Salaud(s) Humaniste(s)

« Avoir une mentalité de salaud n’est pas une violation du droit international des droits humains. Un tel droit n’a pas de droits dans l’intériorité des individus, il a le droit et le devoir de veiller et de surveiller l’agir des individus afin de s’assurer qu’il corresponde à la norme juridique[1], qu’il réponde à un attendu, qu’il soit conforme à une acceptation. De ce fait, le droit international des droits humains est une évaluation des effets d’une mentalité ; c’est une approche conséquentialiste, un examen « plus empirique que dogmatique », et qui nécessairement « suit une logique différentialiste ». »

Le salaud & le droit international

« S’il est une chose à retenir de ce film, c’est le portrait presque involontaire qu’Abdellatif Kechiche dresse de manière un peu sarcastique de la rencontre de deux univers sociaux très éloignés l’un de l’autre.

Cette fusion, cette cohabitation et cette separation de l’intello-culturo bobo, pédant comme il faut, symbolisé par Emma (jouée par Léa Seydoux dont les critiques dithyrambiques sur sa prestation sont dans mon esprit comme les mystères des cieux, insondables) et de l’inculture du milieu ouvrier dont est issu Adèle (jouée par une Adèle Exarchopoulos impeccable) provoque la discussion sur la profonde fracture française des sphères sociales séparées.

Tangible dans le dédain qu’essuie Adèle dans les conversations ordinaires dans lesquelles il est question de l’appréciation artistique d’un peintre de second plan au nom imprononçable. Des rires étouffés, des regards outragés, et des sympathies blessantes, la ‘pauvre petite’ méprisée pour ce qu’elle est, au milieu d’un parisianisme adorant se parler, s’entendre parler, et brasser du vent.

Qui sait la polémique montée de toutes pièces par les médias parisiens ayant démoli et terni le film fût en fin de compte un retour de bâton comme pour dire que l’on ne se moque pas ainsi impunément de ce monde-là.

Peut-être.

Ou pas.

Complotiste? Songeur.

Des sphères sociales séparées donc. L’un réactionnaire, homophobe, sans densité intellectuelle; l’autre caviar, homocompatible ou homo-progressiste, euphorique d’objets culturels marginaux, tout en étant hypocritement conservateur, La Vie d’Adèle se balade ainsi tout le long. Avec peine. Entrecoupée d’interminables scènes de sexe d’une pertinence qui m’échappe. »

La Vie d’Adèle

« En 1989, Serge Latouche, analysant le monde, conclut qu’il s’occidentalisait (Latouche 1989), c’est-à-dire que l’Occident avait mis l’humanité à son service et que sa “machine sociale” avait désormais triomphé du reste de la planète. Latouche notait aussi que l’Occident n’était plus en tant qu’aire culturelle ni européenne ni les grands pays industrialisés, et qu’il était davantage une “machine impersonnelle”. Un modèle de référence en terme de modernité s’imposant sur tout le globe malgré les résistances observables dans les Ailleurs ou les restes du monde, et ceci grâce aux militaires aux marchands aux missionnaires. Latouche entendait par occidentalisation du monde un “déracinement planétaire” comme une dé-culturation et un ethnocide (destruction de l’identité culturelle d’un groupe qui peut se faire sans violence physique, et résultée d’un changement économique social : processus d’acculturation, d’assimilation). La perspective de Latouche était celle du développement (économique) et son analyse fondée sur des enquêtes sur le terrain, des statistiques, des témoignages.

Cette théorie de l’uniformisation culturelle antérieure à la fin du monde bipolaire est devenue un leitmotiv conceptuel des analyses du système international au début des années 1990 (Fukuyama 1989; Ritzer 1998) avant d’être remise en question (Huntington 1993; Huntington 1997).

Ainsi dans les années 1990, si l’unipolarisation du monde (avec l’ordre impérial américain – Schiller 1971; Schiller 1976; Guttmann 1994; Kroes 1999) disait l’uniformisation culturelle (le “McWorld”), une autre réalité montrait une complexité constituée de paradoxes et de disjonctions (Appadurai 1990) produisant de nouveaux paysages (sociaux aux formes fluides et irrégulières, formes néanmoins caractéristiques du capitalisme mondialisé) ou de nouveaux mondes imaginés (Appadurai 1996) dans lesquels naissaient de nouveaux enjeux de pouvoir et de rapports de domination (Saïd 2012).

Au début des années 2000, la théorie de l’uniformisation culturelle par son univocité ne semblait plus être une grille de lecture pertinente de la mondialisation capitaliste néolibérale (mondialisation entendue comme “processus d’intégration planétaire des phénomènes économiques, culturels, politiques et sociaux […] redoutable machine qui affecte en permanence notre quotidien […]” autant dans notre alimentation que dans nos emplois – Koulayan 2008). Cette mondialisation s’imposant comme le centre de gravité des affaires mondiales (Jones 2014).

La diffusion globale de ce capitalisme (Mattelart & Mattelart 2018) n’a pas fait disparaître toute forme de diversité culturelle; au contraire à travers son médium de diffusion – la mondialisation – il a compris qu’il ne saurait opérer qu’en apprenant à vivre et à travailler avec la différence (ce qui s’est traduit par le fait d’épouser les particularités des consommateurs où qu’ils se trouvent sur la planète – les nouveaux marchés globaux) (Mattelart 2008). Comme l’a montré Stuart Hall (cité par Mattelart – 2008, pp. 273-274)

Le monde d’aujourd’hui est ainsi celui du capitalisme post-fordiste (Renault 2006) – celui des nouvelles “dynamiques de libéralisation et de connexion des marchés financiers et des dérégulations imposées par les politiques néolibérales” (Renault 2006) – qui conjugue le global et le local, s’accommode des représentations culturelles, voire en encourage l’existence, la survivance, le maintien. De la sorte, la diversité culturelle est compatible avec l’idée de pluralisme – fondement philosophique du libéralisme économique, du capitalisme. Le pluralisme comme existence des différences, c’est aussi un monde contemporain d’esthétique postmoderne (d’assemblage ou de patchwork, de mosaïque, d’innovation, d’authenticité – Eco 1994).

C’est dans ce monde d’esthétique postmoderne célébrant la différence (mais aussi l’immédiateté, l’accessibilité, l’éphémère, le spectacle, la mode – Mattelart 2006) que les “authenticités culturelles” – certifiées et labellisées – sont transformées dans la société globale de consommation de masse (Brzezinski 1970) en “kit identitaire” (Warnier, 2017, pp. 92-93). Désormais, produits susceptibles d’être marchandés ou de servir de moyen de développement et d’expansion économiques – comme l’illustre l’émergence et le succès du concept de glocalisation (Robertson 1994; Mattelart, 2009, pp. 63-81).

En ce sens, dans notre monde contemporain, la diversité culturelle (entendue comme une diversification des univers de sens, de significations, de valeurs, de compréhensions et d’interprétations du monde, propres à chaque communauté culturelle) est une atomisation des cultures dans une sorte d’accélération des temps du monde (avec l’essor des réseaux de communication instantanée assurant la permanence entre tous et tout, et l’exponentielle vitesse de croissance de la masse des échanges aussi matériels que symbolique – Rasse 2008).

Dès lors, la question que nous posons est de savoir si cette atomisation des cultures dans le contexte de la mondialisation capitaliste post-fordiste signifie la fin (définitive) de la théorie de l’uniformisation culturelle. Autrement dit, dans cette mondialisation qui vante (désormais) la différence comme ressource essentielle au développement et à la paix (Mordecai 2007) tout en la considérant comme ressource et richesse économiques, la diversité culturelle – nouvel enjeu de la gouvernance mondiale – a-elle rendu obsolète les lectures d’uniformisation culturelle, d’homogénéisation culturelle, d’impérialisme culturel, d’hégémonie culturel?« 

Diversité culturelle dans la mondialisation et la globalisation: État(s) contemporain(s) des lieux

« Tout le monde dit que le taille ne compte pas. Tout le monde sait que ce sont des conneries. Car pour tout le monde, la taille ça compte. Un max. Ce qui est un minimum.

L’importance ou non de la taille du pénis m’a toujours fait penser à cette idée que sur 100 personnes, 99% se masturbent, et le 1% qui prétend le contraire ment. Nécessairement. Tout le monde se branle et tout le monde aime les gros pénis.

Dans ce beau monde où le substantiel se résument à un bout de chair qui pendouille telle une trompe d’éléphant, avoir un petit pénis c’est, à peu de chose près, conduire une Hyundai quand la personne à côté de vous est obnubilée par l’énorme Audi dans l’autre voie.

Avoir un micropénis, c’est encore plus terrible.

C’est une Honda Civic dans un parking de BMW.

Les propriétaires de Honda Civic sont dans une souffrance inaudible. Seul Youporn leur donne le sentiment d’avoir un semblant de vie sexuelle active. Et encore, il faut qu’ils ferment les yeux et fassent abstraction du gigantisme ambiant.

C’est grosso modo ce que nous apprend Jf dans le Cosmopolitan.

Sa détresse tient en une phrase, courte: I’m Tired of Being Ashamed of My Micropenis.

Le mec est franchement écoeuré de s’entendre demander à chaque fois: Is it in? alors que cela fait de longues minutes qu’il se démène tel un beau diable, à l’intérieur d’un truc qui doit lui donner l’impression d’un trou noir.

« Is it in? » Every time she asked me that, I wanted to die.

Il a 35 ans et sa vie sexuelle est télégraphique. Raccourcie. Elliptique. Fantasy. Ce qui n’est pas pour déplaire à Marc Sévigny, spécialiste de la rédaction en relations publiques et auteur.

Jf a beaucoup souffert du manque de générosité de la nature. Il n’a pas été gâté. C’est le moins qu’on puisse dire.

2.5 cm quand c’est le calme avant la tempête.

6.8 cm quand le vent se lève.

Un peu moins que la longueur d’un poil pubien féminin dans les années 50-80.

Jf est chanceux, avec la mode de l’intégrale introduite par la vulgarisation de la pornographie et des nouveaux canons de l’esthétique dans les années 1990, son pénis ne risque pas de se perdre dans la broussaille. »

L’inaudible souffrance du micropénis

« L’amplitude de ces manifestations montre par ailleurs que la lutte contre le racisme sera universelle, ou alors qu’elle n’aboutira point. C’est ce pesant d’universalisme qui, du reste, aura fait la force des grands mouvements de libération humaine depuis le 18ème siècle, qu’il s’agisse de l’indépendance d’Haïti, de l’abolition de l’esclavage, de la décolonisation, du mouvement des droits civiques ou de l’abolition de l’Apartheid. Car, contrairement à ce que prétendent certains, c’est bel et bien le système esclavagiste, le système colonial et le racisme qui sont des expressions du séparatisme, de la sécession, ou de ce que j’appelle le désir d’apartheid.

J’espère enfin qu’à l’occasion de ces manifestations, nous aurons tous compris que le racisme existe. Qu’il n’est pas un accident, mais un écosystème. Qu’il n’est pas une menace à laquelle seule une partie de l’humanité est exposée. Qu’il menace notre capacité à tous de respirer et de respirer ensemble. Et c’est donc à s’attaquer à cette écologie qu’il s’agit de se consacrer, plus que jamais. »

– « Le racisme n’est pas un accident, c’est un écosystème », par Achille Mbembe

« QG : En quoi est-ce consubstantiel aux États-Unis ?

La violence faite aux Noirs n’a pas besoin d’être justifiée. Elle est une sorte de violence originaire et immaculée, celle que l’on inflige à ceux et celles qui sont marqués en tant que noirs, c’est-à-dire à ceux-là qui ont été frappés d’ignominie et qui sont supposés porter pour l’éternité les traces de l’avilissement. Donc oui, c’est consubstantiel à la réalité, à la forme, et je dirais même à la substance des États-Unis.

C’est ce qui fait la différence entre la domination de classe et la domination de race. Le racisé est celui ou celle qui est censée porter en lui ou en elle les stigmates d’un déshonneur originaire. Ce déshonneur natal et l’avilissement qui en découle, on lui fait croire qu’il ne lui sera jamais possible de s’en laver une bonne fois pour toutes. Le traitement qu’il subit est une sorte de rituel qui vise à le lui rappeler constamment, à le replacer dans la structure d’un souvenir appelé à revêtir les marques de la hantise. Cette sorte de souillure supposée indélébile, l’ouvrier n’en fait point l’épreuve. Il peut y échapper, alors qu’au racisé, une telle libération n’est pas permise. Voilà pourquoi la race n’est pas soluble dans la classe. »

– « Le racisme n’est pas un accident, c’est un écosystème », par Achille Mbembe

« (à l’usage des Humains arrivant du Passé et des Cyborgs débarquant du Futur)

Juriste : personne qui a un problème pour chaque solution.

Juge : personne qui a une opinion (tranchée) pour chaque problème autant que pour chaque solution.

Solution : cf. baiser, liberté.

Problème : cf. chialeur, bukowski. 

Personne : cf. Peace and lover, peace and fucker, mother-fucker, trou du cul, libre-échangiste, juge, gestionnaire, juriste, savant. 

Vagin : à ne pas confondre avec vulve.

Vulve : étendard du féminisme.

Sein(s) : armoiries du femen.

Saint : peut être confondu à « sein(s) » – figure de style, selon l’académie de la langue

Figure de style : sublimation de la langue.

Sublimation : faire jouir.

Jouir : cf. éjaculation faciale. 

Langue : cf. lécher, sucer.

Spécialiste : personne qui a une solution mécanique pour chaque problème spécifique.

Monologue : cf. nombril, onanisme.

Onanisme : cf. philosophe.

Philosophe : personne qui a un problème de problème pour chaque solution de solution et un problème de solution pour chaque solution de problème, enfin une solution de solution pour chaque problème de solution.

Sociologue : personne qui a une solution pour chaque solution qui existe déjà autant qu’un problème pour chaque problème qui n’existe pas.

Anthropologue : personne qui a un problème pour chaque solution à problème, pour chaque problème de solution, pour chaque solution à problème de solution.

Savant : cf. rien. 

Pédé : initiales de prénom d’écrivain. 

Initiales : minimalisme.

Minimalisme : à ne pas confondre avec micro-pénis / p’tit cul. 

Lesbienne : spécialiste des monologues du vagin. 

Monologues du vagin : cf. lécheur. 

Phallocrate : gland de kratos.

Kratos : cf. DSK, weinstein.

Weinstein : DSK version hollywoodienne, blockbuster majeur du début du siècle. 

Hollywood : secte dirigée par plusieurs weinstein.

Me too : tsunami – généralement associé au cri munchien.

Cri munchien : relatif au cri de munch.

Cri de munch : cauchemar pour masculiniste, souffrance de vagin, hurlement féministe.

Tsunami : vague déferlante de vagins.

Genre : relatif à la joconde.

Joconde : seul da vinci sait.

Da vinci : cf. artiste. 

Question(s) de genre : cf. joconde. 

Politologue : personne qui a une solution pour chaque solution dont on ne se souvient pas toujours de la question de solution, et pour le coup un problème de question de solution, bref… pas toujours.

Puissance : cf. DSK.

Archéologue : personne qui a une solution creuse pour problème-vestige.

Creux : cf. Trou du cul. 

Vestige : cf. doigt d’honneur. 

Internationaliste : personne qui a une solution sommet(-himalayen) mondial pour chaque problème (dont personne n’en a strictement rien à branler).

Professeur : personne qui a une solution aux multiples problèmes pour chaque problème sans véritables solutions.

Coup d’un soir : personne qui a une solution sex toy pour chaque problème de cœur (c’est-à-dire vagin / pénis, vagin-pénis, entre les deux et/ou en dehors des deux), et/ou une solution cochonne pour chaque problème en attente de… (très souvent en attente d’insatisfaction générale).

Sex toy : cf. amoureux. 

Coeur : cf. cochon.

Amoureux : personne (amatrice ou professionnelle) qui a une solution cochonne pour chaque problème de solitude, et/ou est une solution sex toy pour chaque problème (de) désespéré.

Hercule ou taureau de wall street : personne qui a une solution couillue et/ou de grosses couilles pour chaque problème, qui n’en demande pas toujours/nécessairement tant – souvent associé à « professeur », « sociologue ».

Xéna la guerrière : personne qui a une solution féministe pour chaque problème exigeant d’être couillu et/ou d’en avoir de grosses (et/ou une grosse) dans le pantalon.

Couillu(e) : personne qui a une solution de couilles du taureau de wall street pour chaque problème, et/ou (possiblement) un clitoris-pénis pour chaque problème – souvent synonyme de « intellectuel ».

Superman : personne qui a une solution gros caleçon léniniste-marxiste ou slip RDA/WASP pour chaque problème – terme interchangeable à « politologue ».

Superwoman : personne qui a une solution gros caleçon downton abbey pour chaque problème – souvent synonyme de « archéologue », « anthropologue ». 

Féministe : personne qui a une solution greffage de couilles (de taureau de wall street) pour chaque problème.

Masculiniste : personne qui a un problème de greffage de clitoris pour chaque solution.

Centriste : malade souffrant d’hémorroïde. 

Hémorroïde : dilatation anale causée par un usage immodéré de l’équilibrisme – synonyme de l’expression « avoir le cul entre deux chaises » ou « sucer/lécher à tous les râteliers ».

Anal : relatif au nombril – à ne pas confondre avec sodomite. 

Anus : cf. trou du cul, pet – déclinaisons acceptées : anulingue (langue humaniste), selfie (autoportrait), vedette (anus populaire), personne. 

Nombril : bouche de rectum – synonyme populaire de « anus ».

Bouche : à ne pas confondre avec le personnage bush dans les séries télévisuelles irakienne et afghane. 

Nombriliste : propension à vouer un culte à son nombril. 

Rectum : partie visible du côlon.

Côlon : autoroute / chemin / voie / personne de merde. 

Côlonisation : pratique de baise, manière de baiser.

Côlonialisme : religion d’impérialiste.

Côloniser : action de conquête, cf. baiser. 

Conquête : mettre profond, défoncer, jouir – cf. con; expressions associées : « faire le con », « jouer au con »; synonyme : déconnade.

Déconnade : cf. déconner.

Déconner : production de merde – expressions associées : « déconner grave », « déconner solide ». 

Quête : (re)chercher la merde. 

Connerie : hybridation fusionnelle du con et de l’ânerie. 

Ânerie : propre à l’âne.

Âne : cf. personne. 

Impérialiste : dominant / dominateur dans une séance bdsm.

Bdsm : forme d’esclavagisme – acceptation tolérée : souffrance libératrice.

Libérateur : cf. éjaculation faciale. 

Souffrance : anus constipé – déclinaisons courantes : « se faire chier dessus », « se faire péter sur la yeule », « avoir mâle au cul », « diarrhée » – liste non-exhaustive. 

Diarrhée : expulsion / évacuation fréquente / frénétique de migrants.

Migrant : cf. merde.

Constipation : cf. hymen.

Chier : lâcher d’étron.

Étron : cf. merde. 

Lâcher : déjection, vomissement, libération – déclinaison saoularde courante : party (de noël, d’anniversaire), liberté. 

Party : cf. bacchanales. 

Été : cf. bacchanales, saturnales, libre-échangiste, baiser, enculé (actif / passif) – le tout sur variations en cul majeur.

Saoularde : degré élevé d’ivresse.

Ivresse : cf. éjaculation faciale, chier.

Anarchiste : pute nymphomane. 

Esclavagisme : doctrine, idéologie, croyance, religion, pratique, savoir-faire, de domination.

Domination : cf. baiser, enculé (actif / passif).

Écologiste : personne qui a une solution selfie-militant instagrammable pour chaque problème planète-terre ( « planète-terre » à ne pas confondre avec « planétaire » qui renvoie selon l’académie de la langue au surréalisme, à confondre plutôt avec « orange-moisi »).

Orange-moisi : la terre est bleue comme une orange. 

La terre est bleue comme une orange : poème visionnaire, poésie révolutionnaire.

Poésie : marque de lubrifiant.

Visionnaire : antonyme de voyeur – quelques fois associé à coeur, amour, espoir, espérance, liberté, bonheur.

Révolutionnaire : rêve / rêver / rêveur d’évolution.

Rêver : lécher du cul, sucer un phallocrate, faire des monologues de vagin, en croyant / espérant bouffer du caviar. 

Bouffer : cf. cochon. 

Humaniste : être le gardien / la gardienne de l’Autre – généralement associé à l’universalisme (moral / éthique) ayant pour objet l’humain.

Universalisme : exportation / diffusion de son anus.

Humain : ancêtre du cyborg. 

Humanité : sentiment homophile.

Homophilie : tolérance / solidarité de l’entre-soi – cf. masturbation, egosexuel.

Masturbation : cf. onanisme. 

Egosexuel : préférence / attirance / orientation sexuelle pour dave.

Dave : cf. personne (sur ce point la science et l’académie de la langue n’en ont pas – encore –  la certitude) – synonymes associés : nuances (toujours au pluriel).

Nuances : cf. humanité. 

Capitaliste : personne qui a une solution tout le monde à poil dans les champs de coton pour chaque problème.

Communiste : personne qui a une solution tout le monde à poil dans la ferme aux animaux pour chaque problème.

Libéral : personne qui a un problème de masturbation pour chaque problème de mise aux fers.

Néolibéral : personne qui a une solution éjaculation faciale pour chaque problème.

Socialiste : personne qui a une solution caviar pour chaque problème, très souvent d’éjaculation faciale.

Gogo-danseur : personne qui a une solution de gauche pour chaque problème, et/ou (au sens large une) politique de gauche.

Droit de cuissage / droit de jambage / droit de dépucelage : politique de droite.

Gauche caviar : droit de cuissage de gauche et/ou marque déposée ® du produit « caviar ».

Caviar : produit alimentaire qu’affectionne le bobo-bof bof et composé essentiellement de p’tites / mini couilles.

Bobo-bof bof : bourgeois bohème d’une banalité confondante, et accessoirement résidant sur le plateau.

Le plateau : dépotoir qui (se) présente bien.

Impunité : cf. immunité.

Immunité : cf. polanski.

Polanski : puissance siégeant au conseil de sécurité des nations unies.

Conseil de sécurité des nations unies : cf. foutage de gueule.

Médias : marque de préservatif.

Préservatif : cf. baiser. »

Phraséologie épocale

« L’étron c’est beau. Consistance & substance. Toute la rancissure de l’âme expulsée sans autocensure, sa véritable odeur, sa réalité qui ne puisse objecter. J’en fais des joyaux de la couronne. Joaillier de l’ombre avec des perles d’étoiles et un diamant lunaire.

Pater noster. Je fais un signe de croix en suivant les lignes fines d’un string, petites fesses qui laissent pendre un vagin charnu, notre père qui est aux cieux que ton nom soit seintifié. La luxure a fait de moi un ass-à-saint. »

Devil may cry

« L’initiative a tout pour plaire. Elle émane d’une jeune africaine d’origine camerounaise Stéphie-Rose Nyot. Elle se veut être interactive et participative. Elle promeut l’apprentissage d’une langue africaine afin de lui procurer une nouvelle vie à travers les réseaux sociaux, car en raison de la mondialisation les systèmes linguistiques africains (idiomes et langages) ainsi que ceux d’ailleurs sont amenés à disparaître. Et comme je l’ai déjà dit ici la mort d’une langue est la mort d’un peuple.

Il s’agit donc d’une nécessité, identitaire, de perpétuation de l’héritage culturel, du devoir de mémoire, et de protection de cette façon si particulière de se mettre en correspondance avec le monde, de le penser, de le vivre. 

[…]

Nous pouvons vibrer Superbowl et snober l’événement sportif local, nous pouvons encenser Hollywood et déserter notre propre cinéma, nous pouvons manger et boire Coca-Cola, Pepsi, McDonalds et snober notre production alimentaire, nous pouvons citer tous les présidents et membres de gouvernement des autres sans être à même d’en citer de chez nous, nous pouvons connaître par cœur l’histoire des autres et ignorer tout de la nôtre.

La mondialisation a ce bienfait indéniable, aspirer tout ce qui n’est pas de la culture dominante, mainstream comme ils disent, dans un processus insidieux de désintégration identitaire. Nous sommes mondialisés parce que nous ressemblons aux autres, nous sommes mondialisés car nous ne savons plus qui nous sommes et lorsque nous nous le demandons c’est encore les autres qui nous répondent.

Cette mondialisation me fait penser au propos d’un auteur africain qui écrivait dans un de ses livres que s’il avait appris une chose à l’école (coloniale) c’est que sa propre culture était rétrograde. La mondialisation est cette nouvelle école postcoloniale qui de facto est un néocolonialisme.

La fausseté de la multidirectionnalité cachant à peine un impérialisme d’un autre type. L’émergence de pôles de pouvoir et d’influence supra nationaux dont la force réside dans l’internationalisation des intérêts économiques, l’insaisissable mobilité des responsabilités, l’impunité des actions de déconstruction ou de destruction sociale, le nomadisme ultra-capitalisé des profits, la localisation ou la régionalisation des problèmes engendrés ou de ses effets pervers. 

La mondialisation des années 1990 vantée comme la panacée des malheurs de l’humanité a été le cheval de Troie dans lequel on a placé l’ultracapitalisme, et lorsque nous célébrions cette nouvelle babélisation (George Steiner) du monde comme une fraternité universelle, il pointait à l’aube le soleil décadent d’une Civilisation qui faisait de quelques personnes les propriétaires exclusifs du bien commun instaurant le culte monothéiste du Capital, avec des prélats et autres dévots prêchant, adorant, et gesticulant dans la langue du riche, du puissant, du colon.

Dans ce contexte, Je parle bassa 2.0 est une idée à saluer et à soutenir contre la prépotence de la mondialisation occidentale en Afrique. L’initiative est un acte de survivance du fait bassa vécu par environ 800 000 africains et qui représente une manière d’être, une histoire, des racines, mises à mal par la colonisation génocidaire, l’ethnocentrisme déshumanisant, ainsi que les politiques de larbinisme de dirigeants africains corrompus et acculturés. 

Indifféremment du bassa, c’est également un appel à ne pas laisser mourir les langues africaines, autrefois combattues et considérées comme celles du sauvage, de l’esclave, du presque rien.

Stéphie-Rose Nyot en lançant en 2013 ce mouvement d’apprentissage de cette langue africaine en utilisant le 2.0 tel un médium collaboratif et participatif a compris que si les NTIC ont pour essence de véhiculer d’abord l’occidentalisation du monde, elles peuvent aussi devenir le moyen de sauvegarde des identités culturelles africaines.

Son inspiration géniale est d’autant plus impressionnante qu’elle s’appuie sur la force de la transversalité du 2.0, s’émancipant de l’esprit communautariste stérile et consanguin, pour une mise en relation du monde avec le bassa et de ce dernier avec le monde.

Cette ouverture bidirectionnelle par les réseaux sociaux offre au bassa une nouvelle vie, tout en permettant à tous ceux qui le désirent de se connecter à une richesse culturelle située dans des ailleurs inconnus mais accessible désormais via un clic, un effleurement. 

Lorsque je lis et écoute Stéphie-Rose quand elle parle de la prise de conscience de la distanciation liée à l’éloignement physique, géographique de son milieu culturel, les expériences personnelles marquantes qui questionnent l’identité, les origines, le besoin de trouver un sens et de la cohérence dans des appartenances diverses, éclatées, multiples, je me retrouve dans ses pensées.

Ayant été longtemps un baroudeur infatiguable, sillonnant mille lieux, mille mondes, j’ai souvent eu l’impression que l’ailleurs est une opportunité de grandir, de mûrir, de s’ouvrir, mais surtout de comprendre que l’humilité et le respect sont primordiaux.

J’ai aussi compris que cet ailleurs-là est celui qui me renvoie le plus, inlassablement, à cette inévitable question: D’où viens-tu?

Cela bien avant de me demander : Qui es-tu?

Et je n’ai pas toujours su quoi répondre, car il n’y avait jamais de réponse satisfaisante.

Suis-je africain vivant ici, suis-je d’origine africaine parce que mon passeport peut-être ne l’est pas tout à fait, suis-je une couleur de peau, suis-je une intonation particulière, un accent singulier, suis-je un lieu de naissance, suis-je un parcours? Que suis-je?

Paradoxalement, c’est en étant loin de l’Afrique que je me suis senti africain, très africain, parce que les autres me réduisent systématiquement à cette identité, ce qui n’est pas faux mais qui n’est pas tout.

C’est en étant coupé de mon environnement culturel que j’ai le plus ressenti le besoin d’incarner mon africanité, d’aller vers mes origines, et d’apprendre cette histoire que l’on ne m’a jamais dite: je ne suis pas ou autre chose que le descendant d’un esclave et que ma mère-patrie n’est ni gauloise ni occidentale.

Cette prise de conscience a accouché de mon ignorance complète de l’Afrique.

Sans réelle maîtrise de ma langue maternelle, sans véritables référentiels proprement africains en dehors de ce qu’il m’a été donné de savoir dans des livres écrits par l’Occident, de l’école européanisée qui m’affirmait que mon peuple n’a commencé à n’être peuple qu’avec l’arrivée du colon, philanthrope et humaniste, la croix dans une main et le fouet, les fers, dans l’autre; qu’avant ça c’était le néant, l’exil dans l’ailleurs – ce même que Stéphie-Rose – fut un moment crucial dans mon interrogation identitaire.

Et les autres en me mettant à la place de l’étranger – élément effrayant de l’invasion des barbares, élément de diversité brandi pour montrer une ouverture factice ou justifiant le repli sur soi, élément folklorique de fantasmagoriques exotismes, élément complémentaire et partie intégrante du vivre-ensemble – m’ont ramené involontairement à cette identité.

Et j’ai commencé à me rendre compte de l’importance du refus de ma grand-mère de me parler, enfant, en une autre langue que le bassa. De son obstination silencieuse de ne point répondre à mon propos en anglais comme en français, ou en allemand. De son entêtement à me répondre de la même manière : en bassa.

C’est en cet instant que j’ai senti que l’intraduisibilité sans être un écueil au sens est une porte ouverte à l’appropriation, entrer dans l’univers duquel est conçu une langue pour comprendre son peuple. 

Ma grand-mère était réfractaire, c’était pour elle, une façon de transmettre un héritage, une vision du monde, une fierté, signifier une appartenance comme une base. C’est ici que je l’ai su, et a débuté l’expression de ma négritude.

Je parle bassa 2.0 illustre cette négritude, incarne cette porte ouverte, comment le numérique peut cesser de devenir une arme d’acculturation pour s’ériger en plateforme de re-dynamisation des langues vernaculaires.

Cette idée montre aussi – à côté de la préservation des langues nationales africaines face aux ravages culturels de la mondialisation – ce retour aux sources d’une identité moderne, connectée au monde, qui tout en communiant avec la contemporanéité porte la pluralité du verbe africain (berbère, wolof, bamiléké, duala, haoussa, swahili, etc.) comme un étendard de l’affirmation de soi.

Possiblement, in fine, pour que l’on n’oublie pas, car l’oubli est fatal, l’oubli c’est la mort.

C’est sans doute en ce sens que la devise du Québec est : Je me souviens. 

  Je parle bassa 2.0. également. »

Je parle bassa 2.0

« Plurivoque et polysémique, la notion de « Institution » est difficilement saisissable. Souvent utilisée comme un synonyme interchangeable à organisation communauté collectivité structure régime etc., elle ne peut toutefois sans frôler l’abus de langage l’être. Afin d’éviter de tels impairs, il me paraît judicieux par ce bref exercice d’en dégager son sens approprié (ou je dirais de proposer un sens relativement approprié) selon le contexte dans lequel institution est évoquée.  

Définition classique : Selon le Larousse, l’institution est à la fois une action (instituer comme établir), une norme ou une pratique (à valeur officielle, socialement reconnue), et une structure où s’effectue des échanges. Indifféremment de sa forme, l’institution est établie sur des bases solides et inscrite dans la durée.

Définition juridique : Selon le dictionnaire de droit québécois et canadien, l’institution est la structure politique et sociale d’une collectivité telle qu’établie par les lois fondamentales, les usages ou les coutumes. Elle est dans un sens complémentaire l’ensemble des mécanismes juridiques encadrant la conduite des individus (exemple : le mariage, le travail). C’est donc un lieu, un espace, un cadre abritant des attitudes et des interactions balisées par des normes reconnues et acceptées comme telles.

Définition sociologique : L’acceptation sociologique de « Institution » est celle de la structure sociale (temporellement) stable régulant les relations de la même nature (qui tendent à se reproduire). Chez Durkheim, elle est impersonnelle et collective (statique) avec des modes de fonctionnement spécifiques établis dans un cadre fixe (rites, pratiques, dimension coercitive, représentations et signifiants – exemple : une constitution établissant la loi les droits les devoirs et organisant le corps social); chez d’autres comme Sartre elle est davantage le processus modelé par la tension entre l’instituant et l’institué, c’est donc une structure qui est continuellement transformée (dynamique) bien plus qu’elle est figée. Il y a ainsi d’un côté l’idée d’un aboutissement, une situation finale, et de l’autre un mouvement processuel permanent visant l’atteinte d’un équilibre (exemple : les groupes sociaux organisés, hiérarchisés, prêtant serment , cf. Franc-maçonnerie).

Définition politique : Elle est le produit d’un régime politique et constituée par un corpus légal particulier (règlements statutaires) avec ses propres usages (exemple : l’institution judiciaire). Ce sont des mécanismes construction et de légitimation du pouvoir (exemple : la police, la justice, la culture, l’éducation). En relations internationales, c’est un organisme doté d’un statut reconnu comme tel (exemple : FMI, Banque mondiale, OMS, OIT).

En définitive, il ressort de la notion de « Institution » malgré la diversité conceptuelle quelques éléments communs de compréhension : une structure (comme ensemble des relations entre plusieurs entités ou faits formant une unité), artificielle et culturelle (construite par l’action des individus, sert d’habitus aux individus), régule les attitudes (organisation et encadrement, instrument disciplinaire), résiste au temps (durable et perpétuelle, qui a une forte capacité de se maintenir ou de se reproduire). »

Institution(s)

« Un des thèmes principaux de la sociologie est donc le renversement de la notion et du rôle des institutions. On définissait celles-ci par leur fonction pour l’intégration d’un système social. Elles définissaient et faisaient respecter les normes et même les valeurs d’une société. De plus en plus, au contraire, nous voyons en elles des instruments de défense des individus et de leur capacité de défense contre les normes. Notre société est de moins en moins une société d’assujettis et de plus en plus une société de volontaires. »

– Touraine, A. (2004). La sociologie après la sociologie. Revue du MAUSS, no 24(2), 51-61.

« […] peut-on porter le voile islamique et être féministe? 

Répondre à cette interrogation qui peut sembler relever du saugrenu ou de la provocation, c’est adopter :

soit une interprétation séculière du féminisme (foncièrement exclusive) 

soit une signification plurielle de ladite notion

Dans la première perspective, le féminisme est une pensée et un mouvement de libération et d’émancipation de la femme assujettie et/ou dominée discriminée dans un système (politique, religieux, culturel, économique, social) patriarcal.

Il est en effet difficilement concevable qu’une femme puisse simultanément se réclamer d’une foi religieuse (avec toute la part de fidélité aux préceptes moraux-religieux et socioculturels que cela implique – cf. l’inégalité homme-femme (ou la « complémentarité » de la femme à l’homme) prônée dans les textes “sacrés” selon une interprétation sans nuances, ou la doctrine des sphères séparées – dans laquelle la femme est sortie de l’espace public et placée dans la case domestique) et d’une liberté individuelle au sens occidento-libéral du terme. Porter le voile, c’est être une soumise.

Sujet enchaîné à une condition d’infériorité dans une organisation sociale fondée sur le pouvoir et l’autorité du mâle machiste et/ou misogyne, la femme féministe islamique (voilée ou non) n’est pas pour plusieurs de ses sœurs de “combat” une militante revendicatrice d’égalité réelle. Sa prétention souffre à cet égard d’une contradiction originelle et insurmontable. Et elle est invitée à faire acte d’apostasie.

Paradoxalement, le débat intra-muros sur le féminisme suggère a priori l’existence non pas d’une conception de la condition féminine, mais de plusieurs appropriations de la femme libre et émancipée. Et que la lutte pour l’égalité réelle des sexes suit des trajectoires différentes, vise des objectifs souvent irréconciliables, néanmoins naît de la même volonté de ne plus être “Le Deuxième sexe” entendu comme une catégorie de subalternes, d’objets ou de chosifiées.

Ainsi, semble-t-il, bien que les dynamiques de la lutte féministe soit une multitude de stratégies allant de :

l’affrontement (combattre le “Mâle/Mal”, quelques fois jusqu’à son anéantissement total),

de la médiation (en arriver à une co-existence effectivement égalitaire des sexes avec la fin des stéréotypes du genre entre autres choses et de la considération de la personne et de la dignité humaine au-delà de son identification par son sexe – détail au fond dérisoire),

la conciliation entre les différentes loyautés (envers la culture, la société, les convictions religieuses, etc.),

le but ultime reste la fin du traitement défavorable (discrimination) selon le sexe.

