Comme toi, la religion et la foi m’ont été au départ imposées. Je m’emmerdais grave le dimanche à l’église et je trouvais épouvantablement interminable le bénédicité. J’avais 8 ans.
De 13 ans à 16 ans, j’ai pris cette foi imposée et je l’ai foutue aux vidanges. Dieu était mort, je l’avais tué, et son cadavre pestilentiel n’en finissait plus d’asphyxier cette nature, ma personnalité, que je sentais en gestation en moi. Socrate m’a mis au monde. Et j’étais libre.
Seulement, à 17 ans – 18 ans, cette liberté avait un goût bien étrange. Enivrant. Jouissif. Mais sans véritablement sens. Croire en ce que l’on veut et faire ce que l’on veut comme on l’entend était un slogan assez enthousiasmant.
L’interdiction d’interdire conduisait mes congénères à exiger le libertinage tout en refusant d’assumer les responsabilités qui en découlaient.
Faire l’amour s’est transformé en une guerre du sexe, un cannibalisme, une érotisation des relations.
Et c’est cet humanisme, cette liberté, cette expressivité de l’amour contemporain, à 19 ans, m’ont réconcilié paradoxalement avec la foi chrétienne. Ou plus largement, le spirituel.
Je n’étais plus un enfant. Je voulais être une meilleure personne que ce que m’offrait l’athéisme et ses promesses d’émancipation, mais au fond de déliquescence.
Être dans mes actes de personne, le trait d’union entre la Spiritualité – la Rationalité – l’Humanité. Ou mieux l’harmonisation de ces apparentes contradictions.
Les incohérences que l’on trouve dans la foi ou la croyance en Dieu ont été depuis pour moi non pas des motifs de rejet, mais plutôt des invitations à la réflexion. Des points de suspension bien plus que des points finaux. Le temps et l’expérience de la vie apportent des réponses à certaines questions que l’on considérait plus jeune impossibles, des sens aux problématiques insolubles.
Pour moi, à 20 ans, croire en Dieu, prier, aller à l’Eglise (non pas dans un acte de soumission à Rome, mais comme entrer et être dans un Temple de recueillement), m’engager étudiant en droit pour défendre les droits humains (homosexualité, avortement, égalité homme-femme, environnement) et la justice avait une cohérence, une nécessité qu’il m’était impossible d’expliquer aux autres.
A 20 ans, je croyais en Dieu, j’étais chrétien, j’avais conscience du mal que la religion a faite aux Hommes, j’avais aussi conscience du bien qu’elle apporte à d’autres, et j’étais convaincu que le vie, le monde, n’était pas binaire. Ce n’est pas blanc. Ce n’est pas noir. C’est une pluralité de nuances de gris.
Je n’ai plus 20 ans. Et je n’ai pas beaucoup changé. Je regarde le monde évoluer et j’ai de la misère à voir autant de misères dans l’opulence, le surmatérialisme, la place trop grande prise par l’affect, l’émotion, l’hystérie, la superficialité. Je suis Baudelairien, Nietzschéen, Alfredien, et Ecclésiaste. Dieu au-dessus dans des cieux improbables, Dieu parmi les Hommes, Dieu dans le cœur des Hommes.
Et lorsque j’ai fait baptiser ma fille, ce n’était pas pour me conformer à la doxa, mais parce que c’était ma manière de l’introduire à une forme différente d’amour, de vérité, d’authenticité, d’humanité et d’humilité. C’est ma responsabilité et ma conception de père.
Elle en fera ce qu’elle voudra, comme moi j’en ai fait autre chose. Elle trouvera sa voie dans tout ce que la vie et le monde lui proposent. Elle se choisira son bonheur, son équilibre, son émancipation. Et peut-être avec tout cela, sera-t-elle une meilleure personne. Du moins, c’est tout le mal que je lui souhaite.
Voilà mon Ami. J’ai été trop long, pour pas grand chose. Je m’en excuse.
Prends soin de toi et de tes proches. On se voit bientôt pour un café.
Dave, le campagnard.