Etat(s) & avenir(s) du monde : de l’anarchie au libéralisme triomphaliste en passant par le « Choc des Civilisations ». Lecture croisée de Fukuyama, Huntington & Mearsheimer

Une version allégée de ce billet se trouve ici

La fin des années 1980 et le début des années 1990 ont été des périodes charnières dans l’Histoire du monde.  L’on assistait à l’effondrement d’un ordre mondial bipolaire (USA/URSS) hérité de 1945, et  à l’émergence d’une nouvelle configuration du système international. Les grandes questions sur l’avenir du monde obligeaient d’abord à se demander de quelle nature était désormais faite la réalité mondiale :

  • était-ce l’unipolarisation avec une (hyper)puissance hégémonique incarnant le triomphe d’une idéologie (libéralisme) sur toutes les autres (marxisme-léninisme et fascisme), une paix au label libéral (comme gage de sa qualité et de son origine) dont toute l’humanité mondialisée finalement (définitivement) libérée, libre, fraternelle jouirait, bref la fin de l’Histoire comme le prédisait Hegel?
  • Était-ce par contre une multipolarisation avec la constitution de blocs civilisationnels (culturels) entretenant des relations tendues, sous pression, prêts à en découdre dans un affrontement final qui verra lui aussi une fin de l’Histoire? Un monde de croisades civilisationnelles et d’inévitables « Clash » jusqu’à l’assujettissement intégral des uns aux autres ou de l’anéantissement total des autres?
  • Ou était-ce au fond le retour à un ordre ancien connu – historique : multipolarisé où l’état permanent d’anarchie créerait la nécessité de sécurité et inciterait à l’agression, ainsi produisant un monde traditionnellement hobbesien, pour dire essentiellement conflictuel ?

Cet indispensable travail préliminaire effectué, les prédictions sur l’évolution du monde de 1991 à nos jours se trouvaient dans les états du monde/des mondes décrits. Du point de vue optimiste et universaliste (qu’un regard différent considérait assimilationniste et impérialiste) enraciné dans un libéralisme assuré de son incontestable et invincible suprématie à un point de vue culturaliste et pluraliste où les notions de civilisations (supérieures/inférieures, civilisés/barbares, incompatibles/associables) et d’identités (occidentale/tiers-mondiste, islamité/chrétienté) – des « lignes de fractures » ouvertes –  instaurent des espèces d’apartheids dont la dynamique internationale sera une opposition Occident contre les Restes en passant par un point de vue pessimiste où le monde de demain sera une anarchie tout en ayant pas pu soustraire à la logique de l’équilibre des puissances (dans lequel les identités et autres sont secondaires car seulement prévaudra l’hégémonie et l’instinct de survie étatiques), les avenirs de l’Humanité vont dans tous les sens. La seule certitude étant que le monde a changé sans jamais que l’on puisse gommer le point d’interrogation quant à son avenir (ses avenirs).

Afin de comprendre ces différents états et avenirs du monde, ce billet se propose d’effectuer une lecture croisée des textes de John J. Mearsheimer (« Back to the Future – Instability in Europe after the Cold War »), Samuel P. Huntington (« Clash of Civilizations? »), Francis Fukuyama (“The End of History?”).

Ces trois auteurs se sont penchés sur l’avenir des politiques mondiales après la fin de la guerre froide (« Post Cold War ») en adoptant des perspectives différentes. La renommée et la popularité de leurs thèses ne sont plus à démontrer; il va sans dire qu’elles ont significativement eu une influence sur les façons de « lire », de « comprendre » et d’« agir » sur le monde, au moins au cours de la dernière décennie du XXe siècle.

Les actualités récentes laissent croire que ces thèses-là n’ont pas perdu de leur force dans les politiques mondiales contemporaines (terrorisme politico-religieux ou civilisationnel (?), crise (?) du libéralisme (économique et politiques) et l’irruption de l’illibéralisme (?), contestations (?) de la mondialisation, montée en puissance (?) d’acteurs non-étatiques (ONGs) et privés (le Marché oligopolistique, les GAFA, NATU, etc.)

« Ces trois visions restent un véritable point de repère car même les décideurs politiques pragmatiques qui fuient les grandes théories ont tout de même tendance à inscrire leur analyse dans l’une d’entre elles, et aucune autre théorie n’a pour l’instant émergé qui soit d’une aussi grande portée et profondeur.«  –  BETTS R. (2010), « Conflict of cooperation ? », Foreign Affairs, n° 89, vol. 6, p. 186-194. 

Il est donc pertinent d’y revenir, de dégager les principaux arguments de ces thèses, de voir s’ils ont des convergences (et pourquoi), de souligner leurs divergences (et leur degré), le tout dans une optique de compréhension cohérente d’une réalité (ou d’un objet – le monde) complexe et de nos jours complexifiée.

Ce billet s’abstient de valider ou d’invalider les prédictions proposées par les auteurs, son but est ailleurs : savoir pourquoi. Celui-ci vise à la compréhension bien plus que la simple explication (du « savoir quoi »). Pourquoi vouloir comprendre? Peut-être pour penser ultérieurement un monde meilleur dans un esprit sans doute utopiste lucide. 

Ce billet s’abstient donc d’offrir des solutions ou d’ouvrir des pistes de réflexion – un autre billet possiblement y sera consacré. Et il se termine sur une réflexion personnelle qui ne devrait pas être perçu tel un absolu, bien au contraire comme un autre point d’interrogation permettant une discussion constructive.

  1. Le nouveau monde : mutant et en mutation

Fukuyama, Huntington et Mearsheimer se posent trois questions centrales : Quel est l’état du monde post-guerre froide? Pourquoi est-il de la sorte? Et quelles prédictions pour la suite, l’évolution du monde ?

Pour tenter de synthétiser leurs différentes réponses, il serait judicieux de les analyser d’après quatre (4) concepts abordés chacun dans leurs textes : nationalisme, démocratie, économie, cultures/civilisations. L’aspect épistémologique permet de faire l’évaluation critique du discours scientifique des textes, d’identifier leurs approches et perspectives scientifiques dans un objectif de saisir le sens et la valeur de ce discours. 

La lecture croisée permet quant à elle de faire un portrait d’ensemble, structuré des idées examinées. Dans cette discussion, d’autres auteurs contemporains seront invités à participer afin de l’enrichir. Le style d’écriture choisi pour cet exercice se veut vivant dans le but de rendre cette lecture plus conversationnelle. Il s’éloigne ainsi d’une forme de neutralité froide propre aux articles scientifiques.

Ce billet évite aussi autant que possible le snobisme intellectuel dont le discours scientifique en général est si prompt à adopter, se coupant des masses, souvent incompréhensible pour les praticiens, limité à un cercle restreint d’Illuminés. L’auteur de ce billet croit que le discours aussi scientifique soit-il doit dans son écriture être suffisamment accessible à qui veut bien se donner la peine de comprendre, susciter la curiosité de l’auditoire le plus large, provoquer la conversation dans l’espace public, engendrer des actions concrètes transformationnelles – praxis – dans le monde matériel afin de l’améliorer.  Le discours scientifique doit rester humble dans son écriture, sans pour autant tomber dans une espèce de modestie qui cache mal l’indigence intellectuelle. Ou cette simplicité proche de l’analphabétisme (ou qui l’encourage). C’est dans cette idée de l’écriture scientifique que ce billet s’inscrit. Cette position assumée est par essence utilitariste et téléologique, l’éthique de l’auteur étant conséquentialiste, sa doctrine eudémoniste). 

« L’objectif principal d’une telle critique est d’empêcher l’humanité de se perdre dans les idées et les activités que l’organisation existante de la société instille à ses membres. Il faut que l’homme voie la relation entre ses activités et ce qui est accompli par celles-ci, entre son existence particulière et la vie générale de la société, entre ses projets quotidiens et les grandes idées qu’il reconnaît. » – Horkheimer, Max. « La fonction sociale de la philosophie », Tumultes, vol. 17-18, no. 2, 2001, pp. 341-361.

