Bande sonore : Vilaine – Odezenne.
Comment te dire. Hier, il a neigé. Première bordée qui en annonce d’autres. Les gens sont heureux, c’est l’effet de la nouveauté, ça leur passera assez vite. J’espère, parce que leurs sourires niais sont pour moi d’un épouvantable indicible. Je déteste les sourires niais. Ils sont imbéciles, cons, insupportables, d’une naïveté assez sotte. Ils ont ce quelque chose de nigaud tellement atroce, à voir. La nouveauté fait cet effet, et quelques fois ça ne passe juste pas.
Ce matin, j’écoute Odezenne, en boucle leur titre « Novembre » en me servant une bière d’une blondeur enivrante, je m’allume une marijuana Justin Trudeau, et je regarde dehors. C’est blanc, c’est froid, la ville est un cadavre recouvert d’un linceul éclatant, c’est aveuglant comme une connerie qui fait des étincelles, mais faut dire ce linceul lui va si bien. Et tout ça me donne envie de baiser.
Je prends mon téléphone, je tape un message destiné à Ernestine. J’ignore si c’est la bière ou Trudeau mais le message parvient à Marie-Pier qui me répond avec ses seins aussi fermes que les poings de Tommie Smith et de John Carlos. Marie-Pier n’aime pas aujourd’hui beaucoup la parlotte, l’essentiel se dit désormais en image. Les sublimes seins de Marie-Pier sont d’accord pour la baise, cela me convient aussi.
Comment te dire. Hier, il a neigé. Les corps qui se prennent en photo dans le linceul, photo destinée à leur public réseaux sociaux-mouroirs, m’ont laissé la bite à froid. Make up parfait, pose parfaite, blondeur parfaite, tenue sexy parfaite, belles dents blanches parfaites, seins-porno parfaits, le fessier parfaitement bien ressorti, le sourire d’une niaiserie parfaite, je les ai regardées et la seule pensée qui m’est venue était celle de savoir si leurs pets étaient silencieux ou bruyants, si ça puait le christ criss ou le numéro 69 de s-chanel. Et j’étais sobre. Sans Trudeau-hallucinogène pour me niquer l’esprit, sans la bière blondasse avec ses baisers exaltants. Des corps à peine vêtus en photo dans la neige, à moins cinq dix degrés celsius sans humidex, et tout sourire c’est ce qu’en français de Paris l’on appelle : du foutage de gueule. Au Québec, c’est un français un peu différent, il oscille entre « le fun » et « la fame », pour dire cesser d’être une inexistence en prenant le risque d’une bronchite ou d’une pneumonie. Au Québec, le français est beaucoup plus joyeux – et sans conscience – qu’à Paris. Le français à Paris a un bâton dans le cul, et est aussi souvent que possible grossier. Puis, on s’étonne que Paris soit la ville la plus impolie et la plus grogneuse du monde. Marie-Pier a sonné, j’ai ouvert en robe de chambre, elle n’a rien dit, m’a poussé contre le mur, a foutu sa langue dans ma bouche, et ailleurs.
Cet après-midi, j’écoute Odezenne, en boucle leur titre « Vodka » en me servant une vodka d’une pureté psychédélico-translucide. « Je veux de la Vodka / Devenir rigolo / Danser la polka / J’la mets au chaud » dans Marie-Pier qui me « Prend dans ses bras / La fée caniveau / Claire comme la Neva » qui sourit à mon poteau, phallique. Entre nous, c’est une affaire de chalumeau dans un gros tonneau, une affaire de beau rodéo et de belle corrida jusqu’à ce que l’on se fasse mal au dos. Tartare au couteau, le couteau est un cock qui dans les mondes de la francophonie est assez « Pauvre du cerveau ». Le tartare qu’est Mari-Pier attaque mon foie et je sens venir la p’tite mort.
Marie-Pier parle maintenant aux oiseaux, deux boules pendantes bien épilées gazouillant comme un Twitte. Mes couilles lui répondent sans dire mot. Elles ont toujours eu une expressivité à la fois figurative et d’un abstrait dont l’élasticité surprenante a très souvent bousculé l’attendu. C’est concis, surtout en ces temps de froid, mais cela s’étire au-delà de la norme. Mes couilles hors du congelo ne sont pas de petits agneaux qui finissent en gigot, c’est plutôt de l’ordre du odezennéen « Trop c’est tropico » jusqu’à se faire mal au dos. Ou comme manifestement cela plaît à Marie-Pier, jusqu’à jouir aux sanglots.
En fond sonore, Odezenne toujours, en boucle leur titre « Tu pu du cu ». Marie-Pier, « Vi-vilaine » comme un grand cru fondant dans une bouche dégueu, la tête tétant la bouteille, la bouche chopant le Mickey-Mickey, avale une liqueur en mal de mer. Marie-Pier en numéro 69 ne pue pas du cul contrairement à Melissa et à Marissa. Ces dernières non seulement suent du cul mais elles le font sans panache, ce qui est assez désespérant. C’est crade, simplement. Ce n’est pas comme avec Rose, ça pue du cul, mais c’est quelque chose de militant, comme elle le dirait : « J’ai pété dans ta face, parce que tu es le patriarcat ! » Après des siècles d’oppression, je comprends accepte admire – à la limite – cela, Rose. Mélissa et Marissa, c’est juste du dégueulasse. Marie-Pier n’en fait jamais des tonnes, et ça détonne toujours. Je suis au bord de la p’tite mort, ma mort sur son visage ressemble à une bordée de neige.
Ce soir, Ernestine m’a envoyé un message-texte : « Tu passes-tu chez nous pour un verre ?! » Tu sais qu’il ne sera pas seulement question de verre et de vin, tu as déjà connu ça. Je réponds : « Quel vin ? » Je fais mon difficile, que veux-tu je ne suis pas un mec facile. Elle réplique : « Un Arcanum 2009 ! » Je fais un « Ok » faussement désintéressé. Ce soir, je quitte ma robe de chambre, Marie-Pier s’est barrée en me disant que la prochaine fois ce sera moi son esclave – j’ai approuvé, l’esclavage je connais très bien, je porte mon costume Dark Vador, et je prends le métro pour aller faire tomber sur la gueule d’Ernestine une ou plusieurs bordées de neige. Comment te dire. Pour Ernestine, je serai l’épitaphe. Nous ne ferons pas de photo, pour ne pas choquer les bienpensants du « Novembre » d’Odezenne.
Bande sonore : Je veux te baiser – Odezenne