« […] « L’Ecole du pouvoir » retrace les parcours d’élèves de la promotion Voltaire de l’Ecole nationale d’administration (ENA), celle dont sont issus Ségolène Royal, François Hollande et Dominique de Villepin.
Un amphithéâtre. Une brochette d’examinateurs qui ressemblent à des juges. Impénétrables et sévères. Secs comme la technocratie. Face à eux, des jeunes gens se succèdent, répondant à un questionnaire serré. Peu de femmes.
- Un fils d’ouvrier et un autre issu d’une famille d’agriculteur, si rares parmi leurs condisciples que, tout à l’heure, on les fera lever afin que les élèves puissent mieux voir ce petit fragment de méritocratie.
Voici « L’Ecole du pouvoir » qui débute. Bienvenue à l’ENA.
Qu’on le dise tout de suite, malgré les préventions :
- c’est un merveilleux sujet romanesque.
- Un réseau.
- Des amitiés autant que des rivalités.
- Des vocations autant que des carrières. Un champ clos des ambitions.
- Et tout un pan de l’histoire politique d’un pays.
Aux Etats-Unis, un tel vivier aurait inspiré films et séries. En France, le cinéma et la télévision n’ont jamais vu jusqu’ici, dans l’Ecole nationale d’administration, qu’un univers sans attrait. Gris comme un costume de fonctionnaire. Impropre en tout cas à exciter l’imaginaire populaire. Presque rien sur le sujet dans la littérature ou le théâtre. Et aucun film de fiction.
Il n’est donc pas indifférent que ce soit un anglais, le réalisateur Peter Kosminsky, puis le cinéaste d’origine haïtienne Raoul Peck qui s’y soient attelés dans ce film que diffuse Canal+ les 19 et 26 janvier à 20 h 50.
Kosminsky et Peck sont des maîtres dans la peinture du pouvoir.
- Le premier a imaginé, il y a une dizaine d’années, de raconter « Les Années Tony Blair » et ces militants du Labour qui accompagnèrent l’ascension du premier ministre britannique.
- Le second a notamment brossé le Congo de Lumumba et l’installation de la dictature des tontons macoutes en Haïti.
On voulait les voir à l’oeuvre en France ? Ils ont choisi son plus parfait outil de reproduction des élites dans la période supposée rebattre le mieux les cartes :
- l’arrivée de la gauche au pouvoir.
L’histoire qu’ils racontent se situe donc au coeur de la promotion Voltaire. Promotion la plus emblématique parce que, sortie en 1980, elle accompagna l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, un an plus tard.
Promotion la plus séduisante aussi parce qu’on y trouve l’un des plus spectaculaires castings de la vie politique française :
- François Hollande,
- Ségolène Royal,
- Dominique de Villepin,
- Jean-Pierre Jouyet,
- Frédérique Bredin,
- Michel Sapin ou
- Renaud Donnedieu de Vabre.
Promotion la plus symbolique, enfin, parce que la prise de pouvoir de cette génération accompagna les transformations de la société française et, d’une certaine façon, la perte de ses idéaux.
FOUS DE POLITIQUE
Dans l’amphithéâtre terrifiant du début, celui du grand oral de l’ENA, voici leurs cinq personnages parmi les reçus. Louis de Cigy et sa soeur Laure, issus d’une riche lignée d’aristocrates, serviteurs par tradition de l’Etat. Matt Ribero, fils d’ouvriers sidérurgistes de la Lorraine, militant rocardien et si fier d’être le premier de sa famille à échapper à sa condition sociale. La ravissante Caroline Séguier, bûcheuse, agaçante et séduisante, mitterrandiste et déterminée à réussir. Abel Karnonski, idéaliste et droit, le seul de la bande à travailler déjà comme avocat et à avoir femme et enfant.