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État(s) du monde

En 1989, Francis Fukuyama annonce La fin de l’Histoire que rend inéluctable la déliquescence du bloc soviétique et l’annihilation idéologique du communisme. Dans son article paru dans The National Interest, l’auteur prend acte de ce fait et envisage un monde à venir où contrairement aux analyses prédominantes (aussi contradictoires que superficielles à cause de leur cadre conceptuel illisible) l’unipolarisation des relations internationales se fera sous la bannière du libéralisme occidental. Ce « triomphe » idéologique de l’Ouest sur l’Est est celui d’une « idée occidentale » sur toutes les autres alternatives systémiques dont la viabilité semble désormais hors de propos.

« Idée occidentale » étant un processus de retour aux valeurs libérales (libéralisme politique et économique) mises entre parenthèses par les deux Grandes Guerres (1914-1918, 1939-1945) et la période de glaciation dans les relations internationales (1945 jusqu’en 1991).

La liberté et l’égalité, la loi du marché et la société de consommation sont dorénavant la langue officielle de l’Humanité, parlée de Moscou à Pékin en passant par Prague et Rangoon. Le libéralisme partout et sur tout, c’est-à-dire sur les Restes[1] du monde.

La conséquence principale de cette unipolarisation est selon Fukuyama que le nouveau monde n’a plus d’Histoire. En d’autres mots, c’est la fin de l’évolution historique de la pensée telle que théorisée par Georg Wilhelm Friedrich Hegel dans sa Phénoménologie de l’Esprit et « empruntée » par Karl Marx[2]. En clair, la « fin » c’est l’avènement d’une forme finale rationnelle victorieuse de société et d’État. L’horizon indépassable de l’universalisation d’un État incorporant les principes de liberté et d’égalité tels qu’exprimés durant la Révolution française (1789). 

Dans ce nouveau paradigme, le monde tel que vu par Fukuyama en portant les lunettes hégéliennes est « l’universel État homogène » dans lequel les « besoins humains sont satisfaits » parce qu’il aura réussi à résoudre ses « contradictions » à l’instar de la quête de l’homme primitif pour une reconnaissance mutuelle, la dialectique du maître et de l’esclave, la transformation de la nature, la dichotomie entre le capitaliste et le prolétaire, la lutte pour la reconnaissance universelle des droits, etc. Un tel État est grâce aux promesses qu’il porte voué à « l’expansion intellectuelle, morale, politique, économique et spatiale » construisant une unique « civilisation humaine ».

Pour John J. Mearsheimer, il n’y a pas de fin de l’Histoire, il y a un éternel recommencement (presque nietzschéen[3]); et le monde de 1990[4] ressemble à du déjà-vu[5]. Le système international émergeant a des traits communs avec les périodes qui ont précédé les deux Grandes Guerres – « guerres civiles occidentales », caractérisées par l’état d’anarchie que produit la multipolarité. Une situation d’instabilité[6].

« En géopolitique, la multipolarité se manifeste par l’existence de plusieurs pôles de puissances politiques et économiques qui s’équilibrent les uns les autres, les plus forts imposant autour d’eux leur propre vision du monde. En l’absence d’un Etat mondial, où les Etats les plus forts accepteraient une forme d’égalité qui pourrait aller à l’encontre de leurs propres intérêts, c’est un « monde multipolaire » qui s’est mis en place. Il s’oppose au monde bipolaire de l’époque de la « Guerre froide » entre les Etats-Unis et l’URSS, les deux seules puissances mondiales de la deuxième moitié du XXe siècle.« 

Le risque de crises majeures et mineures en Europe est plus que jamais accru, en l’absence de la bipolarité qui garantissait un monde plus sûr par une égalité dans la répartition de la puissance (militaire), un arsenal nucléaire dissuasif, un rapport de force neutre ou égal entre les États leaders. Avec Mearsheimer, les lendemains déchantent, et l’aube a des reflets apocalyptiques. Contrairement à Fukuyama, il déplore la fin de la bipolarité, non pas qu’il ait une affection particulière pour le communisme, mais parce que cet état du monde hérité de 1945 constituait la plus grande période de stabilité en Europe (assurant ainsi une longue ère de paix pour l’humanité) – un monde bipolaire dont la stabilité provient certes de l’équilibre des puissances (la puissance militaire équivalente), mais également du dilemme du prisonnier où la coopération ou son absence (le degré de confiance que les acteurs ont chacun l’un en l’autre) a une influence majeure sur les relations internationales).

« Le dilemme du prisonnier, énoncé en 1950 par Albert W. Tucker à Princeton, caractérise en théorie des jeux une situation où deux joueurs auraient intérêt à coopérer, mais où, en l’absence de communication entre les deux joueurs, chacun choisira de trahir l’autre si le jeu n’est joué qu’une fois. La raison est que si l’un coopère et que l’autre trahit, le coopérateur est fortement pénalisé. Pourtant, si les deux joueurs trahissent, le résultat leur est moins favorable que si les deux avaient choisi de coopérer. En politique internationale, Considérons deux pays rivaux. Chacun peut choisir de maintenir ou non une armée. Si tous deux ont une armée (de force à peu près équivalente), la guerre est moins « tentante », car très coûteuse ; c’était la situation de la guerre froide. Les dépenses militaires sont alors une perte nette pour les deux pays. Si un seul a une armée, il peut évidemment conquérir sans coup férir l’autre, ce qui est pire. Enfin, si aucun n’a d’armée, la paix règne et les pays n’ont pas de dépense militaire. La situation de coopération permettant à chacun de ne pas avoir d’armée est évidemment préférable à la situation où les deux pays entretiennent une, mais elle est instable : chacun des deux pays a une forte incitation à se doter unilatéralement d’une armée pour dominer l’autre. »

Mearsheimer voit dans la fin du XXe siècle un moment trouble et incertain de l’Histoire où tout est possible. Dans une Europe post-guerre froide où règne l’anarchie, c’est le réalisme qui anime les États – considérés comme des agents rationnels – sous l’influence de la structure systémique internationale. L’agression y est la norme.

Ainsi, les nouvelles puissances agiront principalement pour renforcer leur statut au détriment des autres, préserver leur survie, et circonscrire l’hégémonie des États rivaux. Les conditions issues de la bipolarité n’étant plus, la multipolarisation serait susceptible d’ouvrir la boîte de Pandore et de rappeler des moments historiques passés (par exemple, le retour de l’hypernationalisme et des États nations exerçant sur le plan domestique une influence non négligeable sur le comportement des acteurs étatiques dans les relations internationales, ou une course chaotique à la dissuasion nucléaire pouvant conduire au dilemme de sécurité). Dans le monde mearsheimerien, « le bel avenir de la guerre »[7] ne souffre d’aucune incertitude.

« Le concept de dilemme de sécurité est un concept utilisé en théorie des relations internationales. Un État accroît sa puissance militaire pour garantir sa sécurité, ce qui est perçu comme une menace par un autre État, qui va à son tour renforcer sa puissance militaire. Le niveau de conflictualité global et d’insécurité globale augmente donc, alors que chaque État renforce sa propre sécurité. Tout État qui augmente sa propre sécurité contribue dans le même temps à augmenter l’insécurité globale et donc à diminuer sa propre sécurité. Ce dilemme peut conduire à une course à l’armement, l’exemple typique étant la course à l’armement nucléaire pendant la Guerre Froide.« 

Huntington en 1993 publie dans la revue Foreign Affairs son diagnostic de l’état des politiques mondiales dans un contexte postérieur à l’Opération Tempête du Désert[8] où l’Onu sous la bannière américaine délogea les troupes irakiennes du Koweït, et donc de grande célébration de l’américanisation du monde[9]L’auteur lui apporte un son de cloche différent  : la superpuissance occidentale ne connaissant plus de rival d’envergure et menée par une Amérique hyperpuissante[10] vit le rejet (violent) des « Tiers mondes »[11] (repartis dans une catégorisation civilisationnelle digne de l’auberge espagnole qui à elle-seule fût un choc[12]). Point d’uniformisation du monde à la Fukuyama, une multipolarité à la Mearsheimer, mais avec trois pôles : le premier monde, le second, le tiers; et avec des acteurs étatiques remplacés par des blocs de civilisations. Le tout dans une dynamique de défiance où les risques de guerre sont réels.