Mon propos consiste à dire deux choses:  

Il n’y a pas un féminisme. Pour dire, le seul féminisme occidento-libéral vendu comme progressiste n’est pas le seul valable, et ne saurait en adoptant une position moralisatrice, supérieure, être la seule voie acceptable menant à l’égalité réelle des sexes. Il y a des féminismes, tous aussi légitimes, compréhensibles, reflétant la réalité ou les réalités de toutes les femmes du monde et incarnant la complexité de leurs luttes. 

 

Contrairement au propos de Simone de Beauvoir :

« L’action des femmes n’a jamais été qu’une agitation symbolique; elles n’ont gagné que ce que les hommes ont bien voulu leur concéder; elles n’ont rien pris: elles ont reçu. C’est qu’elles n’ont pas les moyens concrets de se rassembler en une unité qui se poserait en s’opposant. Elles n’ont pas de passé, d’histoire, de religion qui leur soit propre; et elles n’ont pas comme les prolétaires une solidarité de travail et d’intérêts; il n’y a pas même entre elles cette promiscuité spatiale qui fait des Noirs d’Amériques, des Juifs des ghettos, des ouvriers de Saint-Denis ou des usines Renault une communauté. Elles vivent dispersées parmi les hommes, rattachées par l’habitat, le travail, les intérêts économiques, la condition sociale à certains hommes – père ou mari – plus étroitement qu’aux autres femmes. » – Simone de Beauvoir – 1908-1986 – Le Deuxième Sexe, tome I – 1949

 

 Il s’agit de montrer que non seulement le féminisme n’est pas qu’une “agitation symbolique” (en l’occurrence le féminisme islamique), il a permis au cours de l’évolution de la lutte de créer un véritable lien de solidarité entre les femmes (qu’il soit intellectuel, sentimental, ou militant dans le sens d’actions revendicatives transnationales).

Comprendre ce qu’est le féminisme islamique, au-delà de la perception ou du bout du tissu

Avant toute chose, c’est quoi le féminisme? Le féminisme pour les nuls : https://youtu.be/c9OCoxmO-ys

 

« L’histoire des luttes féministes est sujette à une vision rythmée de flux et reflux que la métaphore des vagues successives vient encore renforcer. » – Fougeyrollas-Schwebel, Dominique, et Eleni Varikas. « Féminisme(s). Recompositions et mutations. Introduction », Cahiers du Genre, vol. hs 1, no. 3, 2006, pp. 7-15.

 

Le féminisme islamique n’est pas nécessairement ou exclusivement arabe.

Le féminisme arabe

Un mouvement non-compact né dans le Maghreb qui fait de l’amélioration des conditions de vie de la femme arabe son cheval de bataille.

 

Contrairement aux idées reçues, la lutte des femmes arabes a une longue histoire derrière elle. C’est en 1909 qu’est apparu pour la première fois dans le monde arabe un terme équivalent à « féminisme » : l’Égyptienne Malak Hifni Nasif, sous le pseudonyme de Bahitat al-Badiya (chercheure de la campagne), publiait en effet une série d’articles qui préconisaient l’amélioration des conditions de vie des femmes, sous le titre de al-Nisaiyat. Le mot nisaï, dont il dérive, désigne en arabe ce qui est produit par les femmes ou ce qui concerne les femmes.

Toutefois, si l’on tient compte de la distinction que Margot Badran fait entre féminisme visible et féminisme invisible, on peut faire remonter l’origine du féminisme arabe au XIXe siècle.

Le féminisme invisible, contrairement au féminisme visible, ne s’exprime pas de façon explicite, mais est tout de même présent dans le discours ambiant sous forme d’une prise de conscience des femmes, en tant que groupe social, de vivre dans des conditions défavorables qu’il faut transformer.” – Osire Glacier, “Le féminisme arabe”, http://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/le-feminisme-arabe/ 

 

Ce féminisme suit une évolution en trois temps :

 

“[…] le féminisme arabe a connu trois phases principales : un féminisme invisible, principalement fondé sur l’islam, entre 1860 et 1920; un féminisme ancré dans le nationalisme qui s’est manifesté par le développement des mouvements publics des femmes, entre 1920 et 1969; et finalement de 1970 à nos jours, une résurgence à la fois du féminisme et du fondamentalisme islamique […]” – Osire Glacier, “Le féminisme arabe”, http://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/le-feminisme-arabe/

 

“[…] l’émergence du fondamentalisme islamique, qui fait du voile et de la réclusion des femmes un devoir divin, rend le combat des femmes arabes plus complexe : non seulement doivent-elles s’attaquer aux problématiques féministes universelles, telles que les inégalités de droits entre les sexes, mais aussi faire face à la délégitimation du féminisme arabe sous prétexte qu’il serait un phénomène occidental qui menacerait la religion.” – Osire Glacier, “Le féminisme arabe”, http://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/le-feminisme-arabe/

 

Quant aux valeurs universelles de la féministe arabe dite moderne (donc plus ou moins proche de la conception occidento-libérale), certaines intellectuelles féministes y voient une façon d’établir et d’imposer une norme distinctive des “bonnes” féministes et des “mauvaises” (ou “fausses” féministes) :

 

« La définition de valeurs universelles est également en jeu dans les conflits au sujet du foulard islamique. Le terme de déchirement, plus ou moins douloureux, a souvent été mis en avant pour caractériser les affrontements au sein des groupes féministes. Comme le rappelle Françoise Gaspard, ce qui se manifeste ici, ce sont les réticences à prendre position pour une définition univoque des valeurs dites universelles. Ressort ainsi une contradiction entre les revendications d’autonomie et la volonté de définir une norme valable pour tous. Le conflit a révélé un déplacement des engagements politiques d’une partie des féministes qui sont passées d’actes de solidarité avec les groupes rassemblant des femmes immigrées à des prises de position sur ce qu’il était bon ou mauvais de faire. – Fougeyrollas-Schwebel, Dominique, et Eleni Varikas. « Féminisme(s). Recompositions et mutations. Introduction », Cahiers du Genre, vol. hs 1, no. 3, 2006, pp. 7-15.

 

Une situation de critique et de déchirement, de présomption d’infériorité d’un côté et de non-modernité de l’autre, entre féministes qui semble exaspérer Laura Nader, rappelant aux actrices antagonistes tout son potentiel de dangerosité sur l’avancement des droits de la femmes :

 

“[…] Critiquer l’autre peut constituer un instrument de contrôle lorsque la comparaison conclut à une position de supériorité. […] Les femmes ne sont alors plus traitées comme des femmes arabes, mais comme des « occidentalistes potentielles », ce qui ne va pas sans susciter une grave crise d’identité.

Comment les femmes arabes devraient-elles agir ? À quoi devraient-elles vouloir parvenir ? Tout cela a cessé d’être matière à consensus, et diffère à l’intérieur des divers cadres des nationalismes politiques et religieux arabes. Les Musulmanes arabes éprouvent du ressentiment envers les modèles occidentaux, car ils empiètent sur leur vie et sont utilisés comme justification du « fondamentalisme » musulman.

[…] Ce phénomène vient s’ajouter à une sorte de « mentalité d’assiégé » dans laquelle il est devenu parfaitement justifié, sous prétexte de protection, de dépouiller les femmes arabes de leurs droits.

Le néocolonialisme à l’occidentale pénètre en manipulant le contrôle des femmes, selon l’expression, « sous la bannière du développement » (Rahnema, 1986). Sous cette « bannière du développement », il y a un modèle universel de vie qui représente le nec plus ultra qu’une société puisse espérer atteindre, et qui peut remplacer avantageusement les formes d’organisation sociale ayant cessé d’être viables, telles que les sociétés pratiquant la ségrégation, et où les femmes portent le voile.” – Nader, Laura. « Orientalisme, occidentalisme et contrôle des femmes », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, no. 1, 2006, pp. 12-24.

 

C’est dans ce contexte que le féminisme islamique de nos jours évolue.

Le féminisme islamique

Il s’est développé comme une contre-réaction à l’occidentalisation du féminisme arabe et né d’une volonté de garder une certaine proximité avec la religion. 

 

“« C’est un discours féministe et une pratique articulée à l’intérieur d’un paradigme islamique et qui tire sa compréhension à partir des sources scripturaires, tout en étant à la quête de droits et de justice pour les femmes et les hommes dans leur vie de tous les jours. »” – Margot Badran, « Islamic Feminism: what’s in a name? », Al Ahram weekly.

 

Les premiers mouvements féministes parmi les femmes musulmanes sont apparus dans les années 90 et plus précisément, lorsque ces dernières ont acquis des connaissances en sciences islamiques et qu’elles se sont spécialisées dans les sources scripturaires et le processus d’interprétation du texte religieux. L’importance accordée à la lecture directe du Coran est soulignée par de nombreux «hadiths » (Tradition du Prophète de l’Islam), et ceci indépendamment du critère de genre. La sacralisation de l’enseignement religieux explique pourquoi, malgré une forte tradition patriarcale, les femmes n’étaient pas exclues de l’instruction. L’histoire musulmane offre même, à différentes périodes, de grandes figures féminines réputées pour leur savoir en général et pour leur savoir religieux en particulier. […]” – Malika Hamidi, « Féministes musulmanes : De la réappropriation du religieux aux stratégies de libération fidèles aux valeurs universelles ». (Première partie)”, https://www.lescahiersdelislam.fr/Feministes-musulmanes-De-la-reappropriation-du-religieux-aux-strategies-de-liberation-fideles-aux-valeurs-universelles_a847.html

 

Il faut situer ce mouvement sur deux plans :

En tant que mouvement de pensée : composé d’universitaires et d’intellectuelles qui travaillent sur la relecture du Coran et sur une analyse minutieuse des Hadiths (Tradition du prophète). Nous parlerons ici d’un « activisme académique » selon l’expression utilisée dans le livre « Windows of Faith » ( Fenêtres de la foi) publié en 2001 sous la direction de Gisela Webb.

 

En tant que mouvement d’action : il s’agit de dynamiques de femmes qui s’engagent sur le terrain pour une égalité des sexes et contre les lois discriminatoires à l’endroit des femmes. Nous citerons à titre d’exemple le groupe « Sisters in islam » – en Malaisie qui a participé au mouvement de lutte contre les violences sexistes perpétrées au nom de l’islam en publiant un manifeste qu’il a largement distribué.

– Malika Hamidi, « Féministes musulmanes : De la réappropriation du religieux aux stratégies de libération fidèles aux valeurs universelles ». (Première partie)”, https://www.lescahiersdelislam.fr/Feministes-musulmanes-De-la-reappropriation-du-religieux-aux-strategies-de-liberation-fideles-aux-valeurs-universelles_a847.html

 

Une partie de ce mouvement tend à transcender le clivage féminisme occidento-libéral et féminisme islamique comme le souligne Margot Badran citée par Malika Hamidi :

 

“[…] le féminisme musulman n’est ni un produit de l’Orient ou de l’Occident car il transcende, en effet, ces deux sphères.

Comme cela a été mis en évidence précédemment, le féminisme musulman est pratiqué et revendiqué partout dans le monde, par des femmes, à l’intérieur même de leur propre pays quand bien même elles sont issues de pays à majorité musulmane, ou de pays dont la minorité musulmane y est installée depuis longtemps. Le féminisme musulman s’étend aussi au sein de la «diaspora» musulmane et dans la communauté des convertis en Occident.

[…] Le féminisme musulman transcende et détruit la vision binaire qui a été construite autour du concept, y compris l’opposition entre « religieux» et «laïque» et entre «Orient» et «Occident» […]

En réalité, le discours féministe musulman fait exactement le contraire : il réduit le fossé qui existerait entre les féministes musulmanes et laïques tout en mettant en évidence certaines problématiques objectives ont en commun, en commençant par des revendications de base comme l’égalité des genres et la justice sociale. […]

Le féminisme musulman soutient la cause des droits des femmes, de l’égalité des sexes et de la justice sociale en utilisant le discours islamique, bien qu’il ne soit pas nécessairement le seul.

Wadud, par exemple, dans son interprétation du Corancombine la méthodologie des sciences islamiques avec les nouveaux outils des sciences sociales et un discours «laïque» concernant les droits et la justice, tout en ayant des assises fermes et centrales à l’intérieur de la pensée musulmane. ” – Malika Hamidi, « Féministes musulmanes : De la réappropriation du religieux aux stratégies de libération fidèles aux valeurs universelles ». (Première partie)”, https://www.lescahiersdelislam.fr/Feministes-musulmanes-De-la-reappropriation-du-religieux-aux-strategies-de-liberation-fideles-aux-valeurs-universelles_a847.html

 

Cet état contemporain du féminisme islamique suit une dynamique d’ouverture aux autres féminismes, il a la volonté de “revisiter” le Coran en lui apportant un “regard féminin” (Tasfir) (“renouvellement des interprétations” – l’ «ijtihad», relectures des textes sacrés – « Hadiths » [paroles et actes du Prophète], “l’élaboration d’une nouvelle jurisprudence islamique” – Fiqh), mais aussi il se fait par la construction de réseaux et d’alliances transnationaux comme c’est le cas en Egypte et en Tunisie.

En somme, l’apparente conflictualité entre les féminismes semble davantage être une question de perception qu’ont les différentes actrices les unes sur les autres, l’expression d’une incompréhension ou simplement d’une volonté d’uniformisation du féminisme comme une dissolution d’un mouvement dans l’autre.

Finalement, comme le souligne Christine Delphy :

 

« […] un féminisme non pas contre mais avec l’islam : pourquoi pas ? », de plus en plus de femmes européennes musulmanes promeuvent la réalité d’un féminisme musulman qui aspire notamment à permettre de renouveler et d’enrichir les termes du débat au cœur de nos sociétés. Loin des préjugés et des apparences vestimentaires, mais en brandissant haut les revendications et les droits inaliénables de toutes les femmes : pourquoi pas, au fond ? […]

[Comme le fait savoir Chouder Ismahane] Car il n’y a pas « un » féminisme mais « des » féminismes qui marquent autant de voies différentes pour se libérer des tutelles et dominations patriarcales.” – Chouder, Ismahane. « Féminisme-s islamique-s », Confluences Méditerranée, vol. 95, no. 4, 2015, pp. 81-90. »

Féminisme(s) : peut-on porter le voile islamique et être féministe? 

« Dès lors, « annales » qui ne signifie pas que « anna a mal au cul à cause du mâle monté comme un âne » ou « anna a mâle au cul à cause du mal monté comme un âne », et quand l’on dit « mal » faudrait le prendre sérieusement au pluriel et l’orthographier au singulier (question d’esthétique, cela sonne mieux, et a quelque chose d’extrêmement profond). Nan. « Annales » est latin, il y a là des histoires écrites au jour le jour sans queue ni tête, comme ça juxtaposées sous le soleil brûlant du moment, de la vie qui passe, du cœur qui bat, des mots-baises chronologiquement déposés sans aucunes annotations, du jour le jour sans commentaires, un peu comme une baise de sourds-muets. « Annales », dans son étymologie latine c’est ainsi et seulement un ensemble de baises s’enchaînant sans véritables connexions, sans aucuns commentaires, sans préoccupations de style, sans réelles recherches de causes, scrupuleusement ordonnancées au jour le jour comme des récits de (coups d’un) soir ne survivant jamais vraiment aux lendemains (qui si souvent chantent à la castafiore). Des lendemains de cantatrice castratrice. Cela fait mal aux couilles, qu’ils disent. Ou rognons, pour les puristes des langues gourmets. Eux, sublimes testiculaires.

D’autant plus sublimes que le génie flaubertien l’a si bien saisi : il s’agit là l’idéal descendant du très-haut et pénétrant en nous ecclésiastiques infatigables de cette apparence et de cette prétention. « Anna à qui j’ai fait tâter mes boules prétend que j’ai une maladie ‘fréquente chez les ecclésiastiques’. L’idéal entre jusque dans nos testicules. », dixit les correspondances, en récits du jour le jour, et autres juxtapositions des moments. Voilà, pourquoi les fins gourmets ne peuvent se passer de la véritable nourriture de l’âme : celle de la dévoration des rognons. Dévoration de l’ordre de la dévotion. Et comme dirait la fougue carrelienne en parlant du testicule : « Le rognon engendre l’audace ». Audacieuse dévoration. Anna confirme.

Encore une fois, faut bien comprendre de quoi il est question ici. Pas de confusion possible ou admissible. Pas de « je crois queue », le pater noster n’est pas ici acceptable. Tu ne crois queue car tout cela est dans ta tête, même s’il est dans ta bouche ou que tu l’as bien dans le derrière ou que tu l’as mâle au cul. Tu ne crois que ce que ta tête veut bien te faire croire. Il faudrait que l’on se comprenne le pater noster est une science-fiction sans cesser d’être réalité, ou une réalité tout en demeurant science-fiction, bref tout ça pour dire.. En fait, crois ce queue tu veux bien, publie un livre vulgaire et obtient du prestigieux en récompenses. Pater sucker, qu’ils et elles disent. Ou mother pater sucker, pour les puristes des langues bouffant – pas très fins gourmets – à tous les râteliers. Elles en eux colonisé(e)s au point de disparaître, eux sublimes pétersbourgeoises et testiculaires.

« Annales », des récits au jour le jour, histoires nocturnes écrites à l’encre d’anne et pour anna. Anna, fouteuse de merde, récompensée d’une syphilis par mal-évitch, et rebaptisée du coup ou après coup. Anna de syphilis. Même tolstoï aussi créatif soit-il n’aurait envisagé une telle évolution narrative qui se prend comme elle vient, tu conviendras avec moi qu’un anus lettré et cultivé ou un brin avec de l’exigence dirait plutôt que c’est bonnement diarrhée-oïdal ou complètement sphincter-oïdalement bien sorti ou alors pour faire simple rectumatiquement bien envoyé et même si tout ça a effectivement au fond à voir avec « éjaculatif » ou « éjaculatoire ». Anna de syphilis, jamais la noblesse n’aura aussi sublimement porté son nom, cette finesse du nom qui change des barbares contemporains (comme d’hier d’ailleurs). Barbares du peuple d’en bas qui ne savent jamais faire preuve de finesse pour nommer les choses telles qu’elles sont, barbares qui l’aurait nommée « Annalis ». Contraction, proche de constipation pour dire un anus qui fait la tronche. « Annalis », putain de barbares. « Annalis », on voit bien l’image, un nom qui se voit bien : anna se faisant défoncer par syphilis, en sainte-levrette ou en prosternation doggy-doggy (plus ou moins stylish, tu me diras porn-style, je te le concède). Ou si on aime ça les comics, pour dire le génie comique, du type goscinny (jamais orthographié « gosses-cinny »), on voit bien dans « annalis » comment obélix dévore âne le sanglier, et si tu arrives à voir ça tu devrais consulter (d’urgence). »

Variations en A Minor sur Annales, Annalis, & Annus

« Le mot individualisme évoque d’abord la rupture des appartenances sociales et la dépendance à l’égard de tous ceux qui façonnent les attitudes, les opinions et les conduites, qu’il s’agisse des opinion leaders ou des médias. »

– Touraine, A. (2004). La sociologie après la sociologie. Revue du MAUSS, no 24(2), 51-61.

The new research highlights how little we know so far about how the deadly virus affects the body. COVID-19 has also been shown to have devastating effects on the lungs, blood vessels, and even the heart.
“We’re seeing things in the way COVID-19 affects the brain that we haven’t seen before with other viruses,” Michael Zandi, a senior author on the study and consultant neurologist at UCL, told The Guardian.
“What we’ve seen with some of these ADEM patients, and in other patients, is you can have severe neurology, you can be quite sick, but actually have trivial lung disease,” he said, adding that ADEM can leave some patients with long-term disabilities while others are much better off.
The paper described the case of a 55-year-old woman who experienced severe hallucinations, including seeing monkeys and lions in her house, after being discharged from hospital. How commonplace that type of event is remains unclear.
“We want clinicians around the world to be alert to these complications of coronavirus,” Zandi told The Guardian. “The message is not to put that all down to the recovery, and the psychological aspects of recovery. The brain does appear to be involved in this illness.”
Zandi also warned of a “hidden epidemic” that could follow the current crisis, with discharged patients experiencing similar brain disorders, but noted that “its far too early for us to judge now.”
The scientists are hoping their research could inform future rehabilitation plans for recovered COVID-19 patients.
“Doctors need to be aware of possible neurological effects, as early diagnosis can improve patient outcomes,” Ross Paterson from UCL’s Queen Square Institute of Neurology told AFP.

« C’est l’histoire d’un homme, seul et entier, debout sur des fondations d’os, la sueur pour sang, le souffle brûlant, l’enfer dans les poumons, sous un soleil de satan.

À moitié dénudé, couvert d’ecchymoses, de l’esprit à l’âme. Couvert de gale, de la tête aux pieds. Il pointe d’un doigt accusateur le désert. Il stigmatise le vide, il n’a peur de rien et il sait qu’il a tort. Il n’a plus grand chose à perdre et il est déjà fou.

 Son doigt reste tendu, comme une flèche prisonnière d’une rage arc-boutée prête à partir frapper l’horizon lointain. Parce que l’on n’en veut toujours au lointain, quand tout est mort autour de soi.

Il bouge ses lèvres craquelées qui ont connu depuis une éternité déjà la sécheresse – de la parole.

Il remue l’air en des sons éteints, il a oublié qu’il s’est un jour tranché la langue pour ne pas se perdre, et scellé les voix de son for intérieur comme on tente d’emmurer ses démons. 

Il est jeune et si vieux, il est l’enfant dans l’homme, le vieillard dans l’enfant, le passé sans discontinuité dont les traces sont brouillées et perdues avec le passage des âges, le présent qui s’éternise peu, l’avenir qui est remis tout le temps à demain.

Il s’immobilise, statue de boue asséchée de vie, dans une posture punitive, parce qu’il a un jour osé se retourner, regarder tous les damnés être châtiés, et parce que ce qu’il a vu est d’une cruauté sans nom.

Il y a des horreurs qui plongent dans la cécité, des cris qui frappent de surdité l’oreille et le cœur qui les écoutent.

Et un scorpion surgit du sable comme un monstre des sables, le pique et s’en va. Mourir derrière une dune.

L’homme est  immortel. Le scorpion ne le sait pas. C’est là sa malédiction. Le scorpion ignorant, crève.  » – Le lévitant

« Va te faire voir

Dans un porno végétalien

En action avec une carotte mosanto

Forme dodo performance bof bof

Pour tout savoir

T’as rien de sexy

Avec tes accessoires de micropénis »

Va te faire voir

« On arête pas le progrès. Je ma-peau-strophe tous les jours en forme burlesque passée dans un four crématoire. Burlesco à Auschwitz. 

Il n’y a ni grandeur ni trivialité, pas même de décalage. C’est du déphasage en G mineur, bémolialité entre contrepoint et harmonie.

Le progrès planté dans la gorge, et l’asphyxie qui fait rougir les yeux. Je crois qu’il vient un temps où l’on cesse de s’opérasiser, parce que l’on commence à s’étouffer dans son vomis.

Ce temps où on ne veut plus écouter les Diva Castafiore, qui dans leur conclave étripent le sublime, et de ces boyaux en font des joyaux de la couronne. 

Je m’égorge avec un couteau usé, accoutumé à désosser la nuit, et je sang la pisse sortie de mes art-terres giclés sur les murs, les tapisserie, le marbre de palais où les rois baisent le peuple.

Le progrès est en cavale, il en a envoyé un bon nombre à la tombe. Génocidaire, particulièrement consciencieux. De plus, l’air du temps, que l’on respire à fond pour s’oxygener, a un parfum de cul. 

Et moi je, redondante asymétrique, ronronne et ronflonne. Je baroque des lettres candides, dextérité, jusqu’au dernier souffle.

Lettricide rituelle. Nécessaire. Vitale. Salvatrice. 

Et je dépose sur ma tête une couronne clitoridienne. L’assemblée bâtarde acclame en chœur liturgique : Le genre est mort! Vive le transgenre!

Je suis Moi Premier.

Au bas du parchemin, je signe comme on scie : Rien affectueusement, Lord End Of History, Imperator de la nuit.

J’estampille du sceau souverain pour la postérité débaucharde de souche, la vraie. Celle de la Bastard Generation. »

La Bastard Generation

« Toute définition de la société a donc reposé dans le passé sur l’idée qu’il existe des combinaisons et des médiations entre des éléments qui sont si opposés les uns aux autres que seule la société, c’est-à-dire un ensemble de règles et de procédures, peut empêcher un conflit ouvert entre eux et donc le chaos. Quelle est cette opposition fondamentale qui définit la modernité ? C’est la dissociation de l’ordre objectif et des valeurs subjectives.

Dans beaucoup de pays et de situations, on a vu se développer, d’un côté, la raison, la mesure, la prévision économique et l’organisation du travail et, de l’autre côté, le portrait, le roman, l’histoire contée à la première personne et plus largement l’individualisme moral. Cette dissociation des deux univers est la meilleure définition connue de la modernité, car celle-ci brisa l’unité du monde religieux dans lequel le dieu créateur était aussi un être rationnel.

Pourtant, l’idée de société n’était pas apparue dès le début de la modernité. Pendant longtemps, on crut qu’il fallait remplacer Dieu par un Souverain absolu, dépositaire de toutes les légitimités, à la fois père du peuple et gestionnaire, généreux et justicier. La formation du pouvoir politique, de l’État, de Machiavel à Hobbes comme de Jean Bodin à Bossuet, fut au cœur de la pensée politique; elle cessa de l’être ensuite jusqu’à ce qu’elle réapparaisse dans des pensées relativement marginales, comme celle de Karl Schmitt.

La sociologie s’est formée à partir du moment où l’action rationnelle du souverain a été remplacée par l’opposition des forces de l’ordre et de la conscience, de la vie intérieure et de la vie extérieure, de la morale et de l’économie. L’idée de société s’est introduite au centre de la modernité pour empêcher la rationalité instrumentale et la conscience individuelle de se séparer complètement.

L’idée de société a donc désigné les moyens qui maintiennent entre l’acteur et le système une distance réelle, mais limitée et contrôlée par des mécanismes institutionnels. On pourrait définir cette sociologie classique comme la recherche d’une troisième voie entre les impératifs de la gestion rationnelle de l’économie d’une part, et les exigences de la conscience morale d’autre part. La position de Durkheim, proche de celle des solidaristes qui essayaient de s’interposer entre la droite et les socialistes révolutionnaires, fut typique de la situation et des intentions des sociologues qui, plus tard, en Europe surtout, s’identifieront très souvent au Welfare State et appuyèrent toutes les formes du socialisme non révolutionnaire.

Cette définition générale du champ de la sociologie n’exclut nullement de profondes différences entre diverses écoles de pensée. L’œuvre de Talcott Parsons a donné une importance centrale aux institutions qui assurent le fonctionnement de la société. Très loin de lui, d’autres auteurs ont insisté sur le caractère répressif d’un ordre social fermé sur lui-même. La pensée la plus influente au cours du siècle, celle de Max Weber, a mobilisé une immense érudition au service d’une interrogation importante sur les rapports entre la religion – et donc la culture – et le développement capitaliste de l’économie. Il faudrait un livre entier pour montrer à la fois l’unité et la diversité de cette sociologie classique, mais il suffit ici de bien indiquer le principe central de sa définition : la recherche des combinaisons possibles entre acteur et système, qui sont toujours séparés, voire opposés, dans les sociétés modernes, qui ne peuvent pas non plus rompre leurs relations sans ruiner la vie personnelle comme la vie collective. C’est l’Europe qui a apporté le plus d’idées à la construction de la sociologie classique, mais c’est aux États-Unis que se développèrent les premières recherches sociologiques consacrées en grande partie à l’étude du maintien, si typiquement nord-amé-ricain, par les immigrés de la culture de leur pays d’origine à l’intérieur d’une société nationale ayant une grande capacité d’intégration.

Cet ensemble de travaux, d’idées et de recherches qui a constitué la sociologie classique depuis Durkheim jusqu’aux années soixante, s’est développé après la rupture de l’univers intellectuel des Lumières. La conception du « sujet » classique avait été détruite par Nietzsche et par Freud avant que Durkheim n’ait construit son œuvre et que la vision rationaliste de l’organisation sociale et du progrès n’ait été, plus tôt encore, mise en cause par Marx. La sociologie classique n’est donc pas une des dernières manifestations de la philosophie des Lumières. Penser ainsi serait la réduire à un rationalisme très éloigné de son esprit. Cette sociologie classique appartient au grand mouvement des idées, formé à la fin du XIXe siècle et qui a mis en cause de manière radicale le rationalisme des Lumières.

Cette sociologie classique s’est répandue dans le monde à partir de ses centres principaux situés en Allemagne, en France et aux États-Unis, partout où s’imposait l’idée de société comme création d’un État-nation. En Amérique latine en particulier, où les nouveaux États se sont inspirés au cours du XIXe siècle de la constitution américaine et de l’esprit de la Révolution française, la pensée sociologique a été bien accueillie, au point même que le positivisme comtiste est devenu, dans des pays comme le Brésil et l’Argentine, l’idéologie d’une nouvelle classe moyenne, adversaire de l’Église catholique et de la vieille oligarchie. Mais c’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que la sociologie latino-américaine a produit des œuvres importantes.

En revanche, là où l’État gardait le contrôle entier de la modernisation et par conséquent ne reconnaissait pas l’autonomie de la société civile et encore moins la supériorité de celle-ci sur le monde politique, la sociologie ne pénétra pas. Les dictatures ont toujours été ses adversaires résolus et les totalitarismes l’ont interdite ou détruite, comme cela s’est produit dans la plupart des pays d’Europe centrale – la Hongrie et la Tchécoslovaquie en particulier – où elle avait fortement pénétré avant l’arrivée des régimes autoritaires ou totalitaires.

En même temps, la sociologie, parce qu’elle est liée à l’État-nation et à l’existence d’une société civile possédant son autonomie dans le cadre de l’État-nation, est restée absente des pays colonisés comme de ceux où s’est maintenu le pouvoir des dirigeants traditionnels.

L’idée de société, qui est donc restée en dehors de si grandes parties du monde, a plus encore rejeté une large part de la vie sociale réelle des pays qu’elle étudiait. La pensée qui s’est voulue moderne et rationnelle a rejeté aussi bien les cultures traditionnelles que les communautés restreintes ou les pensées religieuses. La sociologie classique n’a pas pensé le monde dans son entier, mais seulement ce qu’on a appelé le monde civilisé. Ce qui a introduit une opposition brutale entre civilisés et sauvages ou colonisés. Cette polarisation s’est manifestée aussi clairement dans les sociétés « civilisées » que dans les autres, parce qu’elle cherchait à protéger la raison et le progrès contre la pression des catégories inférieures, ignorantes ou manipulées : les prolétaires, c’est-à-dire les catégories inférieures de salariés, et tout autant les femmes, considérées comme esclaves de leurs sentiments et des traditions. La sociologie classique, qui mena consciemment une recherche d’intégration sociale et de fonctionnalité, fut tout autant une pensée qui opposa les civilisés aux barbares, les propriétaires aux salariés et les hommes aux femmes.

La raison historique première du déclin de cette sociologie classique est que son fondement le plus stable, l’opposition des have et des have not et aussi des hommes et des femmes, a été lentement détruite par une succession de grands mouvements sociaux fondés à la fois sur la recherche d’une libération et sur l’idée d’égalité. La sociologie a été plus souvent rejetée par les idéologies de ces mouvements que renforcée par leurs demandes.

[…]

La « société » n’est plus un produit de l’organisation économique. Et l’économie de son côté devient « sauvage », mieux définie par le marché que par les politiques économiques ou même par les projets des grandes entreprises. L’espace social et politique, quant à lui, est de plus en plus occupé, au moins au niveau national, par des problèmes qui concernent en premier lieu les rapports de chaque individu avec lui-même. Il faut ajouter à cette très brève analyse que cette nouvelle orientation de l’action vers lui-même, qui remplace la conquête de la nature par la construction de soi-même, est avant tout un modèle féminin qui remplace ou plutôt qui dépasse et incorpore le modèle masculin, qui perd sa place dominatrice.

LA SOCIOLOGIE POST-CLASSIQUE

Peut-on maintenir, dans cette nouvelle situation, la définition que j’ai donnée de la sociologie classique comme effort de combinaison de la rationalité instrumentale et de l’individualisme moral ? Non, simplement parce que la nouvelle situation, définie par la globalisation de l’économie et le renforcement du sujet personnel, conduit directement à une rupture presque complète entre le monde de l’objectivité et les efforts du sujet pour être la propre finalité de son action. Les anciennes symétries ont disparu; la pensée et l’intervention du sociologue pèsent entièrement d’un seul côté; elles s’efforcent de découvrir et d’étendre un espace social défini comme l’espace protégé des sujets personnels et collectifs qui cherchent par l’action collective, par des politiques publiques ou par des mécanismes institutionnels, à investir un territoire pour que celui-ci puisse être gouverné pour la satisfaction des besoins du sujet et en particulier de sa liberté créatrice. Territoire sacré qu’on aurait plutôt considéré dans le passé comme antisocial, mais qui, au contraire, est occupé par de nouvelles institutions dont les buts sont directement opposés à ceux des anciennes institutions qui tendaient à renforcer la société, au prix même d’une répression exercée sur des individus ou des catégories.

Cette définition du nouveau champ de la sociologie s’applique-t-elle seulement aux pays les plus « développés » ou à tous et dans chaque pays s’applique-t-elle à toutes les catégories de niveau économique, d’éducation, d’âge ou de sexe ? Dans le passé, la réponse aurait été négative, au point que la sociologie et l’ethnologie – et pourquoi pas l’histoire ? – étudiaient divers types de sociétés.

Aujourd’hui, la mondialisation des échanges économiques, financiers et culturels, est si avancée qu’il est impossible de tracer des frontières entre sociétés « développées » ou non ou même entre celles qui suivent divers chemins de modernisation. Mais on ne peut pas se satisfaire de l’image superficielle d’un monde égal pour tous; il faut trouver ce qu’il y a de commun entre l’individualisme des pays les plus riches et la défense repliée ou agressive de traditions ou de projets culturels qui sont menacés par la globalisation économique et culturelle. Au point même que l’étude de leur complémentarité et de leurs formes de combinaison constitue la partie centrale de l’analyse sociologique.

[…]

C’est ici que la sociologie d’aujourd’hui retrouve celle d’hier. Nous sortons de plusieurs décennies dominées par l’idée que les dominés ne sont que des victimes, soit manipulées et punies ou surveillées, tandis qu’il ne peut y avoir d’acteur si on ne peut pas aller au-delà de la dénonciation des pouvoirs. Cette pensée brillante a été autodestructrice puisque la réduction des dominés à l’état de victimes est la position qui sert le mieux les intérêts des dominants. Cette sociologie de la pure dénonciation est épuisée, même si elle reste vivante dans la mémoire des livres et même si Michel Foucault continue à exercer une remarquable influence dans presque tous les domaines de la pensée sociale. Ce qui donne vie à la sociologie est la reconnaissance de plus en plus générale que le feu de l’histoire n’est pas éteint, que nous vivons à la chaleur d’une société ultramoderne et non pas dans le froid d’une société post-moderne. Car partout dans le monde et dans tous les secteurs de la vie sociale, les acteurs réapparaissent. À la fin du XIXe siècle, la passion de nos républicains pour la laïcité n’a pas empêché que le mouvement ouvrier devienne l’acteur le plus important de l’histoire sociale de cette période. Aujourd’hui, de même, il ne suffit pas de dénoncer le communautarisme le plus agressif pour empêcher les luttes pour la reconnaissance des droits culturels d’être aussi centrales que les luttes pour la reconnaissance des droits sociaux le furent il y a cent ans et celles plus centrales encore, un siècle plus tôt, pour les droits civiques. Le premier devoir du sociologue est de refuser les discours de rejet qui cachent mal la défense des privilèges et la négation de l’autre en tant que différent et égal à la fois. Et ce travail, qui doit être le nôtre, ne peut être mené que de tous les côtés à la fois, en Iran comme au Canada ou au Pérou, dans les mouvements des femmes comme dans la défense des minorités ethniques, dans les débats sur l’école comme dans la lutte des écologistes.

[…]

Mais il faut s’interrompre ici pour répondre à une objection qui se fait entendre depuis la première ligne de ce texte. Ce programme ne jette-t-il pas la sociologie dans l’idéologie ? Devons-nous, après la plupart des acteurs eux-mêmes, parler en termes d’opposition du bien et du mal et porter constamment des jugements de valeur ? Cette objection n’est pas solide, mais il faut l’écarter. Car l’objet principal de la sociologie est d’étudier les efforts faits pour se débarrasser des visions idéologiques. Nous étudions des conduites orientées par des valeurs, mais nous n’expliquons pas ces conduites par des croyances; nous les voyons comme des efforts pour créer des acteurs libres et responsables, qui cherchent des chemins pour traverser les montagnes qui bouchent leurs horizons. Et bien entendu, nous devons étudier tout autant ceux qui cherchent à se dégager des communautarismes pour défendre leur liberté que ceux qui défendent leurs droits culturels contre ce que certains appellent les forces incontrôlables et imprévisibles du marché.

