
« Au Moyen-Orient, dans cette région dévastée par les dictatures, les guerres et le terrorisme, la visite en mars du pape auprès des chrétiens d’Irak et sa rencontre avec l’ayatollah Al-Sistani offrent un petit signe d’espoir. Si les tensions religieuses restent très présentes dans la région, elles sont pour l’instant contenues (le califat de Daech a chuté, Israël se rapproche de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe), tandis que l’aspiration à la réconciliation entre communautés se fait plus audible.
Certes, les promesses de changement des « printemps arabes » n’ont pu être tenues. Presque partout des contre-pouvoirs autoritaires se sont réinstallés. Obnubilée par la menace islamiste et la lutte contre Daech, la communauté internationale a laissé faire cette reprise en main, quand elle ne l’a pas encouragée. L’idée selon laquelle des « pouvoirs forts » garantiraient mieux la stabilité régionale et internationale a pourtant fait long feu : du Liban à l’Afghanistan ou de l’Iran à l’Irak, les risques d’embrasement au Moyen-Orient continuent de peser sur le monde entier.
Dans ce paysage en ruine, malgré le désastre humain, la survie économique et la terreur étatique ou milicienne, les mots d’ordre de la rue en 2010 et 2011, contre la corruption et l’arbitraire, pour la dignité politique et la justice sociale, ne sont pas pour autant oubliés. Au Liban, les manifestations se poursuivent ; en Iran et en Irak, la contestation couve toujours ; en Syrie, où rien n’est plus possible à l’intérieur du pays, ce sont des collectifs de citoyens et des associations qui s’organisent à l’extérieur, collectent les preuves, accompagnent les victimes et portent plainte, comme récemment à Paris pour les bombardements chimiques d’août 2013.
Avec ténacité et courage, malgré les menaces de représailles, ces militants et citoyens syriens s’appuient sur la compétence universelle, grâce à laquelle des juges nationaux peuvent et doivent poursuivre les crimes internationaux les plus graves, même s’ils ont été commis en dehors du sol national sur des non-ressortissants par des auteurs étrangers. Cette compétence universelle n’est pas absolue. Elle est souvent conditionnée et ne permet généralement que de juger des exécutants comme Eyad Al-Gharib, condamné à une peine de quatre ans et demi d’emprisonnement par un tribunal allemand en février pour l’arrestation d’une trentaine de manifestants syriens livrés à une branche de renseignement du régime pratiquant la torture. Son supérieur, chef du service d’enquête de cette branche, est également jugé par le même tribunal. De plus, l’Allemagne comme la France ont émis des mandats d’arrêt à l’encontre de hauts responsables syriens. Même s’il sera difficile d’arrêter ces derniers, ces procédures signalent le refus de l’impunité. Elles préparent de futurs procès et permettent, dans le cadre de ceux qui peuvent déjà se tenir, de reconnaître et de nommer le mal commis : les crimes contre l’humanité du régime syrien contre sa propre population, les crimes de génocide de Daech contre les yézidis.
Quant à la justice pénale internationale, si son bilan a souvent été décevant ces dernières années (pensons par exemple au Tribunal spécial pour le Liban autour de l’assassinat de Rafiq Hariri), elle fait néanmoins à son tour des incursions notables – donc fortement combattues par ses adversaires – au Moyen-Orient. Le nouveau procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, est un avocat chevronné, spécialiste des droits humains, qui a multiplié les expériences significatives dans ce domaine, dirigeant notamment l’enquête spéciale des Nations unies sur les crimes du groupe État islamique en Irak. Dès sa prise de fonction, il aura pour tâche de conduire les enquêtes ouvertes par la CPI pour crimes de guerre en Afghanistan et dans la bande de Gaza.
Autant de signes préliminaires d’une dynamique qui se poursuit et qu’il nous faut soutenir, tant le sentiment que le crime reste impuni, ou même ignoré, est destructeur à terme. Mais il faut aussi souligner que la demande de justice qui se fait jour déborde le champ pénal. Tout comme les mouvements qui portèrent les printemps arabes il y a dix ans, elle est aussi et d’abord une demande de dignité politique. Si c’est cette justice « par le bas » qui est la plus active aujourd’hui, portée par les mêmes hommes et femmes qui se sont soulevés il y a dix ans, la mobilisation doit aussi se poursuivre sur le plan politique, pour ne pas abandonner l’espoir de construire dans la région des États de droit. Or dans ce domaine, les ambitions et les actions des États, y compris des États européens, ne sont pas suffisantes, tant elles continuent de privilégier le point de vue des régimes sur celui de leurs populations, même lorsque celles-ci aspirent à s’en émanciper. Au-delà de la dimension spirituelle des messages prononcés par le pape en Irak, ces enjeux sociaux et politiques affleurent dans ses mots simples mais profonds : « Après une crise, il ne suffit pas de reconstruire, il faut le faire bien, de manière à ce que tous puissent mener une vie digne. » »
– « Éditorial. Une demande de dignité », Esprit, 2021/4 (Avril), p. 5-7.

Lectures supplémentaires / complémentaires – Curiosités / Partages / Invitation(s) au voyage :
- scholar.archive.org (Internet Archive Scholar)
- Le juge et son éthique, par Antoine Garapon
- Affaire Ongwen : Le verdict qui « sauve » la situation ougandaise, par Ghislain Mabanga
- Les leçons du verdict du 4 février 2021 :
- La reconnaissance du mariage forcé comme crime contre l’humanité
- Les premiers jalons de jurisprudence sur le crime de grossesse forcée
- Ghislain Mabanga, « La parole politique de l’accusé, épée de Damoclès sur son droit à la liberté ? Le cas de l’affaire Laurent Gbagbo. », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés
- Les leçons du verdict du 4 février 2021 :
- Arenas of Interaction: The Relationship between International Criminal Law and International Human Rights Law, by Mark Kersten
- [extraits : « The following is a guest post by Emily Tsui. Emily is a Juris Doctor/ Master of Global Affairs candidate at the University of Toronto. The following is the author’s reflection of her experience at the 2021 Online Winter Courses of the Hague Academy of International Law. This blogpost and the author’s attendance at the Hague Academy are supported by the Canadian Partnership for International Justice and the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada. » – « In the International Criminal Court’s (ICC) recent and lengthy trial judgment in the case of Dominic Ongwen, the Trial Chamber made several references to the jurisprudence of human rights courts, instruments, and documents. These references included 12 citations to the European Court of Human Rights (ECtHR); 14 citations to the Inter-American Court of Human Rights (IACtHR); several citations to instruments such as the Universal Declaration of Human Rights, the International Covenant of Civil and Political Rights, and the Convention on Consent to Marriage; and multiple citations to various reports by the United Nations (UN) High Commissioner for Human Rights. The references highlight one way of how the ICC engages with human rights law in its work in adjudicating international criminal cases. The following post discusses why the relationship between international criminal law and international human rights law matter, and the crucial role that human rights activists and institutions have in developing this relationship. » – « Outside of formal consultation processes, the ongoing work of human rights institutions contributes to the development of the substance of international criminal law, even if the objective of the institutions’ work is not explicitly to develop international criminal law. In Dominic Ongwen’s case, the Trial Chamber cited the UN Commission on Human Rights Special Rapporteur’s Report on Contemporary Forms of Slavery to note that the term “sexual slavery” understood within the crime of enslavement under Article 7(1)(g) and Article 8(2)(e)(vi) “may refer to acts carried out through sexual means or by targeting sexuality.” This expands existing definitions of the term “sexual” to beyond acts of rape, penetration, and physical context towards an updated notion of what sexual slavery constitutes. Human rights activists and institutions can also facilitate the continued relevance of international criminal law. They work to collect information, preserve evidence, and bring public attention to potential breaches of international criminal law. This can potentially lead to the opening of investigations at the ICC. The Office of the Prosecutor’s recent decision to request authorisationfrom the Judges of the Pre-Trial Chamber of the Court to open investigations in Ukraine was partially based off preliminary examinations of evidence documented by the United Nations Office of the High Commissioner for Human Rights. Furthermore, human rights activists can be instrumental in lobbying for the creation a new tribunal, such as the International, Impartial and Independent Mechanism (IIIM) for crimes committed during the Syrian Civil War. The choice of human rights activists and officials to turn international criminal law institutions to seek remedies for injustice, strengthens the legitimacy of institutions like the ICC and the IIIM. » – « International criminal law and international human rights law interact in many ways. This interaction contributes to the harmonization of standards of justice among international courts and tribunals, the strengthening of institutional legitimacy, the development of international criminal law and human rights law in substance, and the promotion of justice where there might not otherwise be. To continue promoting this interaction, it is important to create arenas for interaction between international criminal law and international human rights practitioners continue to be developed.« ]
- DISPARITION FORCÉE DE ROY RIVERA : DIX ANS SANS RÉPONSES ET SANS JUSTICE AU MEXIQUE (Irma Leticia Hidalgo Rea contre Mexique)