Si Mearsheimer est pessimiste et que personne n’envierait son aube apocalyptique, Huntington lui va plus loin : l’aube ne sera pas qu’un déferlement infernal, il sera un Choc des civilisations où il ne s’agira pas seulement de la disparition des États, mais aussi de l’effacement des valeurs constitutives de l’identité civilisationnelle (occidentale). La guerre huntingtonienne (très hobbesienne et néoréaliste) sera reconnue et promue par l’expression « Axe du Mal »[13] que transposera l’Amérique dans les relations internationales post-11 septembre comme un mur berlinois érigé entre les Barbaresces Restes du monde – incompatibles aux valeurs occidentales, pour dire avec le « Monde libre »[14].

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Épistémologie

Les trois textes (nomothétiques) ont en commun d’inventer un cadre conceptuel et de proposer une théorie qui puissent servir de grille de lecture des relations internationales post-guerre froide. Inventer dans le sens de « concevoir une relation explicative » menant à une hypothèse pouvant être généralisée. Pour y parvenir, contrairement à ce que les auteurs laissent paraître, chacun procède d’un mode de raisonnement hypothético-déductif dans lequel une règle est présentée avant d’être vérifiée par des faits observables. En ce sens, en lisant chacun d’eux l’impression est donnée que la théorie ou l’explication jaillit de l’expérience, mais qu’elle est conçue antérieurement et cherche à se légitimer par des faits sélectionner dans cette intention. Si le raisonnement inductif est de l’ordre du probable, le déductif frise la certitude. Le raisonnement des trois auteurs ne souffre d’aucun doute (avec un regard sur l’état du monde semblable à un jugement apodictique), ce qui explique la grande part donnée à la justification de leur position théorique plutôt qu’à l’exposé des éléments matériels composant la réalité observée. 

« La déduction dans les sciences consiste à prévoir, à partir d’un état connu de la réalité, ce qui va arriver, en s’appuyant sur une théorie. On « déduit » de la théorie qu’il se produira tel fait ou tel événement. »

Ainsi, pour Fukuyama la nature des relations internationales est le fruit d’un processus historique linéaire[15] qui s’achève par la victoire de l’idéologie (libérale) sur toutes les autres – l’idée générale ici étant que l’écroulement du communisme est la victoire du libéralisme avec pour conséquence directe une unipolarisation mettant fin à l’évolution historique de la pensée idéologique. La pertinence d’autres faits pourtant observables et pouvant offrir une autre lecture est soit minimisée soit ignorée (en l’occurrence, le fondamentalisme religieux (la révolution iranienne de 1979) et le nationalisme  – pour ne citer que quelques cas contemporains de Fukuyama : le nationalisme arabe, le panarabisme prôné par Nasser dès la fin des années 1950 et épisodiquement repris par Kadhafi jusqu’à sa chute, un panarabisme dont le moteur de nos jours semble ne plus être le culturel ou le civilisationnel mais la religion – l’islamisme). 

[…] l’islamisme a eu une base sociale fort proche des nationalistes et des socialistes (intelligentsia moderne et classes moyennes) et n’a guère attiré au début les représentants des élites religieuses traditionnelles. La symétrie entre nationalisme arabe et islamisme est d’autant plus évidente que le baasisme lui-même s’était inspiré du supranationalisme islamique pour dénoncer le caractère artificiel des nations issues du découpage colonial, en faveur d’une grande et mythique « oummah » arabe : chaque pays arabe était donc défini comme une région, et non comme une nation. Il n’y a donc pas ici de contradiction entre une identité linguistique et culturelle (l’arabité) et une logique d’islamisation, sinon pour les chrétiens arabes, qui se reconnaissaient dans le panarabisme mais plus dans l’islamisme. Dans le monde non arabe par contre, l’islamisme s’est construit en décalage par rapport à une identité ethnique et dans le sens d’une reconstruction politique du lien national par l’islam et non par la référence ethnico-linguistique. » – Roy, Olivier. « Islamisme et nationalisme », Pouvoirs, vol. 104, no. 1, 2003, pp. 45-53. 

« Région morcelée par les conflits et par des frontières souvent contestées, le Moyen-Orient arabe est aussi un espace où le sentiment d’appartenance à un même monde est particulièrement prégnant. Cette impression, née d’une parenté linguistique, historique et religieuse et nourrie par la circulation des personnes, la diffusion d’une même culture populaire et l’existence de médias transnationaux, s’est concrétisée au 20e siècle dans deux foyers idéologiques structurants : l’arabisme culturel et le nationalisme arabe. […] La complexité de ce territoire ne se résume donc pas à une période, par ailleurs fort brève, de proclamation d’une unité nationale arabe, favorisée par la désignation d’ennemis à affronter (les États impérialistes européens, l’État d’Israël) et par l’effondrement d’autres cadres de références (l’Empire ottoman, le califat, la Méditerranée des échelles du Levant, etc.). C’est plutôt un moment du 20e siècle, auquel on peut trouver des définitions mouvantes et complexes, des origines, et peut-être une fin. Ce que l’on appelle le nationalisme arabe, et dont il convient de situer l’âge d’or dans les années 1960, a, selon l’expression de Henry Laurens, « toujours été en crise ». Mais le sentiment, de Tanger à Damas ou à Bagdad, de faire partie du « même monde », la possibilité de se comprendre, de partager les mêmes références culturelles est indéniable, même s’il n’est ni une essence ni un acquis incontestable de la « conquête arabe ». » – Dakhli, Leyla. « Arabisme, nationalisme arabe et identifications transnationales arabes au 20e siècle », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 103, no. 3, 2009, pp. 12-25.

Pour Mearsheimer seule la théorie néoréaliste peut de façon pertinente comprendre l’état des politiques mondiales du début des années 1990. Le raisonnement ne se fait pas en dehors de cet ancrage théorique, la règle guide et oriente le choix et l’interprétation des faits historiques. Mearsheimer dans son texte ne fait rien pour atténuer la critique épistémologique de l’hégémonie néoréaliste dans l’interprétation des relations internationales. Et semble d’ailleurs l’assumer.  La nature théorique du système a des conséquences particulières, directes, sur la nature des rapports de force, des relations inter-étatiques, et rend prévisible l’avenir (pris comme une évolution cyclique). Quant à la nature du système, elle est axiomatique. Il n’y a plus de Superpuissances, il y a une Superpuissance et plusieurs Puissances majeures se disputant le leadership (continental, régional, international). Mearsheimer prend donc pour acquis la multipolarité tout en se soustrayant à l’exigence d’une démonstration. La multipolarité étant plus une absence de bipolarité, une définition négative. Qui est contestable et contestée, certains analyses en arrivant par un raisonnement plus inductif à une forme d’hybridité du monde – à mi chemin de l’unipolarisation et de la multipolarisation. 

« Le monde n’est ni multipolaire (aucune puissance n’égale celle des États-Unis), ni unipolaire. Les Américains ne peuvent imposer leur politique à l’ensemble du monde malgré leur désir de le faire. » – Pascal Boniface, Comprendre le Monde, Armand Colin, 2010, p. 131

« Selon Beck, en effet, « la notion de monde “hybride” est certes nécessaire, mais insuffisante [dans la mesure où elle] dit ce qu’il n’est pas […], mais ne dit pas vraiment ce qu’il est » . En d’autres termes, le recours à la notion d’hybride doit dépasser la recherche d’un attribut par défaut. » – Graz, Jean-Christophe. « Les hybrides de la mondialisation. Acteurs, objets et espaces de l’économie politique internationale », Revue française de science politique, vol. 56, no. 5, 2006, pp. 765-787.

Pour Huntington, la lecture culturaliste est impérative pour saisir substantiellement l’état et l’évolution du système international. L’hypothèse dans ce cas est antérieure à l’expérience. Huntington est convaincu d’une multipolarité civilisationnelle (culturelle) non pas en partant d’un examen scientifique de phénomènes singuliers, leur récurrence historique ou leur absence de récurrence, leur corrélation et l’éventuelle causalité qui puisse exister, mais en partant d’un postulat inspiré du néoréalisme. Le raisonnement de Huntington est donc un postulat néoréaliste à la sauce culturaliste. Le monde y est réduit, ou emmuré. 

« L’argument de Huntington est un curieux mélange de complexité et de simplisme. Dans le débat public, c’est surtout l’aspect « choc » de l’analyse que les contradicteurs de Huntington entendent combattre, en laissant les détails aux spécialistes. On se contente de dénoncer – fort justement – une vision du monde fondée sur la fétichisation des lignes de clivage ethnoculturels et ethnoreligieux qui divisent l’humanité. » – Cohen, Jim. « Samuel Huntington dans l’univers stratégique américain », Mouvements, vol. no30, no. 5, 2003, pp. 21-30.