Ce qui fait l’unité de la sociologie est la recherche des acteurs.

[…]

Je peux maintenant introduire, pour définir la société, un mot qui, employé plus tôt, aurait été pris pour une provocation. La sociologie actuelle étudie les conduites les plus individualistes, en elles-mêmes et dans leur opposition aux logiques collectives, que celles-ci soient économiques, ethniques ou religieuses. Le mot individualisme évoque d’abord la rupture des appartenances sociales et la dépendance à l’égard de tous ceux qui façonnent les attitudes, les opinions et les conduites, qu’il s’agisse des opinion leaders ou des médias.

Mais l’individualisme ne peut avoir aujourd’hui qu’un sens, opposé au sens traditionnel que je viens d’évoquer. La combinaison de la participation économique et de l’identité culturelle ne peut pas se réaliser à un niveau sociétal; c’est seulement au niveau de l’individu que la participation à l’économie globale et la défense ou la formation d’une identité culturelle – héritage ou projet nouveau – peuvent se combiner. C’est pourquoi, dans la famille comme dans l’école, on voit s’imposer – malgré de vives résistances– l’idée que c’est l’enfant, l’élève, qui doit être au centre de l’institution. Des longs débats entre partisans et adversaires du collège unique en France, on peut tirer la conclusion que le maintien du collège unique n’est possible que par une forte individualisation des rapports entre enseignants et enseignés.

Un des thèmes principaux de la sociologie est donc le renversement de la notion et du rôle des institutions. On définissait celles-ci par leur fonction pour l’intégration d’un système social. Elles définissaient et faisaient respecter les normes et même les valeurs d’une société. De plus en plus, au contraire, nous voyons en elles des instruments de défense des individus et de leur capacité de défense contre les normes. Notre société est de moins en moins une société d’assujettis et de plus en plus une société de volontaires.

[…]

RETOUR À LA SOCIÉTÉ ?

C’est pourquoi il faut attirer l’attention sur un thème complémentaire de celui du sujet et même opposé à lui, et qui occupe une place déjà très importante dans la sociologie. Ce thème nous ramène apparemment, par son nom même, aux fondements de la sociologie; il s’agit du lien social, notion dont le contour n’est pas exactement le même dans toutes les langues, ce qui conduit souvent à préférer le mot allemand Bindung à ses équivalents dans d’autres langues. Ce serait une erreur de croire qu’il s’agit ici de réagir contre l’anomie, la crise de tous les milieux d’appartenance et plus généralement de la désocialisation, partout visible. Car il s’agit au contraire de reconstruire du lien social à partir des demandes de l’acteur individuel.

Employons ici le langage le plus couramment utilisé : notre self-esteem est liée à l’image que les autres ont de nous-même et plus largement à notre conscience d’appartenir à un ensemble, ce que Franco Crespi et ses co-auteurs appellent la solidarité, en prenant ce mot en un sens différent de celui que lui avait donné le mouvement ouvrier.

Il s’agit bien d’un appel à la communauté, mais celle-ci n’a rien de völkisch; au contraire, elle repose sur la recherche de l’estime de soi, donc d’une conscience individualiste, mais liée au rétablissement du lien social et de la solidarité. Il faut souligner la distance qui sépare le thème du sujet de celui du self. Car le sujet se définit en dehors du social et même en partie contre lui, tandis que le self est lié à l’intégration sociale. S’il est permis d’appliquer des catégories politiques au monde de la connaissance et des démarches intellectuelles, on peut dire que la notion de sujet a une tonalité de « gauche » et la notion de self une tonalité de « droite », mais sans donner trop d’importance à ces qualifications. Ces termes n’ont, en effet, pas grand intérêt par eux-mêmes, mais ils soulignent utilement la diversité des démarches et des orientations qui constituent la nouvelle sociologie. Celle-ci garde pourtant son unité au-delà de cette diversité d’orientations, cette unité venant de la destruction de notions anciennes, comme société ou système social, qui assuraient un lien fort entre les normes, les institutions et les processus de socialisation.

Il est urgent d’accepter ce qu’on peut nommer un changement de paradigme et qui est du même ordre d’importance que celui qui nous a fait passer de la philosophie du droit et de l’État à la sociologie classique. C’est notre lenteur à opérer ce changement de paradigme qui explique la crise de la pensée sociologique comme celle des politiques sociales et la facilité avec laquelle ont été acceptées une pensée et une politique « libérales » qui se définissent plus clairement par ce qu’elles refusent que par ce qu’elles proposent. Certes, l’urgence la plus grande est de nous débarrasser du pessimisme extrême qui ne voit que des victimes là où il faut découvrir des acteurs. Mais, sitôt cela fait, il faut échapper à la mollesse d’une pensée dite néolibérale qui réduit les possibilités d’action à l’adaptation plus ou moins réussie à des contraintes extérieures.

La sociologie d’aujourd’hui s’explique par son avenir plus que par son passé. Elle se construit, elle s’invente et se transforme constamment plutôt qu’elle ne se compose d’écoles dont la vie se poursuivrait à travers plusieurs générations. Elle est déjà constituée comme un ensemble d’interrogations et de sensibilités, plus répandu sur la planète que n’importe quelle autre forme antérieure de pensée sociale. Mais cette existence de fait de la nouvelle sociologie ne s’accompagne pas – pas encore – d’une réflexion suffisante sur elle-même. Une pluralité de langages et même d’objectifs semble fragmenter de plus en plus le champ d’un savoir dont certains pensent qu’il n’est qu’un voile léger cachant mal la diversité des intérêts et des passions.

Je conclus pourtant dans un sens opposé. Si la sociologie classique s’est depuis longtemps décomposée, une nouvelle sociologie se met déjà en place et rien ne devrait retarder maintenant une réflexion qui permet une meilleure communication entre les acteurs. C’est à cette construction d’une sociologie à la fois intégrée et différenciée dans un monde globalisé et fragmenté que nous participons presque tous aujourd’hui. »

– Touraine, A. (2004). La sociologie après la sociologieRevue du MAUSS, no 24(2), 51-61. 

« De nos jours, les couilles occupent la place des hémisphères du cerveau, la chatte chez d’autres. Sommes-nous désormais seulement des choses érectiles ?  Sommes-nous dorénavant seulement ou substantiellement des corps à l’apparence de vagin et de pénis ? Portons-nous maintenant et plus que jamais nos couilles et nos lèvres sur nos épaules ?

Je suis le premier coupable. Dans un quotidien de sexualisation accrue des relations sociales, je fais acte de conformité. Consommateur de cette pornographie soft qui définit le contemporain qui définit l’essentiel, ma norme. Je me goinfre. Le porc et le cochon ont pris le dessus, moi est le triomphe de la libido qui encule et se fait enculer, moi c’est le triomphe de la langue qui lèche du cul et qui se fait lécher, moi c’est le triomphe d’une fellation et d’un cunnilingus, moi « Je te baise » ou moi « Je veux te baiser ». Ad vitam aeternam, pour dire ad nauseam. Jusqu’à ce que petite mort (et toutes les autres qui viendront) s’en suivent.

Je suis comme mon époque : obscène et vulgaire. Grossier, grivois, salaud quelques fois, salope à quelques occasions. Jamais contente, elle exige que l’on en rajoute. Trop n’est jamais assez. Encore. Encore. Encore. Mmmmh

Je suis le pur produit de mon époque : pute nymphomane et junky. Libertaire et athée. Religieusement d’une superficialité qui doit me procurer les jouissances hédonistes que réclame à corps et à cri mon esprit souillé.

J’aime jouir. Je veux jouir. Je ne vis que pour jouir. Voilà. Ce que je suis. Mon époque en chair en os et en sang. Junky sous la plume de Burroughs, rejeton bâtard de la Beat Generation. Calligraphiée en Bite Génération. Pussy Génération. Trans-Q Generation & Others. Je suis né Sur la route, j’ai grandi à Big Sur, et à chaque instant de la vie ma respiration a été un Howl. Voilà. Mes Contes de la folie ordinaire.

Je suis mon époque : l’indécence est une vertu. Je me vautre dans la boue, et je suis à la hauteur du caniveau. Putain, courtisan, je mange omnivore toutes les saloperies qui traînent. Fécales, diamants, cotées en bourse, contenues dans des bourses, clitomaniaque ou phallique obsessionnel je prends et ne fais la fine bouche. Je suis un porc, cet été il y a un peu de moi sur les barbecues. Pardon, les barbeculs.

Prévert, Gainsbourg, Baudelaire, Heiner Müller, ne sont pas morts, mon époque les a magnifiés au point d’en faire des objets de la vulgate. Alors, je fréquente les rayons des supermarchés du poison, estampillé OGM, en rabais, en solde, bradé, je m’en piffre jusqu’à ce que mort s’en suive.

Je suis le premier coupable. Moi, un être postmoderne. Moi, pur produit de mon époque. Et à celui qui se demanderait dans ce futur que je n’envie guère ce que nous fûmes, lisez mon « lol » et mon « mdr » – une façon de vous dire je vous emmerde. Pauvres générations nées dans la merde.

Qui nous a tué. Je n’en ai pas la certitude. Peut-être un suicide. Par conneries interposées. Nous, et notre culte du corps, du sexe, du fric, du matériel. Nous, et notre besoin vital de ne pas finir anonymes. Nous, et après le déluge.

Qui nous a tué. Je dessine un emoji con en guise de réponse. Vous y verrez ce que vous voudrez. C’est votre problème. Moi, je vais danser nu autour et pour le veau d’or, hystérique, fou, tant que je jouirai. Voilà. Ma liberté. Voilà. Mon émancipation. Adam, héraut du phallocracisme ; Eve, éros du vaginisme. Et toutes les autres possibilités de l’entre-deux et d’en dehors d’eux.

Je danse aux rythmes du monde, nu, la bite en l’ air, demandant qu’une bouche aussi pute que moi la saisisse et la mette jusqu’au fond de sa gorge. Je veux dire jusqu’à ce que mort s’en suive.

Je suis le premier coupable. »

Pute nymphomane

« En considérant que les femmes et les hommes n’écrivent, ne parlent de la même façon, on reconnait implicitement qu’ils ne pensent pas pareil. Puisque l’écrit ou le verbal sont une extension, le prolongement de la structure cognitive qui par ces actes est matérialisée. Ce stéréotype de sexe et du genre est généralisant et contestable.

Car, au-delà du tout globalisateur, les termes les femmes les hommes sous-entendent l’existence d’une pluralité des caractères que l’on uniformise.

Dans ce cas, ces termes-là sont est à la fois une simplification et une limitation de la complexité, du capharnaüm, qu’est la personne. La personnalité. Une femme écrit et parle comme elle perçoit les choses, dans sa normalité qui n’est pas celle d’une autre femme. Qui peut être celle d’un homme. Inversement.

Conséquemment, ces termes ne veulent rien dire.

Mise à part l’intention d’étiquetage culturel, physiologique, ou d’identification biologique. »

Les femmes n’écrivent pas et ne parlent pas comme les hommes

« « Le monde brise les individus, et, chez beaucoup, il se forme un cal à l’endroit de la fracture ; mais ceux qui ne veulent pas se laisser briser, alors, ceux-là, le monde les tue. Il tue indifféremment les très bons et les très doux et les très braves. Si vous n’êtes pas parmi ceux-là, il vous tuera aussi, mais en ce cas il y mettra le temps. » »

Nina Simone

« Vous savez comment Sartre donne à l’homme des sciences humaines le double choix : d’être soit un lâche soit un salaud.

– Ewald, F. (1998). Humain, trop humain. Dans : François Ewald éd., Les Sciences humaines sont-elles des sciences de l’homme (pp. 19-26).  Presses Universitaires de France. »

Qui est l’Homme (des Sciences Humaines) ? Un Lâche ou un Salaud (?)

« Hoederer :

Un intellectuel, ce n’est pas un vrai révolutionnaire, c’est tout juste bon à faire un assassin. »

Les Mains sales, Sartre.

« Parce que l’écrivain est un assassin. Par là, un humaniste. Sous les mots, il y a un crime. Le crime, c’est poser des questions sans y répondre. L’humaniste n’apporte pas de réponse, il interroge sans cesse.

Et l’écrivain humaniste, assassin, par ses livres qui donnent envie de crever, provoque les seules guerres utiles auxquelles le lecteur devrait se livrer. En lui. Avec lui. Et comme dans toutes les guerres, ces guerres-là, cesser d’être le même. »

L’Hygiène de l’assassin de Amélie Nothomb

« Le syndrome de superman n’est pas le complexe de superman. Ce dernier signifie la propension à se croire invulnérable, à ne faire confiance à nul autre que soi pour l’exécution des tâches – point d’aptitude à la délégation. Max Carey disait du complexe de superman (dans le contexte du travail professionnel) que ceux qui en souffrent ont tendance à faire tout et à vouloir faire mieux que les autres. Dans la vie quotidienne, les personnes souffrant du complexe de superman sont autosuffisantes, très ou ultra déterminées, closes (solitaires et souvent très isolées) sur elles sans forcement être taciturnes. Elles ont l’excessivité de la charge (voire de la surcharge) de travail, ont un ego et l’orgueil démesurés, elles sont dans l’impossibilité d’accepter l’aide et le soutien du « groupe » ou des autres, ces personnes sont plus que compétitives, exigeantes et intraitables envers les autres. Dans ce sens, le complexe de superman est l’absence de confiance en d’autres que soi, le sentiment d’être capable de porter sur ses épaules le monde entier et d’y parvenir dans une sorte de stoïcisme digne de La Mort du loup d’Alfred de Vigny. Le syndrome de superman quant à lui n’a rien à voir. Il s’agit plutôt d’un « besoin maladif d’aider les autres ». D’incarner et d’assumer un rôle de sauveur. Justement, le syndrome de superman est celui du sauveur.

Marie-Eve et Jeffrey sont irrésistiblement attirés par la détresse de l’Autre. De façon consciente ou inconsciente. Ce n’est pas le physique, l’attirail physique, le présentoir, qui les séduit, c’est l’espèce de souffrance et de mal-être de l’Autre. Plus l’Autre incarne à leurs yeux une âme à la dérive, plus ils ressentent le besoin d’être sa bouée de sauvetage. Il y a beaucoup de sacrifice dans leur attitude. La nécessité de porter secours, de réparer, de « fixed », au détriment de leur propre intérêt. Et quand ils ont le sentiment d’avoir accompli leur tâche, ils se détachent de l’objet de leur affection, les quittent et vont à la rescousse d’autres âmes égarées plongées dans une sorte d’obscurité ou de perdition. Ceux qui les attirent c’est la fragilité comme des craquelures chez les Autres. Jeffrey et Marie-Eve sont indéniablement altruistes, ou sont convaincus de l’être. Ils jouent volontiers aux psy’ quand on échange avec eux, ou qu’ils adoptent une position de psy quelques fois involontairement. Les autres sont sur le divan, et eux des thérapeutes. C’est cette écoute, cette capacité à se décentrer dans un monde d’égocentrisme qui en fait des êtres très attrayants. Les autres se sentent bien, compris, acceptés, et au fil du temps « guéris ». La bienveillance, la compréhension, la tolérance, la patience, la volonté d’aider son prochain, sont les caractéristiques des personnes atteintes du syndrome de superman. Il n’est pas a priori question d’eux dans des relations humaines et sentimentales qui tendent au « Moi, je », mais ce n’est pas tout à fait vrai car ces personnes recherchent par leur « disponibilité » une certaine reconnaissance.

Je me suis souvenu qu’il y a quelques années j’ai lu Le Syndrome du sauveur de Mary C. Lamia et Marylin J. Krieger, ouvrage dans lequel les psychologues affirment que ceux qui ont une tendance à « voler au secours des autres » souffrent d’un altruisme égocentrique. L’oxymore est approprié puisqu’il est question derrière l’empathie, la volonté d’aider, l’envie de servir à quelque chose – qui soit utile à l’autre, un besoin très narcissique de répondre aux propres besoins de ce « Superman » qui ne se l’avoue toujours pas.

« Le sauveur peut être une femme ou un homme de tout âge, nationalité, orientation sexuelle, culture ou statut socio-économique. À première vue, le sauveur contemporain de la vraie vie peut sembler être le partenaire idéal, mais en réalité c’est un héros tragique. Les sauveurs n’ont pas seulement la volonté de secourir les autres, ils ont également besoin d’être secourus eux-mêmes. De fait, et sans en être conscients, les sauveurs recherchent des partenaires particulièrement démunis et vulnérables. Ainsi, dans notre conceptualisation du syndrome du sauveur, la propension à venir au secours des autres et le besoin de le faire sont les conditions primordiales à l’acquisition de ce statut de sauveur. Prenez quelques instants pour réfléchir aux diverses relations existant autour de vous, ou celles dans lesquelles vous avez vous-même été impliqué(e). Il est probable que vous connaissiez des couples où l’une des personnes a trouvé un(e) partenaire qui avait besoin d’être secouru(e) – peu importe de quoi : tristesse, problèmes financiers, drogue, dépression, relation violente, soucis de santé ou séquelles d’un passé difficile. Peut-être les sauveurs que vous connaissez ont-ils identifié de façon instinctive la profonde vulnérabilité de leur partenaire même si, au début de leur relation, cette personne a tout fait pour masquer ses faiblesses. […]

Vous découvrirez que la plupart des sauveurs vont d’une personne vulnérable à l’autre, un peu à la façon de ces preux chevaliers volant au secours de la personne aimée sur leur cheval blanc. Au tout début d’une relation, le sauveur semble bienveillant et satisfait de son propre altruisme, mais à mesure que le temps passe, il se montre de plus en plus malheureux, déçu, critique et impuissant. Ce sont des caractéristiques typiques de nos sauveurs. Bien que ces figures existent dans des relations très diverses, par exemple professionnelles ou amicales, nous nous en tiendrons dans cet ouvrage à évoquer le sauveur dans les relations de couple. Bien que les actes héroïques du sauveur puissent apparaître comme une façon métaphorique de pourfendre le dragon qui menace ses partenaires, son véritable but est d’anéantir les dragons de son propre passé. Le sauveur espère recueillir l’admiration, l’approbation ou l’amour de ses partenaires. Cependant, à un niveau plus profond, le sauveur chronique tente de restaurer une perception de lui-même négative ou endommagée, héritée de son enfance. Malheureusement, les choix du sauveur en matière de partenaires, et la façon dont il finit par traiter ces derniers, constituent souvent une répétition symbolique du type même de détresse dont le sauveur a fait l’expérience dans son enfance. Plutôt que de restaurer sa perception de lui-même, cette répétition donne au sauveur un sentiment de défaite. Tant qu’il n’a pas réellement compris ses véritables motivations, venir au secours des autres ne l’aidera en rien dans sa quête d’autoguérison ; échec après échec, il ne pourra que se sentir malheureux. » – Le Syndrome du sauveur. Se libérer de son besoin d’aider les autres de Mary C. Lamia et Marylin J. Krieger, Eyrolles, 2012, 330 pages.

Pour Pascale Senk, les raisons d’un tel comportement sont « À un premier niveau […] : un besoin de reconnaissance et d’être renarcissisé [poussant] la personne à voler au secours des autres… Et à le faire savoir. Plus subtile encore, une quête de pouvoir cachée. Quand l’abnégation donne place et importance, pourquoi ne pas en profiter? Le sauveur nourrit, habille, héberge, prend en charge plus fragile que lui… Et, ainsi, il le contrôle totalement. « Une manière d’apaiser la propre peur de l’abandon qui le mine », estime la psychologue Gene Ricaud-François. »  Jeffrey et Marie-Eve sont des personnes ayant soufferts d’abandon – ce traumatisme ou cet épisode traumatisant reste une blessure vive. Ce sont aussi des personnes qui dans leur façon d’agir ont un besoin d’avoir un contrôle sur les gens et l’environnement (ce qui ne signifie pas qu’ils s’imposent ou sont tyranniques, cela veut dire qu’ils ont besoin d’avoir le sentiment de pouvoir exercer un certain pouvoir sur la situation dans laquelle ils sont). Cela m’a toujours frappé. Ils sont capables de se « sacrifier » pour les autres, de s’oublier pour l’Autre, de toujours mettre en avant les Autres alors qu’ils pourraient se « vendre » ou tout au moins « profiter » des opportunités pour se mettre sous les projecteurs.

[…]

Eux en tant que « Je » ne semble pas beaucoup exister ou compter. C’est sans doute ce qui explique le fait qu’ils soient capables de s’oublier beaucoup (ou du moins inconsciemment) pour les Autres, d’être sourds à leur propre besoin immédiat. Ce sont « des personnages forts, altruistes et pleins de ressources, qui surgissent in extremis pour sauver les innocents et les démunis des griffes des dragons ou des scélérats. » Des « Personnage[s] romantique[s], attirant[s] et puissant[s] » qui marquent dès la première rencontre et qui donnent envie de leur faire confiance. « Héros tragiques », ils sont en tant que partenaires l’idéal recherché sans que leurs partenaires malgré le temps qui passe ne sachent au fond « qui » ils sont – et se contentent, un peu en tombant dans le piège de croire « ce que » ils leur laissent voir. Ce sont des individus dont les « séquelles » d’un « passé difficile » ne sont pas visibles à première vue. « Vulnérables » derrière le masque d’invincibilité, Jeffrey et Marie-Eve parviennent à mystifier leur entourage. Pour de nombreuses personnes qui les côtoient ils sont d’excellents candidats à la béatification. Parce qu’ils produisent des « miracles » autour d’eux, alors qu’en eux c’est tout un enfer.

Jeffrey et Marie-Eve sont des personnes fortes, sempiternellement des « épaules sur lesquelles les autres s’appuient ». Des géants aux pieds d’argile. Des colosses au cœur de porcelaine. Ils pleurent sous la pluie, sourient même quand le cœur n’y est pas, ne s’attendent pas à être aimés mais aiment comme on soigne les blessures des Autres. Dans ce train se dirigeant vers Toronto, je les ai vus pour la première fois. Et j’ai compris ce qui me semblait inexplicable. Du moins, je crois. Demain, lorsque je les reverrai, ils seront peut-être en amour avec de nouvelles tristesses, de nouvelles âmes fissurées, de nouveaux cœurs errants perdus blessés. Je verrai leur cape rouge, le poing invisible levé vers le ciel, et au chevet des Autres dépressifs angoissés souffreteux. Je ne leur dirai rien, surtout pas qu’ils ont aussi besoin d’être sauvés. Parce que comme pour eux, comme pour tout le monde, Superman ou Superwoman est essentiellement une sorte de surhomme. »

Syndrome de superman, syndrome du sauveur

« Vouloir sauver les autres est presque toujours le signe de son propre besoin d’aide. C’est ce que démontrent deux psychologues américaines dans cet ouvrage. Après avoir identifié différents types de sauveurs, elles nous expliquent comment déjouer les schémas répétitifs, souvent issus de l’enfance, afin de retrouver une relation saine avec soi et les autres. »

Le Syndrome du sauveur, de Mary C. Lamia et Marilyn J. Krieger

Elsa Godart

Eyrolles, 2012

« Le slogan (puisqu’il s’agit en fait d’un slogan marketing, politique, etc.) « il faut sauver la planète » résonne dans notre contemporanéité comme un vrai foutage de gueule – et c’est un euphémisme.

La planète n’a pas besoin d’être sauvé, la planète a plus que jamais besoin d’être respectée. La posture de sauveur est le propre de l’occident : du colonialisme aux guerres/interventions humanitaires (ou les guerres dites justes) en passant par le discours sur la « modernité » ou la « Civilisation » (« l’Humanité »), il s’agissait à chaque fois de sauver quelqu’un, quelque chose (de la sauvagerie, de l’ignorance, du caractère primitif, de l’obscurantisme, etc.).

Cette posture a ceci de particulier qu’il relève souvent du narcissisme, nourrit une certaine arrogance (donc un aveuglement certain), flirte avec la prétention, et à tout d’un autoritarisme (moral, politique, idéologique).

Le sauveur a dans bien des cas historiquement été inhumain, injuste, immoral. Le sauveur a rarement tort, et il est convaincu que malgré tout il fait le bien, que ses actes sont justifiés et les conséquences de tels actes sont au pire un mal nécessaire. La posture de sauveur autorise tout : l’assujettissement, la dictature, le mépris, l’exploitation.

Difficile de raisonner un sauveur, ou même de lui montrer que ce n’est pas aussi simple que ça. Parce que le sauveur dénonce bien plus qu’il ne comprend vraiment ou ne cherche pas vraiment à comprendre, il est certain de sa vision des choses et au nom de ses convictions ou d’une responsabilité qu’il a choisi d’assumer il doit agir comme il le croit (fermement). Le sauveur a souvent été trop souvent un fondamentaliste.

Et dans notre contemporanéité, il est un croisé parmi tant d’autres dans des croisades morales.

La planète est en fait un prétexte. Un prétexte pour se donner et faire sens.

« Il faut sauver la planète » comme d’autres sont allés sauver les peuplades de leur condition, comme d’autres sont allés renverser des régimes jugés indignes, comme d’autres dans les récits bibliques ont donné leur « vie » pour « sauver l’humanité », comme d’autres sont allés « sauver des lieux saints », etc.

La posture du sauveur, un grand classique, mythologique, historique. Rien de nouveau sous le soleil tel que le faisait déjà remarquer l’Ecclésiaste ou comme le dirait cette amie : « Same old shit ».

Il faut donc sauver la planète. Nouveau cadre narratif et discursif de l’époque contemporaine. L’occident s’est trouvé un nouveau sens à son existence et une autre façon de se faire sens à lui-même.

Exit, la lutte contre la pauvreté mondiale et la démocratie des années 1990 (comme les théories scientifiques des sciences politiques nous l’affirmaient : seule garantie de développement économique ou l’inverse), lutte qui légitimait la nécessité de la globalisation (néo)libérale et (ultra)capitaliste; il était essentiellement question de « sauver les pauvres et tous ces arriérés, ces non-civilisés » en dehors de la modernité (néo)libérale et (ultra)capitaliste.

Aux débuts des années 2000, on a poursuivi sur cette lancée, je me souviens encore des OMD, les fameux Objectifs du Millénaire pour le Développement martelés aux tiers-mondistes par l’Onu, d’ailleurs je m’y suis engagé en tant que jeune et convaincu de la nécessité de leur atteinte, j’y étais à fond.

Développement égale privatisation à tout va et à prix cassé, ouverture des marchés tiers-mondistes aux multinationales des Nords, libre-échange (dans les faits en un sens) de déchets toxiques (des centrales nucléaires) et des cochonneries de l’industrialisation nordiste, reconfiguration des valeurs culturelles et redéfinition des singularités dans le moule identitaire occidental, mais comme les économistes et leurs statistiques (produits d’un arbitraire ou d’un consensus qui a tout d’un arbitraire) disent cela a fait reculer la pauvreté même si cela a accru les inégalités (et encore une fois l’évaluation se fait selon la définition occidentale de pauvreté, etc.).

Les tiers-mondes sont donc moins pauvres, la preuve la crise migratoire que connaît l’occident (et qui fait élire tant de gouvernements fascistes, qui nourrit le discours xénophobe, de haine, du racisme décomplexé des populations, etc.) relève du registre touristique.

Les colonnes de désespérés qui crèvent sur des chemins d’espérance (désert, mer, réseaux de trafic humain, et autres) sont en fait des touristes qui rêvent de venir profiter du système occidental puisque chez eux la pauvreté a reculé (grâce à l’occident), à la limite ces désespérés font preuve d’ingratitude (ce qui est sans doute pour beaucoup dans nos contrées occidentales un peu insultant, d’où un salvateur recours aux partis d’extrême droite seuls à même d’essuyer cet affront).

Après le sauvetage des pauvres, cette fin des années 2010 est celle du sauvetage de la planète (il ne s’agit plus de nos jours de « sauver les pauvres » mais de les stigmatiser, de les punir, de les humilier – en gros, ce n’est plus très « payant » de les « sauver).

L’occident, le sauveur de tous s’est trouvé un nouvel habit, belle cape de super-héros, moulant et sexy, le bras levé vers le ciel, « Planète, j’arrive ! ». Les restes de la planète ont les larmes aux yeux, « Enfin ! nous voilà sauvés ! » Des cinéastes hollywodiens ont sorti leur caméra, il y a déjà un public qui s’impatiente devant son écran et devant les salles obscures, cela sera d’un agréable plaisant divertissement. « Nous sommes des héros », titre magnifique pour œuvre propagandiste, l’occident a toujours su bien narrer les histoires.

Il faut donc sauver la planète.

Je me souviens, j’étais dans ma quinzaine, début des années 2000, avec d’autres jeunes de plusieurs nationalités et origines, nous discutions des OMD en mettant un accent particulier sur le respect de la planète, à l’époque on disait « respect de la nature ».

Des jours et des nuits d’échange sur le « comment » intégrer les valeurs environnementales et ancestrales des Suds et des Nords dans une conception commune de développement qui puisse (nous faire) sortir du modèle productiviste ou l’amender afin qu’il ne devienne pas le fossoyeur de l’humanité – pour dire, on se posait la question : comment être et faire humanité en intégrant toute la diversité de nos identités et valeurs? 

Nous avons beaucoup écrit, débattu, et tous les adultes qui nous encourageaient à nous engager ont snobé cette vision intégrative de toutes les singularités culturelles d’un développement commun, juste, responsable.

Les adultes ont snobé la vision de la jeunesse.  On nous a dit que nous ne pouvions pas comprendre les réalités du monde, que nous étions trop immatures, idéalistes, etc. Nous étions des enfants. Les adultes ont mis aux chiottes la vision d’avenir de la jeunesse, ils ont fait preuve de maturité, de responsabilité, de lucidité, résultat des courses : la planète crève, à grande vitesse.

Aujourd’hui, adultes nous avons l’impression que le foutoir est tel que nous ne savons même pas où commencer pour tout mettre dans l’ordre ou pour nous sortir du foutoir. Toutes les problématiques sont à la fois si imbriquées les unes dans les autres que trouver une solution c’est nécessairement réfléchir à toutes les autres (problématiques/solutions) car les impacts peuvent être désastreux et même dans le long terme se révéler sans effets significatifs.

Les adultes d’hier sont des vieux qui sont toujours au pouvoir, ils ont eu une belle carrière, ils ont une belle retraite d’assurer, et ils ne lâchent pas l’affaire. Les adultes comme moi, la plupart pense carrière et réussite perso-professionnelle, si l’enjeu de la planète peut le leur garantir alors « Pourquoi pas ? »

Généralement, au pouvoir, ils se font héritiers du foutoir des vieux; ils s’alignent, baissent leur froc, et baisent autant qu’ils se font baiser. « C’est compliqué », il faut être « réaliste », et entre temps la planète crève, (très) vite.

Mais comme l’autre me l’a dit l’autre jour : « Faut que je mette de l’argent de côté pour le tourisme dans l’espace, mais aussi bientôt la colonisation de Mars et de la Lune ». Dans quelques années, l’espace connaîtra donc une immigration massive des riches fuyant une planète terre à l’agonie ou crevée, et cela ne suscitera pas le scandale ou ne sera scandaleux pour personne, pas de partis d’extrême droite martiens à l’horizon, pas de populations xénophobes sur la lune, pas de sentiment d’ingratitude ressenti par les étoiles, et même si tout cela existerait le statut de riche de ces migrants relativiserait bien des choses. C’est aussi cela le privilège d’être riche, d’être privilégié et riche. Le scandaleux c’est souvent pour les autres.

De nos jours, les gamins qui s’engagent pour sauver la planète essuient la même déconsidération des adultes, ou pire sont pris pour de plaisants divertissements dans notre société contemporaine du spectacle, ils donnent espoir mais au fond on n’en a rien à foutre, puisque nous continuons à agir avec la maturité et le réalisme que ces drôles d’idéalistes un peu beaucoup lunatiques n’ont pas. Ce sont des gamins. En outre, ils s’habillent tous à la dernière mode, poussent leurs parents au surendettement pour s’offrir le dernier bidule technologique pollueur, etc. Donc pas très crédibles. Comme les adultes. Mais les adultes eux ont de l’expérience. Ce qui changent tout.

Et qui sait, demain, ces mêmes gamins seront dans l’espace, allant colonnes de désespérés richissimes installer dans les ailleurs, peut-être en ayant d’abord crevés leurs parents vieillards leur coûtant trop chers (à entretenir). Il paraît que le karma est une salope.

J’ignore si l’occident connaît cette salope, mais ce que je sais c’est que les restes du monde l’ont connue alors qu’ils n’avaient rien fait pour, ne l’avaient pas vraiment demandé. Un peu comme la planète.

Mais l’occident au fond s’en fout un peu beaucoup. Ce qui lui importe c’est d’endosser comme toujours son costume de sauveur.

Sauver la planète est une posture qui lui donne plus de gratifications (psychologiques, culturalistes, politiques, etc.) que d’agir dans le respect de la planète. Car cela voudrait dire changer du tout au tout les croyances profondes d’un occident longtemps prisonnier de ses fantasmagories : la science, la rationalité, la société (ultra)productiviste, le libéralisme déshumanisant et désincarné, l’individualisme maladivement admiratif de l’image pompière de son nombril ou maladivement en amour de son Soi et aussi frénétiquement qu’inlassablement en pleine masturbation. Respecter la planète, cela signifie changer de logiciel. Un (hard) reboot dans les règles de l’art. 

C’est redéfinir le cadre symbolique, c’est-à-dire provoquer la chute de cet Homme-là en le ramenant à sa juste place : celle qui n’est ni inférieure ni supérieure à la nature, mais indissociable de la nature.

Une nature dont il a la responsabilité et qui rend son existence possible. Une nature qui ne doit pas s’ajuster à sa présence mais qui lui demande d’ajuster sa présence à son existence. Une nature aux forces invisibles mais si présentes. Une nature qui a une conscience d’elle-même, qui n’est pas/jamais une nature morte. Une nature à peine découverte par cet Homme malgré tous les progrès de la science et de la rationalité, qui recèle encore d’innombrables et riches secrets, et dont d’autres peuples – particulièrement ceux considérés par cet Homme-là comme des sauvages et des primitifs – ont conscience. Des secrets ou des vérités qui ne peuvent toujours s’expliquer par la simple langue de la science et de la rationalité telles qu’Il le conçoit.

Une nature qui oblige ainsi à l’humilité, au décentrement, au hors-de-Soi, pour s’inscrire définitivement dans la totalité d’une humanité qui ne s’arrête pas au genre humain. L’humanité étant aussi tous les règnes du vivant et même ce qui ne l’est pas : animaux, végétaux, pierres, terres, mers, vent, etc. Chacun occupant une place spécifique et jouant un rôle déterminant pour tous. Une nature aux plusieurs niveaux de réalité nécessaires et indispensables, cela est sans doute redondant de le dire mais il importe de le dire ainsi.

Il faut donc moins sauver la planète que de commencer par le respect absolu de la nature. A cette fin, l’occident doit faire chuter l’Homme qu’il s’est créé. Le faire chuter de son piédestal, et le ramener sur terre.

En fait, ce qu’il doit sauver c’est d’abord lui-même. Les restes de l’humanité n’ont pas perdu (définitivement) ce lien avec la nature malgré les colonialismes, les impérialismes, les globalisations (néo)libérales et (ultra)capitalistes, les admonestations de la modernité du type occidental, il en reste encore quelque chose, et peut-être serait-il grand temps pour cet Homme occidental qu’il se mette vraiment en relation avec ces autres-là, surtout que doter de son passeport qui lui ouvre bien plus que ces autres-là toutes les portes des territoires mais également d’un certain esprit aventurier (et je ne parle pas seulement des voyages en avion dans les lieux exotiques) il en a les moyens.

Les autres l’accueilleront à bras ouverts ou sans un accueil de partis d’extrême droite, de xénophobie, de -isme de la haine, sans arrogance, sans paternalisme, il en sait quelque chose, lui qui a tant colonisé les ailleurs (sans vraiment jamais véritablement eu à apprendre des autres, à se laisser pénétrer profondément par d’autres réalités).

Sauver la planète c’est commencer donc à la respecter, respecter la nature. C’est pour l’occident changer de tout au tout.

Prononcer l’oraison funèbre de la société productiviste, de la société de surconsommation; revoir la définition de la modernité afin de la ramener à un sens collectif diversifié et de dignité, revoir la définition de la modernité accolée au matérialisme et la replacer près de ce « spiritualité » qu’elle n’aurait jamais dû snober. Il n’y a pas de moderne sans une forme de spirituel, il n’y a pas de moderne sans attachement à l’âme.