- [extraits : « Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2011, un groupe d’hommes lourdement armés est entré par effraction dans la maison de Mme Hidalgo Rea. Après avoir menacé et violemment frappé les membres de sa famille, les hommes ont emmené son fils Roy (alors âgé de 18 ans). Depuis, personne ne sait ce qui lui est arrivé ni où il se trouve, et aucun coupable n’a été mis en cause ou jugé. Suite à une plainte déposée par TRIAL International et le Centro Diocesano para los derechos humanos Fray Juan de Larios au nom de Mme Hidalgo Rea devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, l’affaire a été gagnée en mars 2021. Le Mexique est sommé d’enquêter sur la disparition et d’accorder des réparations à Mme Hidalgo Rea. » – « Le 25 mars 2021, le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies a jugé que l’enlèvement de Roy Rivera Hidalgo à son domicile à Nuevo León devait effectivement être considéré comme une disparition forcée. Le Comité a donc sommé le Mexique d’enquêter sur sa disparition, de partager les informations sur son sort et d’accorder des réparations à sa mère. »]
- Universal Jurisdiction Annual Review 2021
- La prétention chinoise à l’universalité, par Anne Cheng
- Call It Like It Is: The Genocide in Xinjiang – by Sophie Barnett
- [extraits : « This article explores China’s treatment of its Uyghur minority population in Xinjiang. It relies on news reports from recognized news agencies as well as a recent report by the Newlines Institute for Strategy and Policy and the Raoul Wallenberg Centre for Human Rights (Newlines Report), which is based on public and leaked government communications, eyewitness testimony, and open-source research methods. These sources are assumed to be generally accurate in order to explore the international legal implications. » – « The international resistance to use the “genocide” label can be explained by many factors. This article explores –and dismisses – two. First, genocide is a difficult crime to prove, and there is much controversy surrounding the legal thresholds to sustain a finding. Second, a finding of genocide activates certain responsibilities under the Genocide Convention, which would undoubtedly anger China. Nevertheless, this article concludes that not only is there sufficient evidence to sustain a finding of genocide in Xinjiang, but that the international community must act their according obligation to stop it. » – « Genocide is a specific intent crime, with Article II of the Genocide Convention – to which China is a State party – requiring the commission of specified acts “with intent to destroy, in whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group.” Since China’s policies target millions of Uyghurs primarily within Xinjiang, there is little doubt that the “in whole or in part” standard – which is interpreted by the International Court of Justice (ICJ) in Bosnia v Serbia at para 198 as a “substantial part” that is “significant enough to have an impact on the group as a whole” – is met. » – « However, States and scholars disagree as to whether the requisite “intent to destroy” refers to physical (biological) destruction only. The State Department OLA and other States hesitant to make a finding of genocide appear to rely on the fact that drafters excluded cultural genocide from the definition of genocide under the Genocide Convention, and thus look squarely for evidence of the biological destruction of physical beings through imposed extinction (primarily mass killings, which are not a prominent feature of Chinese actions in Xinjiang). But as Ciara Finnegan observes, such an approach is narrow and excludes key aspects of the Chinese government’s plans against the Uyghur people, including assimilationist policies, the mandatory Han Chinese “homestays” in Uyghur households, the “vocational education centres,” restrictions on Uyghur education, the institutionalization of Uyghur children in state-run facilities, and the destruction of mosques and other cultural sites. As Raphael Lemkin – who founded the term “genocide” (and intended for the definition to include cultural genocide) – said in 1953 in respect of Russian action in Ukraine: “If the Soviet programme succeeds completely, if the intelligentsia, the priests and the peasants can be eliminated, Ukraine will be as dead as if every Ukrainian were killed, for it will have lost that part of it which has kept and developed its culture, its beliefs, its common ideas, which have guided it and given it a soul, which, in short, made it a nation rather than a mass of people [emphasis added].” The same can be said with regards to the Uyghurs in Xinjiang. In line with this approach, the Newlines Report – in which a team of 50 international legal experts conclude that there is, in fact, a genocide occurring in Xinjiang – argues that “the term … is not qualified by any term connoting physical destruction” but rather “is only qualified by the phrase “in whole or in part … as such” [and thus] … “the meaning of “intent to destroy” is directed at the group’s existence as such.” The use of cultural destruction as evidence of specific intent to destroy was accepted by the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia (ICTY) in Prosecutor v Krstić and the ICJ in Bosnia v Serbia. In Krstić, the ICTY Trial Chamber held, at para 580: “[W]here there is physical or biological destruction there are often simultaneous attacks on the cultural and religious property and symbols of the targeted group as well, attacks which may legitimately be considered as evidence of an intent to physically destroy the group.” » – « It then discusses the Chinese government’s systematic campaign to destroy “Uyghur families, communal bonds, sacred sites, and the intergenerational transmission of religion, tradition, culture, and language” as evidence of special intent to destroy. Together, the Newlines Report asserts, these pieces show that “China’s policies and practices targeting Uyghurs in the region … amounts to an intent to destroy the Uyghurs as a group, in whole or in substantial part, as such” (p.4). China justifies these and other acts as efforts to curb alleged Uyghur acts of terrorism, as evidenced by President Xi’s launching of the People’s War on Terror in Xinjiang in 2014. However, as Newlines Report comments, the stated justifications for acts of genocide are irrelevant to a finding of the requisite intent under the Genocide Convention. They may nevertheless evidence awareness of certain acts and outcomes by State actors, thereby challenging any anticipated defences that the mens rea requirement is not satisfied. » – « In addition to the requisite intent, Article II outlines five categories of acts of genocide. They are: (a) mass killing; (b) causing serious bodily or mental harm to members of the group; (c) deliberately inflicting conditions of life calculated to bring about a group’s destruction in whole or in part; (d) preventing births; and (e) forcibly transferring children to another group. » – « The Duty to Prevent Genocide » – « Nevertheless, under Article I of the Genocide Convention, States have an obligation to prevent genocide. Appropriate responses vary, but may include sanctions, boycotts, and other measures – expressly imposed in response to the imminent or ongoing genocide – designed to force China’s hands. As the International Court of Justice (ICJ) explained in Bosnia v Serbia at para 430: “[I]t is clear that the obligation in question is one of conduct and not one of result, in the sense that a State cannot be under an obligation to succeed, whatever the circumstances, in preventing the commission of genocide: the obligation of States parties is rather to employ all means reasonably available to them, so as to prevent genocide so far as possible. A State does not incur responsibility simply because the desired result is not achieved; responsibility is however incurred if the State manifestly failed to take all measures to prevent genocide which were within its power, and which might have contributed to preventing the genocide. In this area the notion of “due diligence”, which calls for an assessment in concreto, is of critical importance [emphasis added].” » – « Whether the State has properly discharged its obligation to prevent genocide is determined with regards to various considerations. In Bosnia v Serbia, the ICJ emphasized the State’s capacity to “influence effectively the action of persons likely to commit, or already committing, genocide.” Capacity depends on factors including “the geographical distance of the State concerned from the scene of the events, and on the strength of the political links, as well as links of all other kinds, between the authorities of that State and the main actors in the events.” Further, since a State “may only act within the limits permitted by international law,” its “capacity to influence may vary depending on its particular legal position vis-à-vis the situations and persons facing the danger, or the reality, of genocide.” » – « Further, Article VIII allows States to intervene in a genocide by calling on “the competent organs of the United Nations to take such action under the [UN] Charter …. [a]s they consider appropriate for the prevention and suppression of acts of genocide.” As the ICJ explains in Bosnia v Serbia at para 427: “The obligation on each contracting State to prevent genocide is both normative and compelling. It is not merged in the duty to punish, nor can it be regarded as simply a component of that duty. It has its own scope, which extends beyond the particular case envisaged in Article VIII, namely reference to the competent organs of the United Nations, for them to take such action as they deem appropriate. Even if and when these organs have been called upon, this does not mean that the States parties to the Convention are relieved of the obligation to take such action as they can to prevent genocide from occurring, while respecting the United Nations Charter and any decisions that may have been taken by its competent organs [emphasis added].” » – « Evidently, multiple avenues are available to States to act on their responsibilities. Although China has reserved to Article IX of the Genocide Convention, which allows for State parties to unilaterally submit disputes including State responsibility for genocide to the ICJ and, not being a State party to the Rome Statute, does not recognize the jurisdiction of the International Criminal Court, this does not relieve States of their duty to prevent the genocide in Xinjiang. »]
- Sophie Barnett, “Call It Like It Is: The Genocide in Xinjiang” (2021), 5 PKI Global Justice Journal 14.
