Michelle Obama a été grandiose dans son allocution à Philadelphie durant la Convention démocrate. Elle a été exceptionnelle, et il convient de le dire. Parce qu’en face, dans le camps adverse, Mme Trump, Melania, a paru bien médiocre tant sur la forme que sur le fond.
En politique comme dans la vie de tous les jours, les apparences, la forme, comptent. Les apparences sont des vérités qui se voient et s’entendent. Melania Trump a incarné sa vérité américaine.
Cette vérité du superfétatoire à la mode Miss Univers. Simpliste, populiste, dénuée de substance et remplie de racialisation. Et bien entendu, de la peur. La peur, naturelle et un peu stupide, du déclin déjà débuté de l’Empire. De sa décadence rongeant le cœur et l’âme d’une Amérique un peu dépassée par son temps. Cette vérité est sombre, cette réalité est anxiogène, emmurée. L’Amérique survivaliste qui se repli sur elle-même. L’Amérique endogée.
Mme Trump involontairement sans doute a offert dans son intervention toutes les raisons de penser que l’Amérique est restée au seuil du XXIe siècle, à la porte de l’avenir, et qu’elle se dirige à grande chevauchée vers ce far west sauvage où l’ordre et la loi se décidaient à coups de balles. Et le Bien n’étant finalement que le triomphe du plus fort, du puissant. Le Mal, le reste, pauvre, vaincu, esclavagé.
L’Amérique de Melania Trump n’est pas pionnière, elle est passéiste. Son Amérique est celle de l’entre-soi exclusif, de l’Élitisme monochrome, des pauvres à qui incombent, la responsabilité, la faute de n’être pas nés de la bonne souche sociale, de n’être pas allés dans les bonnes écoles, de ne pouvoir décrocher le bon emploi, de croire au rêve américain quand l’ascenseur social est coincé aux étages supérieurs, ce rêve fantasmagorique vendu, célébré, alors que leur quotidien terrible est un cauchemar économique, humain, social.
Il ne fait pas de doute que les Etats-Unis ont laissé passer une occasion historique :
celle qui s’offrait à eux au lendemain de l’effondrement soviétique, de poser les bases d’une coopération internationale plus équitable. Ils ont préféré consolider la suprématie américaine sur le monde.
Cette position, outre le fait qu’elle soit injuste et qu’elle alimente les inégalités, est en outre génératrice d’instabilité pour l’ensemble du monde et donc pour les Américains, même si elle repose sur un discours sécuritaire.
Pierre-Yves Guihéneuf, Encore un siècle américain ?, Analyse et évaluation de la gouvernance, Institut de recherche et débat sur la gouvernance.
Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté.
Woodrow Wilson, cité par Ronald Steel, Mr Fix-it, in New York Review of Books, 5 octobre 2000, pp.19-21
Melania Trump a parlé de son Amérique avec beaucoup de conviction. En plagiant les mots de Michelle Obama. Et cela résume à peu près l’imposture Trump. Un truc factice. Une tricherie. Un vide. Et du bruit.
Née en Slovénie, américaine depuis 2006, avant le prochain mur anti immigration souhaité par son époux, ayant menti sur son parcours académique pour ne pas être réduite à l’image bimbo, la fausse diplômée de design et d’architecture d’une université slovène insignifiante, a dépeint une Amérique aux évidences creuses, aux banalités convenues, dans la plus plate intonation. Les délégués républicains ont applaudi. Avec conviction.
Son Amérique a le visage d’un dépliant touristique, antérieur au Civil Rights Act de 1964, produit par Fox News, écrit par Karl Rove après une cure d’intoxication idéologique chez Ted Cruz, corrigé par Mike Huckabee dans les mauvais jours – c’est-à-dire tous les jours, et commenté en notes de bas de page par la juge Jeanine Pirro.
Ce n’est pas de sa faute. Le pays d’Abraham Lincoln pour elle se limite aux podiums de la haute-couture newyorkaise, à la couverture de Vogue, Vanity Fair, GQ, à quelques œuvres de bienfaisance pour rendre acceptable l’indécent, une robe de mariage d’une valeur de 200 000$, et le soleil de Palm Beach quand les lumières des caméras de The Apprentice sont éteintes.
