînement à la transparence

Chaque conjoint est invité à faire l’effort de percevoir comment l’autre a perçu ce qu’il a dit et à chercher dans le message émis l’obscurité ou l’opacité (au niveau verbal ou à celui du paralangage) qui a provoqué l’incompréhension ou l’interprétation de l’autre (d’où, en retour, sa propre insatisfaction de ne pas être compris).

  • Cette autocritique au niveau de la transparence doit aller jusqu’à clarifier les attitudes mentales, les raisons personnelles psychologiques de l’opacité ou de l’amputation des messages.
  • L’engagement conjoint dans la thérapie fait que les deux époux sont tenus de s’aider mutuellement dans l’accroissement de transparence.

Nous retrouverons les exercices de « décentration » dans certaines techniques de résolution de conflits collectifs que nous aborderons au chapitre sur les discussions collectives.

Le processus mis en œuvre pour faciliter la communication est un entraînement à « se mettre à la place de l’autre » (donc à se décentrer, à quitter sa propre vision des choses).

  • Par là nous approchons le concept d’empathie si essentiel en psychologie de la communication dont nous allons parler en détail dans notre prochain chapitre.

Nous avons vu comment l’approche psychologique « extérieure » de la rencontre amoureuse, en cherchant à décortiquer la conduite humaine et ses déterminants, nous menait à une vision pessimiste de ce phénomène :

  • tout est déterminé, l’homme est mû, à son insu par ses expériences enfantines, par ses représentations ou ses attentes forgées au cours de son passé…

Nous avons vu, au contraire,

  • comment l’approche intuitive intérieure, par le détour du vécu et de sa restitution phénoménologique, laissait ces déterminismes pour se centrer sur l’extraordinaire du phénomène lui-même.

C’est alors que l’échange amoureux humain permet de saisir le spécifique de la communication humaine : la possibilité de l’empathie véritable, de la compréhension profonde et à travers cela la possibilité aussi de l’accès aux valeurs de l’humanité. »

– Mucchielli, A. (1995). La communication dans la rencontre amoureuse et la vie en couple. Dans : , A. Mucchielli, Psychologie de la communication (pp. 195-220). Presses Universitaires de France.

 

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Moscovici, S. (1982). Perspectives d’avenir en psychologie sociale. Dans : Paul Fraisse éd., Psychologie de demain (pp. 137-148). Presses Universitaires de France.

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Lectures supplémentaires / complémentaires :

  • Valence, A. (2010). Les representations et la psychologie sociale quels ancrages historiques ?. Dans : , A. Valence, Les représentations sociales (pp. 9-26). De Boeck Supérieur.
  • Valence, A. (2010). Les représentations sociales. De Boeck Supérieur.
  • Jodelet, D. (2003). Les représentations sociales. Presses Universitaires de France.
  • Moliner, P., Guimelli, C. (2015). Les représentations sociales. Presses universitaires de Grenoble.
  • Abric, J. (2005). Méthodes d’étude des représentations sociales. France: ERES.
  • Abric, J. (2003). 8. L’étude expérimentale des représentations sociales. Dans : Denise Jodelet éd., Les représentations sociales (pp. 203-223). Presses Universitaires de France.
  • Pianelli, C., Abric, J. & Saad, F. (2010). Rôle des représentations sociales préexistantes dans les processus d’ancrage et de structuration d’une nouvelle représentation. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, numéro 86(2), 241-274.
  • Chanteau, J. (2003). La dimension socio-cognitive des institutions et de la rationalité : éléments pour une approche holindividualiste. Dans : Association recherche et régulation éd., L’Année de la régulation n° 7 (2003-2004): Économie, institutions, pouvoirs (pp. 45-89). Presses de Sciences Po.
  • Arruda, A., Lage, É. & Madiot, B. (2008). Une approche engagée en psychologie sociale : l’œuvre de Denise Jodelet. ERES.
  • Moliner, P. (2016). Psychologie sociale de l’image. Presses universitaires de Grenoble.
  • Fraisse, P. (1982). Psychologie de demain. Presses Universitaires de France.
  • Plivard, I. (2014). Psychologie interculturelle. De Boeck Supérieur.
  • Baggio, S. (2011). Psychologie sociale: Concepts et expériences. De Boeck Supérieur.
  • Lassarre, D., Roland-Lévy, C. (2011). La psychologie sociale appliquée à l’économie. De Boeck Supérieur.
  • Claval, P. (2012). Géographie culturelle: Une nouvelle approche des sociétés et des milieux. Armand Colin.
  • Claval, P. (2012). Chapitre 3 – Communication, transmission de l’expérience collective et genèse des cultures. Dans : , P. Claval, Géographie culturelle: Une nouvelle approche des sociétés et des milieux (pp. 48-64). Armand Colin.
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