Il n’est pas question de religion, il est question d’apprendre à être, à se saisir comme être, à se projeter dans l’être, et le faire en recherchant l’harmonie du tout. L’harmonie est la quête et l’atteinte d’un équilibre entre les divers dont l’ensemble ou la réunion fasse bien.

En asie, certains nomment ça le yin et le yang, ailleurs d’autres nomment cela autrement. L’harmonie oblige à adopter des principes essentiels. Des individus au tibet ont été plus modernes que l’occident, et avant l’occident ; des individus un peu partout ailleurs aussi. L’occident moderne s’est construit sur l’inharmonie, sur le trop. Trop peu ou simplement trop. Jamais de juste milieu.

Le discours « Il faut sauver la planète » s’inscrit dans cette espèce de tradition. Longtemps trop ignorée la nature est de retour en occident, maintenant c’est trop de nature. D’un extrême à l’autre.

Du tout le monde à la viande à tout le monde plus de viande, du tout le monde omnivore à tout le monde vegan, du tout le monde au travail à tout le monde au loisir, du tout le monde collectif à tout le monde ‘il faut penser d’abord à soi’, du tout scientifique et progrès technologique au tout croyance plus ou moins spirituelle (avec yoga et autres « philosophies de vie ») ou de technologies vertes, du « winner » au « loser », etc. etc. etc.

Jamais de juste milieu.

La société occidentale dite moderne est le produit de cette hystérisation des extrêmes, quelques fois les restes du monde ont simplement envie de lui dire : respire par le nez (surtout qu’il y a encore de l’oxygène disponible).

Cette hystérisation des extrêmes aujourd’hui fait en sorte que chaque solution à un problème est faite dans le moment et semble répondre à une crise de Soi bien plus qu’au problème lui-même. Une solution narcissique pour résoudre un problème de la même nature. L’ « enjeu » de la planète est dans le monde occidental avant tout un problème narcissique, de crise de Soi.

Si l’occident écoutait et voyait les ailleurs, il verrait que le plus urgent n’est pas l’interdiction de la consommation de la viande (le véganisme, le plastique, etc., etc.) qui ne change rien à la donne puisqu’il est avant tout une question de surconsommation (dont de trop de production, trop de gaspillage, trop de gâchis, etc.), que l’adoption d’un mode alimentaire exclusivement végétal ne serait d’aucuns effets réels sur cet « enjeu du trop ». Le plus urgent c’est ce « trop ».

Le modèle économique occidental est productiviste et matérialiste, c’est lui qu’il faut changer. La société occidentale est celle du gaspillage et de la superficialité, c’est elle qu’il faut changer.

Des animaux sont massacrés en quantités industrielles pour finir dans des rayons de supermarché, de ces animaux massacrés on en garde que les « bonnes » parties, tout le reste « poubelle » ou « poubelle recyclée en cochonneries », on bourre de produits chimiques cette chair animale afin de la rendre « désirable » ou « belle » (esthétique) – ou pour des questions de santé publique – pour que le (sur)consommateur ait « envie » de l’acheter (parce qu’une chair animale moche ou qui ne ressemble pas aux affiches publicitaires ne « plaît » pas), on met une date de péremption à cette chair animale non pas nécessairement parce qu’elle devient impropre à la consommation (puisqu’elle est envoyée aux centres communautaires nourrissant les plus pauvres des pauvres) mais pour inciter le (sur)consommateur soit à la manger rapidement soit à la mettre à la poubelle donc à s’en acheter une autre, ainsi de suite.

Il suffit simplement de remplacer « chair animale » par « végétaux » ou par autre chose, et on voit bien que le problème reste tout entier. En bannissant la chair animale, on ne change pas le système, on ne le modifie même pas.

Le bannissement de la viande provoquera la (sur)demande des végétaux, pour y répondre on intensifiera la production avec toutes les questions que cela impliquera en termes non seulement d’environnement (émissions de co2, déforestations pour l’agriculture, etc.) que de santé (pesticides, OGM, etc. – l’industrie agro-alimentaire est née pour assurer la sécurité alimentaire qui est un principe des droits humains, au nom de ce principe l’on a dérégulé ce secteur acceptant tout et n’importe quoi). Interdire la viande, au-delà de cette espèce de fascisme dont relève cette interdiction, on aura simplement fait une chose: substituer quelque chose par autre chose sans aucune véritable modification systémique.

En stigmatisant la consommation de viande bien plus qu’en se concentrant sur tout le système productiviste et la société de (sur)consommation, on aura simplement trouvé une solution narcissique à un problème narcissique car la (sur)consommation de la viande n’est au fond comme toute (sur)consommation de notre contemporanéité qu’une forme de narcissisme : ce « Je peux me l’offrir, j’ai le droit de me l’offrir, j’ai le droit d’en faire ce que je veux, je peux le faire ».

On ne consomme pas parce que l’on en a besoin, que cela est vital, mais parce que « Je » dans une sorte de caprice de Soi le veut/le peut. Toute la société occidentale (sur)consumériste est avant tout celle de ce caprice de Soi. De ce trop de « Je » et tous les droits/pouvoirs inhérents.

Et s’il y a aujourd’hui une uniformisation culturelle du monde, au-delà des apparences de la diversité, c’est aussi celle-là, ce « Je » omnipotent et capricieux diffusé partout, élevé en standard, en norme. 

Cela arrange presque tout le monde en fait. L’économie et son obsession de la croissance (qui n’est pas toujours gage de la prospérité pour l’ensemble des membres de la Cité), les industries, les services, les politiques, les individus, etc. Chacune des parties prenantes de la problématique y trouve relativement son compte ou son intérêt, en bout de ligne.

Encore une fois, il suffit de remplacer « viande » par presque tout et nous nous retrouvons face au même problème. Je me souviens d’avoir regardé un documentaire sur la diversité culinaire du monde l’autre jour, un magnifique documentaire ou une série de portraits. Quand tu l’écoutes, tu comprends très vite que l’hystérie sur la consommation de ceci et de cela est soit de l’ignorance crasse soit de la mauvaise foi totale.

Certains individus, certaines communautés, ici en occident comme dans les ailleurs, tentent de sortir ou sont en dehors de ce système de gaspillage, d’obsolescence programmée de tout et du tout.

Comme ce célèbre chef italien qui non seulement élève ses bovins/vaches/boeufs sans cochonneries chimiques (en pleine nature) mais aussi qui refuse de les égorger dans un abattoir industriel sans aucune considération pour de tels êtres sensibles.

Il leur parle, les traite avec respect et dignité, et par respect pour ce sacrifice (parce que oui l’être humain a un besoin vital de consommer la chair animale, la preuve ceux qui ne le font pas souffre de carences qui les oblige finalement à prendre des pilules ou autres injections de vitamines fournies par l’industrie pharmaceutique) il cuisine tout dans le bovin, rien est jeté (langue, cervelle, yeux, etc.), et la clientèle se bouscule dans son restaurant.

On retrouve la même pratique dans plusieurs lieux du monde, on respecte l’animal, on le laisse vivre au rythme de la nature et avec la nature, on reconnaît le sacrifice et on l’en remercie et ce sacrifice oblige absolument à ne rien gaspiller de cet animal.

Les autochtones que sont les premières nations ici au canada pratiquent cela, on garde les restes de la viande en la fumant par exemple et comme elle n’est pas bourrée de cochonneries chimiques reste plus longtemps propre à la consommation (même si elle n’est pas « cute » à voir). Je l’ai découvert en visitant la région québécoise Saguenay il y a deux ans. 

Une telle pratique est donc illustratrice de l’harmonie dont je parlais précédemment (le juste milieu, parce qu’il est indispensable), elle est sous-tendue par des valeurs et des principes essentiels à l’instar de la modération, de la diversification, du respect, etc.. On peut aussi constater des pratiques similaires pour ce qui est des êtres de la nature (animaux, végétaux, pierres, eaux, etc.) dans différentes communautés – y compris concernant les végétaux.

Je me souviens de ma grand-mère remerciant un arbre pour son sacrifice, de lui permettre de prendre un bout de lui, de lui demander de laisser sa force lui être bénéfique, lui demandant de lui pardonner son geste parce qu’elle lui retirait son écorce afin de concocter une potion médicinale qui devait me soigner d’une maladie tropicale (et la potion m’a effectivement soigné tout en m’immunisant contre cette maladie).

Je l’ai vu aussi dans un documentaire il y a quelques mois, des autochtones sud-américains qui priaient l’arbre de les excuser de lui prendre son écorce aux fins de santé, ils lui demandaient pardon pour la blessure, et ne prenaient de cet arbre seulement ce qui leur était strictement nécessaire. 

Ce récit fera rire, sourire, sera moqué en occident, parce que ce n’est pas de la science comme les cochonneries des firmes pharmaceutiques (qui d’ailleurs vont dans les ailleurs « voler » les recettes médicinales de ces « sauvages » et sans les créditer déposent des brevets et en tirent le maximum de profits), ce n’est ni logique ni rationnel de parler à des arbres.

Mais face à ce discours, ceux qui viennent de ces réalités (ou qui ont vécu dans ces réalités) se taisent et laissent le grand Homme à ses certitudes. Et à un moment, un jour, tu vois passer un reportage sur un réseau social où des occidentaux « découvrent » qu’il est possible que les arbres communiquent, donc qu’ils ne sont pas qu’une nature morte – alors cela ne fait plus rire, sourire, on ne se moque plus.

Et la personne qui « découvre » ça, reçoit le prix nobel, dans l’histoire de l’humanité trop écrite par l’occident elle sera la « découvreuse », puis tu entendras un peu partout que « L’occident a quand même tout découvert, il faut le dire! », l’occident ou le siège universel de la connaissance et du savoir. C’est ainsi que l’on se construit une supériorité. C’est comme ça que l’on fonde sa stature de sauveur, et légitime sa posture de sauveur. »

Sauver la Planète? Non. La respecter.

« Être anulingue, c’est être humaniste. Faut avoir le cœur accroché pour aimer la merde des Autres. Se dévouer entier à caresser, à nettoyer, à discuter franchement avec le dégoût.

Je dirai même que l’on ne saurait se revendiquer humaniste sans être anulingue. Quand t’as pas passé ta langue sur le trou de balle qu’est l’Autre et que tu n’as pas goûté à ses saveurs, tout le reste est voué à l’échec.

Là, tu sais que ton humanisme est à point, tu as atteint le degré le plus élevé de l’amour et de la considération de l’Autre, tu es désormais nobélisable, béatifiable. Anulingue, l’espéranto de l’humanisme. »

Anulingue

« Ce soir, je tape un texte qui n’est pas programmé pour être automatiquement publié dans deux trois quatre cinq vingt jours, que je sois mort ou vivant, qu’il y ait une apocalypse ou pire : l’avènement du paradis, le texte se publie sans moi et après coup je constate le désastre, merde. Ce soir, je vais vivre le désastre en live, retransmission en direct. Je tape et frappe sur un clavier français des mots qui jaillissent instantanément sans que je n’ai le temps d’y penser, je tape et cogne le clavier des phrases sont expulsées sans trop me demander ce qu’elles veulent dire, le clavier est pluggée à mon âme et ce soir cette âme est un strange fruit pendu au bout d’une corde, ce soir cette âme damnée en lévitation brûle comme d’autres ont calciné des croix, cela fait une éternité que je l’ai bradée comme Faust, bradée au plus vicelard que lucifer. Comme le personnage de sartre, ce soir, je suis « Non récupérable« . Journée ordinaire. 

 

« Et lorsqu’aujourd’hui des assassins, des chiffonniers, et tous les restes, me demandent : « Qui es-tu ? » J’indique les ténèbres, le silence, la destruction, la folie, le poète suspendu au temps pendu, l’errant voyageur, le possédé, le spectre.

Et lorsqu’ils ne comprennent pas, ne voient pas, je leur réponds : « Je suis les Métamorphoses du Vampire ». Et souvent, ils prennent en pitié ma longue misère. Et moi, leurs horreurs sympathiques. »

Ce soir, je suis pendu au bout d’une voix, Nina Simone dans un « Blood the leaves » repris par le seul Yeezus sur terre qui ait reçu son illumination en baisant le cul de kim. J’efface les paroles niaises de Yeezus par les seules qui soient dignes de la voix de Nina : Les Mains Sales et L’ Adieu aux Armes.

Ce soir, il n’y a rien d’autre que Nina et moi dans un décor presque apocalyptique. Les trompettes de l’apocalypse résonnent et ouvrent les portails du dernier soir de l’humanité, je ferme les yeux et c’est comme si j’éjaculais.

Nom de dios. Ce soir, journée ordinaire, texte en direct, retransmission sans coupures publicitaires, je jouis. »

Nina Simone

« « Comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! Comme tu as peur de te salir les mains. Eh bien, reste pur ! À quoi cela servirait-il et pourquoi viens-tu parmi nous ? La pureté, c’est une idée de fakir et de moine. Vous autres, les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire. Ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. » »

Nina Simone

« La première fois que j’ai vu Jacques, comme dirait Barbey d’Aurevilly en parlant de Baudelaire, j’ai vu… « Dante d’une époque déchue ». C’était simplement surréaliste de ressentir et de dire son temps avec cette facilité d’enfant, un peu cancre, avec un accent grave et sans grandes inventions. Des vers athées, l’orthodoxie répudiée comme une apostasie, sans fleurs et couronnes, des vers avalés par des sables mouvants, des mots sortis du droit chemin, allant se perdre dans le paysage changeur. Le Grand Homme, Prévert, pervers pour mes congénères des belles familles, m’a donné quartier libre et ce fût pour moi une épopée. Un ordre nouveau. C’était l’automne, je ne sais pas s’il pleuvait sur Brest, ce dont je suis certain c’est que l’éclipse enterrait sous les ténèbres la morale de l’histoire. Prévert sur son cheval rouge, la cigarette écarlate, l’air blasé par les paroles d’un temps perdu, récitait un pater noster un peu pute comme Barbara libre, un pater noster de la même connerie que la guerre. Dans les cieux, il y avait des nuages qui crevaient comme des chiens, et le reste allait pourrir au loin. Jacques m’a dit : « Tu vas voir ce que tu vas voir », j’ai ouvert les yeux et mon esprit a vu. Les paris stupides de mon époque, les dîners de têtes de cons, l’orgue de barbarie, et ce peuple désespéré assis sur un banc attendant que l’Homme le pousse dans le vide. Jacques et moi n’avons eu aucune conversation, ce n’était pas dimanche, nous n’étions pas à l’église, nous étions aux champs, dans le champs, chantant à tue-tête la mélodie des escargots qui vont à un enterrement, pas loin de la Riviera. Ce fût le premier jour de mon existence et des restes surréalistes. Je n’avais que dix-neuf ans. 

La première fois que j’ai lu Charles, comme dirait le Vieux dégueulasse dans ses chroniques sacrilèges blasphématoires et immondes, j’ai vu… chaque expression de mon temps écrite par moi. C’était la libération du zoo en moi, pas de chaussettes ni de préservatif j’ai su que moi aussi je pouvais faire comme la politique : enculer les mouches. Les fauves lâchés comme une machine à baiser, j’ai compris que l’unique façon de vivre ces temps cons comme le christ était de faire comme dans un bordel salvateur dans une oasis puritaine : baiser, enculer, et vivre avec l’ennemi public n°1. Bukowski a rigolé, est allé se saouler, est revenu et m’a demandé de pisser sur le monde. J’ai vomi. Bourré comme au bon vieux temps. Charles satisfait m’a offert son journal de l’underground, il a dit : « T’as trouvé ton maître, salaud! » J’ai pris le journal dont la première de couverture était illustrée par une chatte blanche, et frappée d’un titre lumineux : Érections, Éjaculations, Exhibitions, et contes de la folie ordinaire. Il m’a dit : « Te fais pas de bile, t’es un suicidé en puissance! » Je n’étais pas inquiet, j’étais prêt. A me faire la plus jolie fille de la ville, ce mouroir qui voyait crever dans ces cieux douze singes volants qui ne sont jamais arrivés à baiser. J’étais ivre, je suis devenu ivrogne. Ce fût le premier jour de ma vie humaine. Je n’avais que vingt-trois ans. 

La première fois que j’ai lu Luc, comme le dirait Baudelaire en parlant de son « frère spirituel » Poe, j’ai vu… des phrases pensées par moi. C’était purement inconcevable d’écrire aussi simplement ce qui ne peut être facilement dit ou montré, chaque phrase transformée en un court-métrage, qui pourrait être retirée de l’ensemble sans être orpheline puisqu’elle se suffirait. Chaque phrase était son début et sa fin, chaque mot d’une légèreté qui facilitait l’élévation; des mots-héliums, lâchés dans les airs, l’esprit du lecteur qui y était enfermé s’enivrait de l’éther. Panneton, celui qui emprunte à qui le veut bien son plume, avec sa façon de marcher entre les mots, de photographier les émotions, de dire le verbe comme s’il ne faisait que respirer alors qu’un tel souffle balayait les poussières pour laisser découvrir des trésors trop longtemps restés cachés, Luc fût une météorite qui me tomba dessus. Ce fût l’extinction du dinosaure. Et le début d’un nouvel âge. Je n’avais pas encore trente ans.

La première fois que j’ai lu Gérard, comme le dirait Les Chimères par des « Vers dorés » en parlant de « l’Homme, libre penseur ! », j’ai vu… des folies vécues par moi. C’était une hallucination qui m’a fait m’écrier : « Je suis l’autre. » Gérard, « Noir Val, Narval ou Nerval ? », l’autre et tous les siens. L’autre, cet « être obscur » dans lequel « habite un dieu caché » et dont le « pur esprit s’accroît dans l’écorce des pierres ! » Cet autre qui est sorti de moi, nu comme un spectre, « Soleil noir de la Mélancolie », étoile morte, qui déposa sur mon front rouge le seul baiser qui me consola, moi vainqueur de rien, présent dans un univers absent, dissout dans la nuit du tombeau, moi mystère d’amour né inconsolé d’un prince qui s’est noyé dans l’Achéron et d’une reine dont les cris de fée et les soupirs de sainte retentissent toujours dans ma grotte comme le corps d’un poète pendu parti rejoindre le seul monde qui le mérite. Cet autre m’a dit : « Tout est sensible ! » Et il m’a possédé. Je n’avais que seize ans.

La première fois que j’ai lu Alfred, comme le dirait, ému par La Mort du loupL’Esprit pur pris dans les fils des Destinées , j’ai vu… la grandeur du silence et la faiblesse du reste, la leçon donnée aux débiles que nous sommes par les sublimes animaux, et ce sauvage voyageur reposant son front sur son fusil sans poudre était moi. C’était la plume de fer, un errant sans nom ou d’un nom transmis sans gloire, et qui s’est jurée de faire illustre le rien qu’il était. Le voyageur a laissé ses empreintes dans ma chair comme des marques indélébiles. Il m’a indiqué la voie à suivre, comment quitter la vie et tous ses maux pour enfin aller droit au cœur de l’existence. Studieux et pensif, j’ai écouté de Vigny, j’ai souffert et je suis mort sans parler, et son dernier regard est venu lécher le sang coulant de mon âme. Le troisième jour, en ressuscitant, j’ai senti monter en moi la colère de Samson, la plume de fer ne s’est pas transformée en flûte, j’ai incendié la Maison du berger, saccagé le temple des Oracles, fait l’amour à La Sauvage, brisé La bouteille à la mer, et réduit en poussière Le Mont des Oliviers. Wanda, la gracieuse colombe avec ses ornements de fête, princesse bouffant du pain noir, objet de plaisir et de satisfaction des Czar, sous la lune enflammée, Wanda carbonisée est montée aux cieux comme une fumée blanche crachée par une Eglise souillée. Ce fût ma métamorphose. Et le début d’une entité nouvelle. Je n’avais que neuf ans.

La première fois que j’ai lu Charles, comme le dirait La Vampire, Madone insatiable, enterrée vivante dans un caveau d’insondable tristesse, j’ai vu… des litanies de Satan écrites par moi. C’était purement inconcevable ce travail d’orfèvre maudit, cet Hymne à la beauté épousant l’Harmonie du soir, sous une Lune offensée qui a tant vu La mort des amants des artistes des pauvres et pleuré la Muse malade. La Vampire, ma Muse vénale, a dans une Aube spirituelle éclairant une époque nue, petite horreur sympathique, fait couler la fontaine de sang, je m’y suis abreuvé. Dom Juan aux enfers, en pleine danse macabre, celle du serpent, je n’ai pas oublié. L’amour et le crâne. L’invitation au voyage. Toutes les femmes damnées qui ont succédé à La Vampire. La musique du Chant d’automne, les brumes et les pluies, j’étais le possédé au parfum exotique, j’ai décidé de faire de cette nouvelle existence un sonnet automnal. Je suis devenu ce peintre qu’un dieu moqueur a condamné à peindre sur et dans les ténèbres, un spectre dans la nuit – cette magnifique maussade hôtesse. Un cuisinier aussi, aux appétits funèbres, qui durant les jours de spleenitude fait bouillir et mange son cœur, dans le pur esprit païen. L’orfèvre maudit, ce Baudelaire pauvre âme solitaire, guérisseur familier de mon angoisse, a fait lever le crépuscule du matin sans soleil à l’horizon juste une lune triste sans éclats. Ce fût une renaissance. Et le début du voyage. Je n’avais que treize ans.

Et lorsqu’aujourd’hui des assassins, des chiffonniers, et tous les restes, me demandent : « Qui es-tu ? » J’indique les ténèbres, le silence, la destruction, la folie, le poète suspendu au temps pendu, l’errant voyageur, le possédé, le spectre. Et lorsqu’ils ne comprennent pas, ne voient pas, je leur réponds : « Je suis les Métamorphoses du Vampire ». Et souvent, ils prennent en pitié ma longue misère. Et moi, leurs horreurs sympathiques.

 

Un être libre, c’est rare, mais tu le repères tout de suite, d’abord parce que tu te sens bien, très bien quand tu es avec lui. »

Les Métamorphoses du Vampire

« « L’archipel du Goulag » d’Alexandre Soljenitsyne et les « Récits de la Kolyma » de Chalamov ont contribué à faire connaître l’un des systèmes répressifs les plus meurtriers du XXe siècle. De 1920 à 1950, le Goulag, ou Direction Centrale des Camps, compta 20 millions de prisonniers, 6 millions de déportés, 4 millions de morts. Quand Joseph Staline proclamait que « la vie était devenue meilleure », un système concentrationnaire d’environ 400 camps voyait le jour sur le territoire soviétique. Hors norme, à la fois gigantesque et sans égal, il y emprisonna un soviétique sur six.

Ces prisonniers – les zeks – étaient contraints de travailler jusqu’à l’épuisement dans le froid et le dénuement le plus total. Ils étaient condamnés à l’isolement, la peur et la faim au ventre. Au nom d’une volonté de développement économique, l’humiliation était permanente et leur existence en a longtemps été occultée à l’Est, et niée à l’Ouest.

À travers différents exemples, Nicolas Werth rappelle les grands chantiers que furent le Canal Mer Blanche-Mer Baltique, la Voie morte. Il évoque les camps des îles Solovki, la Kolyma, Vorkouta et esquisse rapidement les portraits des bourreaux du Goulag que furent Dzerjinski, Iagoda, Iejov, Béria. Il rend hommage aux grands témoins persécutés tels que Soljenitsyne, Chalamov, Guinzbourg, Margolin, Rossi, Buber-Neumann et il n’oublie pas cependant toutes les victimes anonymes.

Tout au long de cette rencontre l’auteur relate les motifs des arrestations et l’implacable machine à broyer les individus. Il fait une description concrète de la vie, du travail, de la violence des camps, s’appuyant sur des documents d’époque, notamment des photographies, des croquis de déportés, des documents administratifs. Une large partie de ces sources sont inédits et issus de l’ONG russe Memorial. Nicolas Werth questionne ainsi la participation du goulag au développement économique de l’URSS et le coût humain qui en a résulté. »

Goulag, mode d’emploi,  NICOLAS WERTH

« « Une intime conviction » d’antoine raimbault est une œuvre cinématographique percutante, tant au niveau du scénario (antoine raimbault, isabelle lazard, et karim dridi) remarquablement écrit que sur le plan de la réalisation exécutée avec retenue et subtilité.

C’est un film qui pose des questions, comme toute œuvre cinématographique d’intelligence qui se respecte elle évite d’apporter des réponses et laisse donc le spectateur seul juge. Celui-ci en fera ce qu’il voudra.

L’histoire est simple : un ancien membre d’un jury est convaincu de l’innocence d’un accusé, le film suit son implication à l’innocenter et toute sa détermination envers et contre tout.

Un tel engagement pour ce que l’on croit juste demande des sacrifices. Tout sacrifice de la sorte dit une déchirure (intérieure, psychologique), prendre le risque de tout perdre et même de se perdre.

La caméra saisit cette conviction qui prend par les tripes, rationnelle et intuitive, cela peut s’expliquer mais cela n’est pas toujours évident à comprendre pour les autres. Quand on ne l’a pas ou que ne la vit pas, l’intime conviction est difficile à comprendre. Ou même tout ce que cela demande, implication, engagement, sacrifices. L’intime conviction comme généralement la conviction relève beaucoup de la croyance, et c’est elle qui oblige.

Avoir l’intime conviction du juste, contrairement à la simple conviction, ce n’est pas seulement y croire dur comme fer, c’est n’être pas en mesure de vivre sans avoir tout fait pour que l’objet de cette intime conviction soit accompli pleinement. Quitte même à être perçu(e) comme fou ou folle, quitte à être marginalisé(e), quitte à être plongé(e) dans une insupportable solitude, quitte à y laisser la vie, et tous les restes. Marina foïs personnifiant cette intime conviction est exceptionnelle, c’est peu dire.

Dans cette quête de la justice, obstinée comme personne, elle va convaincre olivier gourmet (génialissime acteur) campant le personnage inspiré de l’avocat éric dupond-moretti – monsieur acquittator, sans doute le plus tsunamique des plaideurs français depuis me vergès.

Le duo improbable, formant un couple étonnant et détonnant, traversant comme tout couple des hauts et des bas, apprenant à se connaître et se découvrant entre admiration fascination et quelquefois révulsion ou trahison, va prendre la défense de laurent lucas (alias jacques viguier) et se battra corps et âme, oscillant entre les attendues crises de doute et les fermes certitudes d’avoir raison, pour que justice soit faite tout en étant certain de rien, le duo fera de son mieux puisque le reste n’étant pas entre ses mains.

C’est donc un film palpitant, le cas jacques viguier est typique non pas de l’erreur judiciaire mais de l’acharnement judiciaire. Voilà une affaire de disparition, la conjointe de jacques viguier s’évanouit dans la nature du jour au lendemain.

Jacques viguier devient rapidement comme dans ce genre de situation le premier et principal suspect. Celui-ci est professeur de droit (public), il enseigne à l’université, et on le soupçonne de s’y connaitre donc en « crime parfait ».

Comme par hasard, la disparition de sa conjointe relève du crime parfait : pas de corps, pas d’arme du crime, pas vraiment de mobile (la raison principale par laquelle peut s’expliquer un événement, une action), pas de preuves, pas d’aveux. Impossible ainsi de prouver que le crime a eu lieu, par conséquent il y a là une inexistence de la faute. Bref, comme le dirait un pénaliste : le dossier est vide.

Un crime inexistant ou impossible – difficile – à prouver, mais les enquêteurs, juges d’instruction, procureurs généraux, sont convaincus que ce crime a bel et bien eu lieu, il est soit un crime passionnel soit un crime crapuleux. Beaucoup d’hypothèses, d’intuitions, et oui d’intimes convictions contradictoires.

L’amant de la conjointe de jacques viguier joue un rôle très actif dans le renforcement de cette conviction de culpabilité partagée par les enquêteurs et autres acteurs judiciaires de l’accusation. L’amant de la disparue est intimement convaincu de la culpabilité du conjoint. La belle-famille de jacques viguier croit en la culpabilité de l’accusé, elle en a l’intime conviction; les enfants du couple viguier soutiennent leur père et sont certains de son innocence, ils en ont l’intime conviction. L’affaire viguier, une bataille d’intimes convictions.

L’affaire viguier devient un grand feuilleton médiatique, emballement médiatique avec courses au sensationnalisme dit journalistique – comme il est coutume d’observer dans ce genre de cas.

Une bonne partie de l’opinion publique a déjà condamné jacques viguier à la potence. Les politiciens, les chroniqueurs et commentateurs médiatiques, les journalistes d’investigation, les éditocrates, bien entendu s’en mêlent et se positionnent. L’intime conviction partagée par la majorité est la culpabilité de jacques viguier.

Cette portion de faiseurs de culpabilité (et d’innocence) que sont ces influenceurs médiatiques, ces « représentants » de l’opinion publique, et cette large partie de l’opinion publique, exigent que le couperet de la guillotine s’abatte sur ce « monstre froid » qu’est jacques viguier – qui a su si bien exécuter le crime parfait, ce qui signifie qu’il est indéniablement d’une grande intelligence.

« Coupable », jacques viguier avant même le procès en première instance, exit donc la présomption d’innocence – « Je crois qu’il est coupable », « Il a une tête de coupable », « Je ne lui fais pas confiance », « Il n’est pas un saint », etc.

Jacques viguier passera neuf mois d’incarcération, subira une mesure de détention provisoire, et durant presque une décennie vivra dans des conditions de coupable avec tout ce que cela puisse impliquer jusqu’au premier procès durant lequel il sera acquitté par des jurés.

Le procureur général interjettera appel du verdict de la cour d’assises de la haute-garonne, et un second procès aura lieu.

Le film qui relate donc cette histoire rocambolesque. Un film d’intimes convictions de part et d’autre. Il commence à la veille du second procès et se prolonge jusqu’au second verdict de non-culpabilité prononcé par d’autres jurés.

Jacques viguier sera ainsi définitivement acquitté des charges pesant contre lui (le procureur général face à cette deuxième affirmation de la non-culpabilité de jacques viguier par les jurés, devant cette « vérité judiciaire » confirmée en appel, refusera de former un pourvoi en cassation, ce qui marquera la fin du feuilleton judiciaire qu’est l’affaire viguier après une décennie de diffusion et autres).

La scène selon moi la plus marquante de cette œuvre est la plaidoirie d’olivier gourmet jouant le rôle de dupond-moretti. C’est un frisson, un coup de poing.

Comme l’autre dirait : plaider, c’est bander; convaincre, c’est jouir.

Il y a quelque chose de la possession physique dans l’éloquence. Dans ses moments de lyrisme, mon maître s’exclamait : Plaider, c’est bander. Convaincre, c’est jouir. – L’Exécution (1973), Robert Badinter.

Le jeu d’acteur est extraordinaire (pour ne rien changer avec olivier gourmet), la puissance du verbe est une vague tsunamique rasant toutes les absurdités de ce procès devenu comme le dira dupond-moretti : « un concours lépine de l’hypothèse ».

Après, il n’en restera plus rien. Cette scène de la plaidoirie de l’avocat de la défense devrait sans doute être projetée aux étudiants en droit qui voudraient devenir des plaideurs ou des avocats plaidants, il y a tout ce qu’il faut en termes d’art rhétorique, oratoire : logos, ethos, pathos.

Il y a tout ce qu’il faut en termes de discours : charisme, souffles, vibrations.

Après la plaidoirie de l’avocat de la défense, on le voit bien à travers la caméra de raimbault que tout le monde dans la salle d’audience est désarçonné, les « Je crois que » « Je pense que » « J’ai senti que » « J’ai eu l’impression que » « Je l’ai vu dans ses yeux » – toutes les hypothèses – soufflés et balayés par la puissance du verbe.

Même le juge qui n’était pas si neutre que ça semble déstabilisé dans sa conviction, les jurés ébranlés, l’injustice est criarde. Tout le monde semble s’en rendre compte assez violemment. Il y a même si j’ose dire la prise de conscience de l’immoralité de ce qu’il serait approprié de qualifier de foutoir.

Cette scène est le grand moment de ce film qui dans son ensemble est clairement un des meilleurs qu’il m’ait été donnés de voir cette année. Un sacré coup de poing. »

L’Intime Conviction

« Le paon fait la roue. Le hasard fait le reste. Dieu s’assoit dedans, et l’homme le pousse, jusqu’au bord du précipice. Dieu ne dit rien, il en a vu d’autres.

L’homme s’allume une cigarette rouge comme l’enfer. Il a une tête à s’appeler Jacques, mais lui préfère Friedrich. Ça fait moins con.

L’homme finit sa cigarette, et précipite Dieu dans sa chute. Dieu examine le néant abyssal. Il s’y sent comme chez lui. 

En bas de la falaise, on entend un corps qui achève sa course sur les récifs. Et les vagues, de paroles, dévorent ce qui reste.

Dieu revient s’asseoir dans son fauteuil. La mer est à perte d’horizon. Il étouffe un bâillement, tout ça est d’un ennui. Et publie un statut sur un réseau social.

Viens de crever l’Homme

Les étoiles likent, les anges commentent. Le désespoir assis sur un bancpublic, sans personne avec qui se bécoter tweete. Certains font des paris stupides. D’autres, comme les belles familles, ne savent plus compter. Les etc. assistent à un dîner de têtes. Avec beaucoup d’accent grave, plusieurs récitent des Pater Noster, ne sait-on jamais. Et Barbaraqui est comme elle est, ne reviendra pas. »

Prévert

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais _______________ ans

Pas de gros meubles à tiroirs encombrés de mille ans

De vers du même âge, de billets sans rose mais avec des épines, de vomissures, et de rage

Avec de lourds cheveux roulés dans l’indulgence

Ne cachant rien des secrets de mon triste cerveau

Une tête remplie de vies jamais définitivement mortes

Une tête pleine de visages oubliés

Une tête caveau

Une tête en forme de cœur

Immense caveau

Et qui contient lourde tête et triste cœur

Plus de morts qu’une fosse commune

Je suis un cimetière abhorré de la lune

Caveau dans la pyramide comme les sarcophages

Dans lesquels sont momifiés les souvenirs

Afin qu’ils survivent mille ans

Au temps qui passe et au monde qui trépasse

Et qui s’acharne toujours sur les morts

Qui lui sont chers trop chers ou rien

Je suis un vieux boudoir aux fleurs fanées

Roses flétries et autres défraîchies déteintes pâlies éteintes

Où gît tout un fouillis de modes surannées

Où les pastels plaintifs et les crocs de boucher

Seuls accrochent l’amour et ses sentiments affiliés

Comme des morceaux de viande présentés comme des chairs pornographiques

Dans ce vieux boudoir le parfum du flacon débouché

Lève le cœur

Rien mais rien n’égale en longueur nos existences

Ces boiteuses bancales estropiées journeys

Quand sous les lourds flocons des neigeuses et polaires années

La baise et autres affiliés

Fruit de la morne incuriosité

Prend des proportions à rendre décente l’immoralité

-Désormais tu es, ô matière morte !

Qu’un néant entouré d’une ombre épouvante

Hibernant dans le fond d’un désert froid

Un sahara de glace avec du sable sibérien

Un vieux sphinx dans les ténèbres d’un monde las

Un lieu qui n’est point sur la carte

Un endroit qui se trouve dans l’invisible

Ô matière morte et trou noir

Toi vieux sphinx à l’humeur farouche

Ne chante qu’aux rayons du soleil qui se couche »

Baudelaire

« Qu’est-ce qui peut pousser une personne ordinaire à agir comme un monstre, pourquoi une personne ordinaire peut-elle se conduire de façon monstrueuse avec une autre – l’Autre, qu’est-ce qui permet d’expliquer le fait qu’une personne ordinaire devienne un monstre – le mal en soi? Une personne ordinaire comme une personne totalement banale, vous et moi, le passant, le quidam, presque un « nobody » – un anonyme. Qu’est-ce qui a fait que le banal Adolf soit devenu le monstrueux Hitler, qu’un banal étudiant dans la vingtaine avec une vie somme toute banale se soit transformé en un monstrueux bourreau? Etc.

Cette série de questions est plus que jamais celle que l’on se pose quelques fois en observant notre contemporanéité (nos actualités), mais cela fait au moins plus que cinquante ans que les sciences humaines et sociales en ont fait des objets d’étude afin de comprendre ce qui semble apparemment difficile à saisir ou à concevoir : qu’est-ce qui fait en sorte que nous, sujets ordinaires, personnes sans problèmes particuliers, « Je » d’une commune banalité, puissions nous livrer participer à un moment donné à des actes d’inhumanité comme le génocide la torture la maltraitance les massacres (etc.) des autres êtres humains? Que nous puissions soutenir approuver (d’une façon comme d’une autre) de tels actes d’inhumanité?

La première grande thèse explicative fût développée par Hannah Arendt. Selon elle c’est l’obéissance à l’autorité est la clé de compréhension du fait qu’une personne « normale », ordinaire, en l’occurrence Eichmann – « le haut fonctionnaire nazi chargé de la logistique de la déportation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale », puisse poser des actes d’une innommable monstruosité.