- Néolibéralisme versus libéralisme ?, par Michaël Fœssel
- Schmid, L. (2021). Changer d’État: Introduction. Esprit, 4(4), 31-35.
- [Extrait : « Les attentes de la société ont changé et l’envie d’être associé à ce qui était encore il y a peu considéré comme des domaines réservés des ministères est irrépressible. Éducation, transports, politique énergétique, aménagement du territoire, ce sentiment des citoyens d’avoir « leur mot à dire » ne peut plus être ignoré. Les aspirations à une vraie démocratie délibérative sont partie prenante du désir d’un autre État. Il faut encore leur donner forme dans des espaces et une temporalité adaptés, sans mettre de côté les institutions. Il appartient désormais à la société, aux citoyens, à chacun d’entre nous, de prendre au sérieux ces nouvelles responsabilités, et que des contre-pouvoirs, qui ne soient pas seulement d’interpellation ou de récrimination mais de propositions concrètes, émergent à l’échelle nationale. Changer les institutions pour mieux garantir leur pérennité démocratique, telle pourrait être la perspective de la réconciliation entre État et société que ce dossier explore et que nous appelons de nos vœux. »]
- Soriano, S. (2021). Les impasses de l’État stratège. Esprit, 4(4), 61-67.
- Febvre-Issaly, M. (2021). L’État face à son impuissance. Esprit, 4(4), 45-51.
- « Que peuvent faire les collectivités ? », Esprit, 2021/4 (Avril), p. 53-60.
- Schmid, L. (2021). L’État et nous. Esprit, 4(4), 79-85.
- Cantin, S. (2021). La mémoire en péril: L’inquiétude de Fernand Dumont. Esprit, 4(4), 101-112.
- Hartmann, F. (2021). Pourquoi se souvenir de Srebrenica ?. Esprit, 4(4), 113-120.
- « Cultures », Esprit, 2021/4 (Avril), p. 131-188.
- Transidentité – Wikipédia
- Identité de genre – wikipédia
- « La bispiritualité (two-spirit en anglais) est la traduction du terme anishinaabemowin niizh manidoowag, qui réfère aux personnes s’identifiant comme ayant un esprit masculin et un esprit féminin. » – L’Encyclopédie Canadienne
- Bispiritualité – wikipédia
- Bispiritualité : se réapproprier son identité de genre – Radio Canada
- « Aujourd’hui, des milliers de personnes ont manifesté partout à travers le Québec contre les #féminicides. Voici le texte de la prise de parole de la présidente de la LDL, Alexandra Pierre, lors de la manifestation à Montréal. […] Nous sommes ici aujourd’hui parce que 8 femmes ont été assassinées dans les 8 dernières semaines. 1 par semaine. Mes pensées vont d’abord à leurs familles et à leurs proches. Ces 8 femmes – 13 depuis le début de la pandémie – ont été assassinées par des ex ou des conjoints, mais il faut garder en tête que ces féminicides arrivent dans un contexte : les violences sociales, politiques, économiques à l’égard des femmes sont monnaie courante; elles sont systémiques. Ces violences ont des impacts particuliers sur certaines d’entre nous, par exemple celles qui vivent en situation de handicap ou celles aux prises avec des systèmes d’immigration sexistes et racistes. Ces violences conjugales s’insèrent dans la même logique que les autres violences que les femmes continuent à subir au Québec. Ces violences qui minent leurs droits à la sécurité, à l’égalité, à l’intégrité physique, leur droit à la vie même. Ces violences qui font que leurs droits au logement, au travail décent, à une sécurité économique sont quotidiennement bafoués. Pour que cela cesse enfin, on doit bien sûr agir sur la violence des conjoints et des ex, mais ça ne peut pas se limiter à cela. Il faut aussi regarder en face les violences et la négligence des autorités policières, juridiques et politiques et les dénoncer. Le gouvernement du Québec doit commencer à prendre au sérieux ces féminicides et tout ce qui les rend possibles. Et des solutions existent : augmenter et financer adéquatement les ressources pour les femmes victimes de violence conjugale, notamment celles pour les femmes particulièrement marginalisées, offrir des cours d’éducation à la sexualité et aux relations égalitaires dignes de ce nom, légiférer pour assurer un salaire minimum viable, garantir des conditions de vie décentes aux femmes en situation de handicap, construire des logements sociaux, combattre le racisme systémique et bien d’autres choses. C’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui à Montréal et que des milliers d’autres marchent ou se rassemblent partout à sur le territoire. Nous continuerons à nous battre pour ces femmes assassinées, pour nous ici maintenant et pour celles qui viendront après, pour que les droits de toutes soient ENFIN respectés. » – (via publication page facebook de la Ligue des Droits et libertés)
- (via partage publication de la page facebook de La Ligue des Droits & Libertés : « Avril est le mois de l’autisme! » – « Le respect de la diversité ça nous allume! » [d’après la publication facebook le prochain numéro de la revue LDL – printemps/été 2021 contiendra « un dossier spécial sur le capacitisme : droits, inclusion et handicaps »]
- Civitas confusionis en débat – Revue de l’histoire des religions 2021/1 (Tome 238)
- Destephen, S. (2021). Civitas confusionis en débat: Avant-propos. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 5-8.
- Perrin, M. (2021). Aux origines de Civitas confusionis: Quelques précisions. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 9-15.
- Sère, B. (2021). Une histoire socio-culturelle du peuple chrétien : regards d’une médiéviste. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 39-46.
- Quantin, J. (2021). La place des laïcs dans les lectures modernes des controverses antiques : libres réflexions inspirées par Civitas confusionis à un historien moderniste. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 47-70.
- Le Brun, J. (2021). L’Augustinus de Jansenius, théologie positive, spiritualité, anthropologie. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 71-86.
- Cseke, A. (2021). Vita spiritualis. Hadot, Foucault et la tradition des exercices spirituels. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 87-124.
- Adankpo, O. (2021). Marie-Laure Derat, L’énigme d’une dynastie sainte et usurpatrice dans le royaume chrétien d’Éthiopie du XIe au XIIIe siècle: Turnhout, Brepols (« Hagiologia », 14), 2018. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 149-151.
- Besson, F. (2021). Irene Bueno et Camille Rouxpetel (dir.), Les récits historiques entre Orient et Occident (XIe-XVe siècle): Rome, École française de Rome, 2019. Revue de l’histoire des religions, 1(1), 151-154.
- Les recits historiques entre orient et occident (xie-xve siecle)
- La Littérature – Le Philosophoire 2021/1 (n° 55)
- Citot, V. (2021). Éditorial: La philosophie entre Lettres et sciences. Le Philosophoire, 1(1), 7-9.
- Vidmar Jovanović, I. (2021). Littérature et philosophie : intersection et frontières. Le Philosophoire, 1(1), 123-155.
- Trabelsi, M. (2021). Figures de l’altérité dans le roman de Philip Roth The Human Stain. Le Philosophoire, 1(1), 157-172.
- Simonetta, L. (2021). La littérature ou l’intelligence de l’âme. Le Philosophoire, 1(1), 35-48.