Leur entrée à l’ENA marque le début de leurs espoirs. Ils sont fous de politique, et déjà tendus vers le classement de sortie qui peut déterminer leur vie. Dehors, François Mitterrand, à la tête de l’union de la gauche, poursuit sa marche vers le pouvoir. Bientôt, le socialisme victorieux mais aussi le jeune RPR viendront piocher leurs cadres dans ce vivier.
Bien sûr, la tentation est grande de chercher les bribes de la réalité.
- Louis et Laure de Cigy, par leur beauté, leur aisance aristocratique, leurs liens fraternels font irrésistiblement penser à Dominique et Véronique de Villepin, tous deux membres de la promotion Voltaire (Véronique, mariée, sous le nom d’Albanel) dans une famille où presque tous les enfants firent l’ENA.
- Matt Ribero et Caroline Séguier ressemblent diablement à François Hollande et Ségolène Royal, dont le couple se forma à l’Ecole.
Abel Karnonski a les accents des quelques rares élèves qui, dans les promotions précédentes, refusèrent la terrible logique des grands corps et sabotèrent leur carrière au nom de leurs idéaux.
L’ÉTAT D’ESPRIT D’UNE GÉNÉRATION
Mais on aurait tort de ne considérer « L’Ecole du pouvoir » que comme un film à clé. Car sa force est d’abord d’avoir recomposé des personnages imaginaires à partir de leurs modèles, mais aussi de mille fragments glanés chez leurs condisciples ou inventés.
- Et d’avoir ainsi, à travers la fiction et l’insertion subtile d’images d’archives, restitué l’état d’esprit d’une génération.
Les Voltaire, plus vite que leurs aînés, furent plongés dans la réalité du pouvoir.
- Et dans les renoncements d’une gauche bientôt confrontée aux difficultés.
Nos cinq héros s’en accommodent plus ou moins bien.
- Caroline Séguier, happée dès sa sortie par l’Elysée de l’après 10 mai 1981, part battre campagne dans une circonscription rurale dont elle ignore tout mais qui ne résistera pas à sa détermination.
- Matt Ribero, conseiller au ministère de l’industrie, se voit obliger de mener sur les terres mêmes de son enfance, la liquidation de la sidérurgie.
- L’idéaliste Karnonski se retrouve marginalisé par des socialistes déjà convertis à la rigueur.
Reste les Cigy. Louis, fidèle à sa classe, est allé offrir ses services au RPR, a renoncé à la liaison qu’il menait avec l’épouse d’un préfet et marie la jeune femme présentée par sa famille.
- Mais c’est Laure, subtilement interprétée par Céline Sallette, qui marque les esprits.
- Ayant refusé les grands corps, la voici au ministère du budget élaborant l’impôt sur les grandes fortunes qui précipitera sa rupture avec son milieu.
- Réticente jusque-là face au militantisme de ses camarades,
- mais seule à s’engager auprès des laissés-pour-compte de la gauche au pouvoir, elle incarne pour le cinéaste le seul visage de l’intégrité.
Donnant pour finir à « L’Ecole du pouvoir » la patte balzacienne des illusions perdues. »
« Cinq étudiants intègrent l’École nationale d’Administration en 1977 et découvrent les arcanes du pouvoir.
Une radiographie très juste de la formation des élites françaises sur fond de changement politique.
Ils sont
- jeunes,
- beaux et
- talentueux.
À la rentrée 1977, Abel, Matt, Caroline, Louis et Laure intègrent l’École nationale d’administration, fleuron de l’enseignement supérieur français. Alors que la droite dirige le pays depuis plus de vingt ans, ils se jurent de faire évoluer de l’intérieur un système qu’ils jugent inégalitaire et dépassé. Mais des bancs de l’école aux ministères, ils se retrouvent pris entre leurs idéaux de jeunesse et la réalité du terrain.