Melania Trump connaît donc l’Amérique. Son Amérique veut redevenir aussi grande qu’à l’époque des Etats confédérés, quand il n’y avait pas tous ces latinos qui traversent aujourd’hui la frontière pour venir voler le travail des real americans et violer femmes et enfants. Quand, on pouvait lyncher du nègre parce que l’on en avait envie.
Great again! La grandeur rouge d’une Amérique ségrégationniste est de retour. En même temps, le mannequin ne fait que reprendre la pensée archaïque installée dans l’esprit républicain depuis l’irruption du Tea party et de sa cohorte vociférante dont l’une des égéries Sarah Palin est irréfutablement un modèle de stupidité.
Même si Donald Trump, le candidat de son parti aux élections présidentielles, de par la constance de son inintelligible argumentaire, la fait paraître comme la plus brillante de la bande.
« As Putin rears his head and comes into the air space of the United States of America, where– where do they go? It’s Alaska. It’s just right over the border. » –Sarah Palin, explaining why Alaska’s proximity to Russia gives her foreign policy experience, interview with CBS’s Katie Couric, Sept. 24, 2008
« We used to hustle over the border for health care we received in Canada. And I think now, isn’t that ironic? » –Sarah Palin, admitting that her family used to get treatment in Canada’s single-payer health care system, despite having demonized such government-run programs as socialized medicine that will lead to death-panel-like rationing, March 6, 2010
« What the federal government should have done is accept the assistance of foreign countries, of entrepreneurial Americans who have had solution that they wanted presented … The Dutch and the Norwegians, they are known for dikes and for cleaning up water and for dealing with spills. » –Sarah Palin, on solving the Gulf oil spill crisis, Fox News, June 15, 2010
Cette pensée primitive, voire néandertalienne, a contaminé l’ensemble du corps.
Contagion favorisée, amplifiée, accélérée par la double élection de Barack Obama – ce kenyan, ce muslim, ce negro, ce socialist – qui bien malgré lui, cristallise encore dans cet électorat égaré dans les sentiers de la perdition morale, intellectuelle, toute la colère, la frustration, d’une Amérique en panne, désespérée, résignée. Et qui dans ses sombres moments porte ouvertement, sans complexe, la cagoule siglée Ku Klux Klan.
Il avait apporté son soutien à Donald Trump en février dernier.
Le curseur droitiste se trouve dorénavant aux extrêmes. Il est calé sur l’ultra conservatisme, l’ultra libéralisme, l’ultra libertarianisme, l’ultra religieux. L’ultra. Gigantisme à toute vapeur, ou plus précisément à tout-va peur. De l’absurdité la plus crasse et la plus abjecte à la perte du minimum de décence, de rigueur, d’inspiration et d’élévation. Malgré Dieu, ou à ses dépens.
Sur ce point, le Parti républicain ne se contente plus d’évoquer Dieu en tout instant, le In God We Trust servi à toutes les sauces, il ne se satisfait plus de mettre en scène sa procession, il conçoit désormais que Dieu est au-dessus de la Constitution et qu’à ce titre la loi des hommes, du Congrès – qu’il contrôle d’ailleurs largement depuis novembre 2014, des juges – n’a aucune légitimité et devrait être défiée.
Du moins, aussi longtemps qu’un président démocrate loge à la Maison blanche.
God understands the concept of religious freedom. Republicans, on the other hand, just don’t get it.
Le parti républicain a basculé dans la totale rhétorique théocratique. Le gouvernement et Dieu comme une seule entité, la separation de la religion et de l’Etat un mythe contraire à l’histoire et aux valeurs américaines. La chrétienté au-dessus des libertés et des droits, justifiant l’homophobie et la haine des sodomites, l’islamophobie, les législations anti avortement, anti tout-ce-qui-est-libéral-et-progressiste.
Dieu est tout ce qui n’est pas en opposition ou dans la critique du conservatisme évangéliste. Dieu est tout ce qui est capitalisme forcené, iniquité et injustice sociales. Dieu est dans la réduction du rôle de l’Etat à celui d’une simple agence administrative pour fonctionnaires trop-bien-payés à ne rien faire, accessoirement losers, qui n’existe que pour empêcher le libéralisme économique de créer la richesse, indispensable ingrédient du rêve capitaliste.
