Trump, catalyseur de la connerie

Ces derniers jours, j’ai pris des vacances. Et cela ne me fait pas le plus grand bien. La preuve, je rédige un billet sur Donald Trump. La parenthèse estivale commence vraiment mal. Mais voilà, que voulez-vous que je vous dise? 99% de l’actualité politique tourne autour de ce personnage digne des Contes de la folie ordinaire de Bukowski. Trump dans les médias c’est le bouffon du roi et le roi en même temps, bouffon-roi, roi-bouffon, il est impossible de rayer les mentions inutiles. Toutes, manifestement, sont appropriées.

Ce matin, j’ai ouvert les nouvelles, et presque toutes parlaient, encore, du blond. Je me suis demandé Qu’est-ce qu’il a encore fait comme niaiserie celui-là pour tous les rendre aussi fou ? En lisant, j’ai compris. Trump a complimenté une journaliste irlandaise durant un appel téléphonique au Premier ministre du même pays nouvellement élu. Il faut regarder les images pour saisir le contexte. « Elle a un beau sourire sur son visage, je parie qu’elle s’occupe bien de vous« . Du sexisme brut et du machisme pur. D’une insoutenable violence. Intolérable. La presse et les médias, déjà en guerre contre l’imbuvable locataire du bureau ovale, ont sorti l’artillerie lourde. Ils ne leur en faut pas beaucoup. Trump, ridicule ! Trump, salaud ! Trump, grossier ! Trump, vulgaire ! Trump ! Trump ! Trump ! Je conviens avec vous c’est… je vous laisse le dire. Vous le dîtes mieux.

Il y a 5 mois, je faisais le diagnostic de ce drôle de mal dont souffre les médias, les chroniqueurs, les éditorialistes, les troubadours de l’information, les nouveaux journalistes foutus d’un temps foutu coincés dans une Civilisation de foutus : la Trumpéroïde aiguë. Qui est une forme de trouble psychotique. Dérèglement comportemental total, altération cognitive, transe démentielle. Surexcitations et sur-dépressions. La folie quoi. Une Trump-folie. Malheureusement, tous les bons thérapeutes sont morts. Ceux qui restent sont plus timbrés que les malades. La preuve, ils sont invités sur le canapé médiatique, ils y sont à l’aise.

 

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Morale de l’histoire, puisqu’il en faut toujours une, Noir c’est noir et il n’y a plus d’espoir. Autrement dit, Trump c’est Trump et il n’y a plus que le désespoir. Maintenant vous pouvez éteindre les médias et reprendre une folie normale.

Je rigole. Bien entendu. Les deux sont indissociables. Voire inextricables. Les médias, ceux qui ont pignon sur rue, ceux qui se sont auto-proclamés Not-Fake-News et qui sont les principaux diffuseurs de la désinformation, ceux qui prêchent la bonne parole establishment à ces immenses foules de bigots, ceux qui ne connaissent pas les Alternatives facts et qui ont leur propre réalité dans laquelle les histoires qui dérangent vraiment, les questions essentielles – celles qui empêchent de raconter la bonne histoire, n’existent pas, les médias sont notre folie normative. Je ne vous ferai pas une diatribe là-dessus, la littérature pullule d’analyses d’une telle intelligence qu’il n’est point nécessaire d’en rajouter.

Robots rédacteurs, mouchards publicitaires et réseaux sociaux : l’industrie numérique a trouvé le Graal dont rêvaient les patrons de la presse traditionnelle. Cette information de masse à bas coût qui enchante les annonceurs ne bouleverse pas l’ordre médiatique. Contrôlé par des grandes fortunes, le journalisme cadre les débats publics et escamote une partie de la réalité. Le discrédit qui le touche nourrit un immense désir : celui d’une information de qualité conçue comme un bien collectif.

Et je conçois que l’on ne soit pas d’accord, déjà là vous conviendrez avec moi que de nos jours c’est anormal. Promis je ne vous taxerai pas de fasciste, de totalitariste, de dangereux, d’incurie, d’irresponsable, d’idéaliste, de déconnecté, de bisounours. Soyez-en rassurés, je ne vous tournerai pas en bourrique. Vous n’êtes pas ici à la télé. Ni dans la presse. Messieurs et dames , ce n’est pas le genre de la maison.