Si le raisonnement est hypothético-déductif et en arrive dans les trois textes à la validation des postulats, qu’en est-il de la perspective? Chez Mearsheimer elle est globaliste (est-ce surprenant? Son ancrage théorique néo-réaliste est une ontologie structuraliste – d’une essence systémique) : c’est l’état d’anarchie qui détermine l’action des États (pourtant considérés comme des agents rationnels dont les attitudes découlent d’une évaluation du gain/perte suivant la poursuite de réalisation d’intérêts individuels – perspective atomiste).

Chez Huntington, la perspective est aussi globaliste puisque c’est l’appartenance à une civilisation qui influe sur les actions des individus (et des entités étatiques). L’individu est un produit essentialiste et catégorisé d’après la question huntingtonienne du « Qui êtes-vous? » (remplaçant celle du « De quel côté êtes-vous » propre à la période guerre froide). En outre, les « lignes de fracture » culturelles (différences presque irréconciliables) déterminent le rapport conflictuel entre les civilisations. La civilisation devenant une espèce d’institution supra étatique qui forge les relations sociales. 

Chez Fukuyama, la perspective est à l’échelle de l’individu – atomiste. Celui-ci est l’agent rationnel qui fait le choix de basculer dans une idéologie ou non, toujours selon le bénéfice personnel qu’il peut en tirer. C’est ainsi qu’il explique les différences de comportements que l’on peut retrouver chez des personnes appartenant à une même classe sociale. Ce sont les décisions d’ordre atomiste (l’évaluation de ce qui serait profitable ou pas – l’attrait des valeurs) qui ont motivé l’esprit réformateur de la Chine sous Deng Xio-Ping en 1978 avec l’adoption du virage économique libéral – présenté comme un « socialisme de marché« .

Seulement, si cette perspective atomiste est privilégiée afin de comprendre les attitudes des agents rationnels, Fukuyama insiste sur le fait que l’existence de la « Conscience » antérieure au monde matériel et autonome est la racine de la décision (une « Conscience » pouvant prendre la forme d’une religion ou d’attitudes culturelles ou morales, et le basculement idéologique, la décision, se produit en premier dans celle-ci). En conformité avec la philosophie libérale, il attribue donc le comportement individuel au seul choix de celui-ci.

De plus, Fukuyama considère l’Histoire (dans le respect de la conception hégélienne) comme un « processus dialectique avec un début, un milieu et une fin ». Huntington partage cette conception, l’Histoire restant une linéarité processuelle dont la fin n’est pas le triomphe du libéralisme, mais le jour d’après du Choc des civilisations. Au contraire, pour Mearsheimer, la démarche historique est un cercle continu ou un cycle perpétuel (l’éternel retour ou le déjà-vu). Pas de fin de l’Histoire, mais l’éternel recommencement. Chez lui, il suffit de voir les similitudes historiques du passé et du présent pour constater cette absence de linéarité historique, de telle sorte que plus ça change plus c’est pareil (l’observation des périodes historiques de multipolarité européenne précédent les deux Grandes Guerres rappelle selon lui l’état actuel des relations internationales). 

Quel statut scientifique peut-on donner à ces trois textes ? En d’autres mots, les textes sont-ils rationalistes, empiristes, positivistes instrumentalistes fonctionnalistes ou constructivistes? En s’appuyant sur les arguments avancés pour justifier le raisonnement derrière les hypothèses, aussi sur les perspectives adoptées, le statut est un constructivisme épistémologique. 

« Pour la philosophie de la science et l’épistémologie, le constructivisme ou le constructivisme épistémologique est une approche de la connaissance. D’après ce courant, la réalité est une construction crée par celui ou celle qui l’observe. » 

« Du point de vue constructiviste, les connaissances produites sur un objet seraient inévitablement entachées de la manière dont il les a préalablement perçus. Le chercheur construit l’objet de son étude dès lors qu’il l’approche, et cette construction dépend fortement, voire nécessairement, de pré-supposés qu’il fait sur celui-ci.

[…] Dans cette perspective, le paradigme constructiviste brise l’illusion du positivisme au regard de la neutralité de l’observateur vis-à-vis l’objet de sa recherche, en se distanciant du postulat de la séparativité sujet-objet et en postulant l’interaction sujet-objet inévitable et nécessaire dans la construction de la connaissance. Tout objet pensé est alors un construit, et la connaissance produite est le résultat d’interprétations d’individus situés dans des contextes sociaux, culturels et physiques donnés qui influencent son élaboration.

[…] Dans la perspective constructiviste, la connaissance scientifique paraît désormais non pas comme la représentation de la réalité, mais plutôt comme une représentation parmi tant d’autres. Elle ne peut prendre valeur de vérité absolue mais constitue des modèles satisfaisants de représentations du monde dans des contextes et par rapport à des projets conçus […]

[…] En conséquence, les processus comme les résultats d’une démarche constructiviste sont différents d’un individu et d’un contexte à l’autre. Du point de vue épistémologique, le constructivisme postule qu’il y a suffisamment de degrés de liberté dans la structure du monde pour permettre aux individus de construire leurs propres théories et leurs environnements. Ils peuvent aussi se conduire adéquatement à partir de leurs perceptions du monde, des autres et d’eux-mêmes. Les contraintes dans la construction des connaissances viennent fondamentalement de la communauté à laquelle ils appartiennent et de l’ajustement perceptuel qui permet une certaine “ objectivité ” atteinte grâce à un processus de négociation interindividuelle, appelé intersubjectivité […] » 

Constructiviste? Vraiment? 

Les trois textes se veulent positivistes, mais en réalité ils sont davantage constructivistes. Cette opinion se base sur plusieurs éléments.

Chez Mearsheimer, la lecture du texte est marquée par l’aveu de l’auteur de l’impossibilité d’une validation empirique de la bipolarité comme source de stabilité dans la mesure où ce phénomène est nouveau (l’Europe ayant dès sa fondation jusqu’en 1945 connue une longue période historique de multipolarité et les apparents exemples comparatifs de bipolarité que sont Athènes-Sparte, Rome-Carthage sont « stériles », « incomplets » ou « peu concluants »). C’est un aveu lourd de sens, puisqu’il suggère que l’assertion (la bipolarité est source de stabilité) a un caractère infalsifiable (puisque l’on ne peut mener – sans attendre un temps indéfini, qu’une autre période de bipolarité comparable advienne – une observation positive permettant de la contredire); elle n’est pas dans le sens de Karl Popper scientifique. 

« [..] un énoncé est falsifiable « si la logique autorise l’existence d’un énoncé ou d’une série d’énoncés d’observation qui lui sont contradictoires, c’est-à-dire, qui la falsifieraient s’ils se révélaient vrais » […] »

« En effet, si un comportement inverse de celui qui est observé se révèle tout aussi compatible avec la théorie proposée, alors cette théorie n’explique rien. » 

On pourrait aussi remettre en question cette logique mearsheimerienne en appliquant le paradoxe de Hempel. Admettre que toute bipolarité est source de stabilité seulement en observant une seule période historique particulière reviendrait à dire que tous les corbeaux sont noirs parce que l’on en a observé qu’un. L’assertion ici inductive est abusive. Quant à la théorisation de la multipolarité source d’instabilité, elle est réfutable – d’ailleurs Fukuyama le fait en démontrant que l’existence de plusieurs pôles géostratégiques lorsqu’ils partagent la même idéologie n’est pas nécessairement source d’instabilité, et peut être vérifiée. Dès lors, si l’une des assertions mearsheimeriennes a une scientificité contestable, elle n’invalide pas à elle-seule sa représentation de la réalité issue d’un construit théorique établi. 

Les textes de Huntington et Fukuyama n’échappent pas comme il a été vu précédemment au construit théorique, au point que malgré leur prétention absolutiste ils sont des représentations parmi d’autres de la réalité du monde. 