- [extrait : « Quant à la philosophie des Lumières, elle a longtemps été méprisée par les philosophes parce qu’elle était trop littéraire. Il est difficile, de l’autre côté, de faire valoir des critères permettant de classer une œuvre dans le registre philosophique : la philosophie ne se distingue pas par son caractère méthodique, car certains philosophent de façon désordonnée, comme Pascal, ou de façon dialoguée, comme Malebranche ou Diderot, ou encore dans des méditations qui n’ont rien de systématique. Elle n’a donc pas de forme officielle mais se pratique tout autant dans des traités systématiques que dans des rêveries, des contes, des lettres, et finalement dans toutes les formes littéraires. Ainsi, à l’âge classique, on fait œuvre de philosophie dans ce qui relève à nos yeux de la littérature, le plaisir littéraire n’empêchant pas la pensée, et même parfois, la rendant plus efficace – pensons à La Fontaine définissant ses fables comme d’agréables mensonges qui disent la vérité – ou simplement possible, quand ces vérités sont subversives. Sur ce point, la littérature libertine invalide par excellence la partition entre littérature et philosophie . Il n’y a pas jusqu’aux romans d’aventure ou aux pièces de théâtre qui ne puissent comporter une portée philosophique. L’originalité de l’approche littéraire serait de faire apparaître le concept à partir des aventures individuelles – et Descartes, présentant le Discours de la méthode comme le récit de sa vie, exhibe ainsi son originalité par rapport à la philosophie scolastique. Qu’à partir de récits individuels les auteurs élaborent une théorie de l’homme, cela est clair – et la portée universelle de la littérature est sur ce point indéniable. Mais qu’y aurait-il que la littérature permette de penser en propre grâce à cela ? Ne fait-elle que montrer de façon concrète et imagée ce dont parle la philosophie ? N’a-t-elle qu’une vertu exemplaire, illustrative, pédagogique ? Ou peut-elle exhiber des faits que la philosophie ne permet pas de prendre en compte et qu’il faudrait penser ? Écrire l’ineffable : le cas de la mystique »]
- Vinclair, P. (2021). Penser l’effort des textes: Et déraciner les études littéraires avec Platon. Le Philosophoire, 1(1), 49-68.
- Haber, S. (2021). Échos kantiens et hégéliens dans Les Misérables de Victor Hugo. Le Philosophoire, 1(1), 69-99.
- Galabru, S. (2021). Usages éthiques du récit littéraire. Le Philosophoire, 1(1), 101-121.
- Brandelet, A. (2021). Induction et loi naturelle chez Mill. Le Philosophoire, 1(1), 205-224.
- Citot, V. (2021). Éditorial: La philosophie entre Lettres et sciences. Le Philosophoire, 1(1), 7-9.
- Revue de philosophie économique 2020/2 (Vol. 21)
- Pilkington, M. (2020). Is the New Monetary Consensus Still Alive? A Critical Economic and Philosophical Appraisal. Revue de philosophie économique, 2(2), 7-49.
- Reinhard, M. (2020). Speculative Societies – Towards a new Research Agenda. Revue de philosophie économique, 2(2), 51-81.
- Ottaviani, F. & Steiler, D. (2020). Penser la paix économique : au-delà de l’harmonie sociale, les conditions de pacification de l’économie. Revue de philosophie économique, 2(2), 83-113.
- Metzger, J. (2020). Politique et gouvernementalité gestionnaire : une lecture arendtienne. Revue de philosophie économique, 2(2), 115-143.
- Davis, J. (2020). Change and Continuity in Economic Methodology and Philosophy of Economics. Revue de philosophie économique, 2(2), 187-210.
- Distanciation – Revue de neuropsychologie 2021/1 (Volume 13)
- Nespoulous, J. (2021). La « distanciation » ou les vicissitudes d’un mot au temps du coronavirus…. Revue de neuropsychologie, 1(1), 7-9.
- Lamarre-Choinière, D. & Lippé, S. (2021). Impact de la Covid-19 sur les symptômes de dépression et d’anxiété des femmes enceintes : une revue de littérature. Revue de neuropsychologie, 1(1), 15-28.
- [extraits : « Comme la Covid-19 peut entraîner des conséquences graves pour la santé, des mesures d’hygiène doivent être respectées afin d’en limiter la propagation. Il est recommandé de pratiquer la distanciation sociale et de se placer en isolement en cas de contamination. Ces contraintes sont susceptibles d’avoir des conséquences sur le bien-être psychologique. Nous savons que les personnes qui vivent une crise sanitaire souffrent de détresse psychologique en raison des impacts psychosociaux qui y sont associés. Une étude menée en Chine a montré que la crise sanitaire de la Covid-19 serait comparable à un événement traumatisant. Certaines personnes auraient développé des Post-Traumatic Stress Symptoms. Les chercheurs ont également identifié que ces symptômes touchaient davantage les femmes. Les conséquences psychosociales de la pandémie seraient encore plus déterminantes auprès des populations vulnérables. Ces études montrent que l’isolement social peut entraîner des symptômes de dépression et d’anxiété surtout chez les personnes à risque. Par conséquent, les femmes enceintes seraient importantes à considérer. En effet, selon l’étude d’Alipour et al., les femmes enceintes sont une population vulnérable en ce qui concerne leur santé mentale en particulier car elles sont sensibles à la qualité de leur environnement social. La santé mentale des femmes enceintes est déterminante pour le développement de leur enfant. L’anxiété vécue par les femmes enceintes peut nuire au développement du cerveau de l’enfant. Plusieurs études suggèrent l’existence d’une origine développementale des maladies (Developmental Origins of Health and Diseases, DOHaD) du fait que l’épigénome est particulièrement sensible à l’environnement pendant cette période. Nous avons récemment démontré que le stress au deuxième trimestre de grossesse est associé à la survenue plus précoce d’un événement convulsif chez les jeunes enfants qui présentent une convulsion au cours de leur enfance. Les conséquences du stress prénatal ont plusieurs fois été démontrées au plan cognitif pendant l’enfance, en plus d’augmenter le risque de développer des symptômes dépressifs à l’adolescence. Ainsi, le stress vécu par la femme pendant la grossesse peut avoir des impacts sur le développement de l’enfant tout au long de sa vie. Certains facteurs psychosociaux influencent la santé mentale des femmes enceintes. Les femmes ayant un pauvre soutien social ont davantage de symptômes dépressifs, ce qui peut nuire à leur grossesse. Enfin, une étude prospective réalisée auprès de femmes enceintes depuis leur deuxième semestre de grossesse jusqu’à un an après l’accouchement a identifié que les facteurs interpersonnels sont déterminants dans la dépression. Le soutien social semble aider à réduire ces symptômes. En somme, ces études suggèrent que les femmes enceintes sont vulnérables aux impacts psychologiques de la distanciation sociale lors d’une pandémie. Par contre, elles sont actuellement peu considérées dans les études sur la question. Il est pertinent d’étudier le vécu de cette population pendant cette crise puisqu’elles sont sensibles aux implications psychosociales de la crise actuelle et que les symptômes psychologiques qu’elles risquent de développer peuvent influencer la santé de leur enfant. La crise de la Covid-19 s’accompagne de facteurs de stress, tels que l’incertitude par rapport au risque de contracter la maladie et des modifications dans les habitudes de vie, dont la distanciation sociale et les mesures d’hygiène sévères. Ces facteurs sont susceptibles d’influencer le bien-être psychologique des femmes enceintes et le soutien qu’elles recevront après la naissance de leur enfant. Des études ont montré que les mesures de quarantaine auraient affecté émotionnellement les femmes enceintes, et que les symptômes de dépression et d’anxiété étaient plus élevés chez les femmes enceintes pendant la pandémie. Ils soulèvent alors l’importance de fournir un soutien social auprès des femmes enceintes lors d’une crise. La situation actuelle est donc une occasion inédite de s’intéresser aux conséquences de la crise chez les femmes enceintes. De ce fait, il est pertinent de faire un état des connaissances sur l’impact de la Covid-19 auprès des femmes enceintes. L’objectif général de la recherche est d’étudier comment les facteurs de stress reliés à la pandémie influencent la santé psychologique des femmes enceintes. Nous allons plus particulièrement identifier leurs symptômes de dépression et d’anxiété. Enfin, nous voulons aussi identifier s’il existe des facteurs de risque et de protection face à ces symptômes. »]
- Dethoor, A., Hainselin, M. & Duclos, H. (2021). Vers une approche multidimensionnelle de l’autonomie. Revue de neuropsychologie, 1(1), 29-33.
