


« Je traduisais voici bientôt 27 ans dans ma thèse de doctorat ces mots jouissifs, heureux, de l’un de mes maîtres à penser : « L’enfance n’est pas une sorte de stade arriéré que l’homme adulte devrait laisser derrière lui pour s’élever dans la pure abstraction vide de la raison et de la puissance. L’enfance c’est en tout être humain la profondeur toujours refleurissante d’un cœur engendré par l’amour. Personne ne peut accomplir sa vie s’il rejette loin de lui les forces fécondes de l’amour qui faisaient son enfance » (Gustav Siewerth, Métaphysique de l’enfance).
Je suis et je reste persuadé que nous allons de l’enfance à l’enfance, que l’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans, et que vieillir c’est grandir dans la simplicité d’un cœur d’enfant. Que tout dans notre existence d’adulte est un appel vibrant à retrouver les forces de confiance, d’abandon, de pardon, de jeu et de joie qui font l’enfance.
Pouvoir, argent, gloire, course aux plaisirs, inquiétudes vaines,… que d’obstacles à la simplicité de l’âme. « Il faut que le lion féroce devienne enfant » (Nietzsche, Also sprach).
Vieillir veut dire croître en enfance sinon c’est un naufrage. Vive l’enfance du coeur, notre unique destin ! »
« Très cher M,
J’espère que tu vas bien. Merci pour ce partage qui dans le vif suscite chez moi un certain questionnement.
Un enfant devient adulte lorsqu’en tant qu’être est à même de s’émanciper des figures-gourous tutélaires que sont les maîtres à penser (ils / elles n’en peuvent qu’être que satisfait.e.s – puisque l’enfant a acquis cette impérative autonomie de soi), et que cet être émancipé suive son propre cheminement. L’amour est en ce sens un moyen d’émancipation (du type « je t’aime, je te quitte » ou « je t’aime, donc je me libère » tout en ayant en moi tout ce que tu es et m’as offert dans mon cœur – consubstantiellement parlant je ressens-suis toi), l’enfant – ce porteur de lumière (dans son entendement autochtone d’ici) – s’élève ou élève le lien (tout en en prenant soin) pour une profondeur de soi (comme quête de sa propre réalisation) – j’ignore si cela fait sens cette formulation.
Un(e) adulte n’a de sens que si elle / il est un enfant en miniature (pour si mal sans doute paraphraser l’autre), nous n’allons pas d’enfance en enfance puisque nous sommes déjà / sempiternellement « enfant » (d’une façon comme d’une autre : « la profondeur toujours refleurissante d’un cœur engendré par l’amour »). Vieillir comme âgisme est obsolète en ce siècle (si je puis me permettre de le dire vraiment comme je le pense Maître), la question est celle de la maturité (moins un état de développement complet – car nous sommes toutes et tous toujours en développement jusqu’à la fin de nos jours ici-bas – que celui d’une compréhension subtile de la riche complexité de l’être, celle-ci entre autres passe aussi en effet par une certaine observation réflexive contemplative analytique etc. – du théâtre – des apparences).
Le cœur d’un enfant n’est (jamais) simple, il est rasoir comme Ockham (« Que tout dans notre existence d’adulte est un appel vibrant à retrouver les forces de confiance, d’abandon, de pardon, de jeu et de joie qui font l’enfance » – « Pouvoir, argent, gloire, course aux plaisirs, inquiétudes vaines,… que d’obstacles à la simplicité de l’âme » – Ainsi parlait l’Enfant). L’adulte, fuyant généralement (toute simplicité) tout simplisme (comme l’évidence / le bon sens même), est une complication excessive. En ce sens, il / elle s’oublie. Ce qui est un naufrage. Ou voilà en quoi l’adulte est un naufrage (et que seul l’enfant en lui, l’enfant-cœur, le cœur-enfant en lui, puisse à bien des égards le rendre récupérable ou le faire revenir à ce rasoir quelques fois un peu essentiel).