Suivre les ordres, obéir à des ordres impérieux, faire son travail, remplir sa tâche, sans forcément adhérer à une idéologie qui déshumanise l’Autre ou sans plébisciter un discours qui prône la négation de l’Autre. Comme le résume Jean-François Dortier dans son (excellent résumé des thèses sur la « banalité » du mal) article « La « banalité du mal » revisitée » (Sciences Humaines, avril 2008) : « La monstruosité d’un régime peut parfaitement s’appuyer sur le travail ordinaire de fonctionnaires zélés se soumettant aux ordres. Pas besoin de haine ou d’idéologie pour expliquer le pire, la soumission suffit. »

La thèse arendtienne (« thèse forte et percutante : les systèmes monstrueux vivent de la passivité des individus ordinaires », l’obéissance « à l’autorité suffit pour transformer un homme ordinaire en bourreau ») fût longtemps considérée par la communauté scientifique (et en dehors de cette dernière) comme la plus satisfaisante pour expliquer la banale monstruosité de la personne ordinaire – la « banalité du mal ». Surtout qu’elle fût confirmée empiriquement par l’expérience de Milgram et celle de Zimbardo.

L’expérience de Milgram : « le psychologue américain Stanley Milgram » « recrute des personnes qui croient participer à une expérience scientifique. Il leur est demandé d’administrer des chocs électriques à des sujets attachés sur une chaise s’ils ne répondent pas correctement à des questions. D’abord étonnés, les bénévoles s’exécutent de leurs tâches, n’hésitant pas à envoyer des décharges électriques de plus en plus puissantes. L’expérience se révèle donc concluante : on peut commettre des actes violents sans forcément être poussé par la haine. Il suffit d’être sous l’emprise d’ordres impérieux. » Conclusion : nous sommes tous susceptibles d’agir monstrueusement si on en a reçu l’ordre, nous sommes capables de nous transformer en bourreaux.«

L’expérience de Zimbardo (connu comme la Stanford Prison Experiment) résumée (d’une façon très vivante) par Dortier : « En 1971, le psychologue Philip Zimbardo monte une expérience où des étudiants sont invités à rester quinze jours enfermés dans un bâtiment. Les uns joueront le rôle de gardiens, les autres de prisonniers. Mais au bout de quelques jours, des gardiens commencent à se livrer à des brutalités et humiliations sur leurs prisonniers. L’un deux, rebaptisé John Wayne, prend son rôle de maton avec un zèle plus qu’excessif. Au bout d’une semaine, l’expérience doit être stoppée ! Pour P. Zimbardo, la preuve est faite : porter un uniforme, se voir confier un rôle dans un lieu inhabituel suffisent à transformer un sympathique étudiant en un impitoyable tortionnaire. Il vient d’ailleurs de publier un nouveau livre dans lequel il relate l’expérience de Stanford, et y voit une explication à ce qui s’est passé à la prison d’Abou Ghraib en Irak, où des soldats américains se sont livrés à des actes de torture sur des prisonniers irakiens. Cette expérience a été explicitement évoquée par Christopher Browning, dans Des hommes ordinaires, pour expliquer les conduites du 101e bataillon de réserve de la police allemande. Celui-ci, composé d’hommes ordinaires, pères de famille, ouvriers et membres de la petite bourgeoisie, exécuta 40 000 Juifs polonais en 1942 et 1943 ».

Si la thèse arendtienne remporte un franc succès et qu’elle est confirmée par l’expérience ou l’empirisme, elle va tout de même être remise en cause ou pour le dire peut-être avec plus de justesse elle va être amendée et enrichie par d’autres explications qui sont autant de thèses riches de perspectives, et c’est toujours Dortier qui le présente le mieux : « […] une série de publications est venue remettre en cause ce que l’on tenait pour évident. Et les certitudes vacillent. […] deux psychologues britanniques, Alexander Haslam de l’université d’Exeter et Stephen D. Reicher de l’université de Saint Andrews rouvrent le dossier, jetant un pavé dans la mare. « Jusqu’à récemment, il y a eu un consensus clair entre psychologues sociaux, historiens et philosophes pour affirmer que tout le monde peut succomber sous la coupe d’un groupe et qu’on ne peut lui résister. Mais maintenant, tout d’un coup, les choses semblent beaucoup moins certaines. » […] Les remises en cause sont d’abord venues de travaux d’historiens. Les publications sur A. Eichmann se sont multipliées ces dernières années. L’historien britannique David Cesarani s’est livré à un réexamen minutieux de sa biographie (Becoming Eichmann: Rethinking the life, crimes, and trial of a « desk killer », 2006). Contrairement à l’image qu’il a voulu donner de lui-même lors de son procès, A. Eichman fut un antisémite notoire, parfaitement conscient de ce qu’il faisait. Il a pris des initiatives qui allaient au-delà de la simple exécution des ordres. L’image du fonctionnaire anonyme n’était qu’une ligne de défense. Et H. Arendt est tombée dans le piège. […] De son côté, l’historien Laurence Rees a rouvert le dossier Auschwitz. Il montre que les organisateurs de la solution finale n’étaient pas des exécutants serviles. Les ordres donnés étaient souvent assez vagues et il fallait que les responsables de la mise en œuvre prissent des initiatives et fissent preuve d’engagement pour atteindre les buts fixés. Selon L. Rees, cet engagement est d’ailleurs ce qui donne force au régime totalitaire. Il faudrait donc autre chose que de la simple soumission à un système pour aboutir à des crimes de masse. Cela nécessite aussi que les exécutants des basses besognes croient à ce qu’ils font, adhèrent à leur mission, se mobilisent activement. L’obéissance ne suffit pas, l’idéologie compte ».

Donc, l’obéissance à l’autorité n’explique pas tout, pour qu’une personne ordinaire agisse en monstre dans un régime comme celui du IIIe Reich elle doit avoir des convictions qui le poussent à le faire, elle doit être imprégnée d’idéologie et doit nécessairement adhérer à l’idéologie (de son groupe d’appartenance ou de sa communauté d’appartenance) (d’une façon comme d’une autre) voire en être un des promoteurs (ou agent de promotion). Les idées ou l’idéologie construisent le monstre, elles permettent de donner à la personne ordinaire un sens à soi et un sens au monde, elles incitent à l’action qui ainsi est vue comme nécessaire légitime justifiée. Les racines de l’action monstrueuse sont idéologiques, l’action monstrueuse tire sa raison d’être de l’idéologie.

L’action monstrueuse participe de l’atteinte la réalisation d’un objectif idéologique précis, d’un but idéologique déterminé, l’idéologie rend l’action monstrueuse nécessaire (dans le cas du nazisme, la supériorité de la race aryenne – ou le fait de se débarrasser des « sous-espèces » humaines, dans certaines situations d’extrême-droite la préservation de l’identité « de souche », etc.). L’idéologie donne les raisons et les motivations de faire (autant en posant un acte positif – agir – qu’un acte négatif – ne pas agir).

Cette « nouvelle » perspective enrichit ainsi la thèse arendtienne en redonnant à l’idéologie un rôle beaucoup plus significatif (rôle que Arendt tend plus ou moins à relativiser) dans la banale monstruosité de la personne ordinaire.

D’ailleurs comme le note Jacques Dejean (commentateur de l’article de Dortier), cette nouvelle perspective n’est pas si nouvelle car Milgram déjà le reconnaissait l’obéissance à l’autorité ne suffit pas, l’idéologie compte : « […] c’est exactement ce que disait Milgram il y a 40 ans : il consacre même un passage entier de son livre au rôle déterminant de « l’idéologie dominante » (sic). Et il écrit en particulier : « La justification idéologique se révèle essentielle quand on veut obtenir l’obéissance spontanée. Elle permet au sujet docile de voir son comportement en relation avec un objectif souhaitable. C’est uniquement dans cette optique que la soumission est librement consentie » […] Je ne trouve pas que les expériences plus récentes remettent en cause les conclusions de Milgram ; elles apportent des éléments complémentaires, mais ne les remettent pas en cause, à mon avis. Dans les années 70, des psychanalystes critiquaient l’expérience de Milgram parce qu’il ne tenait pas compte de l’inconscient et des pulsions de mort qui peuvent exister en tout homme. Pour moi, cela venait compléter les conclusions de Milgram, mais cela ne les remettait pas en cause ».

Si l’obéissance à l’autorité (ou le statut d’autorité et le sentiment d’impunité qui pourrait y être rattaché – comme c’est le cas de l’expérience de Zimbardo) peut expliquer la banale monstruosité de la personne ordinaire, pour certains théoriciens / certaines théoriciennes (vous me pardonnerez par la suite d’utiliser en ces temps terribles de présomption de masculinité patriarcale – si j’ose le pléonasme – une formulation masculine générique « théoriciens » – je crois que le plus important, le plus essentiel, dans cette gesticulation féministe voire féministe-fasciste en point médian et autres absurdités du genre, est ailleurs et il est fondamentalement structurel systémique et dans la tête – ce n’est pas un point médian qui y changera grand-chose, mais surtout le féminisme est d’abord une question de respect et de dignité comme tout combat juste et non une superficialité qui n’empêche pas l’usage de « salope » de « pute » de « Mme le Professeur » ou de la persistance de l’inégalité salariale homme-femme voire des stéréotypes du genre, etc.), pour certains théoriciens donc la morale y est aussi pour beaucoup.

Duval, Marion. « D’un salaud l’autre: étude de la figure romanesque des Nazis et de leurs collaborateurs. » (2011) »

La Banale Monstruosité de la Personne ordinaire

« In a Monty Python sketch from 1970, a cheesy game show host (John Cleese) asks an ill-tempered, racist, uncooperative old lady contestant (Terry Jones) a ludicrously challenging question. The exchange unfolds as follows:

Cleese: What great opponent of Cartesian dualism resists the reduction of psychological phenomena to physical states?

Jones: I don’t know that!

Cleese: Well, have a guess.

Jones: Henri Bergson.

Cleese: Is the correct answer!

Jones: Ooh, that was lucky. I never even heard of him!

The Pythons were well-versed in the history of philosophy (and in the drinking habits of Western philosophers). It therefore didn’t escape them that this particular French philosopher was also the author of a popular essay that focused on a phenomenon all comedians take very seriously: laughter.

Before Bergson, few philosophers had given laughter much thought. The pre-Socratic thinker Democritus was nicknamed the ‘laughing philosopher’ for espousing cheerfulness as a way of life. However, we know more about his thoughts on atomism than on laughter. Similarly, the section of Aristotle’s Poetics that dealt with comedy hasn’t come down to us. Other major thinkers who have offered passing, often humourless, reflections about humour include Thomas Hobbes and René Descartes, who believed that we laugh because we feel superior; Immanuel Kant and Arthur Schopenhauer who argued that comedy stems from a sense of incongruity; and Herbert Spencer and Sigmund Freud who suggested that comedians provide a form of much-needed relief (from, respectively, ‘nervous energy’ and repressed emotions). Bergson was unconvinced by these accounts. He believed that the problem of laughter deserved more than a few well-worded digressions. Although his theory retained elements of the incongruity and superiority theories of humour, it also opened entirely new perspectives on the problem.

The Monty Pythons could safely assume that Bergson’s name would come across as particularly obscure to an anglophone audience – the sketch plays on the incongruity of the old lady plucking this unfamiliar name from the air. However, when Bergson’s Laughter: An Essay on the Meaning of the Comic (1900) was published, his philosophy was discussed in most intellectual circles and, a few years later, he would become one of the most famous thinkers in the world. Why did a philosopher of such renown deviate from his more traditional and serious philosophical obsessions – the nature of time, memory, perception, free will and the mind-body problem – to focus on the apparently frivolous case-studies of slapstick, vaudeville and word play? And what was there to be gained from such analysis? The topic was a ticklish one. Laughter, wrote Bergson, had ‘a knack of baffling every effort, of slipping away and escaping only to bob up again, a pert challenge flung at philosophic speculation’. It was almost as though there was something unnatural about subjecting one of the most pleasurable and ubiquitous human experiences to dry philosophical speculation. Anyone who has ever had to explain their own joke knows that comedy cannot survive that sort of analysis. As the American authors E B White and Katharine S White put it in 1941:

Humour can be dissected, as a frog can, but the thing dies in the process and the innards are discouraging to any but the purely scientific mind.

While his book on laughter is hardly a rib-tickling read, Bergson didn’t wish to adopt the attitude of an anatomist observing a frog’s dead insides. He believed that laughter should be studied as ‘a living thing’ and treated ‘with the respect due to life’. His investigation was therefore more like that of a field zoologist observing frogs in the wild:

we shall not aim at imprisoning the comic spirit within a definition … We shall confine ourselves to watching it grow and expand.

Like all good metaphorical field zoologists, Bergson started his study by familiarising himself with his metaphorical frog’s natural habitat: in other words, the conditions under which laughter is most likely to appear and thrive. Following this method, Bergson arrived at three general observations.

The first one, according to Bergson, was so ‘important’ and ‘simple’ that he was surprised it hadn’t attracted more attention from philosophers: ‘The comic does not exist outside the pale of what is strictly human.’ When Bergson wrote these words, he couldn’t have foreseen that, a century later, through the power of the internet, one of the most popular forms of comedy would be provided by our own pets in the form of viral videos, memes and gifs. But, in a way, he anticipated it in what he wrote about laughter directed at non-humans:

You may laugh at an animal, but only because you have detected in it some human attitude or expression.

Consider for instance the viral sensation of Grumpy Cat (now sadly deceased). Her perpetual scowl makes us laugh because it is relatably human. The essence of her comedy lies in the fact that she is a humanlike cat. The same goes for inanimate objects that make us laugh. The American vaudeville performer Will Rogers once quipped: ‘An onion can make people cry but there’s never been a vegetable that can make people laugh.’ Enter the internet with its millions of more-or-less safe for work anthropomorphic vegetable content to prove him wrong. According to Bergson, it is possible to laugh at vegetables and nonsentient things, but only on the condition that we are able to detect the human in them:

You may laugh at a hat, but what you are making fun of, in this case, is not the piece of felt or straw, but the shape that men have given it, – the human caprice whose mould it has assumed.

Bergson’s second observation might appear counterintuitive to anyone who has been reduced to tears by a fit of uncontrollable giggles: ‘Laughter has no greater foe than emotion.’ But his point was that certain emotional states – pity, melancholy, rage, fear, etc – make it difficult for us to find the humour in things we might otherwise have laughed at (even anthropomorphic vegetables). We instinctively know that there are situations in which it is best to refrain from laughing. Those who choose to ignore these unspoken rules are immediately sanctioned, as the American comedian Gilbert Gottfried learned the hard way. While most major US late-night comedy shows halted production in the weeks following the terrorist attacks of 11 September 2001, Gottfried provided a textbook case of a joke being ‘too soon’ during a comedy roast that took place before the month had ended:

I have to leave early tonight, I have a flight to California. I can’t get a direct flight – they said I have to stop at the Empire State Building first.

The comedian later recalled: ‘I don’t think anyone’s lost an audience bigger than I did at that point.’ Bergson would say that the emotional stakes were too high to allow for the ‘momentary anaesthesia of the heart’ that laughter demands. For laughter to occur, we must shift our perspective such that we find ourselves in the position of a ‘disinterested spectator’.

This is not to say that it’s impossible to laugh in times of hardship. In many cases, humour appears to serve as a coping mechanism in the face of tragedy or misfortune. In 1999, as he was being carried out of his house on a stretcher after a crazed fan stabbed him, the former Beatle George Harrison asked a newly hired employee: ‘So what do you think of the job so far?’ On his death bed, Voltaire allegedly told a priest who was exhorting him to renounce Satan: ‘This is no time for making new enemies.’ Following Bergson’s logic, perhaps in some cases humour is cathartic precisely because it forces us to look at things from a detached perspective.

Finally, laughter ‘appears to stand in need of an echo’, according to Bergson. Evolutionary theorists have hypothesised about the adaptive value of laughter, in particular in the context of social bonding. Laughter might have emerged as a prelinguistic signal of safety or belonging within a group. Laughter and humour continue to play an important role in our various social groups. Most countries, regions and cities share a wide repertoire of jokes at the expense of their neighbours. For example, this Belgian dig at my compatriots, the French: ‘After God created France, he thought it was the most beautiful country in the world. People were going to get jealous, so to make things fair he decided to create the French.’

Jokes need not be nationalistic or even derogatory in nature to facilitate social bonding. Most friends share ‘in-jokes’ that are meant to be understood only within the context of their particular social group, as do certain communities brought together by a football team, political opinions or shared specialist knowledge (‘Why are obtuse angles so depressed? Because they’re never right’). Our laughter ‘is always the laughter of a group’, as Bergson put it. Even in those cases when we are effectively laughing alone, to, or perhaps at ourselves, laughter always presupposes an imagined audience or community.

Bergson’s observations tell us where to find laughter, under which conditions it is possible for laughter to emerge, but they don’t tell us why we laugh. They do nonetheless provide us with important clues. It is no accident that we laugh exclusively at other humans, and that laughter is a communal experience: its purpose, or ‘function’, wrote Bergson, is social. In addition, it isn’t by chance that laughter requires a temporary shutdown of our emotions: though pleasurable, laughter is above all punitive. But what, or whom, is laughter punishing, and how does it do that? To understand Bergson’s reasoning, we need to make a rapid detour to examine his philosophy of life.

Less than a decade after Laughter was published, Bergson had moved on to one of the pressing issues of the day: biological evolution. In his surprise bestseller Creative Evolution (1907), Bergson describes life as an ever-changing, creative (ie, producing entirely new and unpredictable forms) and spontaneous movement. In this sense, life exhibits the opposite of the mechanical tendencies of inert matter characterised by rigidity, predictability and repetitiveness. At the same time, life and matter are inexorably intertwined. Using metaphorical language, Bergson describes life as an ‘effort’, a ‘vital impetus’ constantly striving to break free from its own material constraints through ever more sophisticated evolutionary innovations. However, said Bergson, ‘most often this effort turns short’. Throughout the history of life, organisms that have failed to adapt to environmental challenges have gone extinct. Both at the individual and at the species level, survival has depended on organisms’ ability to demonstrate ‘a certain elasticity’, enough adaptability to find ways around material obstacles.

These questions were already on Bergson’s mind when he was writing Laughter. He envisioned the comical, and the laughter it provokes, as a sophisticated solution to a particularly human problem. As a product of biological evolution, human societies were also concerned with the struggle between vital and material (or mechanistic) tendencies. Social life, wrote Bergson, requires a ‘delicate adjustment of wills’ and constant ‘reciprocal adaptation’ between the members of the group. Society therefore needs its members to display ‘the greatest possible degree of elasticity and sociability’, and needs to guard itself against ‘a certain rigidity of body, mind and character’. These ossified expressions of human life are, according to Bergson, at the source of the comical, because this is precisely what laughter seeks to correct. Rather than a definition of the comical, Bergson arrived at a ‘leitmotiv’, a common thread uniting various forms of comedy: in general, we laugh at ‘something mechanical encrusted on the living’. A few examples will help illuminate this point.

A man is walking down the street, he slips and falls. Hilarity ensues. Why are benign blunders of this nature almost always funny? According to Bergson, it is the involuntary nature of the action that makes us laugh. Stumbles, gaffes, slipups, bloopers and general clumsiness indicate both a lack of versatility and of awareness: ‘where one would expect to find the wideawake adaptability and the living pliableness of a human being’, we find instead ‘a certain mechanical inelasticity’.

Consider a scene from the classic film Modern Times (1936) in which Charlie Chaplin plays a factory worker subjected to the relentless cadence of an assembly line. Even outside the factory, he continues to erratically tighten imaginary bolts, stuck in the repetitive movement he has been executing all day. In Bergsonian terms, this is funny because we are seeing someone act out deeply engrained habits even though the circumstances demand otherwise. Both in the case of accidental blunders and in carefully choreographed slapstick comedy, we are laughing at figures who lack ‘elasticity’, who are mechanically following a predetermined trajectory and therefore fail to adapt to their surroundings.

This explains why so many action films rely on the trope of the ‘oblivious bystander’ for comic relief: a character (usually wearing headphones) is completely unaware of the incredible event happening just outside their eyeshot: recent examples include a waitress oblivious to a wizarding duel taking place in her café in Harry Potter and the Deathly Hallows: Part 1 (2010) and an office worker who fails to notice a man attempting to scale a building outside her window in Mission: Impossible – Fallout (2018). Another recurring figure is the absentminded professor: a character so engrossed in his own thoughts that he forgets to pay attention to his surroundings – for instance, the astronomer in Aesop’s fable who fell into a well while gazing at the night sky, or the eccentric Doc Emmett Brown in the Back to the Future franchise (1985-90). From Aesop to Chaplin (and beyond), characters who lack awareness, both of their surroundings and of themselves, are staples of comedy because they capture what laughter seeks to correct: deficiencies of the ‘elasticity of mind and body’ that ‘enable us to adapt’ to our immediate situation.

In an iconic scene from the Marx Brothers’ comedy Duck Soup (1933), we see two characters (played by Harpo and Groucho Marx) dressed identically, positioned either side of a missing mirror. To trick Groucho into thinking that he is looking at his own reflection, Harpo copies his every move. According to Bergson, laughter targets cases in which life appears to have lost its vitality and adopts instead the logic of matter and machines. For instance, according to Bergson, in nature, life never truly repeats itself. There will never be two truly identical living beings (even twins don’t share the exact same experiences). Therefore, ‘wherever there is repetition or complete similarity, we always suspect some mechanism’, he writes, and when this repetition takes, in one way or another, a human form, we are (potentially) in the presence of the comical. Both fortuitous resemblance (for instance, the uncanny likeness between the actor Adam Driver and yet another internet cat) and skilful impersonation are funny because they remind us of mechanically produced copies. It is, writes Bergson, ‘this deflection of life towards the mechanical’ that ‘is here the real cause of laughter’.

When the English actor, writer and producer Phoebe Waller-Bridge blessed our television screens with a second season of Fleabag in 2019, critics gushed that she had reinvented comedy (notably by introducing a new kind of ‘meta’ fourth-wall breaking). Yet it remains that one of the funniest scenes of the season is a fart joke. According to Bergson, it is not surprising that a lot of comedic devices focus on the body (and bodily functions). The comedic value of body-centred humour (such as toilet humour and sexual innuendo) lies in the fact, said Bergson, that ‘our attention is suddenly recalled from the soul to the body’. The irruption of a bodily function (Bergson imagines a ‘public speaker who sneezes just at the most pathetic moment of his speech’) or a risqué double entendre, focuses our attention on our own material limitations. The body appears as ‘a heavy and cumbersome vesture … which holds down to earth a soul eager to rise aloft’.

Interestingly, Bergson considers that the same kind of logic applies to wordplay. Much word-based humour consists in taking literally words and phrases we would normally use figuratively (‘I have the heart of a lion, and a lifetime ban from the Toronto zoo’). By subverting the meaning and common usage of words, these jokes reveal what is ‘ready-made’, habitual, and therefore mechanical, about language. In other words, puns and witticisms expose the material limits and the mechanical rigidity of language. Both in the case of the human body and the ‘body’ of language, the rigidity that’s suggested is at odds with the flexibility, malleability and adaptability that life, and especially social life, require of us.

In a rare moment of perspicacity, the male supermodel Derek Zoolander (portrayed by Ben Stiller in the eponymous 2001 comedy) reflects: ‘Did you ever think that maybe there’s more to life than being really, really, really ridiculously good looking?’ For Bergson, vanity is one of the most laughable traits. In the same way that a lack of awareness of one’s material surroundings can result in (often comical) physical injuries, an unhealthy obsession with oneself denotes a lack of awareness of others, which can in turn damage society. This damage is subtle and therefore, he writes, requires a subtle antidote:

vanity, though it is a natural product of social life, is an inconvenience to society, just as certain slight poisons, continually secreted by the human organism, would destroy it in the long run if they were not neutralised by other secretions. Laughter is unceasingly doing work of this kind.

In other words, according to Bergson, laughter serves a social function: its purpose is to gently but firmly correct these socially ‘inconvenient’ attitudes. We laugh at people who are either too eccentric or too inflexible to allow for society to evolve and better itself. It is in this sense that laughter is punitive:

society holds suspended over each individual member, if not the threat of correction, at all events the prospect of a snubbing, which although it is slight, is none the less dreaded. Such must be the function of laughter.

But for Bergson, laughter doesn’t exclusively punish attitudes that we deem reprehensible. Homer Simpson’s morally irreproachable neighbour Ned Flanders is proof that even virtue can be ridiculous when portrayed as a form of mental rigidity. Laughter awakens us to the inelasticity of certain personality traits or behaviours and, in doing so, dissuades us from becoming too settled in our own ways.

Bergson’s critics have complained that his theory of humour is too restrictive, that his repetitive characterisation of the comedic as ‘something mechanical encrusted upon the living’ becomes laughable in its own terms, trying to fit a complex and spontaneous living phenomenon under the same rigid formula. But Bergson claimed that, rather than a clear-cut definition, this formula was a ‘leitmotiv’: representations of mechanised life constitute a common thread in many different forms of comedy. His theory didn’t preclude that we might laugh at things that are not obviously mechanical, nor that the mechanical might not be the only source of laughter. What mattered to Bergson was to understand laughter as a product and a part of life.

By giving comedy the attention it deserved, Bergson opened new perspectives on difficult philosophical questions about the relationship between biology and art, the evolution of human societies, and our own humanity. The philosopher recognised that laughter doesn’t always bring out the best in us – it can be used to mock and degrade others. But at its core, its function is to remind us that to be human is to be alive and free. Bergson’s book on laughter therefore raised the status of a problem that has often been deemed unworthy of serious philosophical study. In Monty Python’s Flying Circus (2008), the film scholar Darl Larsen writes that Bergson’s theory ‘seems to have been an influential work on the Pythons’ because, by proposing a theory of laughter, ‘the respected Bergson elevated the study of comedy to a more academic level, worthy of study in works looking at aesthetics and philosophies of art forms’. In another sketch, Cleese (playing a reporter) is caught on air mid-conversation explaining that he adheres ‘to the Bergsonian idea of laughter as a social sanction against inflexible behaviour’. This was perhaps the Pythons’ way of paying homage to Bergson: despite all its silliness, they too believed that comedy should be taken dead seriously. »

Laughter is vital

Emily Herring is a postdoctoral researcher at the University of Ghent in Belgium. She is the co-editor of The Past, Present, and Future of Integrated History and Philosophy of Science (2019).

« « La « banalité du mal » est un concept philosophique d’une importance sans précédent, car il pose donc la possibilité de l’inhumain en chacun d’entre nous. En cela, il est certes, novateur. Novateur et précisément attaché au 20ème siècle, parce que cette possibilité de l’inhumain émerge nécessairement de la nocivité d’un système totalitaire, et suppose que le crime soit commis dans des circonstances telles, que les « criminels » ne puissent sentir ou savoir qu’ils font le mal. Elle suppose que le système totalitaire en place ait veillé préalablement à tuer « l’animal politique » en l’homme, qu’il veut rayer de la surface de la terre, pour n’en conserver que l’aspect biologique. « 

[…]

Dans son rapport sur Eichmann, Hannah Arendt se livre à une méticuleuse description du personnage – qui visiblement fait problème pour beaucoup de consciences n’arrivant pas encore à admettre que le mal peut-être ordinaire, et au plus profond de chaque homme. Eichmann est un homme tout à fait « normal » ; pas de traits exceptionnels ni sur le plan psychologique, ni sur le plan sociologique. Aucune cause ne ferait comprendre le moindre motif de son action. L’analyse de comportement sans signe particulier, pousse Arendt à formuler la notion controversée de « banalité » du mal que l’on doit définitivement opposer à celle de « mal radical ». Faut-il donner raison à Kant, contre ceux qui pensent le mal comme une exception monstrueuse, un satanisme ? Hannah Arendt s’en expliquera d’ailleurs : selon elle, la notion de « banalité du mal » exprime l’idée que le sujet n’est pas la source même du mal, mais un de ses lieux de manifestations, ce qui oblige à penser différemment sa culpabilité. »« 

« « Si vous êtes né dans un pays ou à une époque où non seulement personne ne vient tuer votre femme, vos enfants, mais où personne ne vous demande de tuer les femmes et les enfants des autres, bénissez Dieu et allez en paix. Mais gardez toujours cette pensée à l’esprit : vous avez peut-être eu plus de chance que moi, mais vous n’êtes pas meilleur. » 

« Mais les hommes ordinaires dont est constitué l’Etat- surtout en des temps instables- voilà le vrai danger. Le vrai danger pour l’homme c’est moi, c’est vous. Et si vous n’en êtes pas convaincu, inutile de lire plus loin. Vous ne comprendrez rien et vous vous fâcherez, sans profit ni pour vous ni pour moi » »

« La banalité du mal n’est donc pas simplement une obéissance à l’autorité, pas seulement une idéologie, elle est aussi une norme morale, déshumaniser l’Autre et lui nier son humanité commune (ou son appartenance à l’humanité – cf. Bauman, Zygmunt. « L’humanité comme projet ». Anthropologie et sociétés, 2003, vol. 27, no 3, p. 13-38) est « bien » (moralement une « bonne » chose).

Mais aussi d’un autre côté une personne ordinaire peut agir immoralement envers une autre tout en étant (véritablement convaincue) que son action est morale parce que cette autre personne n’est pas à ses yeux un sujet moral semblable à elle.

Pour dire, une personne ordinaire peut nier à l’autre son appartenance à la même communauté morale qu’elle; trouver par exemple du fait des caractéristiques identitaires de l’Autre qui diffèrent des siennes que cet Autre-là n’est pas un être humain pareil et donc pas un sujet moral à qui elle doit le respect de sa dignité humaine. L’Autre est un étranger, l’Autre est un étrange étranger, en dehors de la communauté morale qu’est l’Humanité par exemple; ainsi de ce fait, il n’est pas considéré comme un sujet moral envers qui l’on a des devoirs moraux ou des obligations morales (cette façon de regarder et de qualifier l’Autre s’entend souvent dans le fameux « Eux » qui est en dehors du « Nous »).

Si l’idéologie naturalise ou normalise la monstruosité (l’idéologie construit un univers de sens et de significations, de la sorte cet univers ou ce cadre symbolique sert de référent dans la détermination de ce qui est normal ou anormal, naturel ou contre-naturel, c’est à partir de lui que la personne évalue d’abord ce qui est normal ou anormal etc.), la morale va plus loin que la simple normalisation et naturalisation de la monstruosité puisqu’elle en fait quelque chose de « bien » (et la rend même moralement impérative).

Être un monstre n’est pas « mal », agir comme un monstre est une « bonne » action (ce qui contre-nature n’est pas forcement immoral, le contre-naturel dit un sens inattendu dans un cadre symbolique aux sens naturels – conventionnels, l’anormalité dit une dissonance dans un univers idéologique de sens et de significations harmonieux, en soi l’anormal ou le contre-naturel n’est pas nécessairement immoral – pour qu’il soit évalué comme tel il faut que cela se fasse à partir du principe moral partagé dans la communauté à laquelle la personne appartient, un tel principe moral peut être le principe d’égalité, le principe de dignité, le principe d’égale dignité, le principe de mérite, etc. C’est après coup que l’espèce de « bug » qu’est l’anormal ou le contre-naturel dans le système idéologique qui a construit le sens de l’identité et la valeur de la personne est considéré moralement acceptable ou non). 

La morale donne bonne conscience à la monstruosité. Dortier (une fois de plus) le dit mieux : « Oui, la morale ! Les « exécuteurs » de génocides – en Allemagne, au Rwanda… – n’étaient pas des psychopathes ou des hordes de sauvages assoiffés de sang, ni des exécutants aveugles. Ils agissaient en toute conscience pour ce qu’ils jugeaient être le bien. Dans l’expérience de S. Milgram, il y a fort à parier que les sujets devenant bourreaux agissaient avec le sentiment de faire progresser la science. Autrement dit, soulignent A. Haslam et S. Reicher, ils trouvaient leur comportement moralement justifiable. […] Plus les bourreaux se sentent étrangers aux victimes, plus est aisée leur élimination. Les meurtriers de masse n’ignorent pas la morale commune ; ils portent des valeurs, ont le sens du devoir et des interdits comme chacun d’entre nous. Simplement, c’est à qui peut s’appliquer cette morale commune qui change. Les limites entre le « eux » et le « nous ». Dès lors qu’un groupe n’est plus inclus dans l’humanité commune, tout devient possible. Telle est la thèse développée par le psychologue Harald Welzer, dans son livre Les Exécuteurs (Gallimard, 2007), qui passe en revue des témoignages de massacre, au Viêtnam, en Yougoslavie ou au Rwanda ».

De l’autre côté, en plus de tous ces éléments, l’interprétation que la personne ordinaire a de la situation de son groupe d’appartenance est aussi un élément non-négligeable. Si cette personne a l’impression que son groupe (ou sa communauté) est menacée dans sa sécurité, croit en un péril (plus ou moins réel, plus ou moins imminent), etc. Par exemple, dans certains discours xénophobes et d’extrême-droite l’endogroupe (les « souchards », les « de souche », ou le « Nous ») auquel appartient la personne craint de disparaître (voit dans la présence des Autres – « Eux »- une sorte d’invasions barbares / d’invasions de barbares), il est envisageable qu’une telle personne agisse en conséquence, c’est-à-dire fasse tout pour se préserver et préserver de l’anéantissement et du néant son groupe, sa communauté, sans laquelle elle aurait le sentiment de perdre son identité.

La phobie de disparaître, le vertige qu’est la transformation du paysage familier, la souffrance psychologique qu’est le fait ne plus être à même de s’identifier, la perte de sens comme un renversement du cadre symbolique auquel on est accoutumé, etc., ne sont pas rien dans le fait qu’une personne ordinaire puisse devenir un monstre (cela ne justifie pas la monstruosité, cela serait simplement susceptible de l’expliquer et tenter de la comprendre, afin que peut-être l’on réfléchisse aux solutions pertinentes et adéquates, afin que le « Plus jamais ça! » que l’on entend après les actions monstrueuses de la personne ordinaire ne devienne pas une indignation creuse stérile, comprendre et expliquer ce n’est pas approuver, comprendre et expliquer est un impératif découlant du « Plus jamais ça! »).

La banale monstruosité de la personne ordinaire peut ainsi avoir pour cause le réflexe de survie. Survivre, vouloir survivre, désorientation dans un monde en perte de sens (dans un monde d’anomie), la souffrance identitaire qui dit l’insécurité identitaire, se sentir menacé ou entouré de menaces dans ce monde (contemporain) d’anomie, tous ces réels (vécus et sentis comme réels qu’importe qu’ils soient imaginaires, fantasmagoriques, etc.) se mêlant à tous les autres facteurs constitutifs de la banalité du mal.

Dortier (toujours) l’explique clairement : « le sentiment de menace est un élément important souligné tant par A. Haslam et S.D. Reicher que par H. Welzer. Les gens qui commettent des massacres le font dans des périodes de guerre ou de guerre civile. Ils ont le sentiment que leur monde s’écroule et que leur communauté est menacée. Ils ont parfaitement conscience de vivre une situation exceptionnelle, et qu’il faut agir selon des normes inhabituelles. Ce sont des hommes certes ordinaires, mais vivant dans un contexte extraordinaire ».

Obéissance à l’autorité, idéologie, morale, situation et contexte, des éléments qui contribuent à faire de personnes ordinaires des monstres posant des actes d’inhumanité. Des personnes ordinaires, vous et moi.

Je résumerai succinctement toute cette évolution de l’explication de la compréhension et de l’interprétation de la banalité du mal en disant que pour que cela soit possible il est nécessaire qu’il y ait un désinvestissement cognitif émotionnel et moral de la personne ordinaire pour l’Autre.

Ce désinvestissement est l’au-delà de la haine (Cupa, Dominique. « L’indifférence : l’« au-delà » de la haine », Revue française de psychanalyse, vol. 76, no. 4, 2012, pp. 1021-1035), c’est une manière de parler d’indifférence (à l’Autre). C’est le fait de sortir l’Autre de son champ cognitif émotionnel moral, de le placer loin ou au loin, ailleurs, souvent presque dans l’inexistence voire le frapper d’une certaine invisibilité comme une déshumanité (un être humain qui cesse de l’être, l’être humain en l’Autre n’est plus visible à nos yeux).

Le mal normalisé, banalisé, moral, commence par l’indifférence. Cette dernière déclasse l’Autre, l’Autre n’est plus que le sous-humain ou le non-humain pour qui l’on ne ressent absolument rien.

L’indifférence est le passage obligé de la déshumanisation et de l’infrahumanisation. La haine n’est que l’immédiate expression de cet état terrible qu’est l’indifférence.