- [extraits : « Du grec autos (soi-même) et nomos (loi, règle), le terme autonomie correspond à la capacité de se gouverner soi-même. Il s’agit d’une notion complexe, étudiée dans différentes disciplines (i.e., la psychologie clinique et de la personnalité, la psychologie du développement, la neuropsychologie, la psychologie du travail ainsi que le droit, la philosophie et la médecine). Par conséquent, il n’existe pas de définition commune de l’autonomie. Ce manque de consensus dans la littérature a des conséquences sur l’élaboration des outils d’évaluation de l’autonomie. […] Plus récemment, des outils mesurant l’autonomie fonctionnelle ont inclus des items sociaux. L’objectif de cet article est de proposer une vision multidimensionnelle de l’autonomie en présentant les concepts et les outils d’évaluation neuropsychologiques disponibles. Le besoin d’une définition intégrative commune de l’autonomie est essentiel afin de comprendre le fonctionnement de la personne dans son intégralité, ainsi que pour choisir et développer les outils et accompagnements adaptés. […] L’autonomie a longtemps été décrite comme la capacité d’être seul, de penser et d’agir de manière indépendante, puis cette définition a été critiquée, car elle ne prenait pas en compte la capacité d’initier et de maintenir des relations sociales. Les dimensions multiples de l’autonomie, sur le plan psychologique, fonctionnel, professionnel, social sont décrites dans la littérature. L’intégration d’une dimension numérique (i.e., informatique, télécommunication, Internet) nous semble importante, compte tenu de l’évolution de la société. Plusieurs travaux existent sur chacune de ces dimensions, mais aucune synthèse ne les intègre toutes. L’autonomie psychologique et l’autonomie fonctionnelle sont activement étudiées, tandis que l’autonomie sociale et l’autonomie professionnelle commencent à être incluses dans les outils d’évaluation, mais ne disposent pas de définition, tout comme la dimension numérique. Dans cet article, nous proposons des définitions permettant de mieux appréhender ces concepts de façon individuelle et au sein d’une approche multidimensionnelle de l’autonomie. […] De nombreux concepts comme l’indépendance, l’autodétermination et le handicap permettent une meilleure compréhension de l’autonomie. Ils sont également à l’origine de confusions dans la littérature. Indépendance et autonomie : Si indépendance et autonomie sont parfois indifférenciées, plusieurs études proposent une distinction à travers deux visions différentes. La première est la vision biomédicale de l’indépendance qui correspond à la capacité de réaliser des activités de la vie quotidienne, sans aide humaine. Elle s’acquiert au cours du développement et est fondée sur les capacités fonctionnelles et cognitives de la personne, par exemple un enfant qui dépend de ses parents jusqu’à un certain âge. En grandissant, l’enfant gagne en indépendance, réalisant lui-même différentes activités. À l’inverse, la dépendance survient, lorsque perdure une incapacité à exécuter une activité de la vie quotidienne. L’utilisation d’une aide extérieure (e.g., canne) ne remet pas en cause l’indépendance. Selon la vision biomédicale, l’autonomie reposerait sur les capacités de la personne à prendre des décisions et réaliser des actions au quotidien, sans aide humaine. Par conséquent, l’indépendance serait un aspect de l’autonomie et non son synonyme. La seconde vision est sociale, où l’indépendance résulte de la caractéristique d’une personne à être isolée. Les êtres humains étant toujours placés dans une situation sociale, l’indépendance totale devient alors théoriquement impossible. Par conséquent, l’individu dépend toujours, plus ou moins, de son environnement, avec lequel il est en relation. Cette relation est réciproque et il est donc question d’interdépendance. L’individu se place dans une relation d’échanges, permettant à la fois de donner et de recevoir d’autrui. Selon la vision sociale, l’autonomie se développerait grâce à nos relations avec autrui et notre capacité à gérer nos interdépendances sans entraver nos propres envies et buts. L’autonomie, de par son étymologie, renvoie au droit et à la capacité de se gouverner soi-même, à la prise d’initiative et au sentiment de liberté. Une personne peut être indépendante, mais ne pas faire preuve d’autonomie. Par exemple, un enfant peut être poussé à agir selon les attentes de ses parents. Cet enfant est capable de réaliser l’activité, mais l’initiative ne vient pas de sa propre volonté. L’autonomie est également en lien avec la dépendance, puisque cette liberté est relative à l’environnement, aux normes et aux lois dictées par la société. Par ailleurs, l’autonomie se développe grâce à nos interdépendances familiales, professionnelles, scolaires et culturelles. L’autonomie représenterait la gestion de ses propres dépendances, interdépendances et les capacités permettant l’indépendance, tout en réalisant des choix et des actions adaptées à nos propres valeurs. L’autodétermination et l’autonomie : … »]
- Ronat, L. & Hanganu, A. (2021). Les interactions entre le sexe, les performances cognitives liées à l’âge et les symptômes neuropsychiatriques. Revue de neuropsychologie, 1(1), 35-41.
- [propositions subjectives de sections de l’article : « Le déclin cognitif chez les femmes et les hommes : différentes trajectoires » / « Modulation de l’impact cognitif des symptômes neuropsychiatriques par le sexe »]
- Voyager, se déplacer : regards cliniques – Le Journal des psychologues 2021/4 (n° 386)
- Conrath, P. & Ouazzani, M. (2021). Hors de soi, ici ou ailleurs ?. Le Journal des psychologues, 4(4), 3
- Daure, I. (2021). Aller ailleurs : un mouvement à la recherche d’un mieux-être. Le Journal des psychologues, 4(4), 12
- Feinte, P. (2021). Le voyage, symptôme de son époque. Le Journal des psychologues, 4(4), 37-41.
- [résumé de l’article : « Composante inhérente à la condition humaine, le concept du voyage et sa concrétisation se sont transformés au fil du temps. Décrivant en premier lieu son évolution historique, l’auteur aborde le voyage en tant que phénomène pathologique, sous l’angle psychanalytique. Les cinq cas cliniques présentés démontrent que l’examen de l’inconscient peut aider à démêler les symptômes qui entravent le sujet et lui permettre de se saisir de sa vérité. » – « Considérations finales : Cette dernière vignette montre que le voyage peut être une figure moderne de la consommation et que, comme dans le cas de Pierre, il peut être rejeté. Depuis la nuit des temps, les voyages sont symptomatiques de la vie des êtres humains. La fin du xixe siècle a vu le concept de voyage pathologique se développer et perdurer. Laurent Rigoulet, journaliste pour Télérama, dans un article du 1er avril 2020 proposait la lecture de Voyage autour de ma chambre, de Xavier de Maistre (2003), en sous-titrant son article : « Le manuel du savoir-vivre confiné ». Un autre voyage, sous la forme de l’exploration de l’inconscient, peut s’envisager comme une élucidation du symptôme dans lequel le sujet est empêtré. On rapporte que Sigmund Freud proposait à ses patients, allongés sur le divan, de dire les pensées qui leur venaient comme s’ils regardaient par la fenêtre d’un train en marche. Cette formule est séduisante et peut illustrer les propos précédents avec ce florilège de rapports au voyage. À vouloir trop se pencher sur les symptômes, le risque est d’en allonger la liste ou d’ouvrir la boîte de Pandore. Le problème de l’observation médicale est d’avoir affaire à une clinique des symptômes et non pas du symptôme. Séduisant, mais peu utile au sujet empêtré dans ses symptômes. Alors, en effet, un patient peut se dégager de ses symptômes et voir sa vérité surgir pour qu’il puisse se saisir de sa vérité et faire usage de sa parole. »]
- Feinte, P. (2021). Le voyage, symptôme de son époque. Le Journal des psychologues, 4(4), 37-41.
- Douville, O. (2021). Ulysse et le voyage initiatique : une actualité ?. Le Journal des psychologues, 4(4), 47-52.
- Del Castillo, S. (2021). Voyager en quête de Soi. Le Journal des psychologues, 4(4), 32-36.
- Foulard, A. (2021). Être bien nulle part ?. Le Journal des psychologues, 4(4), 26-31.
- Tiberghien, M. (2021). Expatriation à l’étranger, quand un ailleurs vient favoriser la mobilité psychique. Le Journal des psychologues, 4(4), 20-25.
- Daure, I. (2021). Changer de lieu, changer de contexte : une ressource quand le couple est mis à mal. Le Journal des psychologues, 4(4), 14-19.
- Marquié, L., Kocer, V. & Lamy, J. (2021). Le repas de deuil en institution : métissage d’un rituel funéraire. Le Journal des psychologues, 4(4), 61-66.
- Brouwet, É. (2021). Le concept de servitude volontaire et son application au travail: Perspectives théoriques et pratiques. Le Journal des psychologues, 4(4), 71-78.
