
Un chant écarlate (extraits) :
- Sa main se tendait et se refermait, se tendait vers un objectif : une épaule claire qui avait repoussé l’envahissement des cheveux de flamme. Et paume d’Ousmane conquit tendrement cette parcelle de peau et s’y appuya. On imagine des choses spectaculaires pour le jaillissement du bonheur. On imagine des cadres coûteux pour son éclatement. Et le bonheur naît de rien, se nourrit de rien. On lui confère un prix énorme. Son acquisition paraît réclamer un prix fort. Et pourtant, le bonheur peut s’épanouir tout simplement dans un amphithéâtre d’université. Une épaule nue le déclenche. Quelques pas le livrent. Un quart de tour de tête ! L’oblique d’un visage ! Et des fluides se rejoignent pour créer l’unité. Le couple naît. La mission millénaire s’ébauche. Un homme, une femme ici. Un homme, une femme ailleurs !
- Taisons notre douleur, il y a en ce moment où nous nous plaignons,des âmes que Dieu emporte. Entre la mort et notre souffrance, il y a un abîme.
- La pauvreté n’est pas une infirmité. Elle ne peut être non plus un critère de considération, la supériorité d’un individu ? La grandeur de l’homme ? Assurément dans son intelligence, dans son cœur, dans ses vertus.
- On ne peut rien contre l’amour. Celui qui lutte contre l’amour est semblable à celui qui veut assécher la mer.
- J’aime un nègre, noir comme de la houille. Tu te crois supérieur parce que tu es blanc ? Mais gratte ta peau, tu verras le même sang rouge gicler, signe de ta ressemblance avec tous les hommes de la terre.
« Deux jeunes étudiants idéalistes s’aiment et croient pouvoir sauter les frontières des cultures. Ils se marient en bravant leurs parents et doivent affronter leur condamnation.
Mais la mère africaine est forte et son fils ne sait pas la mettre à l’écart.
Rentré habiter à Dakar avec sa femme qui a accepté sa religion et ses coutumes, il s’africanise et prend une seconde épouse. »
« Quoi qu’elle fît, Mariama Bâ n’arrivait pas à convaincre que les événements contés dans Une si longue lettre ne relevaient pas de son expérience, en d’autres termes, que le récit ne fût pas, pour une large part, autobiographique.
Avec Un Chant écarlate, la question ne se posera pas; il s’agit, en effet, d’un univers résolument vu de l’extérieur.
Nous avons affaire à un roman important par le nombre des personnages et par la complexité de l’intrigue. L’analyse situationnelle est menée d’une plume qui ne s’essouffle pas, les psychologies individuelles sont fouillées et les structures sont mises en place d’une main ferme.
La sensibilité, bien sûr, reste celle de cette romancière dont le premier livre avait enlevé les cœurs d’assaut, et dont les Lettres Sénégalaise déplorent la disparition prématurée (morte en août 1981) . »