En étant moins sérieux, je voudrais revenir sur ce nouveau phénomène qui consiste à trouver du sexisme ou du machisme dans tout et n’importe quoi. Il y a comme une montée en puissance d’un ordre féministe qui n’a rien à envier aux extrémismes les plus nauséabonds. Celui qui transforme un compliment en une guerre des sexes, une galanterie a un traitement discriminatoire et humiliant, un certain savoir-vivre a une manifestation de l’assujettissement des femmes. A croire que, à l’heure actuelle, tout ce qu’un homme fait, dans l’intention de bien faire, ou simplement parce que c’est l’élémentaire de la politesse, de façon respectueuse, est d’abord vu comme un crime. La femme la permanente grande victime du phallocrate tyrannique.

 

Des journaux comme le Daily Mail en Grande-Bretagne ont critiqué cette recherche car elle demande d’identifier le comportement masculin comme discriminatoire a priori. Ce journal titre son article «les hommes qui ouvrent la porte à une femme sont SEXISTES pas gentlemen». Les femmes elles-mêmes n’en sont pas conscientes et contribuent à créer une «culture de la femme» plus vulnérable que l’homme, explique le Daily Mail.

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Il suffit de si peu, souvent de rien, pour que la machine s’emballe, condamnations et appels à l’expiation pénitentielle. L’homme est traîné au milieu de la foule, on lui coupe le sexe, et il doit se recouvrir de cendres. Quelques fois, ce n’est pas suffisant pour calmer l’ire féministe. Ultra-féministe. L’homme doit devenir un esclave. Objet-chose. Seulement là, pour ce féminisme on aura atteint la parfaite égalité des sexes.

Je sais. Vous me direz « Normal que tu écrives de telles sottises, tu es un homme! » Vous aurez raison au moins sur un point, je suis un homme, et j’ai du mal à savoir sur quel pied danser avec vous, les femmes.

J’ai du mal à trouver une cohérence dans le fait de me reprocher d’être un salaud quand je vous tiens la porte, parce que selon vous c’est un geste qui nie votre capacité à la tenir, en même temps de me traiter de grossier, parce que je ne vous ai pas tenu la porte justement en m’imaginant que vous le prendriez comme une offense.

J’ai du mal avec le fait que si je ne vous regarde pas, parce que quelques fois j’estime que le regard viole, c’est une insulte, et si je vous regarde, sans plus, c’est une quasi agression sexuelle.

 

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J’ai du mal avec le fait que je retienne les coups dans un débat parce que dans le cas contraire cela passerait pour de la goujaterie et ferait hurler dans les églises du féminisme, ce qui signifie que je ne vous traite pas de la même manière que je l’aurais fait avec un homme, et le fait de vous entendre dans la discussion public réclamer l’égalité stricte.

Etc.

Comment doit-on dealer avec vous, avec tout ça? Y a-t-il une charte des rapports homme-femme qui soit claire et disponible? Quelque part? Puisqu’il ne faut rien imposer, même la politesse, dois-je systématiquement vous demander la permission pour agir de façon respectueuse? Il est important que votre charte commune des rapports homme-femme soit accessible, partout, pour que l’homme que je suis sache exactement à quoi s’attendre.

Qu’il sache qu’offrir un bouquet de roses à une collègue parce que c’est la journée de la femme – encore que la journée de la femme, c’est aux yeux de plusieurs très sexiste – est un geste désobligeant pour beaucoup d’entre vous soit parce qu’il traduit inconsciemment la relation de subordination de la société patriarcale (la main qui reçoit étant au-dessous de de celle qui donne), soit parce qu’il perpétue les clichés du genre (les femmes aiment les roses). L’homme que je suis se voit donc contraint de demander à une collègue si elle ne serait pas offenser que je lui offre un bouquet de roses afin de lui signifier mon attachement à cette journée de célébration des femmes, celles qui ont lutté durement pour des droits pour lesquels dans le meilleur des mondes elles n’auraient même pas dû se battre. Et cela n’a pas empêché malgré tout de me faire traiter de mufle. Parce que j’ai osé demander ce qui ne se demande pas.

 

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Dans les magazines, les publicités utilisent souvent des images de femmes qui véhiculent des stéréotypes sexistes mais, lorsque les femmes se prennent elles-mêmes en photo, les images qu’elles postent en ligne correspondent encore plus aux clichés de genre. 

C’est la conclusion d’une étude menée par trois chercheuses de l’université d’Ilmenau, en Allemagne. «Il s’est avéré que les selfies étaient encore plus stéréotypés que les publicités dans quatre des six catégories étudiées. Le fait que les utilisateurs génèrent le contenu ne mène clairement pas à une réduction des stéréotypes de genre», écrivent Nicola Döring, Anne Reif et Sandra Pöschl dans la revue Computers in Human Behavior.