- An Age of Heroes? The setting of the ancient Greek myths, by Josho Brouwers
- [extraits : « The ancient Greek stories about gods and heroes are set in a time long ago. Did the ancient Greeks believe that their tales were set during the period that we today refer to as the Bronze Age? The answer is no, but this requires some qualification. » « An excellent book to read on this subject is John Boardman’s The Archaeology of Nostalgia: How the Greek Re-Created Their Mythical Past (2002). In this book, Boardman shows how the Greeks continuously (re)created their past using stuff that they could not otherwise explain. For example, Mycenaean remains – such as the imposing walls around Mycenae itself, built in the thirteenth century BC, or those of Tiryns (used as this article’s featured image) – were explained in mythological terms (as the work of Cyclopes directed by Perseus). In other words, the Greeks did encounter relics from a more remote time, but they had no clue what they actually were, and instead fitted them into an image of the past that they created according to their own needs. This is a key point to stress. While the stories were set in the past, the ancient Greeks had no idea what that past looked like. There were no archaeologists in the first millennium BC. But they did come across stuff that was clearly older, from the fortifications already mentioned to ancient tombs, like the tholos or beehive tombs in mainland Greece that date back to the Bronze Age (archaeologically speaking) and which the ancient Greeks tried to explain as having belonged to the kings and princes of an imagined age. People in ancient times seldom tried to be realistic in their depiction of events set in the distant past. This is why legendary kings and heroes are usually depicted wearing the clothes and armour of the artist’s own time. The idea that the past could be fundamentally different from the present is a relatively recent development: the result of modern academic study of the past. Of course, none of this has stopped some people in the modern world from trying to “historicize” or “rationalize” ancient Greek myths. For example, the Bronze Age palace at Knossos has a labyrinthine layout and therefore must have served as the inspiration for the story of Theseus and the Labyrinth, despite that fact that probably little remained visible by the time that these stories were starting to do the rounds. Naturally, that way madness lies. »]
- International Journal for the Study of Skepticism – Volume 11 (2021): Issue 1 (Feb 2021)
- Racheli Haliva (ed.), Scepticism and Anti-Scepticism in Medieval Jewish Philosophy and Thought
- Introduction
- Between Philosophic Optimism and Fideistic Scepticism: An Overview of Medieval Jewish Philosophy
- The Purpose of the Guide of the Perplexed, Maimonides’ Theory of Parables, and Sceptical versus Dogmatic Readings of the Guide
- The Origin of the World – An Anti-Sceptical Approach in Medieval Jewish Averroism
- The Sex Life of a Metaphysical Sceptic: Platonic Themes in Gersonides’ Commentary on Song of Songs
- Thomas Pölzler, Moral Reality and the Empirical Sciences
- Wouter Floris Kalf, Moral Error Theory
- Kevin McCain and Ted Poston (eds.), The Mystery of Skepticism: New Explorations
- Procedural Reasons and the Problem of the Criterion
- Is Cartesian Skepticism Too Cartesian?
- Hume’s Certain Doubts: Why We Should Worry Too
- Disagreement Skepticism and the Rationality of Religious Belief
- Pragmatist Anti-Skepticism: at What Price?
- Internalism, Memory, and Skepticism
- The Philosopher’s Doom: Unreliable at Truth or Unreliable at Logic
- Inferential Internalism and the Problem of Unconscious Inference
- Two Strategies for Explaining Away Skepticism
- Reasoning One’s Way Out of Skepticism
- The Skill Model: a Response to Skepticism about the Intellectual Virtues
- Racheli Haliva (ed.), Scepticism and Anti-Scepticism in Medieval Jewish Philosophy and Thought
- Le Maghreb – Hérodote 2021/1 (N° 180)
- Bensaâd, A. (2021). Prélude au soulèvement citoyen du 22 février : la montée des contestations dans les espaces de loyauté du régime. Hérodote, 1(1), 7-31.
- Tilmatine, M. (2021). La Kabylie dans le Hirak algérien. Enjeux et perspectives. Hérodote, 1(1), 32-56.
- Benraad, M. (2021). Al-Qaïda au Maghreb islamique : entre transmutations d’une insurrection djihadiste et géopolitique évolutive de sa « vengeance de sang ». Hérodote, 1(1), 57-71.
- Kajja, K. (2021). Maroc, Algérie : nouvelles tensions sur fond de rivalités de pouvoir entre les deux voisins. Hérodote, 1(1), 72-86.
- « Retour géopolitique sur la situation postcoloniale et l’histoire coloniale de l’Algérie et du Maroc », Hérodote, 2021/1 (N° 180), p. 180-202.
- « Tunisie : un processus démocratique sur le fil du rasoir », Hérodote, 2021/1 (N° 180), p. 98-114.
- Martinez, L. (2021). Afrique du Nord : l’État à l’épreuve des révoltes. Hérodote, 1(1), 149-164.
- Bensaâd, A. (2021). Prélude au soulèvement citoyen du 22 février : la montée des contestations dans les espaces de loyauté du régime. Hérodote, 1(1), 7-31.
- Frantz Fanon [« Tracing the development of his writings helps explain how and why he has become an inspirational figure firing the moral imagination of people who continue to work for social justice for the marginalized and the oppressed. Fanon’s first work Peau Noire, Masques Blancs (Black Skin, White Masks) was his first effort to articulate a radical anti-racist humanism that adhered neither to assimilation to a white-supremacist mainstream nor to reactionary philosophies of black superiority. While the attention to oppression of colonized peoples that was to dominate his later works was present in this first book, its call for a new understanding of humanity was undertaken from the subject-position of a relatively privileged Martinican citizen of France, in search of his own place in the world as a black man from the French Caribbean, living in France. »]
- « La reconnaissance des différences et des altérités » [« Pierre Bouvier, professeur à l’université Paris X-Nanterre, jette des passerelles entre deux figures intellectuelles : Aimé Césaire et Frantz Fanon. »]
- [extraits : « L’identité. Les deux auteurs se seront posé cette question toute leur vie… Césaire dit : « Nègre je suis, nègre je resterai. » Il y a là un élément fondamental sur lequel il ne veut pas transiger. Il refusait cependant de considérer la négritude comme un enfermement. Lors d’un colloque à Miami, en 1987, il a expliqué comment cette notion était aussi une dénonciation du racisme. Frantz Fanon, lui, serait un métis, au sens de l’identité : c’est un Noir martiniquais qui a vécu en Algérie et s’est impliqué dans les indépendances africaines. C’est un combiné de profils assez extraordinaires qui ont fait cet individu très complexe, absolument exceptionnel par sa densité existentielle et sociale. Mais, par des cheminements différents, ces deux hommes ont finalement tendu vers l’universel.« ]
- Fanon, postcolonialism and the ethics of difference, by Azzedine Haddour
- [Summary : « a new reading of Fanon »s work challenging many of the reconstructions of Fanon in critical and postcolonial theory and in cultural studies, probing a host of crucial issues: the intersectionality of gender and colonial politics; the biopolitics of colonialism; Marxism and decolonisation; tradition, translation and humanism. »]
- [extrait de la « Conclusion (pp. 243-256) : In ‘Critical Fanonism’, Henry Louis Gates, Jr hails Fanon ‘as a global theorist: he is an almost irresistible figure for a criticism that sees itself as both oppositional and postmodern’. Fanon’s work appears to Gates as ‘rife with contradiction or richly dialectical, polyvocal, multivalent’, as ‘highly porous, that is, wide open to interpretation’ and ‘as a result, of unfailing symptomatic interest’. »]
- Hall, S. (2014). La vie posthume de Frantz Fanon: Pourquoi Fanon ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi Peau noire, masques blancs ?. Cahiers philosophiques, 3(3), 85-102. – « Ce texte est initialement paru dans A. Read (éd.), The Fact of Blackness : Frantz Fanon and Visual Representation, Londres, Institute of Contemporary Arts, Iniva (Institute of International Visual Arts), 1996, p. 12-37. »