Téléfilm en deux parties de deux heures chacune, L’école du pouvoir retrace les années de formation puis l’arrivée au pouvoir de cinq jeunes énarques, librement inspirés de la promotion Voltaire, qui a abrité dans ses rangs Ségolène Royal, François Hollande ou encore Dominique de Villepin. Certaines ressemblances ne sont d’ailleurs pas fortuites. Grâce à un travail d’enquête approfondi (les auteurs ont notamment interviewé d’anciens membres de l’école) et à l’utilisation judicieuse d’images d’archives, Raoul Peck donne à son film un rythme et un réalisme saisissants. Servis par des acteurs pleins d’énergie, les personnages illustrent tout le paradoxe de l’ÉNA :
que ce soit Matt, fils d’ouvriers idéaliste, ou Abel, avocat militant, tous ont conscience du formatage dont ils sont victimes, mais peinent à résister aux sirènes du pouvoir.
Le film saisit avec justesse la complexité des liens qui unissent ces jeunes hauts fonctionnaires aux plus hautes sphères de l’État. »
– Arte.
« […]
Un beau mais coriace sujet, tant cette école symbole de la méritocratie républicaine et de l’élitisme à la française nourrit des fantasmes et s’avère un inépuisable objet d’études sociologiques ; au risque de s’y perdre ou de tomber dans le piège de la caricature.
En dépit de quelques égarements un peu neuneus, deux heures et dix minutes plus tard, le pari de cet embedded en «énarchie» entrecoupé d’irrésistibles vraies images d’archives est plus que tenu.
Réalisé par Raoul Peck pour le compte de Canal + et d’Arte, qui diffusera dans un deuxième temps ce film fleuve, l’Ecole du pouvoir radiographie en images cette «école nationale de l’ambition», comme l’appelle un des personnages, à travers le parcours d’une poignée de ses élèves promis au succès et à la gloire. Librement inspirés de personnages bien réels, ces énarques sont issus de l’emblématique et prolifique promotion Voltaire (celle des Ségolène Royal, François Hollande, Dominique de Villepin, Jean-Pierre Jouyet), entrés à l’école en 1977 et qui en sortent en 1980, à la veille de la victoire de la gauche.
Du giscardisme finissant aux brefs lendemains qui chantent de 1981, ce premier épisode suit ces jeunes pousses de la haute fonction publique dans leurs années d’apprentissage du pouvoir qui sont, aussi, pour ceux qui en ont eu le temps, celles des premières désillusions.
Très réalistes, nos héros de la République viennent de tous milieux et couvrent toute la palette des profils psychologiques nécessaires à une bonne tambouille fictionnelle.
- On rêve d’un monde meilleur et de justice sociale avec Abel, l’ex-avocat idéaliste.
- On pressent les futurs reniements du Rastignac de la bande, le séduisant Mathieu, fils d’ouvrier.
- On admire la force de caractère de Caroline, la jeune mitterrandienne aux similitudes très marquées avec une certaine Ségolène Royal.
- Les rejetons de la noblesse de l’Etat ne sont pas oubliés avec Laure et son frère Louis, deux grands bourgeois dont les parcours ne vont pourtant pas tarder à diverger.
Plongés dans le grand bain de l’ENA, nos hamsters érudits – le totem de l’énarque et inspecteur des finances Michel Rocard chez les scouts – vont devoir se plier aux contraintes de l’école et passer à la moulinette d’un incontournable formatage.
Moule. En dépit de leurs louables résistances comme, lorsque choqués par le mode d’accession aux plus hautes fonctions de l’Etat (déterminés en fonction du rang de sortie de l’école), ils concluent un pacte solennel par lequel ils s’engagent à renoncer aux «grands corps» à l’issue de leur formation.
On s’en doute vite, ce serment n’est énoncé que pour permettre d’apprécier l’écart grandissant entre les généreux principes initiaux et les compromis concédés au fil du temps.
- En se coulant dans le moule républicain, chacun va être amené, à sa manière, à trahir ses idéaux.
Un portrait vif et enlevé d’une génération qui découvre l’amère réalité du pouvoir. »