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Nationalisme

Les trois textes portent un certain intérêt à la question du nationalisme dans l’état et l’évolution du système international. Pour Mearsheimer, le nationalisme – plus précisément l’hypernationalisme – occupe une place importante dans les politiques internes et est la cause domestique principale de la guerre, c’est un facteur incitatif à la guerre. En soutien à cette hypothèse, les périodes multipolaires avant les deux Grandes Guerres durant lesquelles l’Europe était hypernationaliste; que cet hypernationalisme venait de l’État-nation. Et dans un monde d’anarchie la menace de disparaître par l’action des autres États (civilisations chez Huntington) a tendance a faire croître le besoin de se protéger[19] d’adopter un réalisme offensif[20]. On peut également voir que chez Mearsheimer la nation en tant que référent identitaire infère une croyance menaçante (pour les autres) en la supériorité ethnoculturelle, c’est le « ugly hypernationalism ».

Pour Fukuyama, en opposition à Mearsheimer, le nationalisme n’a pas la même force incitative. Formellement, il ne saurait être qualifié d’idéologie au même titre que le libéralisme et le communisme, c’est davantage un élément conflictuel à l’intérieur du libéralisme qui ne peut survivre en dehors (le nationalisme ayant besoin de se greffer à d’autres idéologies qui possède une véritable organisation sociale). Sa résurgence n’est pas un antagonisme nouveau au libéralisme, puisque celui-ci est historique, soluble dans cette idéologie, illustrant les aspects à parfaire de la démocratie libérale. Le nationalisme est donc une crise de représentativité dans le système politique libéral – perfectible, qui n’aspire pas idéologiquement à s’y substituer. C’est un agrégat de phénomènes allant de la culture de nostalgie extrêmement organisée à une doctrine nationale socialiste très élaborée. Néanmoins, le nationalisme reste pour l’auteur (rejoignant Mearsheimer) un enjeu important des politiques mondiales (à cause de sa violence et le terrorisme[21] qu’il peut nourrir).

Pour Huntington, le nationalisme doit être compris par son signifiant culturaliste dans le système international conflictuel. Les guerres d’aujourd’hui et de demain seront certes encore liées aux États-nations (Mearsheimer), mais seront principalement celles des « groupes appartenant à des civilisations différentes ». Hors du système international, dans le monde globalisé à l’intérieur duquel les différences nationales (et les Etats-nations) ont tendance à être dissoutes dans un ordre assimilationniste et culturellement hégémonique. Le nationalisme dans ce contexte soutient la mise en place de repères d’identification. Il peut être porteur de la stabilité identitaire et exprimer un besoin de revendication. Dans cette optique, il peut être vu comme une « perspective de résistance » face à une occidentalisation (massive) du monde. De l’autre côté occidental du mur, cette « perspective de résistance » s’exprime dans le discours à la fois de « protectionnisme ethnique »[22] que de « perte identitaire »[23] avec l’arrivée des vagues migratoires de plus en plus accentuées par la mondialisation (ses iniquités et ses inégalités sociales) et les politiques néocolonialistes.

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Economie

Chez Fukuyama, la démocratie libérale va de pair avec la théorie du libéralisme économique (les États sont des agents rationnels qui désirent la prospérité et ne sont pas motivés par la sécurité. Ainsi, seul l’ordre économique libéral par ses échanges inter-étatiques assure:

  • la paix (définition de la stabilité partagée par les auteurs)
  • incite à la coopération internationale
  • permet l’émergence d’institutions internationales pouvant exercer une influence coercitive sur les États)
  • pose les jalons de l’émergence de la « Common Marketization » des relations internationales dont l’effet est la diminution de la probabilité d’un conflit mondial entre les États (l’interdépendance économique).

Mearsheimer ne trouve aucune pertinence, aucune corrélation, aucune causalité, dans le rapport que fait Fukuyama de la démocratie libérale avec son pendant économique et la stabilité du système internationale. Selon, lui la concurrence sécuritaire rend très difficile la coopération interétatique, puisse que la logique des États en tant qu’acteurs rationnels est la réalisation du gain absolu (sécurité et hégémonie). Le gain économique n’est déterminant que lorsque le risque de la concurrence sécuritaire est atténué soit par une situation hégémonique soit par la bipolarité ou la neutralisation mutuelle des puissances (en l’occurrence par la dissuasion nucléaire). C’est l’exemple historique de la période 1890-1914 qui connut une grande interdépendance économique européenne sans qu’elle ne puisse empêcher le déclenchement de la première guerre mondiale.

Dans sa fracture « Occident et le reste du monde » qui pourrait également se lire « Occident contre le reste du monde », Huntington adopte une position qui ne déplairait pas à Mearsheimer quand il ne croit pas aux vertus du libéralisme économique comme moyen de coopération internationale, lui contestant même une fonction de régulateur des relations internationales. Le libéralisme économique suscitant dans ces ailleurs ou chez ces « Autres » des « contre-réactions » fortes. De telle sorte que le choc des civilisations est aussi celui d’un refus des non-Occidentaux (moins des élites que de ce « Peuple d’en-bas » – « The People of The Abyss »[24] au bas de la pyramide de Maslow, presque endogé) des valeurs prônées par une telle idéologie.

Les civilisations en compétition avec l’Occident, ayant avec lui des relations ambigües ambivalentes ou clairement conflictuelles, vont préférer des rapprochements économiques régionaux (« civilisations communes » ou « communautés communes ») ou d’après leurs identités religieuses. C’est ce qu’il nomme le « syndrome du pays frère ». Là où il déplairait à Mearsheimer, c’est que le concept de « syndrome du pays frère » se fait indifféremment de considérations sécuritaires, de traditionnelles dynamiques de l’équilibre des puissances (alliances stratégiques de ce type), et de l’idéologie politique (Fukuyama n’apprécierait pas). La coopération se reposant davantage sur « la communauté de civilisation ». 

On pourrait objecter, en faisant pour soi la sévère condition du « processus d’épuration qu’opère la disqualification progressive des hypothèses » de Karl Popper, que dans le cas de la relation particulière saoudienne et américaine l’hypothèse huntingtonienne ne tient pas la route.

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Démocratie

La démocratie libérale (dans son acceptation Schumpeterienne[25]) est au cœur de l’analyse de Fukuyama, elle a pris le dessus sur le marxisme-léninisme et le fascisme qui prétendaient être des idéologies alternatives pouvant offrir une signification historique du monde. D’où la fin de l’Histoire. Cette dernière implique que le monde unipolaire devient une démocratie libérale universelle dans le sens mondialiste du terme (une analyse néo gramscienne[26] parlerait d’impérialiste[27]). Fukuyama se garde bien de prétendre que la démocratie libérale en elle-même met fin au conflit international (il demeurera des conflits internationaux hérités du développement historique et des conflits post-historiques sans pour autant qu’ils connaissent l’envergure des deux Grandes Guerres).

A partir de cette position théorique, Fukuyama sur le plan des relations internationales croit que la disparition des grands concurrents idéologiques du libéralisme politique n’entrainera pas comme en sont persuadés les néoréalistes un monde désintégré dans les politiques internationales. Premièrement, comme dit plus haut, la démocratie libérale introduit le libéralisme économique avec ses impacts en matière de coopération internationale et d’échanges commerciaux, ainsi une compétition digne du XIXe siècle telle qu’envisagée par Mearsheimer est « ridicule ». Secondairement, les récentes évolutions des relations internationales abhorrent l’usage de la force comme moyen légitime de résolution des différends nés de la compétition des puissances, elles ont formalisé dans leur fonctionnement (par exemple l’Onu avec la Charte de San Francisco) les principes libéraux démocratiques de pacification (médiation, négociation, arbitrage, votation, respect des opinons minoritaires, etc.).  La norme n’est plus l’usage de la force (belliqueuse) et l’usage de la force dans une situation de légitime défense est de plus en plus inusité.

La conséquence directe selon Fukuyama : une diminution des affrontements (armés) entre les États. L’autre point soulevé par Fukuyama est ancré dans la théorie des démocraties libérales – que Mearsheimer rebaptise avec une pointe de sarcasme la théorie des démocraties « peace-loving ». Cette théorie est convaincue que les démocraties libérales ne se font pas la guerre, donc est porteuse d’un ordre stable dans les relations internationales; Comme le reconnaît du bout des lèvres Mearsheimer aucune observation empirique (valide et complète) de l’histoire moderne ne vient l’infirmer. Mais celui-ci, sans se laisser désarçonner par l’argument de Fukuyama, constate que les démocraties libérales ne sont pas moins va-t-en-guerre que les régimes autoritaires. C’est ce que valident les données historiques. Peace-loving entre elles, mais pas tout à fait envers les autres. Elles sont tout autant bellicistes[28][29], n’échappant pas ni à l’anarchie dans les relations internationales ni à la rivalité des intérêts nationaux. En outre, elles ne sont pas à l’abri d’une résurgence du nationalisme et que l’effet neutralisant de opinion publique sur les gouvernements nationaux belliqueux est limité. L’opinion publique n’est pas forcément moins rebutée par la perspective de la guerre[30][31].