- [extraits : « Mais je ne peux m’empêcher de penser que le rappel de Fanon, aujourd’hui, à ce moment, ici, de cette manière, a quelque chose d’un « retour du refoulé » surdéterminé – une actualité provenant de plusieurs directions, et aussi bien une certaine « in-actualité ». Plutôt que d’essayer de retrouver le « vrai » Fanon, nous devons essayer d’éveiller la vie posthume de Frantz Fanon – ce que Jacques Derrida appellerait, d’après son récent livre sur Marx, son « effet spectral » (était-ce cela, le Mirage du programme ?) –, par des voies qui ne restaurent pas simplement le passé selon le cycle de l’éternel retour, mais qui porteront l’énigme de Fanon, comme Benjamin l’a dit de l’histoire, brillant devant nous au moment du danger. « L’homme colonisé qui écrit pour son peuple » – c’est-à-dire, bien sûr, l’homme et la femme colonisés, l’élision de Fanon est aussi caractéristique qu’inactuelle – « quand il utilise le passé doit le faire dans l’intention d’ouvrir l’avenir, d’inviter à l’action, de fonder l’espoir », fit observer Fanon. Quelle action, quel espoir se proposent à nous ici ? Et pourquoi, de tous ses écrits, est-ce Peau noire, masques blancs qui soutient ces aspirations ? Pendant des années, c’est la réflexion sur les mouvements de libération nationale, dans Les Damnés de la terre, avec son appel à la lutte anticoloniale violente sur des bases renouvelées et épurées, qui a constitué, pour beaucoup, une « invitation à l’action » – et pour les autres le spectre cauchemardesque de la barbarie noire se répandant dans les rues. « Ils veulent prendre notre place » est le fantasme qui semble le mieux décrire la réaction de ces derniers, et c’est ainsi que Fanon lui-même décrivait le « fantasme paranoïaque de dépossession primordiale » du propriétaire colonial blanc confronté à l’homme noir. Le débat sur « Quel texte de Fanon ? », manière de tenter d’annexer son héritage politique après coup, est loin d’être conclu. Dans son tour d’horizon sceptique mais très bien fait des écrits récents sur Fanon, « Critical Fanonism », Henry Louis Gates, qui fondamentalement montre sa sympathie pour une grande part de l’entreprise postcoloniale et poststructuraliste, n’en prend pas moins un certain plaisir à exhiber la diversité, et même les contradictions, des récentes « lectures » de Fanon en tant que théoricien global. Par ailleurs, dans un essai intitulé « L’appropriation de Fanon », qui s’en prend sauvagement à toute l’expropriation « révisionniste » de Fanon, Cedric Robinson soutient que privilégier Peau noire, masques blancs par rapport aux Damnés de la terre est une stratégie politique qui, de manière perverse, lit Fanon à l’envers, en remontant de son « immersion dans la conscience révolutionnaire de la paysannerie algérienne » aux « miasmes petit-bourgeois » du premier texte. Ce ne peut être un pur hasard si c’est Peau noire, masques blancs, avec son exploration, inspirée par la psychanalyse, des mécanismes inconscients du racisme et du colonialisme, son attention au rôle du fantasme projectif, sa mise au jour de la complexité subjective disloquée de la « fausse évidence du “fait d’être noir” », et son attention à la dialectique de l’identité, de l’altérité et du désir, qui fournit le terrain privilégié du « retour » de Fanon, et du débat à son propos. Kobena Mercer, dans son essai introductif au catalogue de l’exposition Mirage, « Busy in the Ruins of Wretched Phantasia », nous rappelle – comme si nous pouvions l’oublier – que toute lecture, parce qu’elle est une relecture, est inéluctablement politique. » – « Il y a beaucoup de choses en faveur de cet argument, mais il faut aussi se rappeler que, de son vivant et après, presque autant d’énergie rhétorique a été consacrée à montrer à quel point le « fanonisme » déviait par rapport à tout ce qui passait pour le « marxisme classique ». Le combat pour coloniser l’œuvre de Fanon a été dès le moment de sa mort un processus ininterrompu, et l’identification de ses écrits dans les termes de ses « thèmes marxistes » dans les années 1960 et 1970 était déjà le produit d’une relecture. Comme autre facteur important, Mercer invoque la structure discursive stratifiée de Peau noire, masques blancs, « dont l’œil auctorial oscille constamment entre de multiples points de vue », et dont la voix, ajoutons-le, emprunte de nombreux registres, « autobiographique, clinique, sociologique, poétique, philosophique, politique ». Je reviendrai sur l’idée discutable d’une rupture finale et symptomatique entre les dernières et les premières œuvres de Fanon, ainsi que sur la question de comment relire la multivocalité de Peau noire, masques blancs. La thèse, vigoureusement énoncée par Fanon dans son introduction à Peau noire, masques blancs, que « seule une interprétation psychanalytique du problème noir peut révéler les anomalies affectives responsables de l’édifice complexuel » du racisme et du colonialisme, est ce qui constitue la nouveauté de ce texte. Mais elle montre aussi l’absurdité de l’affirmation selon quoi « Fanon a été un activiste politique plutôt qu’un théoricien », que trouvent si séduisante ceux qui voudraient récupérer Fanon pour quelque cause plus « révolutionnaire ». Au passage, l’idée que dans ces lectures et relectures controversées de Fanon, ce qui est en question n’est pas « théorique », mais seulement « politique », est bien sûr quelque chose que les récupérateurs aimeraient nous voir croire, mais ce n’est pas une proposition qu’on puisse sérieusement soutenir. Le problème est que le texte de Fanon de 1952 anticipe le poststructuralisme de manière frappante, même si l’ajout de la phrase « la véritable désaliénation de l’homme noir implique une prise de conscience abrupte des réalités économiques et sociales » infléchit dans une direction inattendue sa description, d’une prescience anachronique. Le complexe d’infériorité, dit-il, est le résultat d’« un double processus, économique d’abord, par intériorisation – ou mieux, épidermisation – de cette infériorité ensuite ». Un mot merveilleux, épidermisation : littéralement, « l’inscription de la race sur la peau ». Cette armature « raciale » munit le sujet noir de ce que Fanon appelle ailleurs un « schéma corporel alternatif ». Mais, comme il y insiste toujours, ce schéma est culturel et discursif, et non génétique ou physiologique : « J’avais créé au-dessous du schéma corporel un schéma historico-racial… tissé de mille détails, anecdotes, récits. » Une autre source profonde de l’attrait contemporain de Peau noire, masques blancs est la manière dont il associe le racisme et ce qu’on appelle la pulsion scopique – l’érotisation du plaisir de regarder et la place privilégiée accordée dans le texte de Fanon au « regard » depuis la place de l’« Autre ». C’est l’exercice du pouvoir à travers la dialectique du « regard » – la race dans le champ de la vision, pour paraphraser Jacqueline Rose – qui fixe le nègre de l’extérieur (j’utilise le mot de Fanon) par la fantasmatique binaire de la différence absolue. « Enfermé dans cette objectivité écrasante », « surdéterminé de l’extérieur ». Non seulement le nègre de Fanon est pris, épinglé, vidé et éclaté dans la dialectique fétichiste et stéréotypée du « regard » de l’Autre ; mais il/elle devient – n’a pas d’autre soi que – ce soi-même en tant que rendu autre. Tel est l’homme noir en tant que son (sic) image de soi aliénée ; ou, comme le dit Homi Bhabha, « non le Soi et l’Autre, mais l’“altérité” du Soi inscrite dans le palimpseste pervers de l’identité coloniale ». C’est cette « bizarre figure du désir, comme Bhabha l’observe justement, [qui] conduit Fanon à introduire la question psychanalytique dans la condition historique de l’homme colonial. » Il est peu douteux que, comme le suggère Gates, « la fascination que Fanon exerce sur nous a quelque chose à voir avec la convergence des problématiques du colonialisme et de la formation du sujet». » – « Opposer de manière simpliste Peau noire, masques blancs aux Damnés de la terre, et impliquer qu’en passant de l’un à l’autre Fanon s’est en quelque sorte élevé de puérilités petites-bourgeoises à une plus grande « maturité » n’explique pas pourquoi Les Damnés de la terre finit, dans le chapitre « Guerre coloniale et troubles mentaux », avec une série d’études de cas psychiatriques exposés dans un langage qui fait clairement écho au paradigme dessiné pour la première fois dans Peau noire, masques blancs. « Parce qu’il est une négation systématisée de l’autre, une décision forcenée de refuser à l’autre tout attribut d’humanité, le colonialisme accule le peuple dominé à se poser constamment la question : “Qui suis-je en réalité ?” », écrit Fanon, qui ajoute à bon escient : « On trouvera peut-être inopportunes et singulièrement déplacées dans un tel livre ces notes de psychiatrie. Nous n’y pouvons strictement rien. » Sans commentaire. » – « Le texte revient si implacablement sur les oppositions binaires, Noir/Blanc, colonisateur/colonisé, que je me demande combien de ses lecteurs finissent inconsciemment par le lire comme si son propos se concentrait exclusivement sur ces binarités ; comme si le titre du livre était « Peau noire, peau blanche » ; et en méconnaissant, donc, que bien que son sujet soit évidemment marqué par la structure dichotomique et manichéenne du système binaire de représentation et de pouvoir qu’est le racisme, sa préoccupation centrale est le soi fendu ou divisé, les deux faces de la même figure – le Noir colonisé. La figure centrale du livre est le Noir colonisé, plus spécialement