Dans le cadre d’une intervention de relations publiques, à la question de savoir pourquoi il est requis de faire un lien entre les objectifs préalablement fixés et l’évaluation des actions, une des pistes de réponse est : la stratégie globale de relations publiques.
Une stratégie de relations publiques constitue la façon, voire l’approche qu’on privilégie pour résoudre ou atténuer les effets d’une problématique de communication. De surcroît, la stratégie de relations publiques doit être modelée sur les objectifs et adaptée au profil, aux attentes et aux préoccupations des publics visés.
Guy Litalien, « Qu’est-ce qu’une stratégie de relations publiques ?«
Faire le lien, c’est rapprocher les objectifs et les actions. Établir une causalité, le rapport entre les différentes étapes du processus de prestation de service en relations publiques.
Pourquoi est-il indiqué dans le cadre du mandat du relationniste? Parce qu’il oblige à évaluer la pertinence de la stratégie globale.
Par exemple, si l’objectif d’une organisation est le leadership dans son secteur d’activité et qu’elle adopte – d’après le diagnostic de l’environnement organisationnel dûment effectué par le relationniste sous la forme d’une recherche approfondie et d’une analyse adéquate du contexte de l’organisation – la stratégie globale visant à la modification de la perception des publics cibles à son endroit (dont le but est d’en arriver à une attitude ou un comportement favorable qui bénéficie à l’organisation).
Dès lors, faire le lien permet de voir si cette stratégie contribue à la résolution effective de la problématique diagnostiquée (la réputation, dans cet exemple précis).
Il faut souligner à l’instar de Guy Litalien que cette stratégie de relations publiques devrait être effectuée en mode dialogique.
Le mode dialogique, clé de la confiance en relations publiques
Le mode dialogique, c’est l’intersubjectivité des publics, la bidirectionnalité de la relation entre les publics cibles et l’organisation, et la rencontre la zone de l’intérêt public des intérêts souvent divergents ou opposés.
Le mode dialogique implique pour le relationniste de se conformer au mandat reçu par l’organisation-cliente et d’agir pour la préservation de l’intérêt public.
Dans le modèle de compréhension mutuelle, c’est une négociation permanente qui le place de facto dans une position dans laquelle il est impératif pour lui de comprendre, de traduire et de communiquer un sens partagé par toutes les parties prenantes.
[…] le dialogisme, […] recèle elle-même plusieurs interrogations inséparables : conception de la subjectivité, construction du sens, frontières entre les notions de personne, d’individu et de sujet, modes de saisie linguistique du dialogisme, en langue et en discours, type de rapports entretenus par les discours. […] (inter)subjectivité, altérité, interdiscours, intertexte, hétérogénéité, polyphonie.
Marie-Anne Paveau, « La norme dialogique. Propositions critiques en philosophie du discours« .
Dans cette perspective, il n’est pas un propagandiste, un marketeur, ou un lobbyiste. Il ne s’agit pas pour lui de « vendre » l’organisation, mais d’établir avec les parties prenantes une relation communicationnelle davantage axée sur l’honnêteté et l’éthique. La responsabilité sociétale et le développement durable.
Elle est là la substance des valeurs prônées par les Accords de Stockholm.
Le dialogisme comme une nouvelle définition du rôle du relationniste
L’époque durant laquelle Edward Bernays faisait des relations publiques une machine propagandiste au service des organisations est révolue. Ceux qui en doutent encore sont définitivement, en ce siècle, en voie d’extinction, même si la plupart n’en ont pas encore ou toujours conscience.
L’ingénierie du consentement (The Engineering of Consent) de Bernays fondée sur une interprétation de la communication d’influence relevant d’abord de la publicité et de la manipulation n’a plus aucun sens de nos jours.
Si Bernays croyait que « la foule ne peut pas être considérée comme pensante, seul le ça s’y exprime, c’est-à-dire les pulsions inconscientes » et que le relationniste est un activateur, voire un gestionnaire, de ces « pulsions inconscientes », aux temps terribles des médias sociaux les masses populaires sont loin d’être à la fois aussi comateuses et instinctives.
Le relationniste ne fabrique pas le consentement, il présente un point de vue organisationnel convaincant dans la grande conversation des opinions se déroulant dans l’espace public.
On ne converse pas avec les autres en s’écoutant parler, en martelant ses messages-clés, invariablement. On ne converse pas en considérant que les publics sont au fond un moyen pour arriver à une fin. Les publics actuels ne sont pas stupides et ont beaucoup de misère avec la dépersonnalisation et la déshumanisation. La foule non-pensante de Bernays est morte depuis belle lurette. Tout relationniste qui s’essaierait à ce type de communication, a des penchants suicidaires.
Ce point de vue ne doit pas se limiter à la simple défense des intérêts organisationnels. Il ne doit pas être antinomique au bien commun. Le rôle du relationniste contemporain est d’aller au-delà de cette position. Il s’assure que le consentement soit conscient, éclairé, transparent, et profitable aux parties prenantes.
