
Le terme auteur m’a toujours paru très présomptueux. Je lui préfère scribouilleur. Il relève de la médiocrité. Je suis un scribouilleur.
Cela signifie que je suis nul, comme une opération mathématique. Mais aussi que je ne sais qu’une chose c’est que je ne sais rien, disciple indiscipliné de Socrate et de Diogène de Sinope, je ne recherche pas la vérité, je veux comprendre le sens.
Parce que comprendre, c’est d’abord se remettre en question et questionner, c’est changer de perspective et s’ouvrir, c’est écouter, lire, voir plus que simplement regarder, et ensuite s’enfanter dans un réel qui n’est pas toujours une évidence, le sien ou immuable.
Le sens est une multiplicité et une pluralité. Ce n’est pas une droite ligne, une unidimensionnalité. Faire sens, c’est de nos jours être unidimensionnel. Accessible. Simple. Presque simpliste.
Ce blogue est donc insensé. Il est possible que ses billets soient pour beaucoup inaccessibles, pour d’autres sans grand intérêt, pour le reste intéressants ou peut-être utiles.
Mes billets peuvent être difficiles, intenses, incompréhensibles. Ce sont des invitations au jeu, un autre type de jeu, plus du symbolisme que de l’hermétisme. Mon écriture est donc foncièrement métaphorique. Peu orthodoxe. Comme le dirait un de mes lecteurs : Âmes sensibles, s’abstenir.
Me lire, c’est prendre le risque d’être choqué, ébranlé, dégoûté, renversé, avoir les jambes sciées. C’est prendre le temps, tout court. Je suis conscient que l’on n’a plus le temps ou peu de temps, que le temps est de l’argent, et tout le tralala. J’ai conscience que la Twitterisation est la nouvelle donne incontournable, je suis rentré dans le maquis.
Me lire, c’est être patient. Des billets sont sortis de ma tête sans filtre, je ne me relis jamais avant de publier, sinon je ne publie pas. Pourquoi? Parce que si je me relis, je trouve ça médiocre, désespérant, impubliable. Publier pour ne pas foutre à la poubelle, pour ne pas laisser mon obsessionnelle exigence jamais satisfaite prendre le dessus. La seule exception à cette règle, ce sont les essais que vous trouverez dans cet espace éclaté comme un big bang. Et encore, cette exception est bien fragile, puisque ces essais ne sont pas toujours entièrement relus avant publication.
Une chose importante à savoir : le je chez moi est impersonnel, c’est un composite d’expériences empruntées aux autres car moi est une inexistence. Le je est un autre.
Il y a tant de caractères humains qu’il m’est impossible de me contenter d’écrire pour une catégorie de personnes. Il y a tant de curiosités dans l’univers qu’il est triste de se satisfaire de quelques unes.
Les curiosités sont des invitations au voyage. Et les billets de ce blogue ont cette modeste prétention. Ce sont des mouvements, des exodes, des exils, des découvertes, des évanescences, un peu de tout cela et bien plus, en deux mots : la curiosité. Je suis un être foncièrement curieux.
Les destinations que je vous soumets chers lecteurs / chères lectrices peuvent être de longues marches dans la nuit, de l’apnée dans des abysses inconnus, des sauts dans le vide, des turbulences dans des cieux jamais apaisés, des pauses dans le calme des monastères, des pérégrinations de l’esprit, des transversalités s’inspirant d’un vaste ensemble de références, des ailleurs qui m’ont troublé, désarçonné, mûri et rendu d’une certaine manière un peu plus humain.
Ici, je peux être direct presque brutal, être songeur presque perdu, être intimiste presque nu, être sensible presque poétique, être stupide presque en colère, être fou presque libre, et parler un langage étrange avec des mots pas à leur place, des sens renversés, des orthodoxies dynamitées. Ce n’est pas intentionnel, j’écris tel que je pense et tel je ressens. Ça sort comme ça sort, tout croche ou juste, je ne me suis jamais posé vraiment la question, et c’est à vous de voir.