 

Plusieurs hommes qui liront ces lignes se reconnaîtront, d’une façon comme d’une autre. Plusieurs femmes aussi. Le propos vous l’aurez compris n’est pas de blâmer le féminisme. Je suis féministe. J’ai été élevé par une mère monoparentale à une époque où cela n’était pas acceptable. J’ai vu ma mère être traitée de pute car elle était une femme célibataire et libre. Combative dans une société où la femme était, pour reprendre l’autre, un paillasson sur lequel le mâle essuyait ses gros sabots. Forte et ambitieuse dans un milieu professionnel où la seule carrière professionnelle à laquelle une femme pouvait aspirer était celle de secrétaire, et où le mérite pour les femmes se faisait reconnaître par la promotion canapé. A une ère où la claque sur la tronche, était l’acte banal d’autorité masculine. Pour un oui ou pour un non. Surtout pour un non. Alors, oui, je suis féministe. Comment en serait-il autrement?

C’est pourquoi je suis très à l’aise dans cette désapprobation du féminisme qui vocifère sur tout et n’importe quoi. Il est stupide. Parce qu’il s’aveugle, prenant des vessies pour des lanternes. Il est dangereux. Parce qu’il dilue l’essentiel dans un incroyable hourvari, et rend donc les vrais combats inaudibles. Il est absurde. Parce qu’il est tout bonnement insensé en allant en croisade contre des chimères, en se les construisant. Ce féminisme de stigmatisation permanente de l’homme, de son émasculation, de sa mise à l’amende pour un rien, celui qui dit « Je te crois parce que tu es une femme« , celui du #cultureduviol qui insinue que le viol est une pratique socioculturelle dans une société moderne qui voit – il faut tout de même le constater – le triomphe de la Plastic Woman sur le Carton Man de Hanna  Rosin, n’est pas du féminisme. C’est une secte. Dans le sens le plus terrifiant du terme.

Trump a eu un mot que l’on peut trouver d’une certaine maladresse. Ou pas. Si Obama aurait fait la même chose, aurait-on eu la même réaction? Certes, Obama ne s’est pas fait connaître pour s’être vanté d’avoir mis sa main dans la culotte d’une femme mariée, de mémoire il n’y a pas eu sur lui de « fuites » de conversations « privées », Obama, Saint-Homme, n’a pas un passif. Mais doit-on juger chaque acte d’une personne par rapport à ce que l’on sait d’elle ou de l’image que l’on en a, de son sexe, de sa race, de son origine sociale, de sa coolitude ou non, de sa belle gueule ou non, ou seulement de l’acte posé, dans son contexte? Davantage, si l’acte n’apprend rien de foncièrement nouveau sur le personnage? C’est à vous de voir. 

Pour ma part, cette histoire est une de plus dans la Trump-folie. Après tout le tintamarre sur la poignée de mains, son lexique, son vocabulaire et sa culture jugés d’une indigence épouvantable (on n’oublierait presque il n’est pas le premier président américain relativement inculte), son comportement surréaliste, sa femme, ses tweets, et j’en passe, le « sourire » de la journaliste irlandaise est une suite logique. Rien qui ne mérite une telle couverture.

 

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Il y a des problématiques peut-être plus importantes, des enjeux sérieux, des questions de fond, qui doivent être l’occasion pour les journalistes d’incarner non pas la petite partisanerie stérile, mais le contre-pouvoir indispensable dans une démocratie. Des faits plus qu’une histoire. De la lumière et de la netteté plus que du brouillard et du brouhaha. De l’indépendance informationnelle plus que le service de communication. Du courage plus du panurgique. De l’authenticité plus que l’instinct grégaire. Ce n’est pas trop demandé. C’est possible que si.

Ce qui est certain, mes vacances vont être interminables. Quelques semaines, une éternité. Une vraie perte de temps. Mais vous savez ce que l’on dit à ce propos :  L’éternité, c’est long…surtout vers la fin. Sur ce, en vous souhaitant une bonne Trumpéroïde aiguë.

 

Voilà la blague. C’est l’histoire d’un médecin de campagne qui discute avec un vieux fermier qu’il est venu soigner d’un bobo de travail. Pendant que le toubib examine sa main meurtrie, le vieux paysan désireux de parler politique lui dit que Donald Trump n’était rien de moins qu’une tortue sur un poteau. Déboussolé par l’expression, voilà le médecin qui demande au fermier d’élaborer pour l’aider à comprendre.

Quand tu trouves sur un chemin de campagne une tortue en équilibre sur un poteau de clôture, tu sais que l’animal n’est pas monté sur le pieu de lui-même, qu’elle est arrivée à une hauteur incompatible avec ses compétences naturelles, mais tu te demandes surtout qui est l’imbécile qui l’a amenée jusqu’à cette hauteur.

 

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