Ecrire comme libre, écrire comme jouir

Hier, j’ai tapé fort sur mon clavier français, j’ai cogné comme sur un ring, les mots avec toute la rage dans mes tripes, exutoire extraordinaire l’écriture n’a jamais semblé autant à mes yeux aussi thérapeutique, acte aussi libérateur que plaisir immodéré, acte nécessaire, presque jubilatoire, j’ai expulsé je me suis expulsé et j’ai joui.

L’éponge vidée de son trop plein des Autres, de leurs apnées dans des profondeurs sans lumière saturées de ce silence qui rend sourd et soûl de désorientation, vidée du monde et ses sens en non-sens quotidiens, vidée de ce réel mortifère morbide gris comme un cimetière avec des stèles à perte de vue, vidée et ressuscitée, j’ai expulsé je me suis expulsé, et j’ai joui.

Écrire comme libre, seul moment de liberté, seul moment de véritable silence, sans quelqu’un qui parle longtemps un peu beaucoup de ce qu’il a sur le cœur dans la tête de tout ce qui dans la culotte frémit en m’en dégoûter la bite, sans quelqu’un qui parle et parle et parle de sa p’tite misère de la mocheté de son nombril de l’horreur de sa gueule de la pauvreté de son compte en banque de l’infidélité de l’amour de sa vie de son envie d’infidélité de l’amour de sa vie, j’ai écrit et il n’y a rien, pas de guerres pas de génocides pas de cris pas de larmes pas de joies pas de peines pas de murs pas de déserts pas de plaisirs pas de déplaisirs pas de haine pas d’amour pas de colères pas de paix, rien du tout sauf moi et ce moment plein et entier de liberté, un moment à moi, un sas de décompression, une fenêtre d’évasion, des ailleurs comme des imaginaires, des labyrinthes comme des errances, des apnées en moi jusque dans les tréfonds d’un esprit sans lumière, des tréfonds du silence assourdissant, écrire comme libre, oasis monastère, je me suis expulsé du réel pour la réalité qui libère, et j’ai joui.

 

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Écrire comme jouir, seul moment où le cul le vagin les seins et toutes les absurdités qui font tant bander n’ont aucun sens et sont simplement dégoûtants, sans cette pornographie des sentiments qui sont si obscènes et vulgaires, sans ces corps offerts en offrandes sacrificielles comme une malbouffe servie dans un fast food, sans ces jeux stupides de séduction qui finissent par une baise une éjaculation une expulsion-fontaine un tremblement spasmodique de corps en convulsion, baise et éjaculation qui ne durent même pas l’éternité, l’éternité des yeux qui se regardent et se voient comme ils tombent amoureux pour la première fois, se regarder et se voir à chaque fois chaque jour comme si c’était la première fois, se regarder et se voir l’un l’autre comme si chaque jour à chaque aube dans chaque crépuscule l’on retombait amoureux de cette âme imparfaite devant soi dans toute sa nudité, comme si on redécouvrait toute l’authenticité de l’Autre, écrire me fait toujours cet effet. Comment seulement ne pas jouir.

Hier, j’ai tapé sur mon clavier so french un texte libérateur, j’ai cogné sur un adversaire qui avait la même tronche que moi, j’étais contre moi et ses plusieurs de moi, j’ai balancé des mots comme des uppercuts et souvent je me suis senti vaciller. Et au bout de la dernière phrase, le knock-out m’a laissé éveiller toute la nuit, groggy j’ai continué à danser sur le ring avec moi et ses hordes de moi en multitude. A l’aube, le clavier paris sans hilton mais avec un cul aussi plat qui m’a tant fait aimer les anorexiques et autres squelettes, le clavier anorexique et édenté de touches a rendu l’âme. A l’aube, j’ai regardé le clavier trucidé, la page blanche violée par mes mots phalliques et obsédés aussi sexuellement du cul et autres dérivés que de la banale et ordinaire bêtise de la contemporanéité, j’ai vu le texte expulsé comme moi, je n’ai pas eu de transes corporelles spasmodiques et encore moins une éjaculation puissante et massive, rien de jubilatoire, j’étais comme une éponge vidée.

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