Je t’aime (comme un enfant), Maître M. Prends soin de toi et des tiens stp »
« Bien cher Davy
Merci pour ce mot si attentif et doucement interrogateur.
Tu as parfaitement raison; il y a aussi des enfants malheureux, pervers et sombres…. Et l’on peut être aveuglé par une idéalisation que nous transmettent quotidiennement les médias, l’iconographie, les vendeurs d’innocence et certaines nostalgies…
En ce qui me concerne, j’ai lu ce texte à m’abandonnant à l’émerveillement de l’enfant qui scrute ce qui l’entoure, crée le monde, se crée des mondes et souvent se donne à la beauté naissante de la lumière, de la nature et des espaces humains aimants sans détour…
Dans ma vie actuelle, j’ai le bonheur d’être près d’une famille d’immigrés […] qui ont eu 2 petites filles et très récemment, un petit garçon. Je suis leur papi depuis leur naissance. C’est un partage et une source profonde de (re)naissance comme un soleil qui précède la nuit… Et là, l’émerveillement partagé devient la beauté du temps…, le refleurissement de l’œil… C’est cette quête qui m’a appelé vers ce texte; ce désir de ne pas mourir complètement quand la beauté, fut-elle éphémère, s’offre dans la généreuse innocence d’un présent…
Je sais que je ne fais pas vraiment écho à ton texte, mais je souhaitais partager ce regard qui m’est si nécessaire en ces temps d’ombre..
Avec complicité et amitié »

« Très cher M,
Merci pour le partage-regard, en ces temps d’ombres (peu tanizakiens). Du soleil, doux et beau, le plume poétique (du Maître) qui (me) fait (du) bien. Il est pour moi rafraîchissant, pleinement humain (si j’ose partager mon ressenti).
Je suis absolument d’accord avec toi sur l'(excessive) idéalisation de l’être (qu’il soit enfant ou adulte, voire – comme j’ai essayé de le nuancer dans mon propos – adulte-enfant). Mercantilisée, commercialisée, marchandée / marchandisée, instrumentalisée / profit.isée, marketing.ée / market.ée, mass-médiatisée, icono-sacralisée pour des raisons (très) souvent loin d’être des plus nobles, nostalgiée (si souvent dans une pesanteur mélancolique), bref.. tu attires judicieusement / pertinemment l’attention sur ces risques de l’idéalisation. Il n’était pas ainsi question pour moi de verser dans cette idéalisation.
Mais de m’inscrire, entre autres, à la suite du texte-penseur, dans une espèce de fondamental commun, universel, et dans un élément essentiel constitutif / contributif de cette part saine en nous : l’enfant (le simple-simpliste dans toute sa complexité). C’est-à-dire : oui, « l’émerveillement de l’enfant qui scrute ce qui l’entoure, crée le monde, se crée des mondes et souvent se donne à la beauté naissante de la lumière, de la nature et des espaces humains aimants sans détour… » Et là, l’émerveillement partagé devient la beauté du temps…, le refleurissement de l’œil… » « ce désir de ne pas mourir complètement quand la beauté, fut-elle éphémère, s’offre dans la généreuse innocence d’un présent… » En ce sens, sur cet aspect, dans cette perspective, avec ce regard posé, tu fais (et merci de cela) écho à mon propos. Ou, autrement formulé, tu le dis mieux (que mes mots)
Enfant ou adulte, adulte-enfant, nos personnalités (généreuse / égoïste, décentrée de soi / égocentrique, me too / me two, miaou ou aboiement, cri / murmure, bruit / son, lumineuse / sombre, perverse / saine, désaccordée / harmonieuse, etc.) nous obligent (toujours) à la nuance – il va de soi
.. il va également de soi, Maître, que tu m‘es nécessaire (tout temps, tout moment, tout instant-présent; et, clairement en hors-temps, hors-saison) comme un enfant émerveillé – par le soleil : doux et beau. Qui, souvent dans la nuit, est lune et étoiles
Prends soin de toi et des tiens stp, tes ami(e)s et complices – nous – y tiennent »