La haine comme acte d’anéantissement de l’Autre en tant que être humain et sujet moral, action d’annihilation de l’Autre en tant que dignité, n’est possible que si l’indifférence (ce désengagement moral, ce désengagement cognitif et émotionnel, de la personne ordinaire pour l’humanité en l’Autre) lui précède.

Nos monstres tapis en nous ne sortent que lorsque nous décidons que l’Autre n’est au fond « rien », « rien du tout ». Et quand il devient « rien », « rien du tout », il peut être re signifié en « mal » voire en « animal » (au Rwanda, les Tutsi étaient des « cafards », dans certains discours d’extrême-droite les migrants sont des « bêtes », des « primitifs », des « sauvages », etc.), si ce n’est en « sous-animal ».

 

« Chers auditeurs, bonjour. Soyez enragés ». « C’est à nous de nous débarrasser de cette sale race. » « Restons unis contre la vermine. » « Réjouissons-nous, les cafards sont exterminés. Dieu n’est jamais injuste. »

Mois après mois, les mots de la radio Mille collines appelant les Hutus à éliminer les Tutsis auront d’eux-mêmes caractérisé le génocide. »

 

Eichmann, fonctionnaire « aux ordres », était cognitivement émotionnellement moralement désinvesti de l’Autre (le Juif) en tant que membre de la « famille humaine », le Juif était en dehors de l’humanité, Eichmann s’en indifférait (complètement).

Eichmann comme beaucoup de Lumières (cf. Yves Benot, Les Lumières, l’esclavage, la colonisation, textes réunis et présentés par Roland Desné et Marcel Dorigny, Paris, Éditions la Découverte, 2005) ayant soutenues théorisées le colonialisme (« Pour Montesquieu ou Voltaire, la colonisation, la traite et l’esclavage sont contraires à la raison et à la justice humaine, mais se trouvent aussi à l’origine du progrès matériel, qui est à la base du progrès de la raison. » – Halpern, Jean-Claude. « Les Lumières, l’esclavage, la colonisation. » Annales historiques de la Révolution française. no. 345. Armand Colin, Société des études robespierristes, 2006) sont passées par cette étape primordiale (qui a relégué cet Autre dans l’Antichambre de l’humanité en attente d’être d’abord humanisé  – c’est-à-dire « civilisé » – avant de prétendre rejoindre la « famille humaine »).

 

« En déclarant que “la colonisation est un crime contre l’humanité, une véritable barbarie”, Emmanuel Macron a déclenché un torrent d’indignation. On a dit que cette déclaration n’était que pur opportunisme, que le candidat d’”En marche”, comme d’habitude, disait tout et son contraire. En novembre 2016, il déclarait : “Alors oui… en Algérie il y a eu la torture mais aussi l’émergence d’un État, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie”. Certes. Mais si, pour une fois, Emmanuel Macron avait eu raison ? 

Il faut les entendre fulminer, ces humanistes à géométrie variable, lorsque cette page sinistre de l’histoire de France est pointée du doigt. […]

 Les millions de victimes du colonialisme français depuis trois siècles seraient-elles quantité négligeable ? Faut-il, pour être patriote, adhérer à un roman colonial à l’allure de conte de fées ? Que la France se proclame la patrie des droits de l’Homme n’interdit pas à ses citoyens de vérifier si cette promesse a été tenue au cours de son histoire. Elle leur en fait obligation.

[…] la conquête de l’Algérie fut une expédition meurtrière, l’occupation de ce pays une humiliation permanente pour ses habitants et sa guerre de libération un carnage (300 000 morts) provoqué par l’obstination du colonisateur. »

 

Beaucoup de théoriciens et d’acteurs de la Traite négrière, de cet épisode terrible qu’était celui des « femmes de réconfort », de cet autre terrible qu’est le marché aux esclaves en Libye ou du génocide des rohingyas, sont passés par là, c’est-à-dire d’abord par une certaine indifférence. 

S’indifférer de l’Autre comme un « rien », un « rien du tout », avant de le réduire à « moins que rien ». Tous les jours, nous sommes confrontés à cette banale monstruosité de la personne ordinaire, une personne autre que nous ou souvent nous.

 

« Les « chrétiens » devenus des monstres : la dénonciation de la conquête par Las Casas.

Las Casas a consacré sa longue vie à dénoncer ces crimes, qu’il qualifia de « monstruosité » :

« Lorsque votre Altesse aura vu ce résumé et aura compris la monstruosité de l’injustice faite à ces êtres innocents que l’on détruit sans cause ni raison si ce n’est la cupidité et l’ambition de ceux qui commettent des actes aussi abominables, Elle voudra bien supplier efficacement sa Majesté et la persuader de refuser à qui les demanderait des entreprises aussi nuisibles et aussi détestables. Que sa Majesté impose plutôt à cette demande infernale un silence perpétuel, en inspirant une telle crainte que nul, dorénavant, n’ose seulement en parler. »

Le terme monstruosité s’oppose ici à une idée de la justice et sa dénonciation, nécessaire et urgente, doit servir, pour son auteur, à empêcher que de tels actes se perpétuent et, pire, s’amplifient à l’avenir. L’objectif de Las Casas est à la fois éthique et politique et il cherche à obtenir que le pouvoir politique lui-même prenne la décision de mettre fin à ces entreprises. »« 

La Banale Monstruosité de la Personne ordinaire

« Lutter contre les vents contraires.. Aller à contre-courant.. Descendre dans les caniveaux.. Pour ressentir le nauséeux.. S’oindre de détritus.. Et avancer nu dans le monde.. Prendre les fruits du crépuscule.. Pendre les fleurs de l’aube.. Regarder la nuit dans les yeux.. Recouvrir la vue dans l’obscurité.. Et avancer nu dans le monde..

Griffonner quelques espérances.. Les raturer ensuite jusqu’au sang.. Sang séché étalé sur un désert blanc.. Blanc sale blanc immonde blanc coupable.. Et avancer nu dans le monde..

Cogner aux portes hermétiques.. Dire le sésame en une langue étrangère.. Attendre ce que l’on sait déjà.. Que les portes ne s’ouvriront pas.. Rester là une éternité.. Un peu plus.. Aussi longtemps qu’il ne faut.. Seul.. Avec soi-même.. Et avancer toujours nu dans le monde..

Puiser dans des mots anorexiques.. Les sentiments obèses.. Qui alourdissent le cœur.. Plombent l’âme.. Tenter de les ravaler.. Puis les vomir sur la face de l’existence.. Et avancer encore et toujours nu dans le monde..

S’arrêter un moment au milieu de rien.. Contempler l’étendu du désastre.. Sentir le vent acariâtre.. S’élever devant soi.. Humer les tempêtes à venir.. L’odeur de sueur de larmes de sang.. Saisir un bouclier d’argile.. Et avancer plus encore au-delà de l’horizon Nu dans le monde..

 

2004.. »

Le Poids du Destin..

 » « Je t’aime », qu’est-ce cela veut dire ? « Je suis amoureux », qu’est-ce que cela signifie ? Vraiment ? Depuis des mois, plus d’un an, je me questionne, je lis, je prends ce qui est en moi et je le superpose à ce qui est dit, écrit, raconté, et il y a comme un contraste.

Le « Je t’aime » crié haut et fort partout, si différent de celui que je te murmure souvent. Celui qui est une connexion quasi fusionnelle sans la furie sexuelle, il est dit platonique, mais dans « platonique » il y a beaucoup plus de retenu que d’indifférence. Il y a beaucoup plus de transcendantal que le simple plaisir puissant de faire un avec l’autre. Beaucoup d’idéal et sa part de mépris, de condescendance, pour les bassesses que la poésie de sentiments innocents. Parler, connecter, vibrer ensemble.

Chaque fois que je dis « Je t’aime », je te parle de l’attachement que j’ai pour toi, du respect, de la confiance, de valeurs, de vision, d’horizon, de discussion, d’intelligence, de partage. Du bien-être. Il semble que le sentiment amoureux soit bien plus que ça, puisqu’il est l’obsession, la propriété, l’exclusivité, le monopole, la nudité, la crainte de perdre et toute sa cohorte d’émotions folles. Je ne suis pas amoureux de toi. Pas de cette façon. 

Est-ce que j’ai envie de toi ? Non. Je n’ai envie de personne. Mes fantasmes sont de l’ordre du prix Nobel. De révolution. De changer le monde. D’être immortel en ayant écrit le livre le plus exceptionnel de tous les temps. Celui qui ramènera définitivement à l’humanité, celle dont le monde d’aujourd’hui a si besoin. Je fantasme sur le talent des autres, des Grands, des Illustres.

Mes rêves érotiques sont des orgies où je redéfinis le sens des choses, je baise les concepts, les Idées. Est-ce qu’en te regardant je bande ? Non. Je bande quand je suis dans l’excitation du débat. Je bande quand une intelligence produit une réflexion brillante, je bande devant la sophistication de l’intellect, je bande devant une œuvre d’art, je bande en écoutant une musique qui est à mes oreilles Out of This World, je bande devant un film qui est une pure tuerie dans le sens le plus extatique du terme. J’ai une putain de grosse érection en ces instants-là.

Est-ce que j’aime tes fesses ? Je les trouve jolies, comme je trouve magnifique le cul de la Vénus de Milo, et ta silhouette devenant callipyge comme l’intense cul de la Vénus de Willendorf avec son sublime côté débordant si imparfait – en osant la stupide comparaison avec les canons de la beauté contemporaine.

Est-ce que j’aime ta bouche ? Non. Mais je trouve que tes lèvres ont été tracées par un dieu perfectionniste n’ayant pas laissé ses serfs fainéants faire l’ouvrage à sa place, tu sais cette expression je l’ai écrite une fois pour décrire un personnage d’une de mes nouvelles, ce que tu ignores c’est que c’est à toi que je pensais.

Qu’est-ce que j’ai vu la première fois chez toi ? L’éclat diamant du bleu de tes yeux. Est-ce que tu es la femme la plus belle du monde à mes yeux ? Non. Tu es la beauté qui me suffit, celle au-delà du regard, celle au-delà des perceptions, pas à l’intérieur, pas au dehors, entre le dehors et le dedans, un mélange de tout, le pire et le meilleur, la substance et la connerie, le clair-obscur, le dégradé, les nuances. Est-ce que je tuerai pour toi ? Non. Je mourrai pour toi. Est-ce que tu es la femme de ma vie ? Non, tu es la personne la plus nécessaire et indispensable de ma vie. Ma meilleure amie, ma mère, ma fille.

Aujourd’hui, c’est cela que j’ai essayé de te dire. Que dans la norme ambiante, l’amoureux ce n’est pas ça. Que je n’ai pas envie de m’envoyer en l’air avec toi plusieurs fois en cette semaine. Que si je fais des mois sans avoir envie de fourrer – comme le disent les Poètes de nos jours, ce n’est pas parce que tu n’es pas attirante, que mon attrait pour toi est ailleurs, quelque part, je ne sais pas trop où, mais je sais qu’il est là. Alors quand je t’ai dit « Je suis amoureux de toi » et « Je t’aime », je parle de tout ça. Je ne sais pas si c’est acceptable cette manière d’aimer quelqu’un, d’être amoureux de quelqu’un, à l’heure présente, tu jugeras. J’accepterai. »

Lettre automnale

« Rester les doigts figés au-dessus du clavier, inertes, sans vie. Le regard égaré, hors de soi, ailleurs, sans jamais savoir où.

Disséquer les pensées qui affluent, qui tambourinent contre les cavités cérébrales trop étroites pour contenir la violence du flux. Batailler pour trouver celles qui en valent la peine, et finalement se laisser submerger, noyer dans le flot déversé.

Ecouter les pesants silences dont l’éloquence jette un froid terrible sur chaque respiration, tenter de les hacher en griffonnant quelque chose, en vain.

Fixer la feuille blanche, monochrome blanc, angoissant, comme on fixerait son reflet dévoré par les ombres d’une nuit fauve, et se laisser hanter par le Skrik glaçant des spectres rôdant autour de soi. 

S’arrêter un moment, se lever, tirer une cigarette, l’écraser, puis recommencer le même rituel jusqu’au premier écrasement d’un doigt sur une touche, n’importe laquelle. Sentir un léger tremblement annonciateur d’une vague déferlante de lettres et de mots en furie et les plaquer de manière hystérique, partout, dans le moindre espace. 

Avancer, dans ce griffonnement chaotique, tanguant entre les abysses obscurs et les éclats de lune.

Avancer encore au rythme haletant des âmes pendues au bout d’une corde.

Avancer toujours en tirant sur le trait, en violant les règles fondamentales, en piétinant les lignes qui retiennent prisonnières les envies, de l’audace et de l’apocalypse, en expulsant des tripes l’acide qui rongent la bile, en explosant les digues de l’ordre impérieux.

Hurler dans les phrases torturées saignées à noir, taper plus fort sur le clavier, sentir les os se briser dans un craquement qui donne envie de continuer.

Entrer en écriture automatique, faire ce voyage astral à l’intérieur de soi comme un voyage bordélique au centre de la terre, aligner les paragraphes qui en réclament davantage, tourmenter chaque émotion du cœur, prendre les colères et les manger cru. Pénétrer dans le sanctum sanctorum de la morale, passer au feu tout ce qui y vit, et laisser les tempêtes de sable rouge comme la mer ensevelir tout ce qu’il en reste.

La possession.

Ne tendre l’oreille qu’aux murmures souterrains montant des entrailles en putréfaction à la thyroïde, les sentir agripper le souffle d’une respiration fragile, les sentir au fond de la gorge comme un morceau de basalte pondu par un dieu déchu longtemps constipé..

Poursuivre l’éclatement des écrits en jets de sang, plus vite plus impropre, du pissat cervical griffonné dans la transe baudelairienne d’une nuit sans étoiles.

Puis mourir.

Jusqu’à la prochaine. »

From the inside

« La réflexion de Leuprecht se fait dans le contexte particulier de la présidence de Bush jr., des guerres dites « justes » (par exemple les « guerres contre le terrorisme ») ou encore des guerres pour la liberté, le texte est une réaction à ce que l’auteur qualifie d’usage abusif du mot « liberté » – pour dire, « d’abus orwellien du langage », et au-delà de cette « brûlante » actualité (qui est encore plus ou moins contemporaine), il s’intéresse à cette liberté qui opprime le pauvre puisqu’elle est l’arme de domination du riche (Leuprecht débute son propos par la célèbre citation « d’Henri Lacordaire, moine dominicain et député de la Constituante en 1848, siégeant à l’extrême gauche » : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »).

En effet, pour Leuprecht, la « liberté » peut être une source d’oppression et de domination, en reprenant l’image évocatrice de Karl Marx (le « renard libre dans le poulailler libre »). Le discours d’émancipation et d’humanisme peut être une « fable alsacienne » « qui prêche la liberté et la fraternité aux oies pour mieux les avaler par la suite » s’il n’existe pas de loi qui vienne encadrer et limiter les agissements des uns et des autres, neutraliser le « renard libre dans le poulailler libre ». Autrement dit, une « liberté sans limites » peut créer des situations de violations des droits humains. Afin d’éviter pareille situation, il est nécessaire d’instaurer « une liberté limitée, apprivoisée, qui – dans le sens de John Locke – va de pair avec égalité et responsabilité ». La loi pour stopper les abus de la liberté. Dès lors, la question est : quelle loi ?

Pour Leuprecht, « Évidemment, la loi qui affranchit ne saurait être la loi du plus fort, ni la loi de la jungle, ni la loi du marché dont certains tenants de l’idéologie néolibérale, comme Friedrich Hayek, louent la moralité ».

La loi « libératrice » est celle de l’égalité, une loi « libératrice » qui soit la « loi de justice », la « justice » étant à la fois « le respect de la dignité humaine » (comme l’a défini Proudhon) et « la volonté constante et perpétuelle de rendre à chacun ce qui lui est dû » (comme l’a défini Thomas d’Aquin). La « justice » : un double principe de respect de la dignité humaine et de mérite.

La « justice », c’est donc deux choses (différentes et complémentaires) : 1/ l’égalité de droit mais aussi surtout l’égalité de fait (l’égalité véritable, réelle) qui permette de s’assurer que par le droit tous sont semblables (dignité humaine) et que par des « inégalités compensatrices en faveur des faibles » que sont par exemple les discriminations positives l’égalitarisme normatif (droit) ne soutienne pas des situations d’injustice ; 2/ la « justice » en tant que « interventions redistributrices de l’État » « nécessaires pour réduire les inégalités entre le fort et le faible et pour réaliser une égalité de fait et la justice sociale ».

Ainsi, la loi juste est cette loi qui combine et parvient à un équilibre entre l’égalité de droit, l’égalité de fait (qui introduit la notion d’équité), et le principe de redistribution propre à la justice sociale.

Et les droits humains, précisément le droit international des droits humains, « sont un élément essentiel de la loi juste qui affranchit. Leur fondement est le principe de l’égale dignité de tous les êtres humains. Le paragraphe 1er du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». Selon l’article 1er de la Déclaration, « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Le paragraphe 2 du préambule promet aux êtres humains une double libération : libération de la terreur et libération de la misère. »

Une vision idéaliste contestée par les réalistes et autres néolibéraux (« Cette vision idéale de la loi juste est loin d’être partagée par tous. Pour Hayek, le concept de justice sociale est « totalement vide de sens et de contenu ». Lui et ses disciples considèrent la loi – telle que Lacordaire la concevait – comme ennemie de la liberté. Ils rejettent toute intervention dans la sphère du marché et des « libres » interactions entre individus et entreprises. »). Dans la vision réaliste et néolibérale, « il y a l’homo œconomicus » dont la caractéristique « est la recherche du profit, la soif du pouvoir, la volonté de domination, l’égoïsme » dans une constante et presque absolue liberté. Pour Leuprecht, dans cette autre idéologie, prédominante de la mondialisation contemporaine, « l’être humain [est réduit] à un facteur économique ou, si l’on veut être un peu plus optimiste, à un acteur économique, à un participant au marché, à un consommateur. Pour cette idéologie, l’être humain est un moyen. On a oublié ce que Emmanuel Kant a enseigné, à savoir que l’homme ne doit jamais être traité comme un moyen, mais toujours comme une fin. »

Pour cette idéologie, la loi est contre-nature à la « liberté », il y a ainsi un rejet de « toute intervention dans la sphère du marché et des « libres » interactions entre individus et entreprises ». D’ailleurs, « Pour Hayek, le concept de justice sociale est « totalement vide de sens et de contenu ». Ainsi, pour cette idéologie il convient de dissocier les droits fondamentaux, les droits économiques, les droits sociaux, les droits culturels – une divisibilité des droits humains en opposition de la vision idéaliste (qui considère que tous ces droits sont une et même chose, indissociable, indivisible). Pour les idéalistes, une telle vision réaliste et néolibérale contribue à « une érosion de la dimension sociale et culturelle des droits humains ».

En outre, elle nie ou rend impossible « la solidarité sans laquelle les droits humains ne sauraient être une réalité vivante » – puisque « la solidarité » « ne fait pas partie » du « système de valeurs » de l’idéologie réaliste et néolibérale, la « solidarité » est antinomique à non seulement au principe de compétition ou de concurrence dans un monde de « grand désordre » mais aussi étrangère au monde hobbesien de survie du loup-homme et de la loi du plus fort.

Leuprecht conclut son article en diagnostiquant notre contemporanéité dans laquelle « La liberté des riches et des forts opprime les pauvres et les faibles », pour lui « ce monde » « a un urgent besoin de la loi qui affranchit ».

Pour l’avenir, les espérances de Leuprecht sont celles d’« Un autre monde, un monde plus juste » qui est selon lui , est «  absolument nécessaire ». Et pour le rendre possible, « Pour le réaliser, il faut construire, à l’intérieur des pays et dans le monde, un droit juste, un droit de la solidarité, et faire appliquer ce droit ». Ce « monde de demain devrait être éclairé par une éthique de la responsabilité et de la solidarité. Celle-ci devrait guider l’action des États, des institutions internationales, y compris les institutions économiques et financières, des acteurs non étatiques, dont les sociétés multinationales, et de chacun d’entre nous. Ce n’est qu’ainsi que nous progresserons vers la double libération de la terreur et de la misère afin d’assurer à tous les êtres humains une vie dans la dignité. »

Dans son livre, Leuprecht s’intéresse à plusieurs enjeux relativement contemporains des droits humains toujours articulés dans l’idée de justice et de dignité. Ce qui a surtout retenu mon attention est une série de réflexions de l’auteur.

D’abord, sa position sur le débat entre les universalistes et les relativistes sur la question des droits humains (est-ce que les droits humains sont universels ou relatifs ? Est-ce qu’une conception universelle des droits humains peut-elle s’imposer à tous les êtres humains indifféremment de leur identité culturelle ou de leurs particularismes culturels par exemple ? Est-ce que la notion même des droits humains n’est-elle pas un ethnocentrisme – occidental – qui cache mal un impérialisme culturel, une « moralisation du monde » voire une « mondialisation d’une morale » du fait même de cette diversité culturelle suggérant l’existence de nombreuses conceptualisations des droits humains ? Est-ce que les droits humains ne sont finalement qu’une vision bourgeoise et occidentale de l’Homme avec cette prépondérance de l’individualisme au détriment de la collectivité ou de la communauté, de la solidarité ? Etc.). Pour Leuprecht, ce débat est « souvent futile et stérile ».

L’universalité des droits humains telle que suggérée par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 découle « du principe fondamental » que la « dignité humaine est égale pour tous les êtres humains ». Ainsi, les droits humains sont « nécessairement universels », ils « valident » chaque être humain en tant qu’être humain.

Cette réponse me semble-t-il ne résout pas le problème majeur de l’interprétation individualiste des droits humains l’opposant quelques fois à la responsabilité envers la collectivité, et cette interprétation est occidentale puisque dans d’autres cultures l’individu ne triomphe pas de la collectivité, il est d’abord et avant tout une liberté dans la collectivité envers laquelle il a des devoirs.

Le « Je » libre n’est libre que lorsqu’il participe aussi au « Nous ». La question n’est donc pas tant la dignité humaine que la responsabilité envers l’autre qui justement oblige à la solidarité. Ce qui s’observe dans l’interprétation de la DUDH par l’occident c’est le fait d’éclipser cette solidarité comme devoir, ailleurs le trio liberté-unicité-solidarité est primordial et sert d’interprétation des droits humains, une interprétation d’ailleurs qui permet de rendre davantage indivisible les droits fondamentaux, les droits économiques, les droits sociaux, les droits culturels. Une interprétation qui permet de « promouvoir » pleinement et effectivement « les droits humains » comme « l’un des meilleurs moyens que nous possédons de réduire la souffrance humaine ».

Mais cette interprétation venant des ailleurs rencontre soit une opposition du monde occidental soit son pur et simple mépris, et la vision occidentalisée des droits humains focalisée sur la sacralité de l’individu ou de l’individualisme ne passe pas dans les ailleurs, d’où la nécessité la pertinence de ce débat entre universalistes et relativistes qui produit toujours d’enrichissants échanges et d’enseignements riches favorisant une construction collective d’un standard commun des droits humains. Autrement dit, « we need to talk about human rights« . 

Ce débat permet de mettre fin au « fondamentalisme séculier » ou cette espèce d’intégrisme occidental des droits humains – cette « certitude de détenir la seule absolue et exclusive vérité ». Un débat qui doit commencer par la remise en question de l’occident comme berceau des droits de la personne, je veux dire les ailleurs aussi et souvent avant l’occident ont conceptualisé les droits humains – cf. par exemple le confucianisme, etc. Il importe que l’occident se fasse moins arrogant et condescendant, il n’a pas inventé la modernité, il a donné son propre sens à la modernité et celui-ci est quelques fois incompatible avec les sens des Autres. Justement, la DUDH est l’expression d’un texte qui intègre la pluralité des visions culturelles de l’Homme, de la dignité humaine, de la modernité, dans un tout cohérent, ce qui explique sans doute beaucoup tout son succès et sa résonance, son intemporalité et son universalité, il faut lire la DUDH tel quel et dans son entièreté pour y déceler ses influences culturelles et philosophiques issues d’une grande diversité culturelle.

L’occident a tendance à s’arrêter uniquement sur l’aspect droits fondamentaux en ignorant superbement que ces droits ne sont rien ou peu de choses sans la responsabilité, pourtant la DUDH est me semble-t-il est limpide là-dessus. Tant qu’il n’y a pas ce retour véritable au texte de la DUDH le débat sur l’interprétation universaliste ou relativiste continuera, et il ne serait pas futile ou encore moins stérile, il est même le grand enjeu de l’avenir des droits humains. Il y va de la construire de ce monde de dignité et de justice dont Leuprecht en appelle de tous ses vœux. Du moins, je crois. »

Dignité & Justice


« AfterDark d’Odario Williams (à la voix grave si sexy) est une de mes émissions radiophoniques préférées, dans sa présentation la CBC radio 2 (ma chaîne radiophonique préférée) en dit que l’émission est une invitation au voyage. Je te dirai que c’est bien plus que ça, c’est une invitation aux voyages. Il n’y a pas vraiment une émission de la CBC radio 2 que je déteste, que ce soit Tempo (classiquement jouissif en pleine journée), Nightstream (sur une route déserte très tard le soir), Mornings (pour se donner du peps et la prendre relax quand les embouteillages n’en finissent plus), Shift avec le très gentleman Tom Allen, ou Drive qui hurle « Roule ma poule, roule ». Bref, à n’importe quel moment CBC radio 2 a les sonorités qui sauvent, redéfinissent, subliment, le moment.

Cela fait plusieurs années que je n’écoute rien d’autre à la radio. Que je n’écoute plus cette radio de pubs interminables, on n’écoute pas la radio on se tape des pubs. Cette radio de la réclame, du marketing, de l’abrutissement général. Cette radio d’animateurs et animatrices adulescents qui m’ont si souvent fait penser à des gamins, gamines, dans une cour de récréation – niveau école primaire.

Cette radio de musiques dites « Hits » que personne n’aime dès la première écoute (ou il faut vraiment aller consulter, et si c’est déjà fait alors mon chou et ma zangalewa : belle séance BDSM ou bon séjour en asile psychiatrique). Ces musiques que tout le monde adore à force de matraquage – faut dire, quand tu subies la même chanson cent fois en une minute d’intervalle t’as pas d’autre choix que de l’adorer.

Cette radio, je ne l’écoute plus depuis belle lurette. Non pas par snobisme (que le ciel ne m’en préserve ou m’en préservatif, qu’il m’en condommais et par pure recherche d’un bien-être mental, t’sé pour ne pas finir par m’inscrire à une séance piétinement de couilles ou  de pussy slapping (traduit en caresse-moi le fruit de la passion) – ce qui à bien y réfléchir… Mmm.. 

CBC radio 2 m’offre toujours des découvertes différentes. Elle me sort de ma bulle musicale, je découvre toujours des trucs absolument dingues.

Et je vais te dire je ressens toujours une si grande fierté de payer tous ses impôts de dingue pour qu’une telle radio publique existe, sans publicités, sans blablablabla-chiant, sans avoir l’impression d’engraisser des individus qui se la pètent plus haut que leur propre cul – grâce à mon fric.

En écoutant CBC radio 2, j’ai de façon tangible la raison qui justifie que je me fasse aussi dépouiller fiscalement (contrairement à tous ces gens si riches qu’ils peuvent payer à prix d’or des individus sans scrupules afin de ne rien payer de leur part à la viabilité de la société).

Généralement, j’écoute CBC radio 2 en voiture, AfterDark est le crépuscule radiophonique d’une journée ordinaire, j’avance et je m’enfonce dans les ténèbres. Ce n’est pas infernal à la dante, cela n’a rien à rien à voir avec l’épouvante, le purgatoire, les dieux et déesses chthonien(ne)s de la quotidienneté (stars ou vedettes ou influen-suceurs ou influen-suceuses, qu’ils disent). Au contraire, les ténèbres ou les post-ténèbres n’auront jamais été aussi édéniques.

Cette émission me ramène simplement à la vie. Si Tempo de Julie Nesrallah me permet de regarder le diurne différemment, si Shift me permet de construire des évasions du réel, si Drive me donne le sentiment de liberté au point de me faire sentir comme Kerouac Sur la RouteAfterDark me normalise à moi-même. Impossible à te dire. Impossible à te décrire. Impossible à te l’expliquer. Impossible de le reformuler autrement. Impossible is everythingand it doesn’t suck as such. C’est simplement indicible.

Alors, tu me pardonneras de ne pas avoir d’autre chose que cet indicible, tu me pardonneras de ne pouvoir exprimer ce que l’âme ébranléeretrouvéelégère et extirpée d’un corps et d’un cœur assujettis au réel ne peut dire. Et si jamais tu en es incapable, alors je t’dis AfterDark, tu me trouveras et je t’attendrai au bout de l’obscurité. »

AfterDark

« Noir comme une tronche ou une bite black-face. Pas d’artifices, pur jus. Black sans masques et autres bronzages. Donc pour beaucoup de trucs bizarres – qui se font passer pour des personnes, un peu beaucoup que dalle. Sauf quand je white-face ma bite, quelques fois lorsque je la latino-face (t’sé à la enrique iglesias), ou souvent quand je la chinois-zizi-se voire la japon-ise (aux couleurs des cultures et trucs du genre autres que la black-afro-negro).

Là, ça change tout. Ma bite ne vaut plus que dalle, au contraire elle a un certain charme, exotico-fantasy-out of this world ou que sais-je encore. Mon anus pareil, dans de telles situations, tout le monde ou presque devient anulingue. Et ce n’est pas toujours du fait du syndrome du sauveur. C’est plus du type safari. 

Afro-negro pure souche et beaucoup impur (à cause ou) grâce à l’incontestable transformation née des baises pute-nymphomaniaques et autres rencontres délirantes avec toutes sortes de monde(s), bref un afro-negro métissé quoi (métissé comme toé malgré ta any-color-face, à moins que durant toute ta vie t’ait seulement baisé(e) avec toi-même, et que t’ait jamais rencontré(e) le/de monde).

Mais, pour beaucoup d’abord, avant tout, essentiellement, un afro-negro. T’es prévenu, ce que tu lis ici, sur ce blogue, vaut donc une merde, c’est une valeur merdique absolue. Comme l’autre dirait (et sans me réfugier derrière un mur berlinois de bodyguards) : J’assume.  Mouais, ça pue de la merde.

Le zim’ pour certaines personnes c’est comme l’enfer chez dante. Disons les noirs, les africains, c’est un peu l’enfer dantien. Un préjugé, facile, con, stupide, ordinaire, banal. Ces personnes préfèrent sucer un(e) latino tout aussi misérable que d’avoir une bite africaine en bouche, j’te parle même pas de la présomption de stupidité.

Bite ou vagin latino, bite ou vagin nippon, better than the negro, que veux-tu que j’te dise, c’est la life.

Dans quelques semaines, ma bite ira dans la gueule des vagins comme moé, ce qui rassurera ma belle province, le mélange des genres est quelque chose d’inacceptable, freud doit se retourner dans sa tombe.

Bref, dans quelques semaines mes nuances auront un goût tropical en pleine misère zimbabwéenne. Un peu comme en patagonie, dans les jungles colombiennes, les déserts chiliens, etc. Mais à la différence près que ce ne sont pas des sauvages un peu primates, ils ne sont pas trop bronzés – encore que… »

Zimbabwe

« Le dîner de bénabar me fait toujours rire.

Texte avec des mots simples mais qui ne disent pas toujours le simple. Il y a là toute la complexité du couple. « Je veux pas y aller à ce dîner, j’ai pas le moral, je suis fatigué, ils nous en voudront pas, allez on y va pas, en plus faut je fasse un régime, ma chemise me boudine, j’ai l’air d’une chipolata, je peux pas sortir comme ça ».

Quand t’as été une fois dans ta vie en couple, je veux dire pas un truc d’adulescent ou d’adolescent, un couple bien plus adulte, tu reconnais dans ses vers toute ta souffrance et tous ces épisodes de « Je ne veux pas y aller à ton maudit dîner avec tes ostie d’ami(e)s ! »

Quand tu es rendu à ce niveau-là, c’est que tu es dans la seconde phase du couple, celle du « Ok darling, je t’aime bien mais j’suis pas en couple ni avec ta famille ni avec tes ami(e)s ».

Celle qui vient inévitablement après l’autre qui est faite de romantisme à l’eau de rose, où vous êtes des licornes flamboyantes dans des cieux roses, ou comme edith piaf le chantait t’es juste plongé dans la vie en rose.

Tout est si walt disney quand tu te mets en couple, puis après avoir baisé comme il faut, tu apprends à découvrir vraiment l’autre, puis « Oh shit » tu te rends compte que les contes de fée et autres fantasmagoriques sont juste du foutage de gueule.

Ton prince ou ta princesse, pue de la gueule, pète à en tuer le christ, et à des habitudes ou une façon de penser qui t’hérisse à un plus haut point. Ces imperfections tu les découvres vraiment après. 

Au début, tu te convaincs que « Ca va aller, faut que je sois ouvert », au fil du temps tu refais « Oh shit » plusieurs fois, mais masochistes de ton état tu continues l’histoire jusqu’au truc qui fait déborder le vase et qui rend tout irrécupérable.

Les histoires de couple sont du pur masochisme. Nous sommes donc ou avons été donc de purs masochistes. Les restes essaient de se convaincre du contraire jusqu’à se rendre à l’évidence.

Ce masochisme, certains le vivent jusqu’à la fin de leurs jours. Ils y trouvent un plaisir incompréhensible pour beaucoup d’autres. Comme je le dis souvent : « Chacun son masochisme ». Tant que tu y prends ton pied, que veux que je te dise.

Bénabar et son dîner provoque toujours l’hilarité chez moi.

Dans la voiture, m’en fous de l’embouteillage. Bénabar à fond la caisse : « Je peux pas sortir comme ça, ça n’a rien à voir, j’les aime bien tes amis, mais je veux pas les voir, parce que j’ai pas envie ».

Je me souviens toujours de ces épisodes quand j’étais en couple. Des dîners de couples. Rien de plus chiant dans la vie (« Tu me traites d’égoïste? comment oses-tu dire ça! moi qui suis malheureux et triste, et j’ai même pas de home-cinéma! »)

Tu as quatre personnes réunies pour partager un moment durant lequel c’est juste du jugement des unes et des autres. On se compare, on s’évalue, on se rassure, on déprime. Puis, il y a toujours un couple qui fait le freud de l’autre couple.

Là t’apprends comment les autres baisent, qu’est-ce qui fonctionne ou non dans leur couple, qui avale ou non, qui est fan du kamasutra et qui est très missionnaire, qui porte un slip léniniste-marxiste alors que l’autre rêve de string, de pipe et de sodomie, de doggystsyle et de cochonnerie, etc., tu es face à une vague tsunamique de révélations que tu nous voulais pas recevoir, et tu dois ne pas juger mais tu juges quand même. Et tu fais ton freud ou ton frankl.

Dîner réussi quand le couple qui t’invite ou que tu as invité t’avoue qu’ils baiseront bien le soir même. Un an plus tard tu deviens le parrain d’un garnement.

« On s’en fout on n’y va pas, on n’a qu’à se cacher sous les draps, on commandera des pizzas, toi la télé et moi, on appelle on s’excuse, on improvise, on trouve quelque chose, on n’a qu’à dire à tes amis, qu’on les aime pas et puis tant pis ».

Bénabar c’est un rire de dingue. Je me souviens des premiers moments en couple, t’es invité à un dîner et tu ne veux vraiment pas y aller, mais voilà tu dois y aller car tu es le nouveau truc dans la vie de « l’amour de ta vie » (comme ton ex l’était). Parce que d’un durant de tels dîners du début d’un couple tu es en mode « politicien en campagne électorale », tu serres des mains, tu fais de larges sourire, tu es aimable et sympathique, tu gagnes des votes d’électeurs au fond dont tu n’en as rien à foutre.

Mais cela t’importe un peu parce que tu sais que ton autre y tient, tu es un trophée exhibé ou un produit que l’on évalue, tu dois donner une bonne image de toi, ce n’est pas seulement de toi dont il s’agit c’est aussi la fierté et le bonheur de « l’amour de ta vie » dont il est question.

Amour qui a besoin que son nouveau joujou impressionne au max ses ami(e)s. Quand tu pars aux toilettes ou que les mecs restent entre eux, là tu vois bien les grandes orientations des jugements qu’ils se font sur toi, tu sais si c’est foutu de chez foutu ou si c’est « On l’aime bien lui, contrairement à son connard d’ex ! ». 

« Je suis pas d’humeur, tout me déprime, et il se trouve que par hasard, y a un super bon film à la télé ce soir », bénabar et son dîner me ramène toujours à ce masochisme du couple.

Je me vois dans ce qu’il dit, tout ce qu’il dit, les raisons invoquées pour ne pas te taper des dîners qui te font chier et dont tu n’oses avouer la chie-anterie à ton autre (du moment) : « J’ai des frissons, je me sens faible, je crois que je suis souffrant, ce serait pas raisonnable de sortir maintenant, je préfère pas prendre de risque, c’est peut-être contagieux, il vaut mieux que je reste, ce m’ennuie mais c’est mieux ». 