Certains d’entre vous auront du mal à s’acclimater à ces atmosphères, à se sentir à l’aise dans ces ambiances, plusieurs se sentiront comme des poissons rouge dans le bocal, d’autres comme chez eux, pour ceux-là faîtes attention de ne pas trop prendre vos aises je n’aime pas le bordel, sauf s’il est joyeux ou créatif. Et encore.
Une ou un persona, du verbe latin personare (per-sonare : « parler à travers »), est une personne fictive stéréotypée. Le mot latin (qui est féminin) était utilisé en son origine pour désigner le masque que portaient les acteurs de théâtre romains, masque utilisé déjà avant dans le théâtre grec, où il était désigné comme prosopon.
Vous trouverez ici, dans ces nuances déclinées comme autant de persona cohabitant et coexistant dans un lieu trop étroit, de (très) longues réflexions écrites en mode de subjectivité objective, de (très) longs billets qui sont manifestement contraire aux exigences de concision relatives au blogue.
Je ne vous conseille pas de les lire d’une traite (à moins d’avoir le souffle long et d’être un peu issu de la vieille école).
Il m’a été suggéré par une lectrice attentionnée de les diviser en différentes publications. C’est une excellente idée.
Seulement en concevant ce blogue, j’ai toujours voulu que chaque billet aborde une thématique différente (radicalement différente) dans un tout publié en un bloc, et que ce tout explore des manières de voir, de sentir, d’observer, de penser, de s’émouvoir.
« La page personnelle qui est censée exprimer la personnalité de son créateur semble se construire comme se construit son identité – par bricolage et assemblage, comme un bric-à-brac identitaire fait de bricolages esthétiques ordinaires. Chaque site se révèle être une production idiosyncrasique que l’internaute fabrique de façon semi-expérimentale en s’inspirant d’autres pages web et d’autres genres culturels, ainsi qu’en utilisant le matériel technique à sa disposition. Leur mode de « fabrication » s’apparente à « une esthétique du patchwork » et rappelle d’autres pratiques de personnalisation de l’offre culturelle [..] En cela, ces productions peuvent être appréhendées sous la notion de culture sur mesure, à savoir des formes culturelles fabriquées dans la réappropriation personnalisée et le détournement créatif de genres textuels et de documents divers à des fins d’expression de soi à travers ses goûts, ses passions. [..] Construite et déconstruite, l’identité postmoderne serait évanescente, « un jeu librement choisi, une présentation théâtrale du moi, dans laquelle chacun est capable de se présenter dans une variété de rôles, d’images et d’activités » comme le formule D. Kellner » – Allard, Laurence, et Frédéric Vandenberghe. « Express yourself ! Les pages perso. Entre légitimation technopolitique de l’individualisme expressif et authenticité réflexive peer to peer », Réseaux, vol. no117, no. 1, 2003, pp. 191-219.
Une expressivité plurielle d’une part, un expressivisme de l’autre, qui soit un mouvement de questionnement du juste, d’évaluation, en même temps qu’une expérimentation du sensoriel, de l’éclaté, de réalisation et de mise en correspondance.
« La thématique de l’expressivisme voudrait, elle, dénouer la tension toute contemporaine, communément observable, entre quête d’autonomie individuelle et mobilisation collective, en rendant compte d’un agir politique en nom propre qui lui-même renouvelle de fait le registre des causes et des motifs en ouvrant le «pouvoir-dire» à tout un chacun, hors de tout monopole d’auctorialité patentée […]
Cet individualisme expressif s’attache à décliner le diagnostic de réflexivité de la formation des identités dans un contexte de détraditionalisation des rôles et des modèles sociaux, et prend en compte les formes et modalités d’une désormais nécessaire « invention de soi ». Ce « je » se découvre au travers d’agencements machiniques d’énonciation, s’auto-formule au travers de différentes « technologies de soi », explore une identité « de bricolage », qui prend la forme de blogs, d’avatars […].