Quant au caractère expansionniste de la démocratie libérale et des valeurs démocratiques, le néoréaliste Mearsheimer reste sceptique. Observant l’Europe de l’Est post-guerre froide et la Russie post-soviétique (particulièrement celle de Boris Eltsine), il affirme que l’implantation des idéaux politiques libéraux est une incertitude, un doute, voire une chimère. Cette partie de l’Europe ne partageant pas la même culture démocratique historique que l’Ouest, il est fort possible que l’avenir de tels idéaux soit condamné à l’avance. Huntington en arrive à la même conclusion en balayant d’un revers de la main la prétendue universalisation de la démocratie libérale dans un système international fragmenté par des appropriations substantiellement divergentes de la notion « démocratie » et des droits humains de l’occidentalisme centrés sur l’individualisation des libertés au lieu de leur collectivisation (devoirs, responsabilité, solidarité). Entre l’Occident et les restes, la fameuse « ligne de fracture » civilisationnelle déborde largement du cadre culturel pour se retrouver dans l’arène de la conceptualisation philosophique des droits (si tant est que l’Occident conçoive qu’en dehors d’elle – de son rationalisme[32], l’on puisse philosopher[33][34][35]).

La contradiction que porte Huntington à Fukuyama dans cet échange à distance se termine sur une remarque à peu près de l’ordre de la provocation : l’adoption de la démocratie libérale sans un transfert des valeurs qui la sous-tendent souvent (droits humains occidentalisés) est possible. Pour tempérer sans doute l’attendue réaction de son confrère, il ajoute : elle reste la plus compatible à la nature humaine. Les deux penseurs libéraux ne s’étriperont pas.

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Cultures/civilisations

C’est Huntington qui met en avant par un examen culturaliste la rupture la plus saisissante dans les relations internationales post-guerre froide. À contre-pied de Mearsheimer et de Fukuyama, il constate que l’état du monde est une multipolarité civilisationnelle. Dans sa bouche, la « civilisation » est avant tout « une entité culturelle » dans laquelle dans un invraisemblable pêle-mêle il fait côtoyer ethnicité, nationalité, régionalité, religion, communauté, village, etc. Elle est « la forme la plus élevée de regroupement par la culturelle et le facteur d’identité culturelle la plus large qui caractérise le genre humain, indépendamment de ce qui le distingue des autres espèces ».  Ce facteur d’identité – dont l’élasticité conceptuelle défierait sans doute toutes les lois physiques connues – comprend la langue, l’histoire, la religion, les coutumes, les institutions si l’on s’arrête uniquement à ses éléments dits objectifs. La liste s’allonge avec tous les autres éléments qui pourraient éventuellement surgir du « processus subjectif d’identification de ceux qui la partagent ».  Un énoncé définitoire qui a tout de l’auberge espagnole. Même en lisant son livre qui paraîtra en 1996, à la recherche un peu proustienne d’une définition comme le temps perdue, Huntington ne satisfait pas. Le brillant penseur tel que reconnu par ses pairs ne s’encombre pas d’un encadrement conceptuel et sémantique assumé et compréhensible que l’on retrouve par exemple chez Mearsheimer, à la place il invoque les fantômes des autorités scientifiques (Arnold Toynbee, Max Webern, Emile Durkheim, etc.) dans une énumération incantatoire digne d’un rituel du paganisme.

« Alors que les politologues monopolisent l’espace du discours savant dans les médias, débattant des mouvements anti-mondialisation ou de la plausibilité d’un « choc des civilisations » diagnostiqué en 1993 par Samuel Huntington dans un ouvrage à la scientificité douteuse mais que certains ont malheureusement cru prophétique après septembre 2001, les historiens, sociologues, anthropologues ou géographes peinent à faire émerger un savoir cohérent, qui prendrait en charge l’ensemble des sociétés à travers le temps et l’espace. Le comparatisme n’est certes pas absent des déclarations d’intentions, souvent sur un mode incantatoire et rhétorique, mais le cloisonnement entre disciplines paraît suffisamment fort pour étouffer la plus grande part des velléités. Il est renforcé par des hésitations théoriques : les historiens, pas plus que les autres intellectuels, n’échappent au climat idéologique de leur époque. » – Etienne Anhiem et Benoît Grévin. « « Choc des civilisations » ou choc des disciplines ? Les sciences sociales et le comparatisme », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. no49-4bis, no. 5, 2002, pp. 122-146.

On retiendra que Huntington sans réellement dire ce qu’il entend vraiment par « civilisation » et « culture » contrairement à d’autres[36], observe le monde et identifie quelques civilisations dans lesquelles il crée plusieurs sous-ensembles ou sous-groupes. Cette catégorisation lui permet de démontrer que la fin de l’Histoire de Fukuyama est une vue de l’esprit (tout en souscrivant à son historicisme et à sa linéarité puisque ce sont « les conflits entre les civilisations » qui « constitueront la dernière phase de l’évolution des conflits dans le monde moderne » – dont les deux protagonistes sont l’Occident et le « Monde musulman », la fin hégélienne de l’Histoire suivra).

« L’analyse huntingtonienne de la dynamique des relations internationales à l’époque contemporaine est fondée sur une thèse d’une désarmante simplicité, à savoir que les différences culturelles – religieuses et linguistiques en particulier – vont constituer, dans l’avenir prévisible, la base essentielle des cohésions, des clivages et des conflits internationaux. Les grands ensembles civilisationnels seront désormais, selon Huntingon, les socles à partir desquels s’élaboreront les regroupements stratégiques (ce qui n’exclut pas la possibilité d’alliances entre blocs ou entre pays culturellement mixtes). Si le monde de Huntington est composé de « sept » ou « huit » unités civilisationnelles. On trouve sur la liste des civilisations attitrées :…, le grand clivage stratégique d’aujourd’hui et de demain risque, à ses yeux, d’opposer deux grandes entités, l’une appelée « Occident » et l’autre « Islam », éventuellement alliée au monde dit « confucéen », c’est-à-dire la Chine, contre l’Occident. » – Cohen, Jim. « Samuel Huntington dans l’univers stratégique américain », Mouvements, vol. no30, no. 5, 2003, pp. 21-30.

La différence entre les deux théoriciens se trouve également dans une certaine dimensionnalité de la notion de civilisation : universaliste et pluraliste. Si pour Fukuyama, la civilisation occidentale triomphante et triomphaliste influe culturellement sur les Restes, pour Huntington cette influence est somme toute superficielle, « à un niveau plus profond, les concepts occidentaux » ne s’imbriquent pas dans les valeurs prévalant ailleurs (exemples : le libre marché imposé par les institutions de Bretton Woods, le constitutionnalisme développé à l’extérieur de la réalité singulière des sociétés dites tiers-mondistes, etc.). Ainsi lorsque Fukuyama – dans l’ouverture de franchises McDonald’s à Moscou, ou bien encore en étant plus contemporain la popularité (plus ou moins) planétaire des iPhone et autres Mac – voit un incontestable succès de l’Empire et de sa société (ultra)consumériste sur les particularismes culturels, Huntington persiste et signe : les valeurs occidentales sont les moins importantes dans les Restes du monde, et ce dans la quasi-totalité des domaines (le gouvernement démocratique par exemple étant perçu comme une « séquelle du colonialisme »).