Tu trouves des tas de raisons plus ou moins créatives, plus ou moins rationnelles, plus ou moins percutantes, tu te défiles, tu n’oses pas lui dire : « Beh tes ami(e)s, je les aime pas, sont chiants, bizarres, je m’emmerde avec ! »

Car le dire c’est avouer que « l’amour de ta vie » est aussi chiante bizarre et emmerdante, puisqu’elle est amie avec et y tient beaucoup. Tu ne veux pas la faire souffrir, tu racontes n’importe quoi pour ne pas y aller à ce foutu dîner qui te fait tant par anticipation chier ou simplement à l’idée de vivre cette torture infernale.

Mon ex-femme a compris deux trois ans plus tard à quelque point les dîners m’emmerdaient.

Elle a fait tout ce temps semblant de ne pas comprendre, espérant que.

Finalement, après une crise digne de tout ce qui se passe au Proche Orient, nous en sommes arrivés à un accord : trois fois par an, je me devais d’assister à des dîners en plus des fêtes d’anniversaire. Dans sa famille, chaque mois il y avait au moins deux anniversaires à célébrer, je ne le savais pas à l’époque, j’ai donc signer un accord sans avoir toute l’information nécessaire à mon consentement libre et éclairé, autrement dit : je me suis fait baiser. 

Aujourd’hui, je regarde les couples autour de moi et lorsque je suis invité à un tel dîner je m’amuse juste à observer et à rire intérieurement de tout ce foutoir.

Et souvent, puisque je reste dans un état de non-masochisme, le couple invite une autre solitude non-masochiste comme moi, une façon de nous faire tinder en live. Cela ne pose pas de problème, tu sais à quel point j’aime les femmes, et voilà on finit souvent par partager beaucoup de fluidité, à la fin du dîner. »

En roue libre

« Josepha était assise en face de moi ce midi, on bouffait de l’agneau et on descendait quelques verres de bière. Elle n’est pas compliquée sans cesser d’être extrêmement complexe, pas de chichis avec elle et pas de scénarisation de soi tout en étant pour moi un vrai point d’interrogation. Surtout, josepha sait se tenir à table sans être très à cheval sur les règles, en fait cela dépend du contexte et qui est autour de la table.

Elle peut ainsi passer d’une posture très conventionnelle qui suscite toujours chez moi beaucoup d’admiration à un laisser-aller proprement je-m’en-foutiste scandaleux qui me fait nécessairement bander. Et c’est sans doute cela que j’adore chez elle, sa capacité à lire les situations, les moments et à s’ajuster, en effet josepha est très intelligente.

D’autant plus intelligente qu’elle parle toujours avec énormément de profondeur et beaucoup d’originalité. Quand elle parle du soleil, il est impossible de le regarder pareil qu’avant, quand elle parle du vent il est impossible de le sentir comme avant, quand elle parle d’un agneau aussi sublimement cuit il est impossible de le dévorer comme si de rien était. Sans se forcer, sans être factice, sans vouloir prouver quoique ce soit, sans en faire trop, josepha puise toujours au fond d’elle-même le sens et les significations de choses, d’objets, d’abstractions, dérisoires.

Elle plonge en elle et de ses abysses il jaillit de véritables trésors. J’ai toujours envie de l’embrasser quand elle parle, et souvent il m’arrive de le faire. Josepha du pur bonheur.

Durant ce partage d’un moment au fond très ordinaire en agréable comme une norme chez elle, elle m’a demandé ce qui me turn off chez une lady. Je lui ai dit : « Premièrement, qu’elle n’ait rien d’une lady », et elle a fait comme les jeunes de sa vingtaine : « Lol » – juste pour me faire chier, ce que j’ai beaucoup apprécié.

« Ah ouinn ?? C’est quoi une lady pour toi ? » « Oh, l’équivalent féminin de lord » « Comment ça ? » « Une femme, une jeune fille, qui a de la noblesse » « Noblesse ???? » « Oui, noblesse : une éducation, un savoir-vivre, une façon de se représenter et de se présenter avec distinction et dignité, gracieuseté, de l’élégance à la fois d’une sobriété et d’une simplicité certaines et d’une originalité et d’un raffinement remarquables, de l’humour d’une certaine intelligence avec de jubilatoires pointes sarcastiques, une force de caractère et une impertinence adéquatement utilisées..

La beauté d’une lady à mes yeux c’est autre chose que le joli minois, la beauté d’une lady est entre balzac et cendrars, il faut le voir et le lire pour comprendre le truc, je te dirais simplement de la noblesse..

Noblesse du cœur aussi, surtout, bien évidemment.. » « Est-ce que pour toi je suis une lady ??? » « Je ne serai pas là aujourd’hui avec toi ». Josepha a souri, elle n’a pas ri comme ces barbares qui montrent à un public un peu consterné tout ce qui est de crade dans leur cavité buccale et toute leur dentition absolument répugnante indifféremment de leur blancheur.

Après un moment de silence, elle a ajouté « et l’autre truc qui te turn off », j’ai répliqué : « Il y a en fait plusieurs.. La langue blanchâtre, les dents toutes blanches qui me semblent toujours peu naturelles, les ongles mal entretenus ou trop longs voire recouverts de trop d’artifices, les cils kilométriques, le vocabulaire, le phrasé, la pilosité et autres gros caleçons épouvantables qui se dessinent sous leurs vêtements, l’absence de bonnes manières et de tenue, le style fashionitas et autres conneries du genre – je veux dire trop de superficialités, le côté trop intellectualisme bling bling, le côté trop cultivé qui en fait trop, le côté bimbo et femme fatale qui dit objet en vente et argumentation marketing, au fond la perfection quoi, oui la perfection me turn off, c’est trop factice, trop esthétique, trop scénarisée, impossible de faire confiance en quelqu’un de cette sorte et/ou de m’y intéresser, ce présentoir ou cette façon d’être est stérile cela n’a aucun imaginaire, la perfection est sans imaginaire, rien à découvrir et rien à apprendre puisque c’est parfait, la perfection m’ennuie et m’emmerde.. »

« Suis-je parfaite pour toi ? » « Heu.. Non.. Je ne m’emmerde pas.. Tu es un imaginaire de dingue, du moins c’est ce que je crois..» « Oki… »

Josepha a replongé dans son assiette, elle a encore laissé passé quelques silences avant de me demander : « C’est qui ton personnage de télé préféré ? » J’ai été très surpris par cette question, de but en blanc j’ai répondu : « Ray donovan de la série éponyme ». « Je suis étonnée, je m’attendais à ce que tu dises mr robot !!! » « En fait, il est l’un des plus intéressants pour moi mais sans doute pas mon préféré.. »

« Pourquoi ray do-whatever ?! » « Parce que le mec est simplement paumé, à la dérive, incroyablement arctique à l’extérieur et pas si evident que ça, j’adore sa carrure, son magnétisme, ses expressions corporelles et verbales, pour dire j’ai rarement eu de plaisir à entendre quelqu’un dire « fuck » ou « fuck you », ray est un foutu de chez foutu qui en a bien conscience et qui essaie de faire de son mieux pour survivre à lui-même, il ne juge pas, il fait juste qu’il a à faire point final et avec c’est un « chacun sa merde, j’ai assez de problème comme ça », ray ne veut pas être béatifié il n’en a rien à foutre, il veut simplement être là pour les siens et ceux qu’il considère, bref le mec est salement amoché rien de gq ou aucune perfection, mais si plein d’authenticité, j’adore ray.. ».

Josepha m’écoute déblatérer sur ray donovan comme si je faisais une présentation universitaire devant des personnes qui ne bandent que lorsqu’elles entendent des mots et expressions issus d’un vocabulaire d’initiés – un truc de classe supérieure, de snobs, de pédants.

Et en lui répondant, je me rends compte à quel point je déteste tant parler avec passion ou de ce qui me passionne vraiment, parce que je n’ai plus de contrôle sur moi, sur ce que je dis ni comment je le dis. Je parle avec mes tripes, et je ne pense pas. Ray donovan me dirait sans doute : « Great things come from great fucks ».

« Donc si tu pouvais être un personnage de télé tu serais ray donovan ??? » « Oui, absolument » « Intéressant » « Ah oui ? » « Ouinn, je t’imaginais dans un tout autre personnage » « Genre mr robot ? » « Oui !!! » « Je ne suis pas désolé de te décevoir Jo’ » « Tu m’étonnes, dave ! »

Et josepha a une fois de plus laisser couler de longs silences. Josepha, je la regarde et je pense à toutes les baises qu’elle et moi on a partagées. Des baises d’anthologie. Josepha est d’une jouissive imperfection, une lady qui sait ne plus l’être quand il faut. J’adore bonnement.

Josepha lève ses yeux sur moi et me balance : « T’sé c’est la première fois depuis des mois que l’on se fréquente que tu répondes clairement à mes questions !!! » « Oui, je sais » « Pourquoi tu ne le faisais pas avant ?????!!!!!!! » « Parce que ce n’était pas dans le contrat » « Et qu’est-ce qui était dans ce fucking « contrat » ?!!!!! » « De la baise et de bons moments » Josepha m’a regardé, elle avait l’air consterné. « Je me trompe ? » Josepha n’a rien dit. J’ai replongé dans mon plat, j’ai descendu ma bière.

« Qu’est-ce qui a changé ? » « Tu sembles vouloir autre chose.. » « Ah ouiiiinnnn ?! Mais quoi donc ?!! » « A passer à l’étape suivante, je crois.. » « Quelle étape ??!!!! » « Celle qui est post-cul dans ces situations-là.. » « Hein ?!!! » « L’amitié, et sans doute plus.. »

Josepha a rougi, elle n’a plus touché à son plat, elle s’est commandée une bouteille de vin, et elle m’a lâché : « ça te dis-tu alors ?? »

« Ce qu’il me dit c’est : Non.. Tu es la lady de shalott, et moi ray donovan, pas lord ni gentleman du tout, grossier et vulgairemalotru et imbuvablebukowski version irrécupérable,  cela n’a aucune chance de fonctionner.. »« 

Ray Donovan

« Je rêve d’horizons lointains, poussé dans mon désir d’exil par le grand froid qui fige la nature dans l’ennui et la plonge dans l’hibernation. 

Mon songe singe le bonheur debout sur le sable chaud et blanc de Manafaru.

Il ressasse les petits instants solitaires d’une marche dans le calme, loin de tout, jamais aussi proche de soi, le regard happé, hypnotisé par le bleu divin des eaux de Navagio Beach et l’esprit en contemplation de la magnificente vision crépusculaire du soleil couchant.  

Là-bas, j’ai goûté à l’édénique. Ici, je parcours l’espace recouvert d’un mince manteau de neige, c’est inerte, il n’y a que le vent pour rappeler que tout n’est pas encore totalement sans vie.

Le bonheur sous les tropiques ne meurt jamais. Il a l’immortalité de l’éternel recommencement. Khépir au levée,  au zénith, Atoum qui introduit l’Épicurienne Nyx comme une promesse toujours renouvelée d’un plaisir sans fin. 

J’ai le blues de ces échappées belles dont on ne profite jamais suffisamment pour oublier, jamais repu de ces cocktails d’émotions que rien ici ne surpasse, malgré la modernité et les petits riens jouissifs, malgré ma campagne et ses bois, malgré les livres et leur richesse, malgré les musées et leurs trésors, malgré le Jazz, Dave BrubeckWes MontgomeryChet BakerMiles Davis, malgré l’écriture et les pérégrinations de l’esprit dans des mondes où les possibles et les humanités sont les seules choses qui vaillent. 

J’ai la nostalgie de ces ailleurs qui sont à contre-sens de la marche du monde. Des massifs étheriens de West Railay Beach qui imposent l’humilité, sa verdure luxuriante  qui invite à se perdre pour tenter la réconciliation ardue avec Phra Mae Thorani, déesse de la terre. 

Des blocs de rochers à Luskentyre, échoués loin du rivage écossais, désespérés de ne pas pouvoir un jour goûter aux eaux froides de l’île Harris.

Je me sens un peu comme eux, piégé par mon temps, permanemment en transit dans ce réel un peu vaudevillesque où la comédie des mœurs se transforme quelques fois en actes de tragédie.

Dehors, une tempête de flocons s’abat sur les premières respirations du Printemps. 

Surplombant l’immensité de la dépression urbaine, les gratte-ciel montréalais sont terrifiants de fadeur. Je ramasse ce que ce Pandémonium ne m’a pas encore pris et je détale, là-bas, en dehors des foules au pas hâté dont la course finit immanquablement au même endroit: sous terre, dans les cercueils que tire le métro.

Et je repense à Torghatten, à Vaeroy, à Ramberg, à Preikestolen, ces lieux qui n’ont pas encore offert leurs âmes à la damnation. J’y suis d’une certaine façon né.

Le Salut de ce qu’il me reste aujourd’hui sera norvégien, à mille années-lumières du rythme du monde, celui aux platines en or sur lesquelles surfent un Disc Jockey – pardon, un DJ. On ne gratte plus les guitares à la John Lennon, les Imagine désormais sont un bam bam boum aussi assourdissant qu’abasourdissant. 

Le vent frigorifiant brûle mon torse nu. J’ai quitté le confort, de cette maison perdue au milieu de nulle part, coupée de la civilisation et entourée de silence.

Je me suis avancé dans la nuit, marché sans traces, mes pas n’en laissent pas, jamais. Puis, j’ai respiré. Ici, dans ma campagne, comme là-bas à Svolvaer, je suis chez moi. Je suis moi. 

Le blanc est la couleur de l’enfer.

En été, tout le monde se sent comme au Paradis, tout le monde essaie de noircir, bronzage maximal pour le teint idéal.

Je suis naturellement l’idéal, et je fuis le Paradis pour l’enfer blanc. Il est hivernal, et il n’y a personne. C’est l’essentiel.

C’est un peu comme aller à La Havane alors que l’on a plus d’espace, de calme, d’authenticité, à Los Roques.

C’est exactement ça. 

Ici, nu, seul, j’ai une révélation: j’aime l’hiver.  

L’hiver qui cache si bien la salissure des hommes. L’hiver des grands espaces parsemés de forêts resplendissantes de l’immaculé. L’hiver du méditatif.

Aussi apaisant que Nakupenda (Stone Town) en Tanzanie.

Aussi transcendantal que Legzira (Sidi Ifni) au Maroc.

Aussi modeste et lumineux que Bai Dai Beach (Phu Quoc) au Vietnam.  

Je rêve d’horizons lointains dont je ne suis jamais entièrement revenus. Partir, c’est mourir, dit-on, mais revenir c’est encore pire. 

Mon songe singe ce qu’il peut des souvenirs qui rient sous la neige. Montréal est si loin d’ici. Je n’entends plus les sans-abris sous les cartons. Ni le vacarme des éboueurs qui libèrent les rues des corps non réclamés. Le munificent silence, partout, autour, de moi.

Et c’est presque irréel. Comme mes horizons lointains. »

Note blues

« Le salaud chante le blues

Soyez pas trop jaloux

Le Salaud boit de la bière

Le champagne de prolétaire

Comme dirait Princesse Leïla

Le salaud chante le blues

Y’en a vingt-quatre heures par jour qui se font précaires

Dans des jobs quasi alimentaires

Ou à peu près pareil

Y’en a qui font du masculin du féminin

Du féminin du masculin

Du reste tout ce qui reste ouvert

Y’en a qui lèchent les couilles et les clitoris

Le trou de balle et la merde des autres

Comme d’autres ou les mêmes

Lèchent des vitrines

Et y’en a même qui font du cinéma pour exister

Comme toutes les escroqueries qui sont couronnées d’oscars

Faut pas croire que l’talent c’est tout c’ qu’on s’imagine

Il a du negro spiritual dans la voix et il n’y croit que dalle

Y’en a qui s’font bonne sœur en taillant des pipes aux jésus et autres

Certains s’font importantissime en étant des vers de terre dans la poussière

Intelligents mais vers de terre dans la poussière

C’est sans doute toujours mieux que rien

Un vers de terre intelligent dans la boue

Y’en a qui sont vieilles filles du côté des réseaux médias sociaux

Sex toys cassés brisés ou en désertion loin dans une lointaine galaxie

Elles chient et dont chier le monde entier parce que

Le clitoris gonflé à bloc n’a pas trouvé langue à sa chair

Y’en a qui sont vieux mecs du côté des réseaux médias sociaux

Les poupées gonflables cassées brisées ou flasques parce que

Sans énergie ou écoeurées de se faire défoncer par un enragé

Ont fait la grève du sexe et autres histoires du genre

Ceux-ci passent leur temps à se masturber dans leurs stories

Y’en a même qui jouent les personnages libérés

Et qui lèchent comme ceux qui passent leur langue sur les vitrines

Et qui en rajoutent en redemandent au fond de bagnoles ou dans un coin

Anonyme de leur misérable vie

Lèchent et re-lèchent langues pendantes

Comme les seins nus de celles qui militent dans la rue

Et qui veulent faire du bien en se faisant enfiler en douceur anale

Ou à sec personne ne sait jamais rien de ce qui se passe dans les coulisses

Dans l’anonymat de leur misérable vie

Et qui veulent se faire du bien en desserrant leurs fesses pour que le suppositoire phallique

Sex toy ou autres bidules gonflables

Les élèvent jusqu’au septième ciel très artistique

Du rien du tout mais du rien qui sauve de l’anonymat

Faut pas croire que l’talent c’est tout ce qui ne se fait enculer

On s’imagine de nos jours tant de choses

Le salaud chante le blues

Soyez pas trop offusqués

Le Salaud boit de la bière

Le champagne du prolétaire

Comme dirait Princesse Leïla

Le salaud chante le blues »

Le Salaud chante le blues

« Dernièrement, lors d’un dîner, andrea m’a demandé si je souffrais du syndrome de superman, elle croyait que j’étais attiré par les femmes en détresse ou qui ont quelque chose de brisée malgré leurs/leurres apparences normales. Elle était convaincue que j’avais besoin d’aller à leur rescousse, d’où le fait que je baise à tout va et que j’aime tellement les femmes, femmes si différentes les unes des autres.

Andrea avait psychanalysé le dave de ce blogue, le dave d’insta-nombril-gram, le dave de fakebook, elle en était certaine. Je ne lui ai d’abord rien dit lors de notre dîner chez moi, je voulais profiter de mon plat et de l’excellent vin qu’elle avait apporté.

Mais, andrea est du genre obsessionnel, il faut lui répondre, en fait je dirais qu’elle comme moi trouvons que le fait de ne pas répondre à nos interlocuteurs est bonnement un manque d’éducation et de savoir-vivre.

Mais, tout le monde n’est pas d’accord, nous n’avons pas été éduqués de la même manière, et nous n’avons pas la même définition du savoir-vivre, c’est en quoi la diversité est aussi importante, cela permet une redéfinition de nous-mêmes et une révision de la définition grossière que nous donnons aux autres.

Andrea déteste donc au plus haut point le fait de ne pas répondre à une question directe posée.

Comme l’autre me l’a dit ce matin : « Tu as le droit de me parler, j’ai le droit de ne pas te répondre dans l’immédiat, je n’ai d’aucune façon l’obligation de te répondre », à quoi je n’ai rien répondu d’autre qu’un « On s’est tout dit, prends soin de toi ».

En fait, je me suis rendu compte que d’un on ne peut jamais imposer aux autres son propre cadre symbolique, exiger d’eux qu’ils agissent dans les formes de respect et de considération de l’autre que soi que l’on voudrait, et que l’on aura beau tenter d’expliquer pourquoi nous considérons que telle ou telle attitude est somme toute inacceptable pour soi, les autres comme moi avec violetta qui parle, parle, parle, sont simplement sourds à nos propos.

De deux, que devant une telle situation il vaut mieux simplement s’éloigner vraiment des gens, les laisser dans leur réalité légitime que l’on a essayé de comprendre et qu’au fond dont on ne peut poursuivre la découverte parce que leur façon d’être nous montre à quel point nous appartenons à des univers diamétralement opposés et impossibles à faire rencontrer (à moins un peu que l’un ou l’autre se désintègre pour se dissoudre dans l’autre).

Quand vous êtes rendus au niveau où votre présentation de votre perception des choses est un motif de guerre, il n’y a pas d’autre possibilité que de laisser tomber. Laisser tomber comme frapper l’autre d’inexistence, l’autre est mort à tes yeux, l’autre n’existe plus.

Je n’aime pas la guerre, je l’ai en horreur.

J’essaie toujours d’éviter le conflit sans intérêt qui ne mène à rien qu’à comme l’autre dirait « du n’importe quoi », les tensions inutiles, les missiles envoyés dans la tronche, mais surtout j’ai en horreur le mépris, la condescendance, et cette indifférence qui n’est pas le simple fait de ne rien ressentir ou de s’en foutre mais de réduire l’autre à rien ou peu d’importance.

Dans la vie, quand je fais face à une telle situation je réagis de deux manières : soit je prends sur moi et j’essaie d’établir des canaux de communication permettant un dialogue véritable avec l’autre (dans une dynamique de reset), avec pour intention de découvrir le problème et donc de trouver ensemble une solution mutuellement satisfaisante mais surtout qui nous fasse avancer, progresser ; soit je réponds par la loi du talion, et contrairement à ce que les gens croient je suis impitoyable lorsque je rentre en guerre.

Je ne m’arrête que si l’autre est totalement détruit, anéanti, écrasé, sans possibilité de ressusciter d’entre les morts. Je ne m’arrête que quand l’autre a ressenti toute la violence de son mépris, de sa condescendance, de cette indifférence réductrice de l’individu à presque rien.

Et je n’oublie pas, je ne pardonne pas, je suis sourd à la compassion, à la pitié, à l’humanité, à tout ce que j’ai comme convictions.

Je suis une bête dans cette situation-là, d’où le fait sachant cela que je fais tout pour privilégier la première option.

Dans la première, je n’ai pas de difficulté à m’excuser (qu’importe si cela est de ma faute ou non, l’excuse et la demande de pardon sont nécessaires pour faire tomber la colère ou le sentiment produit par le conflit), à vraiment m’investir en toute humilité dans un reset dont j’espère rectifiera corrigera améliorera les choses.

Cette humilité ou ce premier pas vers l’autre, cette attitude conciliante, est très souvent prise pour de la faiblesse, un manque de fierté, une absence d’orgueil, ou que sais-je encore. J’en suis bien conscient, mais cela m’importe peu car je me dis que tant que la finalité que je poursuis est atteinte, cela nous permettra de nous sauvegarder comme dignité humaine, et que ce que les autres peuvent penser de ma faiblesse ou etc. ils ne s’en souviendront plus lorsque nous aurons appris à nous découvrir et à être-avec. Lorsque nous serons heureux de nous être découverts, personne ne se rappellera de tels sentiments. Alors, j’ai tendance à prendre sur moi, le principal à mes yeux étant ailleurs.

Cette nature sombre et bestiale de ma personne fait en sorte que je suis viscéralement un pro-paix, pro-amour, un bisounours.

Je sais le fauve qui sommeille en moi, et je l’ai tant vu dévorer tout dans une rage insatiable que je ne peux le laisser sortir sans avoir tout essayer, sans que je n’aie d’autre choix. Le lâcher de fauve après m’avoir dévoré de l’intérieur, le fauve s’évade de sa cage et met tout à feu et à sang.

Ma grand-mère à cet effet, gamin, avait l’habitude de dire que j’étais démoniaque quand j’étais en colère, je l’étais et je le suis très rarement en fait, mes colères sont généralement silencieuses. Les gens confondent colère et frustration, colère et agacement, mes colères je les avale comme on accumule dans son ventre et elles sont enterrées au fond de moi jusqu’au jour où je ressens comme une nausée parce que j’en ai trop avalées.

Une telle nausée fait de moi quelqu’un de méconnaissable, le démon surgit, ma grand-mère disait que j’étais en colère comme une personne possédée par le démon, certains amis d’enfance ont été physiquement pour le restant de leurs jours handicapés par ce démon, c’est à ce point-là.

C’est pourquoi je suis assez obsessionnel de la paix, que j’aime vivre l’amour, dans un rien dans un tout, c’est pourquoi comme le disait un jour Princesse Leïla à une collègue : « Dave, ce sont les accommodements déraisonnables ».

J’accommode tout le temps de manière déraisonnable tout le monde.

Mes collègues avec qui j’ai bossés l’attesteront, les personnes avec qui j’ai souvent été en relation peuvent le confirmer.

J’ai la conviction que découvrir les autres c’est être flexible, c’est les laisser être eux-mêmes, c’est les accepter dans leurs singularités même si elles peuvent nous indisposer ou nous taper sur le système – la question que je me pose toujours est de savoir si au fond c’est plus moi que les autres le problème et donc d’en arriver à relativiser un peu les choses.

Si j’accommode déraisonnablement, je suis particulièrement intransigeant sur certains principes et valeurs : le respect, l’authenticité, la dignité.

Le respect est fondamental, si j’ai l’impression de n’avoir pas été respectueux je me recouvre le corps de cendres et j’expie ma faute, j’accepte d’en payer le prix, le respect est non-négociable.

Dans la quotidienneté, le respect pour moi ce n’est pas le vivre et laisser-vivre, c’est le fais ce que tu veux tant que je n’ai pas à endurer les effets néfastes de ton action. Les gens peuvent bien être ce qu’ils veulent, seulement je n’ai pas à subir directement ou indirectement les effets néfastes de leur liberté. Mais aussi, surtout, le manque de respect chez moi est d’abord un manque d’éducation et de savoir-vivre.

Exemple, tu rentres dans le métro des individus ont les pattes posées sur les sièges, c’est un manque d’éducation et de savoir-vivre, donc un manque de respect.

Tu as des collègues qui ne font pas leur job, je m’en fiche pas mal, sauf que si je dois subir les effets néfastes de cela, je le prends comme un manque de respect.

Si je ne subis de tels effets, cela ne me dérange pas de faire leur job à leur place, parce que je me dis que j’en apprends un peu plus et donc eux ils manquent une occasion d’apprentissage, je me dis aussi qu’ils manquent une occasion de susciter la confiance des autres et donc qu’ils en subiront toutes les conséquences (un jour ou l’autre).

Ce que je trouve dans ce cas irrespectueux c’est quand un collègue ne fait pas son travail (même si je sais qu’il ne le fait pas parce qu’il croit niquer les autres ou abuser des autres) et qu’il se permette soit de critiquer le travail fait par les autres (du genre méprisant, ou de le déprécier ou le minimiser en termes de valeur, etc.) soit de se le réapproprier (comme s’il en était l’auteur). Cela n’est pas acceptable (c’est du mépris et du vol).

En fait, le respect c’est une façon non pas de se mettre à la place des autres, mais d’avoir un minimum d’éthique de dignité humaine (lois de réciprocité et d’universalité).

La question n’est donc pas une opposition de droits (j’ai le droit de et toi tu as le droit de) mais de considération de la réciprocité (est-ce que j’aimerais être traité de la sorte) et de l’universalité (est-ce que ce je fais est ce que tout le monde voudrait, souhaiterait, désirerait).

Le respect oblige ainsi à se décentrer un peu de soi-même (du j’ai le droit de) pour épouser la perspective de l’autre ou tout au moins passer de son nombril-subjectivité à la totalité-humanité.

Ce respect conceptualisé de la sorte exclut l’orgueil, l’ego, la prétention d’un libéralisme individualiste (libéralisme autocentré, non-allocentrique) souvent signe d’une grande immaturité (immaturité dans le sens d’infantilisme qu’est cette guerre permanente de droits subjectifs).

Cette compréhension du respect fait ainsi que je puisse être autant flexible, tolérant, ouvert, que ferme sur l’essentiel. Et je n’admets donc en général pas la moindre violation d’un tel respect, je le pardonne difficilement.

Si je ne pardonne pas, ce n’est pas faute de n’avoir pas essayé. En fait, j’essaie généralement trois fois de donner aux gens leur chance, de nous donner trois fois la chance du reset.

Au bout de la troisième tentative, dans le cas où les merdes n’ont cessé d’être accumulées, au bout de la troisième fois où le manque de respect s’est manifesté, il n’y a pas de pardon possible. Et même dans l’au-delà, en enfer ou au paradis, je ne pardonne pas.

Et quand je ne pardonne pas, soit je chosifie l’autre soit il devient du pur néant pour moi.

Chosifier dit chez moi la colère, l’autre est ainsi un objet, rien qu’un objet. Le néant implique chez moi que j’ai tellement de mépris pour l’autre ou une telle déconsidération de l’autre qu’il n’est plus rien, moins qu’un objet, il devient une inexistence, un vide, il n’a proprement jamais existé.

L’autre dans ce cas peut bien crever, vivre, ou que sais-je, cognitivement et humainement, moralement et sentimentalement, il y a chez moi un désinvestissement total. Le néant comme une double mise à mort : je l’efface (toutes traces de cet autre) et j’oublie tout de lui (du fait qu’il existe ou qu’il n’ait jamais existé). C’est irréversible.

L’authenticité est un principe et une valeur essentiels pour moi. C’est l’un des trois piliers de mon existence, et l’une des trois exigences que j’ai des autres.

L’authenticité, c’est simplement la nudité. Être nu, il n’est pas question de vérité, puisque la vérité est un mythe doublé d’une absurdité.

Il ne s’agit pas que de sincérité profonde, ni d’intégrité, encore moins d’exactitude ou de clarté.

L’authenticité telle que je la conçois est une émanation des sens et des significations d’un auteur qui peut être moi ou l’autre. L’authenticité c’est donc un ensemble de sens et de significations de moi ou de l’autre, c’est le fait d’attester ce que l’on est dans toute notre complexité, dans toutes nos imperfections et dans nos tentatives de perfection. Selon moi, l’authenticité est donc ce nu qui atteste de sens et de significations produit par la personne auteure de sa propre œuvre.

Ce n’est pas une copie, une imitation, une facticité, un emprunt.

Lorsque je trouve les gens inauthentiques c’est parce qu’ils reproduisent une œuvre empruntée à d’autres et sur laquelle ils apposent leur signature comme s’ils en étaient les auteurs, c’est en quoi l’inauthenticité est une malhonnêteté doublée d’un vol.

L’inauthentique est plagiat, l’inauthentique c’est un illusoire, une tromperie, un copié. L’inauthentique comme le manque de respect m’insupporte à un haut point.

Que les gens mentent – tout le monde ment, je m’en fous, qu’ils se mentent, je n’en ai rien à cirer (au pire je trouve cela triste pour eux, parce que je déplore toute la perte de temps et le gâchis que cela est).

Mentir et se mentir n’est pas toujours un manque d’authenticité, au contraire certaines personnes ont le mensonge (dans le sens d’affabulation, de travestissement, de prestidigitation) pour caractéristique fondamentale de leur personnalité et c’est en quoi elle est une partie consubstantielle de leur authenticité, le mensonge fait sens et significations quand on se rend compte qu’elle fait partie d’eux.

L’œuvre est en partie mensongère, une créativité permanente, une ré-invention, elle dit un sens et une signification, elle révèle ce que le mensonge tente de cacher et ce qu’il vise en fait.

Le mensonge à soi-même dit un manque d’assurance, clairement. Dans une certaine mesure, un déni de soi-même, ou une manière de se convaincre d’être autre chose que ce que l’on ressent que l’on est. On s’aveugle pour mieux se voir, mieux se voir – c’est-à-dire se voir comme on rend moins science-fictionnel un fantasme.

On s’aveugle pour rendre plus tangible et vivant une certaine idée de soi.

Quand l’on sait qu’une personne se raconte bonnement des histoires, alors ce récit romancé et fantasmatique devient une composante de sa personnalité, on sait que ce qui importe n’est pas tant ce mensonge de soi mais le sens et la signification de celui-ci pour la personne.

Alors, la personne apparaît ainsi dans une certaine nudité, créativité mensongère et aveuglement mensonger la personne paradoxalement n’a plus à nos yeux toutes ces fioritures, elle est une représentation et s’offre comme telle. La représentation (souvent comique, souvent tragique, quelquefois les deux à la fois) n’est donc pas en soi inauthentique, bien au contraire. Le personnage comme un mensonge (travestissement, illusion) prend pour médium l’acteur, l’acteur module le personnage (il l’investit), l’oeuvre comme représentation est donc ainsi authentique, personnage et comédien se confondent, il n’y a pas d’emprunt, de vol, etc. 

Pareille pour la superficialité. La plupart des gens croient que la superficialité est un manque d’authenticité, possible, mais pour moi la superficialité est d’abord une question de valeurs ou de priorité accordée à certaines valeurs.

Les gens superficiels sont des individus qui priorisent la matérialité, la surface, l’apparence, l’image, en termes de valeur, au détriment de l’immatérialité, la profondeur, l’intérieur, de l’abstraction. Le sens de la vie se fait ainsi par ces valeurs-là, et c’est en sachant cela qu’il est possible d’avoir accès à leurs significations d’eux-mêmes.

Pour dire, la superficialité est une production de significations qui en dit beaucoup de ce que voit une personne lorsqu’elle se regarde ou se présente sur cette scène théâtrale souvent impitoyable qu’est la vie sociale.

Une personne superficielle est donc ainsi nue, une nudité qui l’atteste. L’œuvre n’est pas une copie, un emprunt, un plagiat, l’œuvre est simplement superficielle. On peut donc être superficiel et authentique, superficiellement authentique, authentiquement superficiel.

La dignité comme troisième pilier de mon existence, c’est plusieurs choses : le respect de soi, la personne humaine toujours comme une fin en soi, la noblesse (de la distinction), l’éminence de la valeur de la personne humaine. Envers les autres, la dignité c’est simplement la personne humaine comme une fin en soi et l’éminence de sa valeur.

Que les gens n’aient aucun respect d’eux-mêmes ou qu’ils n’aient pas de noblesse, c’est vraiment leur problème.

Par contre, qu’importe ce qu’ils sont, ils ne peuvent ni être traités comme des moyens seulement ni traiter les autres de la sorte, ils ne peuvent perdre de leur valeur éminente ni la faire perdre aux autres.

Bien entendu, cette exigence kantienne est surhumaine pour les humains que nous sommes. C’est un peu attendre des gens et de soi une certaine attitude digne de saints (comme peguy disait de kant : kant a les mains propres, mais kant n’a pas de mains; sartre ajouterait sans doute nous avons tous un peu les mains sales – pour dire, la sainteté est une fumisterie, personne n’est un saint, nous avons tous un jour ou l’autre, nous tous un peu beaucoup, les mains plongées dans la boue et le sang; comme l’autre dirait pour beaucoup d’entre nous, ce qu’il importe c’est de donner l’apparence d’avoir les mains moins sales que les autres quitte à les laver à l’eau sale, à les plonger dans l’eau bénite, ce qui n’enlève rien au fait qu’elles restent sales et nous sommes un peu tous sales). Je suis le premier à ne pas toujours être en mesure d’agir en tout temps en conformité de cette exigence. Je ne suis donc pas un saint, et j’ai les mains sales. 

Seulement, je ne conçois pas que l’agir non-conforme à cette exigence devienne une norme éthique, et la violation de cette norme éthique de dignité doit être si exceptionnelle qu’elle est très rare. D’où le fait de me mettre rarement en colère par exemple. De chosifier rarement les autres, ou d’en faire le néant. Dans le cas échéant, il faut absolument expier sa faute. Et quand ce n’est pas possible, accepter toutes les conséquences quasi karmiques qui en découlent. Donc, à de rares exceptions, je n’expie pas ma faute, et je sais que le karma cette salope ne me fera pas de cadeau. J’assume. Je ne me trouve pas de raisons ni de justifications. 

Andrea m’a envoyé chier une fois.

Il y a un an elle me l’a dit et je ne l’ai pas compris, je ne me suis pas rendu compte qu’elle m’envoyait chier; ce n’était pas assez clair, direct, disons je ne l’ai pas perçu comme ça.

Je crois que si je m’en étais rendu compte elle et moi n’aurions pas vraiment eu ce dîner. J’aurais tourné la page, et je crois même que je l’aurai déchirée, voire brûler le livre, et éparpiller ces cendres aux quatre vents.

Mais un peu étrange que je suis, je ne l’ai jamais su ou perçu de cette manière.

Elle me l’a avoué durant le dîner, et là j’ai compris un tas de trucs, son attitude, etc.

Durant le dîner, andrea m’a envoyé deux fois des missiles sur la tronche, deux fois j’ai essayé de reset, deux tentatives soldées par des échecs cuisants.

A la fin du dîner, lorsqu’andrea s’est barrée, j’en ai fait du néant.

Avant de se barrer, j’ai répondu à la question posée, celle de savoir si je souffrais du syndrome de superman : « Non ». Je ne veux pas être le superman de personne et je ne veux pas que les autres viennent à ma rescousse avec un slip léniniste-marxiste aux fesses.