l’Antillais, que les scénarios de la domination coloniale obligent à une relation à soi et à une performance de soi écrite par le colonisateur, ce qui produit en lui la condition intérieurement divisée de la « dépersonnalisation absolue». Les mécanismes de cette substitution sont décrits très précisément. Le schéma corporel, en quoi Fanon voit « une structuration définitive du moi et du monde », nécessaire au sentiment de soi, parce qu’« il s’installe entre mon corps et le monde une dialectique effective », est fragmenté et éclaté. La Gestalt scopique, dont Jacques Lacan a indiqué l’importance dans le processus de constitution du sujet, ne peut se former. À sa place, indique Fanon, se développe le « schéma historico-racial [qui le tisse] de mille détails, anecdotes, récits, […] et me défoncèrent le tympan, l’anthropophagie, l’arriération mentale, le fétichisme, les tares raciales, les négriers, et surtout, surtout : “Y a bon Banania” ». « Voici les menus morceaux par un autre moi réunis. » Fanon insiste : il y a « deux camps : le blanc et le noir ». Mais il ajoute : « Les nègres, du jour au lendemain, ont eu deux systèmes de référence par rapport auxquels il leur a fallu se situer… Car le Noir n’a plus à être noir, mais à l’être en face du Blanc . » Le problème qui préoccupe Fanon n’est pas l’existence de l’homme blanc dans le colonialisme, mais le fait que l’existence de l’homme noir ne peut se relier à elle-même qu’à travers la présence aliénante de l’« Autre » blanc. Comme Bhabha l’observe justement, il ne s’agit pas d’une « division nette », mais d’une « image double et dissemblable liée au fait d’occuper au moins deux places à la fois». Le sujet à quoi Fanon s’attaque a une spécificité historique. Ce n’est pas le phénomène général du racisme, mais le racisme dans la relation coloniale, qu’il dissèque. Son but était de mettre au jour ses paysages intérieurs, et d’examiner les conditions de la production d’un nouveau genre de sujet, et de la décolonisation de l’esprit, en tant que condition subjective nécessaire de la décolonisation du monde : « Nous ne tendons à rien de moins qu’à libérer l’homme de couleur de lui-même. » C’est l’ouverture de cette perspective radicale au centre du texte de Fanon qui constitue sa nouveauté, son originalité, son « intemporalité ». La question qui se pose à nous aujourd’hui est : comment lire, comment interpréter le problème qu’il a posé, les réponses que son texte propose, et son invitation à l’action et à l’espoir ?« ]
- [extraits de l’article de stuart hall : « De nouveau, cependant, Fanon marque explicitement sa différence par rapport à l’ontologie générale de Hegel. Au fondement de la dialectique hégélienne, dit-il, « l’homme n’est humain que dans la mesure où il veut s’imposer à un autre homme, afin de se faire reconnaître par lui. ». Il doit y avoir « une réciprocité absolue : “[…] ils se reconnaissent comme se reconnaissant réciproquement”. » Quand c’est impossible, le « désir de reconnaissance » s’éveille, et rend l’esclave désireux d’entamer une lutte sauvage, éventuellement à mort, puisque « c’est seulement par le risque de sa vie qu’on conserve la liberté». Or, pour Fanon, le nègre « esclave » n’a jamais lutté à mort avec le maître ni risqué sa vie. On lui a donné la liberté, qui n’est en réalité que la liberté « d’adopter une attitude de maître », de manger à la table du maître. « Soyons gentils avec les nègres. » De nouveau, donc, la relation coloniale a interposé une spécificité qui infléchit la dialectique du maître et de l’esclave de Hegel (comme elle avait infléchi le « stade du miroir » de Lacan) dans une direction nouvelle. Chez Hegel, dit Fanon, le maître impose un « travail servile » à l’esclave. Mais en laissant le maître pour le travail, l’esclave « s’élève au-dessus de sa nature donnée », il se crée lui-même objectivement, « volontairement ou consciemment, ou mieux, activement et librement». Cependant, ajoute Fanon, dans la relation coloniale, le maître ne veut pas la reconnaissance, seulement le travail. Et l’esclave n’abandonne pas le maître, mais se tourne vers lui, abandonnant l’objet. Le nègre est donc moins indépendant que l’esclave hégélien, parce qu’il « veut être comme le maître ». La reconnaissance lui est déniée, et il construit son être-pour-soi à travers ce déni. » »]
- [extraits des conclusions de l’article de stuart hall : « Je souscris donc aux raisons que Bhabha avance quant à l’importance de Peau noire, masques blancs dans la conjoncture présente. Il caractérise le texte de Fanon comme un « témoignage déchiré des dislocations coloniales » qui, pour finir, « décline l’ambition d’une théorie globale de l’oppression coloniale ». Dans ma lecture, Fanon est, bien plus que ne le suggère Bhabha, constamment ramené à la « question de l’oppression politique » dans un contexte historique spécifiquement colonial, en tant que « violation de l’“essence” humaine ». Ce refrain n’est pas seulement ce qu’y voit Bhabha, « l’abandon […] à un lamento, dans ses moments les plus existentiels » ; il est textuellement insistant et central pour l’évolution de sa vision politique. Mais je suis d’accord avec Bhabha sur l’insistance à explorer la question « Que veut l’homme noir ? » jusqu’à ses ultimes profondeurs. Cette question, aussi énigmatique et chargée d’inconscient que le « Que désire la femme ? » de Freud, nous pousse vers ce point dangereux où « l’aliénation culturelle se jette dans l’ambivalence de l’identification psychique». C’est un endroit que nombre de critiques qui ont tout compris sont déterminés à éviter. L’insistance de Fanon à penser ce moment dangereux en termes de fantasme et de désir de l’Autre transforme notre conception de la politique et de la demande politique. La question est : que faire de cette « incertaine obscurité » dont Bhabha suggère qu’elle accompagne toujours l’émergence d’une pensée vraiment radicale ? « Travailler avec Fanon », cela requiert-il que nous nous lancions dans une relecture symptômale de Peau noire, masques blancs, pour y redécouvrir, dans les apories du texte, un schème conceptuel qui, en quelque sorte, lutte pour parvenir à l’énonciation ; que nous allions au-delà du texte, vers cette présence-absence qu’il enveloppe sans pouvoir la nommer ? Ou devons-nous reconnaître qu’il ne l’a pas nommée parce que, bien qu’il soit à son étrange manière plus proche d’elle que nombre de ses partisans et critiques ne l’ont vu, il en est aussi plus distant ? Pour Fanon, le racisme n’est jamais simplement quelque chose que l’Autre Nous fait. Même si elle reste finalement sans conclusion, sa pensée n’en est pas moins structurée par certaines idées qui l’éloignent sensiblement de la place où nous tendons aujourd’hui à le lire, et qui même, sous certains aspects, la contredisent explicitement. Il nous faut donc vivre avec un Fanon bien plus radicalement incomplet ; un Fanon qui, d’une certaine manière, nous est plus « Autre » que nous ne l’aimerions, et qui ne peut que nous déranger, quelle que soit la direction depuis laquelle nous le lisons. Il nous faut aussi nous faire à l’inconfortable vérité que, tout comme « les pensées vraiment radicales sont des aurores qui projettent toujours une incertaine obscurité », il n’y a jamais de « vie » sans vie posthume.« ]
- (via publication d’une page facebook) CALL FOR ARTICLES : «Kant in Africa and Africa in Kant: Critical Philosophy in African Culture and Thought» – Thematic Issue of Estudos Kantianos (UNESP, Brasil), 2022 (Deadline: August 31, 2021)
- [extrait de la publication facebook : « «With the launch of this thematic issue, we intend to stimulate the reevaluation and reinterpretation of Kantian thought, taking African culture and history as the guiding thread of the questioning, practicing an “African way” of critical intelligence, destabilizing the Copernican Revolution of the critical subject with the inscription expression of African otherness in the plural subjectivity of humanity. We invite the submission of philosophical research papers that may interdisciplinary relationships with all scientific areas that exhibit the vital interests of theoretical and practical reason (with special emphasis on epistemology, ethics, politics, aesthetics, theology and anthropology). Thus, we aim to enrich the mutual understanding between the cultures of Africa and Europe, so disturbed by consecutive centuries of multidimensional, physical and symbolic violence. Through critical hermeneutics and conceptual innovation, we will be able to reimagine and experience other ways of feeling and other categories of intelligence, as well as other purposes, more capable of dynamizing freedom in the composition of the Common Good». »]
- « La reconnaissance des différences et des altérités » [« Pierre Bouvier, professeur à l’université Paris X-Nanterre, jette des passerelles entre deux figures intellectuelles : Aimé Césaire et Frantz Fanon. »]