Mais Huntington nuance son propos en précisant que cette donne n’implique pas une incompatibilité insoluble (absolue) entre l’Occident et les Autres. L’intégration à l’Occident pouvant être possible par un « ralliement au camp du vainqueur » (tel que le suggère la théorie des relations internationales et qu’approuve Mearsheimer dans son hypothèse sur la sécurité des États comme principe directeur de leurs agissements dans l’anarchie internationale). Un tel ralliement signifierait pour le tiers-mondiste une souscription aux valeurs occidentales et à ses institutions (purement et simplement, sans autre forme de négociation). Cet assujettissement complet valant littéralement une désintégration culturelle peut conduire chez l’Autre qui se désintègre à ce que Huntington qualifie lui-même de « pays déchirés » (une situation douloureuse de transformation interne afin de parvenir à une homogénéisation culturelle) comme ce fût le cas de la Turquie lors de sa tentative d’adhésion à la Communauté européenne. La question d’appartenance identitaire a provoqué d’intenses tensions à la fois du côté du sollicité que du solliciteur.

La piste de solution qu’offre Huntington laisse aphone : une préalable redéfinition identitaire du solliciteur par une assimilation à l’Occident (se faisant éventuellement comme dans le cas du Mexique – souhaitant rejoindre l’Alena – en 1991 hors du débat public de peur de le polariser sur l’identitaire; en 2018 avec la volonté de l’administration Trump de faire voler ce partenariat économique en éclats, l’édification annoncée d’un mur anti mexicain (anti pauvres, sécuritaire, et protectionniste) à la frontière américaine, on serait en droit de se demander si après tout cela en vaut la peine).

Mearsheimer dans cette discussion n’a pas une longue dissertation à présenter, juste réaffirmer que dans ce monde multipolaire proposé par Huntington l’anarchie (culturelle, militaire, politique, économique, etc.) est une inquiétante source d’instabilité. En somme, Huntington et lui se sont mis au même diapason.

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Conclusion

Au fond, qu’est-ce qui a vraiment changé?

La seule grande certitude qui ressort des trois textes est que personne n’est d’accord sur presque rien (les apparents rapprochements ne se fondent pas sur les mêmes raisons (causes) et ne semblent pas partager le même signifiant et dégager les mêmes effets, des accords sur des détails, circonstanciels, sur des questions secondaires). Le changement pour les uns, l’éternel retour pour les autres, l’entre-deux et ses différentes nuances, le tout dans un environnement des politiques mondiales à la fois figé et imprévisible. A leur défense, le discours scientifique n’a pas la prétention d’expliquer l’objet dans son entièreté. Elle se veut restrictive dans son approche, réductrice dans sa dimension, comprendre ou expliquer un phénomène dans un aspect précis afin peut-être d’en maîtriser la dynamique.

Le monde n’est pas moins froid qu’entre 1945 et 1991, tant dans les relations internationales que dans les différents niveaux macro et micro des politiques mondiales. Conflictuel comme le souligne L’Atlas des crises et des conflits[37]. Des guerres anciennes, des guerres sous tension, des guerres de demain – technologiques, encore plus économiques[38], dans un renforcement de la mondialisation. Des guerres culturelles et environnementales, avec de nouveaux et anciens acteurs. La théorie de l’équilibre des puissances demeure d’actualité[39], les menaces que sont l’hypernationalisme donne l’impression que l’éternel retour ressenti par Mearsheimer reste un incessant déjà-vu traité tel un nouveau phénomène par une époque sans mémoire[40][41] ou pire sans Histoire[42]

Back to the future, spectacle occidental aux saveurs yankee et public-monde en réalité virtuelle, le système international d’une conférence internationale à l’autre est une sempiternelle représentation dont les acteurs changent de masques sans véritablement apporter à ce drôle de jeu une quelconque épaisseur et originalité.

The Show Must Go On : de la non-fin de l’Histoire de Fukuyama à la vraie fin de l’histoire des démocraties libérales[43][44] en passant par le « Clash » civilisationnel. « Clash » politique[45][46][47]), culturel ou pris comme tel afin de démarquer les Civilisés des Barbares. 

“Barbares, c’est le nom que les Grecs donnaient par mépris à toutes les autres nations, qui ne parlaient pas leur langue, ou du moins qui ne la parlaient pas aussi bien qu’eux (…). Dans la suite des temps, les Grecs ne s’en servirent que pour marquer l’extrême opposition qui se trouvait entre eux et les autres nations, qui ne s’étaient pas encore dépouillées de la rudesse des premiers siècles, tandis qu’eux-mêmes, plus modernes que la plupart d’entre elles, avaient perfectionné leur goût et contribué beaucoup aux progrès de l’esprit humain. (…) En cela, ils furent imités par les Romains. (…) Les Grecs et les Romains étaient jaloux de dominer plus encore par l’esprit que par la force des armes”. La notion de Barbares, telle que la livre ici l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, dépasse ainsi le champ lexical du sauvage ou du grossier. Elle rend bien compte de cette distance et de cette supériorité de civilisation entre groupes humains qui développent deux conceptions de l’universel » – Ramel, Frédéric. « Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique ? », Stratégique, vol. 93-94-95-96, no. 1, 2009, pp. 683-707.

« Bien plus, sur le seul plan économique, l’émergence de certaines économies – largement asiatiques – est un phénomène qui date en fait des années 1960, même si on ne l’appelait pas ainsi. On disait les « quatre dragons » : dans l’ordre, Hong-Kong, Taïwan – tous deux, mondes chinois -, Corée du Sud, Singapour. Dans les années 1980, ne célébrait-t-on pas l’arrivée des « tigres » : Thaïlande, Indonésie… Ces signes avant-coureurs de la mondialisation sont bien reflétés par la dénomination évolutive des pôles et des aires. Les années 1960 parlaient des pays sous-développés (par rapport aux pays industrialisés) ; les années 1970, des pays en voie de développement et des rapports Nord-Sud ; les années 1980, des pays en développement ; les années 1990, des pays à revenu intermédiaire (par rapport aux pays les moins avancés) ; les années 2000, des pays émergents (par rapport aux pays émergés). Ce « tuilage » des étiquettes internationales illustre bien le fait que les pôles de puissance ne sont pas le simple résultat de tendances linéaires et qu’ils sont propices aux erreurs de perspective. »

Aujourd’hui, le monde est une multipolarité aux pôles désaxés. Chacun de son coté du mur berlinois séparant les Civilisés des (Invasions) Barbares [Mark B. Salter, Barbarians and Civilization in International Relations, Londres, Pluto Press, 2002, pp. 24-27.] à la puanteur tiers-mondiste. Entre tous ces îlots connectés et coexistant à peine dans la tour babylonienne des relations internationales, il y a cet apartheid que même les révolutions Che Guevaratesques[48] – qui font « pschittt »[49] – n’osent pas/plus combattre. 

Demain n’est pas une autre jour. 

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[1] Zakaria Fareed. The Post-American World and The Rise of the Rest, New York, W.W. Norton & Co., 2008, 304 pages / BETTS R. (2010), « Conflict of cooperation ? », Foreign Affairs, n° 89, vol. 6, p. 186-194. / Douzet, Frédérick, et David H. Kaplan. « Geopolitics : la géopolitique dans le monde anglo-américain », Hérodote, vol. 146-147, no. 3, 2012, pp. 237-252.

[2] Marx réinterprète l’idéalisme hégelien de l’ordre de la conscience (l’idéologie) en lui conférant une nature matérialiste déterministe mais surtout en la réduisant à une « superstructure ».

[3] La notion de l’éternel retour chez Nietzsche – Sauvanet, Pierre. « Nietzsche, philosophe-musicien de l’éternel retour () », Archives de Philosophie, vol. tome 64, no. 2, 2001, pp. 343-360.

[4] Année de publication de son article dans l’International Security

[5] Krastev, Ivan. « Une sensation de déjà-vu. Entretien avec Ivan Krastev », Esprit, vol. décembre, no. 12, 2017, pp. 81-86.

[6] L’instabilité étant définie par l’auteur comme la présence de conflits armés

[7] Battistella, Dario. « Le retour de la guerre », Raisons politiques, vol. no 13, no. 1, 2004, pp. 5-7.

[8] Battistella, Dario. « « Liberté en Irak » ou le retour de l’anarchie hobbienne », Raisons politiques, vol. no 13, no. 1, 2004, pp. 59-78.

[9] Heacock, Roger. « III. Crise et guerre du Golfe, 1990-1991 », Confluences Méditerranée, vol. 62, no. 3, 2007, pp. 145-161.

[10] Védrine, Hubert. « Les États-Unis : hyperpuissance ou empire ? », Cités, vol. 20, no. 4, 2004, pp. 139-151.