« Et s’ils portent un string ? » « Làaa, tu me prends par les sentiments »

« Lollll »

« Mais, non. String aux fesses ou épilés intégralement, c’est non ».

Qu’ils se sauvent d’abord et ensuite qu’ils prennent des vacances, sur mars ou sur krypton

Andrea a pris conscience que tous les dave qu’elle avait psychanalysés étaient simplement dans sa tête, un mirage.

Et je ne sais pas si elle le regrette, ou qu’elle a révisé sa définition grossière de ma personne, mais je n’en ai plus rien à cirer.

Je l’ai dissoute dans le vide, l’inexistant. Ma façon très bonnes manières langagières et autres de (lui) dire : « Go fuck yourself ». »

Vin-Coeur

« L’autre jour, j’expliquais à rosetta à quel point le matin quand j’entre dans mon bureau, la simple vue de mes ordinateurs me fait bander.

Rosetta m’a regardé avec un drôle d’air, un du genre « what the fuck ». Elle m’a demandé : « les ordis t’excitent ?!! », rosetta n’était pas contente. Cela me semblait compréhensible.

Personne ne s’attend à se faire dire que l’on trouve des ordis plus aphrodisiaques qu’elle, et que l’on jouisse davantage à tapant sur un clavier qu’en partageant énormément de fluides avec un autre humain. Personne ne veut ça. Personne n’aime ça. 

J’ai répondu à rosetta que la simple vue de mes ordis me met sous haute tension libidinale, non pas que les ordis soient sources d’excitation (je ne crois pas être un ordinophile ou souffrir d’ordinophilie comme une nouvelle paraphilie de nos temps techno-modernes, pour d’autres il est question de smartphonophilie doublée souvent de réseaux-sociaux-philie), mais c’est l’idée que les ordis vont m’ouvrir à d’autres mondes, l’idée que les ordis sont le médium me faisant découvrir d’autres univers.

Des univers en milliers d’onglets et de fenêtres ouverts donnant sur une véritable orgie de connaissances. C’est donc cette anticipation de la découverte qu’incarne les ordis qui me font bander le matin quand je rentre dans mon bureau et que je fais face à ces objets.

Rosetta m’a dévisagé, elle était entre le rire « t’es vraiment sérieux là ??!! » et la colère « bordel je viens de me faire un vrai malade !!! », rosetta a finalement après un long silence lâché : « t’es un spécimen très très très étrange toé !!! ». Nous avons plus tard, un matin, baiser sur mon bureau, je mâtais mes ordis. »

Vin-Coeur

« Des matins, je me retrouve avec des trucs dont je ne connais ni d’Eve ni de la Vierge, ni d’Adam ni d’Eve, quelques fois c’est juste Marie-Ève. Et, souvent, je fais semblant de me souvenir. « Ahhhhh, oui, bien sûr ! Je t’en prie rentre, fais comme chez toi ! » Je ne me souviens que dalle.

Ce qui est bien avec ça, c’est que le coït-coït qu’elles m’offrent, après mille et un détails sur le comment on se connaît, est une chute qui me fait toujours avoir envie de pondre un chef d’œuvre postmoderne.

J’imagine qu’avec ça, la p’tite baise qui ne se fait pas prier, le Prix Nobel est à portée de la bite-plume Black Panther. Celle qui fait « Wakanda » quand elle écrit quelques phrases pas pire, sortie d’une inspiration blockbuster, avec des milliers de vues disant toutes ces putains de nymphomanes que sont les lecteurs. Lectrices. Sur ce point, mon wordpress m’a envoyé un rapport de lecture, il paraît que Sucer ce n’est pas tromper fait un méchant tabac chez ces dames. Jamais semble-t-il une fellation n’aura fait tant de bien. Donner et recevoir, voilà qui est humaineté

Prix Nobel. Merde. « Wakanda ». Je préfère que l’on me coupe le rikiki. Et ces dames, ces gentlemen, n’auraient plus rien à se mettre sous la dent. Plus de Sucer ce n’est pas tromper. Plus de Kinder Surprise. Plus d’humaineté. Merde. Ne me coupez pas le rikiki

Dernièrement, puisque j’y suis, Stéphanie m’a demandé après avoir lu Bite si j’avais vraiment un micropénis, je lui ai répondue ce que Dorothée a déjà entendu : « La vérité est empirique ». Stéphanie n’a pas la culture de Dorothée, je n’ai pas bandé devant son legging et son string. « Ça va ? » Je n’ai pas répondu, Stéphanie a remballé son corps parfait, sa vulve parfaite, ses fesses parfaites, ses seins parfaits, et elle s’est barrée. J’ai pété un bon coup. Cela s’entendait comme un « Wakanda » soulagé d’être dispensé de la corvée. Je veux dire : « Franchement, comment peut-on baiser un corps sans cervelle ? »

Mon concierge est un homme bien, un bon mec. Lui et moi on s’échange des blagues très salaces, toujours dans un paquet de métaphores. Moi, la vulgarité sans emballage qui sort du basique presque instinct, le truc cul-cul comme ça gratuit, ça a toujours eu sur moi un effet maladie vénérienne, allez savoir pourquoi.

Le vulgaire doit avoir de la classe. Je veux dire un peu plus de ce truc qui ne pue pas juste de la gueule, et qui quand il l’ouvre oxygène tout en mettant mal-à-l’aise. Le vulgaire juste pour le vulgaire, c’est comme lire Éric Zemmour ou Michel Houellebecq. C’est non seulement sans élégance (et vous le savez depuis La Lady en robe noire comme l’élégance me fait succomber, souvent entre les cuisses de la Princesses Leïla), mais c’est aussi ordinaire. L’ordinaire, comme se faire selfie tout le temps, comme aimer les strass et les paillettes, comme se faire sexy ou hot, c’est banal et pauvre. Un vrai truc de la populace.

Le sexy n’est pas dans la mise en scène, le sexy est dans l’aura. Pas qu’un truc phallique montré ou suggéré, pas qu’un truc vaginal montré ou suggéré, pas que des morpions, pas que d’infections urinaires, pas qu’une shape pour la mise en forme, pas qu’un truc flasque ou obèse qui fait de sa négligence de soi une revendication de soi, pas qu’une pilosité excessive (des aisselles et du pubis) qui se veut lutte féministe contre le diktat tout porno-patriarcal du rasage intégral (c’est juste néandertalien doublé d’une vraie connerie – Simone de Beauvoir doit sûrement se retourner dans sa tombe), pas qu’un rasage intégral comme une déforestation (de l’Amazonie), pas qu’un marketing de soi qui se résume à un slogan et une image, pas que du ramassis de toutes sortes qui ressemble à un patchwork aussi insipide que traumatisant, pas que du désespéré qui au fond non seulement fait pitié à voir mais ne donne aucune envie d’être sauvé. Le sexy c’est beaucoup plus qu’un cul, un corps, une tonne d’artifices, ce sont des vibrations qui viennent de l’authenticité. L’authenticité, c’est sexy. L’authenticité est le sexy, le hot, le truc qui donne envie d’aimer et de faire l’amour, le truc qui met fin au baisable et la simple consommation de la chair. Vulve et bite. 

Marissa est un cul, un corps et des tonnes d’artifices. Elle a débarqué, sans prévenir, j’ai ouvert mon peignoir noir. Elle a lâché : « Meilleurs vœux » en ouvrant son manteau en plume de je-ne-sais-quoi. Ce qu’elle m’offrait était purement obscène.

Après cette levée de rideau assez original il faut en convenir, je suis rentré en scène. Bien évidemment, peignoir au sol, la croix phallique dressée sur le mont Golgotha, pour le coup renversé ou à l’envers de façon baudelairienne, prêt pour le saut de l’ange, je lui ai rendue la politesse : « Merci, je te souhaite pareil. » On a baisé toute la journée.

Marissa, blonde, sexy et hot, après un régime diététique draconien, et une cure drastique d’anorexique. Un vrai canon qui tire sans attendre que les Français le fassent les premiers. Je reçois en pleine tronche. Parents propriétaires richissimes d’un ranch et de plusieurs fermes agricoles, elle conduisant une Audi A4 de l’année, c’est-à-dire payé il y a quoi deux jours, psychologue diplômée de l’université privée la plus huppée de la ville, trentenaire dans un an, possède un cabinet dans le centre-ville où les riches comme elles viennent se branler sur un divan.

Marissa, elle se branle devant moi. Les yeux fixés sur moi, regard contre regard, moi assis en position jungienne, je psychanalyse le vagin. Et à la fin de la séance, j’ai son jus lâché comme une femme fontaine sur moi. Pas assez de cleanex pour nettoyer tout ce foutoir, je prends toujours une douche. Et Marissa a quelque chose que les autres n’ont pas, le culot. Elle ne respecte jamais mon intimité. Même sous la douche. Marissa débarque, prend de la place et cela n’est jamais une douche tranquille. « Meilleurs vœux ». Mon cul. Elle le dévore. « Meilleurs vœux mon cul ». Là, ça prend tout son sens. 

Dans les toilettes, il y a lâché par mon système de sonorisation le Zangalewa de Jay Jay. Marissa se lance dans une danse qui me fait reprendre vigueur sans que mon cerveau ne consente. Marissa heureuse d’être parvenue à ses fins m’esclavage de la manière la plus pastorale, la plus campagnarde, possible. Il y a chez moi du « Meuhhh » bovin, bœuf dans l’abattoir, je commence l’année trucidé par Marissa, dans le reflet du miroir j’ai la gueule d’un steak.

« Ma chérie coco », Marissa mime l’accent camerounais dans un patois anulingue, elle a du Zangalewa sur le bout de la langue. « My lady lady… My baby baby, ma chérie coco », Marissa me fait répéter comme un perroquet pour s’assurer que j’ai bien assimiler la leçon. Et je répète. Ai-je le choix. Question rhétorique, je répète pour sauver le peu qu’il me reste. Il me reste encore plus de trente cent soixante et quelques jours à tenir, je dois sauver, là, ce qui peut l’être, Stéphanie n’acceptera pas ce qui est en deçà de Dany Laferrière et son Comment se faire enculer par et comme un Nègre sans crever. Marissa, je-m’en-foutiste, me vide.

Mon ex-femme m’a envoyé un message-texte tantôt : « Tu connais une Marissa ???? » J’ai répondu : « Cela dépend… » Elle m’a fait un doux emoji-doigt d’honneur. Puis a ajouté : « T’sé m’en fous de tes pétasses !! Mais qu’elles ne me demandent pas en « amie » sur Fakebook !!!! Ostie ! » Mon ex-femme pète une fuse pour un regard de travers – je veux dire pour pas grand-chose, Québécoise pure laine, elle est de ce fait très conforme à la norme. J’ai voulu lui dire « C’est juste une putain de demande d’ami, au pire tu ignores. » Je n’ai rien dit. Mon ex-femme est avocate, elle rêve de la Cour suprême, donc elle n’aime ni perdre ni n’avoue jamais qu’elle a tort. Surtout, comme avec un écrivain, avec un avocat il faut s’attendre à ce que tout ce qui est dit puisse être utilisé d’une certaine manière comme d’une autre, lors de notre divorce je m’en suis bien rendu compte. Cela m’a coûté les deux couilles. 

Alors depuis, je ne niaise pas avec elle. J’ai appelé Marissa : « Salut toi, lâche mon ex stp si tu veux revoir ma bite. » Marissa a gardé le silence. Vous savez, il y a des moments comme ça où on jauge les propos de l’autre et rapidement on se rend compte que ce n’est pas une joke, alors on garde le silence après avoir envisagé toutes les issues acceptables, sécuritaires, dans le sens de notre intérêt. Marissa a fait : « Okiii ! C’est bon ! » J’ai raccroché. Quelques minutes après, Marissa m’envoyait son cul sur Messenger Fakebook. Une vidéo d’elle en train de faire bouger son parfait cul qui me fait dire n’importe quoi. En fond sonore Zangalewa de Jay Jay. Bordel. J’ai eu une vigueur digne d’une pute nymphomane. »

Zangalewa

« Faut savoir, les trucs comme moi qui sont stimulés par l’indifférence ne lâchent jamais l’affaire, parce qu’aucune drogue ne rivalise en sensation et en intensité l’idée même de conquérir ce qui est loin d’être acquis. Parce que le jeu en vaut définitivement la chandelle. Imaginez-vous la jouissance qu’est le fait de tuer la non-attractivité que l’autre a envers vous, de susciter la désirabilité, de voir se transformer lentement mais surement la froideur distante en un rapprochement enthousiaste, d’assister à l’assujettissement progressif de l’autre alors qu’au départ vous n’existiez pas, vous étiez inacceptable, inconcevable. Même l’argent, cet opium, n’offre pas une telle satisfaction. La conquête vaut tout l’or du monde. La marijuana, le cannabis, l’héroïne, le sexe. Le sentiment d’aller à l’assaut de l’impossible, de dompter l’indomptable, de mettre sous son joug ce qui de par sa nature ne pouvait l’être, de faire plier et voler en éclats la résistance, de rendre accro jusqu’à la folie ce qui n’aurait pu se l’imaginer, est difficilement exprimable.  C’est jouissif, c’est tout. Et comme ces gens-là, la possession m’emmerde, seul conquérir m’importe. Patricia l’ignorait, mais j’étais là pour cette seule raison. Et elle ne faisait rien pour me décourager.

L’art de la séduction est un aspect fondamental de l’art de la conquête. Séduire, ce n’est pas plaire en tant que tel, c’est proposer et imposer un signifiant à l’autre.  On est au-delà de l’apparent agréable, on se situe ailleurs. Un signifiant qui viendrait se greffer au réel de l’autre au point que celui-ci finirait par se persuader de sa compatibilité, de son apport, de sa nécessité. On ne séduit pas en draguant l’autre. Draguer c’est vendre, promouvoir, capter l’attention. Séduire, c’est autre chose. La dynamique n’est pas la même. Le premier vise à proposer, le second à convaincre. Et convaincre n’est pas une sinécure.

Cela exige de l’habilité, de la stratégie, de l’observation, la réduction au néant des dissonances. Convaincre oblige à la pertinence, la cohérence, la crédibilité, l’authenticité, bref à l’intelligence. Convaincre demande d’informer, de sensibiliser, de transformer la perception en une expérience satisfaisante et tangible, la satisfaction doit être durable et renforcer avec le temps. Convaincre condamne à maintenir des efforts d’optimisation de l’expérience. Le moindre infléchissement dans cette quasi perpétuité fait s’écrouler le château de cartes, ainsi l’auto-évaluation la vigilance et la prudence sont de mise. Convaincre, c’est parvenir à la jonction du cognitif et de l’émotionnel, un dosage équilibré. Le signifiant que l’on plante dans l’esprit de l’autre, germe en produisant une pluralité de sens dont chacun d’eux vient nourrir un réel subtilement altéré, mais qui lui paraît presque évident, naturel. Séduire l’autre c’est parvenir à le faire se questionner sur le pourquoi de cet attrait, de suggérer tacitement des réponses rationnelles et de glisser discrètement des assertions tournant autour du « C’est ça, c’est tout en même temps, Je ne sais pas trop ». »

Mets ta langue dans ma bouche

« Mary Juana, latina dans la trentaine, le corps ordinaire de la banale anorexique, les seins gonflés à l’hélium, les lèvres caricaturalement pulpeuses, le cul comme un contreplaqué, la gueule instagraméenne de fausse blondasse, s’est ramenée chez moi sans s’annoncer. Elle voulait tirer un coup. Ça lui est passé comme ça. Elle était dans son auto, et elle a voulu prendre une dose de nicotine. « Pourquoi pas Dave » s’est-elle dit. « Ce mec est un dealer après tout, il doit toujours en avoir sur lui ». C’est comme ça qu’elle me l’a expliqué. J’ai fait « Oki. C’est cool. » Elle a ri : « T’sé cela fait des siècles que personne ne dit plus « cool », juste de même. Ça fait vieux ! lol ». La pipe qu’elle fume semble lui faire le plus grand bien. J’ai hâte qu’elle se dépêche, Marie-Eve ne devrait pas tarder.

Mary a exhalé la dernière bouffée dans un frisson qui a lui seul valait toutes les productions « swallow » – « amateur » et « homemade » – de xvideos.com. J’ai « Liké ». En sortant, elle s’est retournée et m’a dit « J’te texte, puisque que tu n’es plus sur Facebook, ni Instagram. T’sé c’est démodé les messages-textes, le monde snapchatte ! » J’ai voulu lui répondre que la snap-chatter  ou slap-chatter comme un spanking de ses lèvres vaginales me suffisait déjà largement, je me suis retenu. « Ouin. J’sais. De toutes les façons, tu sais toujours comment me joindre. » Elle était satisfaite, elle s’est barrée, avec sous son legging des marques de mes mains sur ses fesses. Mary n’est pas une sainte, son truc à elle c’est tout ce qui lui fera perdre sa virginité. Et accessoirement comblera son besoin de nicotine, je veux dire de pipe.

Marie-Eve a débarqué juste quelques instants après. La tronche pas fraîche, le corps emballé dans un pantalon sportif moulant du type prince-de-galles, et les seins sans soutien-gorge mis en avant par un léger chandail. « J’ai décidé d’adhérer au mouvement no bra’ ! » m’a-t-elle dit devant ma face un peu surprise. « C’est quoi le mouvement no bra’ ?! » ai-je répondu comme le dernier des dinosaures. « Quoi ! Tu n’es pas au courant du mouvement no bra’ ?!!! » « Heu, nonnn, je devrais ??? » « Mais oui voyons donc !! Tu vis dans quel siècle ?!!! » « Le XVe siècle, de toute évidence ». Marie-Eve a eu envie de se suicider.

Après l’échange de bons procédés, celui qui consiste à déguster le troufignard de l’autre et cet autre de son œil de bronze, elle m’a expliqué que le fait de ne plus porter de soutien-gorge était le dernier combat à la mode du féminisme, cela se nomme « Free the boobies » – libérer les seins. Une question à la fois de santé, de liberté, et d’émancipation. Je ne lui ai pas dit que d’où je viens à une époque – que les siens jugent encore comme la sauvagerie pure – les femmes avec des seins libres comme le vent étaient la norme, mes ancêtres en effet étaient d’un féminisme précoce. Elle, la québécoise pure laine à l’instar d’un mouton tondu pour habiller les fashionitas sur la rue montréalaise Sainte-Catherine, la québécoise de souche comme un tronc d’arbre séché, n’aurait pas compris. Il faut dire Marie-Eve éco-consciente trouve que les Chinois et les Indiens sont trop nombreux pour le bien de la planète, qu’il faudrait qu’on les empêche de faire des enfants afin que la terre ait une chance. En même temps, Marie-Eve est la fille pourrie gâtée d’un mec vivant dans une villa à Westmount avec piscine creusée et avec tous les objets narcissiques témoignant de son statut social. Elle ne saurait comprendre que toute son existence fût en soi une mise-à-mort de l’environnement, et qu’au rythme qu’elle mène sa vie avec sa BMW de l’année payée par « papa d’amour », ses vacances plusieurs fois par année en classe affaires dans les ailleurs sans sortir des hôtels aux milliers d’étoiles, son besoin irrépressible de shopping, l’accumulation et la boulimie de la sur-consommatrice ordinaire, il faudrait de nombreuses planètes à l’humanité pour s’en sortir. Marie-Eve n’en cure de cet aspect des choses, elle ne sacrifierait rien de son confort. Je la comprends. Le nombrilisme, ça me connaît.

Je n’ai pas dit à Marie-Eve que selon mon expérience à force de no bra’ les toton finissent par ressembler à une blague qui tombe à plat. Pour dire, une blague à vous faire tomber les nichons par terre. Les ptôses mammaires comme ma grand-mère le dirait c’est un truc de vieille. L’affaissement des seins n’étant pas encore un truc à la mode au vu du succès des Wonderbra push-up et autres chirurgies esthétiques mammaires, du complexe terrible des petits seins (de surcroît aplatis) et de leur souffrance inaudible comme celui des micropénis. Il est clair que se retrouver à 20 ans, 25 ans, 35 ans, avec une poitrine sur les genoux ce n’est pas nécessairement ce que Instagram et la pression sociale considère comme sexy et fuckable. Au fond, je m’en fous un peu. Je ne vais pas épouser Marie-Eve. Alors que sa poitrine à la Christy Mack ressemble demain à celle de d’une cougar milf dans la cinquantaine sans le sou pour passer sur le billard, que voulez-vous que ça me fasse.

Ce soir, après le départ de Marie-Eve, j’ai décidé de rejoindre le no bra’. J’ai décidé de libérer mes seins. Plus de soutien-gorge sous le t-shirt, j’assume désormais ma gynécomastie. Voilà mes toton, prenez et mangez. Il y a quelques années, Vanessa me faisait remarquer que j’avais des nichons plus gros que les siens, elle trouvait la situation un peu bizarre. Je l’avoue, j’ai une poitrine pas tout aussi généreuse que Mathieu B.C. chroniqueur extrême-droite du Journal du Mouroir, mais un peu de Philipe des Couilles notre (ex) premier ministre (néo)libéral provincial. Cela peut être un choc. Un traumatisme. Certaines n’en reviennent jamais. Vanessa est mariée à un obèse depuis un an. Je n’ai pas été invité à son mariage à Chicago. Un mec avec des seins suffit, nul besoin d’en rajouter.

Coming out. J’assume dorénavant ma féminité. « Hypertrophie des seins » sortant du placard, voilà que je me présente presque nu aux yeux de la modernité. Cela a les traits d’un tableau de Francis Bacon et de Lucian Freud, certains paient des centaines de millions de dollars pour l’acquérir. Mais, je vais vous dire, je m’offre gratis. Produit de la postmodernité, objet du peuple endogé, mon nu est une soupe populaire pour toutes les bouches affamées qui n’ont plus de voix pour crier famine. Voilà mes seins, comme Romulus et Rémus, prenez et mangez. Que les Enfoirés reposent en paix, j’ai suffisamment de graisse pour faire tenir le siège de Candie. #nobra, #beyourself, #femen. Mesdames et mes demoiselles, je vous en prie, mangez-moé. »

XL corsé

« Je ne saurais te dire à quel point j’aime les femmes. C’est bonnement inexplicable. Bien entendu, tu le sais, avec moi, ce n’est pas une question de cul, tu me pardonneras de faire mon snob et blasé ou mon dédaigneux, le vagin je n’en ai rien à foutre, les belles gueules et tout le présentoir je pisse dessus, les courbes et autres je les emmerde, non j’aime les femmes parce qu’elles sont l’origine du monde et donc de l’humanité.

Être femme, je ne sais pas ce qu’est-ce, je ne saurais te le dire, je n’en suis pas. Mais, j’aime tout chez les femmes, et je crois que ma vie ne serait complétude sans elles. C’est improbable, je te dirais.

A mes yeux, aucune femme n’est moche, laide, pas attirante, il faut changer de perspective. Redéfinir les critères du commun, et voir.

Toutes les femmes à mes yeux sont belles. Maigres, grosses, p’tits seins, gros seins, gros culs et p’tits culs, intellos bardées de diplômes et intellos sans diplômes, fesses plates et personnalités plates, bref elles sont toutes belles.

La beauté ce n’est rien d’autre que ce qui est admirable. Il n’y a pas objectivement de critères de l’admirable, il y a une authenticité une dignité une liberté un respect. L’admirable est un merveilleux, un étonnant, un prodigieux. Quelque chose qui d’une façon comme d’une autre sort de l’ordinaire et qui ébranle tout ou presque. La beauté n’est rien d’autre.

Comme le dirait balzac dans de ses Secrets Cadigan : « L’une des gloires de la société, c’est d’avoir créé la femme ».

La femme est une création sociale et sociétale, comme de beauvoir le disait on ne naît pas femme on le devient. On ne naît pas homme on se force à l’être, ce qui quelquefois faut le dire et se l’avouer est juste un truc phallique ou qui s’y rapporte.

Entre l’homme et la femme la différence est tenue, elle est complexe, elle n’est pas un donné. Donc, toutes les conneries sur le genre, sur le vagin et la bite, le rose et le bleu, etc., sont juste des pertes de temps et beaucoup de masturbation.

Un homme ça s’apprend à l’être, une femme aussi, un homme n’est pas fait sans sensibilité dite féminine et une femme n’est pas faite sans virilité dite masculine.

Depuis la nuit des temps, homme et femme c’est un mélange en divers proportions dans l’intériorité des individus, le féminin sacré combinant avec le masculin déifié (jusque dans l’olympe).

L’histoire regorge de ce mélange, de cette diversité du genre. Dans la quotidienneté, certains mâles préfèrent le rose, certaines femelles le bleu, et certains le rose et le bleu voire le rouge et etc. Et nous nous en foutons éperdument, car l’essentiel est ailleurs.

Comme je le disais à une connaissance hier : « Je me fiche pas mal de ce que tu mets dans tes fesses, comme on dit d’où je viens si l’autre porte son string pourquoi tu as l’impression que ça te serre et que ça met mal à l’aise ton cul ? Ce sont tes fesses, les gens font ce qu’ils veulent de leur derrière et de leur être ».

Cette connaissance à qui je parlais tentait de me convaincre de ces arguments d’un certain conservatisme légitime mais au fond si stupide que sont des définitions quasi canoniques de l’être humain.

Ma fille dernièrement a foutu une claque et de sérieux coups de poings dans la gueule d’un de ses cousins (du côté de sa mère) qui l’avait agressée. Ce fût d’après mon ex-femme une vraie boucherie, elle en était traumatisée, elle m’a envoyé les photos du massacre, pas joli-joli.

Elle m’a dit : « Ça vient de toé certain !!! » Je lui ai dit « Oui ». Faut pas déconner d’où je viens avec les femmes.

Au fond, vraiment, j’étais assez fier. Fier de ma fille. Elle savait se défendre, et elle pouvait remettre à sa place un cousin un peu trop « mâle » d’une façon aussi brutale et violente que son attitude, dans ce type de situation oublie gandhi et autres apôtres de la supposée non-violence, quand t’as un truc qui t’agresse physiquement tu lui fais subir toute la souffrance qu’il t’inflige, après par expérience il se tient à carreau. Je me suis dit « Voilà, une qui ne se laissera pas faire ». T’as un pénis, beh j’ai un vagin et je te remets à ta place pôvre con. Je me suis senti soulagé, elle ne se laissera pas faire.

Donc voilà, j’aime les femmes. Beaucoup. Impossible de m’en contenter d’une.

Faut dire, j’ai toujours été entouré de femmes, ma mère et ma grand-mère, mon ex-femme et ma fille ainsi que mon ex-belle fille, etc. Des femmes partout, et mes plus belles et transformationnelles expériences artistiques viennent de femmes.

C’est avec les femmes que j’ai découvert ma sexualité et que j’ai compris la leur (du moins je crois, ce qui n’est en rien ni clos ni définitif, d’où la nécessité de poursuivre la découverte).

A chaque fois que j’ai été enfanté dans la vie, je suis né d’une femme. Mon origine du monde, comme courbet l’intitulerait. »

En roue libre

« Le stade anal (28 ans à 30 ou 40 ans) selon Freud :

Vers 28 ans, l’adulte prend conscience de la défécation. La zone érogène est la muqueuse anorectale et, par extension, tout l’intérieur du corps. L’objet de la pulsion est le boudin fécal. C’est un objet d’échange car le but pulsionnel n’est pas seulement l’expulsion mais le jeu ambivalent d’expulser et de retenir. Cette expérience est fondamentale ; l’adulte est très intrigué par ces sensations et ce produit qui était lui, qui sort de lui, et qu’il peut offrir à sa mère.

Au début du stade anal, l’adulte n’éprouve aucun dégoût pour ses excréments. Il joue avec, y met les mains et peut en souiller les murs. Ce plaisir pris à « retenir-évacuer » explique les longues et interminables séances de pot-marijuana ou d’alcool, si fréquentes à cet âge. Freud estime que c’est à cet âge qu’apparaissent les sentiments agressifs de l’adulte avec les notions de propriété privée, de pouvoir, de contrôle, de maîtrise et de possession. Toute possession d’objet est finalement assimilée à la possession la plus primitive : celle des matières fécales.

En même temps, s’installe le but passif d’accession au plaisir par des expériences douloureuses : le masochisme. Les perturbations à ce stade peuvent avoir des conséquences ultérieures graves :

L’excès de liberté serait à l’origine d’un laisser-aller moral ;

L’excès de zèle ou l’excès de rigueur entraînerait le fanatisme, le culte excessif de l’ordre, le mépris des « êtres inférieurs ».

Ce stade libidinal correspond à l’acquisition de la marche et au « négativisme » (âge du « non »). L’adulte entre dans la phase d’accession à l’autonomie qui s’accompagne d’agressivité : il peut refuser de donner ce qu’on lui demande au bon moment ou expulser et souiller lorsqu’on le lui interdit.

Le stade oral (de l’adolescence à 22-28 ans) selon Freud : 

Au cours des premières années de l’adolescence, la bouche est le lieu essentiel des sensations de plaisir de l’ado. L’ado éprouve le plaisir de téter le sein ou tout ce qui a la forme d’un biberon. Puis, il commence à sucer le pénis ou lécher le clitoris. En fait, la zone érogène est constituée du carrefour aéro-digestif et par extension, des organes sensoriels de la peau. L’objet original du désir, le téton, provoque « la satisfaction libidinale étayée sur le besoin physiologique d’être nourri ».

Vers 18-20 ans, l’activité orale devient plus vigoureuse et plus agressive. En effet, à cette époque, peut se manifester chez le jeune adulte une certaine agressivité (refus de la nourriture) qui peut être aggravée par celle de l’hédonisme (gavage intensif). C’est l’âge aussi où le jeune adulte mord ses parents ou d’autres jeunes adultes. C’est par la bouche que le jeune adulte entre en contact avec le monde extérieur.

Le stade phallique selon Freud : 

Vers 40 ou 50 ans, les pulsions se fixent sur l’appareil génital. L’adulte fait la découverte de son sexe. Il commence par découvrir le plaisir cutané qu’il obtient grâce aux attouchements : c’est la période de la masturbation à maturité, obtenue en se caressant devant le public par exemple. Du genre, j’en ai une grosse dans le pantalon ou une belle épaisse sexy dans la p’tite culotte. L’adulte se frotte l’appareil génital en public ou devant un miroir.

L’adulte remarque à cet âge l’absence de pénis chez les Autres qu’ils arrivent souvent à confondre à sa mère. Il commence d’abord par nier l’évidence et puis lorsqu’il accepte cette idée, il a peur de perdre le sien : c’est l’ »angoisse de castration ».

Cette angoisse est d’autant plus grande que les institutions les hypothèques les dettes à rembourser les obligations de carrière la pensée d’une retraite à venir, etc., ne manquent pas de lui interdire de manipuler sa verge ou du moins de l’en dissuader. Il doit se tenir tranquille, rester dans la norme ou rentrer dans la norme. L’adulte a peur d’une punition qui consisterait à lui couper son pénis.

La femme adulte, elle, n’a pas peur de perdre son sexe mais elle est jalouse. Elle aurait aimé avoir un pénis : c’est l’ »envie du pénis ». Elle cherche auprès des Autres, qu’elle confond à son père, à l’acquérir ou du moins à obtenir ce qu’elle ressent comme un équivalent : un enfant.

C’est le stade de la découverte de la différence qui s’accompagne d’une plus grande curiosité sexuelle et d’un plus grand intérêt pour les mystérieuses activités du boudoir. L’adulte imagine les rapports sexuels d’un autre genre comme une activité rajeunissante. Activité souvent agressive, sadique, dans un rapport de dominé-dominant : c’est le « fantasme de la scène primitive ».

Le moment où comme Gaël Faille l’a chanté dans Tôt le matin tu respires les effluves et les parfums d’Orifice, « Si ta vie est tracée, dévie ! Et presse délicatement un cul ». C’est comme défier dieu comme un fou.

Le moment, tu défies dieu, tu es fou, tu es libre. Et tu espères seulement que dieu n’ait aucun problème avec l’anus, la bouche et le pénis. Ce que tu sais au fond de toi n’arrivera pas, tu sais que ce tu espères serait comme assister à un festival de Jazz à l’Igloo-glou-glou-Fesse. Pour dire, comme vivre l’instant où Daphnée taillera ma pipe noire. Tu sais que dieu passé par le divan freudien aura un problème avec l’anus, la bouche et le pénis. Le moment sera ta p’tite mort. En variations symphoniques Istar d’Indy. Une p’tite mort golden shower. »

Istar, Variations symphoniques Op. 42

« Tu ne parles qu’une langue, bouche-à-lèvres

Lèvres-à-cœur, aucun mot déçu

Celle qui fait de moi ton autre

L’être inconnu lettre passante

Et il n’y a vraiment rien à comprendre

Je suis ton autre

Et que passe la pute nymphomane

Que trépasse la salope dévergondée

Que soit pendu haut et court

Le salaud

Et tous les sauts de l’ange

Baisent la boue et la poussière

Morves mordent la terre

Comme des embryons de rien

Du tout

Et que passe l’intrus

Sa soutane et sa croix

Sa politique et son discours

Et que son arche perdue

Soit avalée par le ventre de la mer

Je suis ton autre

Qui ne pourra rien attendre

Car tu es la seule à les entendre

Mes silences qui tremblent

Moi, je suis ton autre

La force de ta loi

Le doute de ta foi

Ta faiblesse et ton roi

Ton insolence et ton droit

Toi, tu es mon autre

Si nous étions loin d’ici

Ailleurs

Dans nos imaginaires

Nos mondes fantasmés

Nos rêveries nocturnes

Nos univers enchantés

Sous la lune et ses diamants étoilés

Suspendus au temps aux ailes d’albatros

Nous serions l’infini

Et si l’un de nous deux tombe

Comme une étoile filante

Comme une pomme pourrie

Comme l’arbre de vie

L’autre gardera loin d’ici

Dans nos imaginaires

Nos mondes fantasmés

Nos rêveries nocturnes

Nos univers enchantés

Sous la lune et ses diamants étoilés

Suspendus au temps aux ailes d’albatros

Mais jamais trop loin de l’autre

Chaque seconde de notre infini

Et si l’un de nous deux tombe

Comme un soleil au bout de l’horizon

Comme les temples des dieux et des princes

Comme l’ordre ensoutané et la croix ensanglantée

Comme la guillotine sur les couronnes

Comme les coups de hache sur l’arbre de vie

L’autre gardera loin d’ici

Dans nos paradis où nous étions les maudits

Chaque seconde de notre infini

Tu seras ma dernière seconde

Et moi lettre inconnue l’être passant

Toi la force de ma foi

Ma faiblesse et ma reine

Mon insolence et ta loi

Je serai ton autre

Et même si nous sommes maudits

Toi tu es mon autre

Et tous tes silences qui tremblent

Je suis le seul à les entendre

Car je suis ton autre »

Je suis ton autre

« C’est peut-être à cause de tout ça que je suis un peu blasé.

Rien vraiment ne m’impressionne.

Je suis toujours un peu snob. Pour dire, très dédaigneux. 

Snob de l’ignorance crasse des gens qui ont les moyens de ne pas l’être et qui n’en ont juste rien à branler, snob de leur matérialité ou leur matérialisme, snob de tout le show qu’ils font pour être quelque chose dans un monde de rien.

J’ai ce snobisme suintant de dédain, de mépris hautain, et jamais je ne m’en départirais je crois.

Snob des boules refaites, des culs exhibés, des gueules surfaites, du pognon exhibé, de la vulgate et de la populace qui brandit le fric la fame le chic et autres conneries du genre.

Snob de l’intellectualisme qui se prend trop la tête, qui veut trop se faire voir, qui en fait trop (présentoir des études, des diplômes, du cv, des expériences, etc.) pour valoir quelque chose dans un putain de monde où rien n’a vraiment de valeur.

Je snobe ces exhibitions et ces présentoirs, au fond oui je les méprise profondément.

T’es un intello extraordinaire, ben je t’emmerde.

T’es un riche surendetté avec une belle voiture et autres, je t’emmerde.

T’es un marginal, undergrounder, un peu je-trouve-que-les-autres-sont-incultes ou que les autres c’est un ensemble de panurgismes, beh je t’emmerde.

T’es un hipster : « go fuck yourself ».

T’as des goûts hyper sophistiqués et tu te la ramènes un peu trop : « fuck you ».

Tu parles bien la langue et tu ne fais pas de fautes, donc les autres sont justes un peu illettrismes et analphabétismes (fonctionnel ou non) : « suck my dick ».

T’es xyz en termes de titres professionnels je te golden shower.

Etc.

Je suis snob de toutes ces conneries. Bling bling, stylish, etc. etc. Je les emmerde.

Rien ne m’impressionne vraiment.

Les titres, le clinquant, etc. Je regarde ça et bof bof bof. « Rimjob me ».

Voilà.

Alors, oui si j’ai appris une chose ici c’est que tout ce foutoir est simplement une vraie merde. »

Snob & Blasé

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