Dans ce sens, son rôle consiste à montrer les aspects positifs de l’organisation-cliente, de reconnaître ses insuffisances, de les identifier, et d’inciter sur la transformation des faiblesses.
Le relationniste est ainsi dans la praxis ou la pratique transformationnelle, que ce soit du bord de l’organisation que des autres parties prenantes.
Encore une fois, sa mission n’est pas d’imposer ou de séduire (séduire est le propre du publicitaire), il va au-delà du fait de « redorer le blason » de l’organisation qui est un objectif à court et moyen termes, ce n’est pas qu’un « faiseur d’image » ou en gestion de crise de « miracle », un expert du capital sympathie.
Sa mission est de persuader. De convaincre. Et que chacune des parties prenantes se sentent satisfaites. Bref, qu’elles en aient pour leur argent.
Convaincre est la meilleure façon de garantir un véritable, productif, efficace, engagement des parties prenantes.
L’avenir des relations publiques me semble passer par des activités renforçant la compréhension mutuelle des parties prenantes.
La crédibilité et la confiance, comme ultime finalité
La finalité de ce processus de communication, qui affecte également des domaines spécifiques de gestion organisationnelle, est de rendre plus crédible l’organisation. Confiante et de confiance.
Son métier se retrouve ainsi à la croisée des chemins, et grâce à cette disposition, cette transversalité, il doit se retrouver au cœur de la prise de décision au sein de l’organisation.

Source: Marc Sévigny
Faire le lien pour atteindre la confiance
Faire le lien entre les objectifs fixés et les actions de relations publiques choisies est une manière de mesurer si cette confiance est atteinte, en voie d’être atteinte, ou loin d’être atteinte.
Comment peut-on traduire concrètement l’atteinte de cette confiance? Cela dépend de l’objectif globale propre à chaque organisation. Un exemple: être le leader dans son secteur d’activité.
Si l’organisation parvient au leadership, alors en se référant au « M » du modèle S.M.A.R.T, cela signifie qu’elle est parvenue à atteindre un degré satisfaisant de confiance. Les indicateurs comme la loyauté de ses clients (adhésion au programme de fidélité), l’augmentation des ventes, ou de la croissance des profits, sont certaines de ses manifestations.
Faire la jonction entre ce que l’on souhaite (résultat escompté – objectif global) et ce que l’on fait (actions et réalisations) est en relations publiques l’examen de l’efficience des actions et des moyens stratégiques (communicationnels) dans l’atteinte de ces objectifs.
Elle mesure aussi l’éventuel écart entre la situation actuelle, réelle de l’organisation et la situation voulue. L’existence d’un tel écart constituant un problème. La problématique.
A cet effet, faire ce lien vise également à l’atténuation ou la résolution de la problématique identifiée :
- Mesure du degré d’accomplissement de la stratégie globale et de l’efficience des actions;
- Identification, rectification ou correction des manquements.
L’évaluation questionne la stratégie:
- Est-ce que la ligne directrice de l’action communicationnelle est bonne ?
- Est-ce que l’orientation de l’intervention est adéquate ?
- Est-ce le processus de communication est efficace ?
- Est-ce que le constat qui découle de l’évaluation est cohérent avec les objectifs désignés ? Pourquoi ? Comment l’optimiser ?
En la questionnant, l’évaluation oblige d’une certaine façon à la remettre en cause ou à la renforcer.
Faire le lien pour élaborer les stratégies spécifiques
D’un autre côté, faire le lien entre les objectifs fixés et l’évaluation des actions favorise l’élaboration des stratégies spécifiques.
- Devrait-on opter pour une stratégie de relations de presse?
- La communication doit-elle être financière ou institutionnelle ?
- Doit-on privilégier uniquement le marketing relations publiques?
- Les relations communautaires?
- Et quand devrait-on le faire ?
- Quelles sont les opportunités?
- Quels sont les messages-clés?
- Comment les ajuster?
- Quels sont les publics cibles?
- Où sont-ils et comment les atteindre?
- Quelles sont leurs attentes, leurs perceptions, leur discours, sa tonalité?
- Comment devrait-on leur parler?
- Que devrait-on changer en interne?
En somme, faire le lien est possiblement requis pour tout cela. Je crois aussi que c’est une autre manière de mettre en place – et je paraphrase Guy Litalien – « l’intégration des stratégies en relations publiques » qui devient de ce fait un constituant de « l’armature de l’ensemble de la communication organisationnelle ».
Soit l’uniformisation du positionnement institutionnel (objectifs) par la centralisation et la diffusion du même message (cohérence et clarté), décliné selon les spécificités de chaque partie prenante et de ses attentes. Parce que dans la grande conversation des opinions, le bal des perceptions, tout le monde ne dit pas forcement tout et encore moins la même chose, ou ne le dit pas comme les autres.
Dans l’espace public, pour une organisation et un relationniste, la valse des sentiments et des arguments ne saurait – et ce malgré la musique de fond – se faire s’en s’adapter au rythme des participants. Il s’agit d’éviter d’être une dissonance.