[11] Raffinot, Marc. La dette des tiers mondes. La Découverte, 2008

[12] Benoît Grévin. « « Choc des civilisations » ou choc des disciplines ? Les sciences sociales et le comparatisme », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. no49-4bis, no. 5, 2002, pp. 122-146.

[13] Rigal-Cellard, Bernadette. « Le président Bush et la rhétorique de l’axe du mal. Droite chrétienne, millénarisme et messianisme américain », Études, vol. tome 399, no. 9, 2003, pp. 153-162.

[14] Gueldry, Michel. « Qu’est-ce que le néoconservatisme ? », Outre-Terre, vol. no 13, no. 4, 2005, pp. 57-76.

[15] Prendre les ensembles sociaux tels des touts en mouvement

[16] Epistémologiquement parlant dans l’acceptation française de la notion.

[17] Galy, Michel. « Nouvelles visions des conflits : une politologie des « mondes contemporains » », Revue internationale et stratégique, vol. 43, no. 3, 2001, pp. 121-128.

[18] Ibid.

[19] Pelopidas, Benoît. « Les émergents et la prolifération nucléaire. Une illustration des biais téléologiques en relations internationales et de leurs effets », Critique internationale, vol. 56, no. 3, 2012, pp. 57-74.

[20] Brustlein, Corentin. « Clausewitz et l’équilibre de l’offensive et de la défensive », Stratégique, vol.  97-98, no. 5, 2009, pp. 95-122.

[21] Kumar Bose, Pradip. « Sécurité, terreur et paradoxe démocratique », Rue Descartes, vol. 62, no. 4, 2008, pp. 24-29.

[22] Badie, Bertrand. « Migrations dans la mondialisation », Revue Projet, vol. 311, no. 4, 2009, pp. 23-31.

[23] Melegh, Attila. « Migrations et discours de migration à l’ère de la mondialisation », Outre-Terre, vol. no 17, no. 4, 2006, pp. 393-401.

[24] London Jack, Le peuple de l’abîme, Robert Lafont, Paris, 1988

[25] O’Donnell, Guillermo. « Repenser la théorie démocratique : perspectives latino-américaines », Revue internationale de politique comparée, vol. vol. 8, no. 2, 2001, pp. 199-224.

[26] Paquin, Stéphane. « Chapitre 8. Les perspectives hétérodoxes : l’école néo gramscienne », Théories de l’économie politique internationale. Cultures scientifiques et hégémonie américaine, sous la direction de Paquin Stéphane. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), 2013, pp. 299-330.

[27] F.G. Dufour et L.M. Chokri, « Approches néomarxistes : la théorie néo gramscienne et le marxisme politique », in A. Macleod et D. O’Meara (dirs.), Théories des relations internationales. Contestations et résistances, Montréal, Athéna, 2007, pp. 207-29.

[28] Lindemann, Thomas. « Identités démocratiques et choix stratégiques », Revue française de science politique, vol. vol. 54, no. 5, 2004, pp. 829-848.

[29] Lesch, Ann M. « L’ambition hégémonique de George W. Bush sur le Moyen-Orient », Confluences Méditerranée, vol. 43, no. 4, 2002, pp. 73-83.

[30] Boniface, Pascal. « Guerre et opinion publique : communiquer, informer, désinformer. Entretien », Hermès, La Revue, vol. 70, no. 3, 2014, pp. 68-73.

[31] Bauvois, Jean-Léon. « La propagande dans les démocraties libérales », Le Journal des psychologues, vol. 247, no. 4, 2007, pp. 39-43.

[32] Fontaine, Philippe. « Qu’est-ce que la science ? De la philosophie à la science : les origines de la rationalité moderne », Recherche en soins infirmiers, vol. 92, no. 1, 2008, pp. 6-19.

[33] Kodjo-Grandvaux, Séverine. « Vous avez dit « philosophie africaine » ? », Critique, vol. 771-772, no. 8, 2011, pp. 613-623.

[34] Howlett, Jacques. « La philosophie africaine en question », Présence Africaine, vol. 165-166, no. 1, 2002, pp. 155-163.

[35] Stepanyants, Marietta. « Repenser l’histoire de la philosophie », Diogène, vol. 223, no. 3, 2008, pp. 75-90.

[36] Bert, Jean-François. « Éléments pour une histoire de la notion de civilisation. La contribution de Norbert Elias », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 106, no. 2, 2010, pp. 71-80.

[37] Berg, Eugène. « La nouvelle géopolitique des conflits », Géoéconomie, vol. 72, no. 5, 2014, pp. 215-230.

[38] Bosserelle, Éric. « La guerre économique, forme moderne de la guerre ? », Revue Française de Socio-Économie, vol. 8, no. 2, 2011, pp. 167-186.

[39] De Senarclens, Pierre. « Théories et pratiques des relations internationales depuis la fin de la guerre froide », Politique étrangère, vol. hiver, no. 4, 2006, pp. 747-759.

[40] De Gourcy, Constance. « Revenir sur les lieux de l’origine. De la quête de « racines » aux épreuves du retour », Ethnologie française, vol. vol. 40, no. 2, 2010, pp. 349-356.

[41] Rousso, Henry. « Vers une mondialisation de la mémoire », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. no 94, no. 2, 2007, pp. 3-10.

[42] Wieviorka, Annette. « Malaise dans l’histoire et troubles de la mémoire », Matériaux pour l’histoire de notre temps, vol. 85, no. 1, 2007, pp. 38-42.

[43] Rupnik, Jacques. « La démocratie illibérale en Europe centrale », Esprit, vol. juin, no. 6, 2017, pp. 69-85.

[44] Zakaria, Fareed. « De la démocratie illibérale », Le Débat, vol. no 99, no. 2, 1998, pp. 17-26.

[45] Benjamin, Daniel. « Le terrorisme en perspective », Politique étrangère, vol. hiver, no. 4, 2006, pp. 887-900.

[46] entile, Emilio. « Fascisme, totalitarisme et religion politique : Définitions et réflexions critiques sur les critiques d’une interprétation », Raisons politiques, vol. no 22, no. 2, 2006, pp. 119-173.

[47] Godin, Christian. « Qu’est-ce que le populisme ? », Cités, vol. 49, no. 1, 2012, pp. 11-25.

[48] Ellul, Jacques. Changer de révolution. L’inéluctable prolétariat. Le Seuil (programme ReLIRE), 1982

[49] Poupée, Karyn. « 1992-2000 Les bulles ont fait « pschitt » et les rêves se sont envolés », Les Japonais. sous la direction de Poupée Karyn. Tallandier, 2012, pp. 109-120.


« Les vieux outils intellectuels deviennent obsolètes, inaptes à explorer,
comprendre et orienter et ce constat génère une crise de la connaissance, une
véritable crise des fondements, qui déplace l’interrogation sur les amonts des
savoirs. Une mutation globale est d’abord d’ordre factuel, et simultanément
stratégique, politique et historique et concerne les changements majeurs du
monde, en cette fin du XXe siècle. Ces changements appartiennent à des
grandeurs disparates, et ceux-ci se réfèrent à la fois à:

– la distribution des facteurs de puissance, évoluant vers des modes intangibles
et des jeux d’influence ;
– l’émergence du facteur culturel et du « social international » ;
– la modification des enjeux de la politique internationale ;
– la recherche de la légitimation politique, qui ne se fait plus, pour l’heure,
par la guerre ou par le conflit inter-étatique ;
– le contrôle de l’environnement, interne et transnational, et le relâchement
de liens de cohésion et de solidarités entre les collectivités humaines
organisées ;
– la naissance de zones régionales intégrées ;
– le rôle du commerce, de la finance et de la technologie, dans le cadre d’une
interdépendance globale et comme facteur de régulation de puissance ;
– la crise mondiale d’hégémonie et le changement de décor de la scène
internationale, eu égard aux avenirs probables ;
– la quête de performances globales et celle d’une stabilité accrue, à l’échelle
planétaire. »

– Seminatore, I. (1996). Les relations internationales de l’après-guerre
froide: une mutation globale. Études internationales, 27



Les textes 

1/ End of History? de Francis Fukuyama : Fukuyama-End-of-history-article

2/ Back to the Future de John J. Mearsheimer : MEARSHEIMER copy

3/ Clash of Civilization? de Samuel P. Huntington : Huntington_Clash copy

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