Ce « soi textualisé » et les paratextes polyphoniques auxquels il donne libre cours configurent comme un «moi cubiste », un «moi facettisé », incarnant l’image d’un « bloc-sujet-machine-autrui », qui répond au vœu de Guattari de découpler la subjectivité du sujet. À cet égard, l’exemple des blogs est de notre point de vue particulièrement intéressant. Loin de constituer des « journaux intimes », les blogs apparaissent plutôt comme des technologies agrégatives du soi. Ainsi, plutôt que de parler d’intimité, nous préférons employer le concept « d’extimité ». Si l’on reprend la définition guattarienne des post-médias, il convient donc de « durcir la politique de diffusion rhizomatique ».
Tout uniment individuelle et collective, celle-ci consisterait en une réappropriation de la prise de parole, qui s’adosserait à un usage véritablement interactif des machines d’information, de communication et de création. L’apparition de la syndication qui agrège des « petites formes hybrides et singulières », constitue alors un facteur particulièrement structurant de ce dépassement de la pensée rhizomatique. Il autoriserait un passage d’un « devenir minoritaire » comme le revendiquaient Deleuze et Guattari, à un « devenir commun » comme le proposent, pour leur part, Hardt et Negri.
[…] Internet est un lieu d’expression de la singularité irréductible de la subjectivité. […] » Expérimenter toujours. Avec la fin des certitudes, des grands récits de la modernité, véritable révolution copernicienne en politique, nous assistons peut-être aujourd’hui à une déstabilisation des formes de production du savoir tant scientifique que politique qui réactive une certaine culture de la curiosité. Ainsi, on trouve chez Paolo Virno de longs développements sur la question de la curiosité dans sa Grammaire de la multitude. Le philosophe italien n’hésite pas à ériger, cette propension morale, souvent considérée comme inconvenante, au rang de nouvelle vertu épistémologique de la condition post-fordiste. Pour lui, la curiosité se situe dans un no man’s land, un moment d’exode qui s’insinue entre un « non plus » et un « pas encore » : «Non plus une trame de traditions consolidées, capable de protéger la pratique humaine de l’aléatoire et de la contingence ; pas encore la communauté de tous ceux qui n’ont aucune communauté préexistante sur laquelle compter. » La curiosité s’inscrit ainsi dans le répertoire des ressources cognitives mobilisables, des instruments d’apprentissage et d’expérimentation, pour faire face à la métamorphose permanente des modèles opératoires et des styles de vie : «Chaque exode exige un grand effort d’adaptation, de souplesse, de rapidité et de réflexe. Ainsi, un grand nombre de ces penchants, que la philosophie morale avait jugés avec sévérité, en soulignant leur caractère corrupteur et morbide, se révèlent être des qualités précieuses pour s’adapter avec souplesse et rapidité à ce no man’s land pris entre le non plus et le pas encore. » […] – Laurence Allard, Olivier Blondeau« L’activisme contemporain : défection, expressivisme, expérimentation », Rue Descartes 2007/1 (n° 55), p. 47-58
Pour certains, vous penserez que ce blogue veut paraître savant, et c’est strictement votre problème. Je ne m’ajuste pas aux autres, je ne me renie pas. Et je n’ai aucune intention de vous impressionner ou de vous plaire, je refuse de me soumettre à cet autre diktat du populaire qui parle et réfléchit comme monsieur Tout-le-monde. Je ne suis pas ce monsieur, je suis Dave. Et c’est déjà assez compliqué comme ça pour en rajouter.
De ce fait, me lire c’est tenter de pénétrer dans mon univers complexe. Bizarre. Acide. Malade. Dans lequel seule mon auto-dérision permanente est l’unique constante.
Maintenant, bon voyage dans ces nuances de Dave, ou merci d’être passé par là, au plaisir ou au déplaisir – c’est à vous de voir.
Dave..