L’Etat est un tyran, une nuisance. Et quand le rêve capitaliste se transforme en cauchemar comme durant la Great Recession, le Black Thursday ou la recente crise de 2008, avec les lourdes conséquences politiques et sociales que l’on vit, c’est ce grand méchant Etat qui est appelé à la rescousse pour renflouer ses plus virils pourfendeurs.
L’Etat devient Dieu, prié dans les salles de marché par des traders désemparés par la gravité de leurs actions irresponsables, par les banquiers et autres CEO sentant que David Friedman et son Vers une société sans Etat ne préserve pas de la faillite, du chaos, et de l’anéantissement, par les politiques schizophrènes souhaitant diriger une entité qu’ils abhorrent. L’Etat-Dieu se révèle comme l’ultime recours, la Providence même.
Mais tout cela, les républicains n’en ont rien à faire. L’Etat c’est le Mal. Monopolistique, et liberticide. On pourrait leur faire remarquer que ce double reproche est propre à la nature des divinités. Dieu, l’Etat. Sauf que pour ce qui est du premier, n’importe qui peut s’arroger le droit de parler en son nom. De dire tant de bêtises et de commettre autant d’atrocités sans avoir à être questionné. Les voies de Dieu sont impénétrables, pour y remédier il faut être encarté au Grand Old Party.
C’est donc les illuminés du Grand Old Party qui ont décrété que Dieu est farmer, cowboy, membre de la National Rifle Association, ne croit pas au réchauffement climatique. Sur cette dernière question, il en sait mieux que les spécialistes et scientifiques du GIEC sur la question. Puisque c’est Dieu.
Dieu n’aime pas la science, les républicains l’ont décidé. Ainsi toute forme de praxéologie est hautement hérétique, pas assez people, d’un fashionable atheism, gauchiste (pour ne pas dire marxiste), intellectual c’est-à-dire arrogant et déconnecté du réel.
Dieu n’aime pas la science, cela arrange bien des républicains. Ceux qui sont créationnistes, qui voient en Darwin un attardé mental, impie, blasphématoire, une vraie sorcière de Salem.
Dieu est puritain. D’un puritanisme qui ferait passer les Ayatollahs de Téhéran pour une bande d’hédonistes à Woodstock. D’un puritanisme qui donnerait l’impression qu’en fin de compte le wahhabisme, ce rigorisme saoudien, est laxiste, permissif, presque libertin. Dieu est puritain et républicain.
Mais Dieu est surtout politiquement incorrect. Et lui reprocher de l’être quand son supposé franc-parler est de l’ordre de la misogynie primaire, du racisme décomplexé, ordinaire, de l’insulte, de l’injure, c’est faire parti de ce que Clint Eastwood qualifie avec la rusticité qui le caractérise de la Pussy Generation. La Génération des petites chattes. La Vagin Génération.
C’est vrai qu’en 2016 on manque de couilles, c’est un peu la faute à Obama, Barack et Michelle, à Trudeau, à Angela Merkel, à Nancy Pelosi, à Michelle Bachmann, Elizabeth Warren, Hillary Clinton, Sonia Sotomayor, Elena Kagan, Ruth Ginsburg. A bien y réfléchir un peu aussi à la famille Kardashian.
Toute cette génération de mecs qui parlent comme des gonzesses, la trouille dans le pantalon vide de ce rough and tough du western spaghetti. Le Bon, la Brute et le Truand ont déserté la masculinité. Sergio Leone est mort et il s’est incarné en Donald Trump. Clint Eastwood a reconnu sa touche particulière, mais surtout le retour du vrai Mâle. Comme le retour de la Momie. En même temps, seule une momie peut reconnaître et comprendre une autre momie.
Dieu n’aime pas la langue de bois. Le verbe de compromission. Les formules ampoulées, les tournures ingénieuses, les évitements toujours lâches et la syntaxe soupesée. Dieu parle avec ses tripes. Ce n’est pas beau à voir, ce n’est pas très agréable, et ça ne sent pas la rose. C’est pourquoi Clint Eastwood et Donald Trump considèrent qu’il est authentique. La puanteur a toujours cet effet sur certains esprits, quelque chose de fort, quasiment libidinal.
Pourtant, s’il y a une chose que Dieu, Clint Estwood, Donald Trump, c’est que dans cet affrontement entre petites chattes et grosses couilles, il y a en fait une opposition frontale entre le passé et le présent, le passé et l’avenir, il y a un Moyen-âge au pire, un far west au mieux, qui les séparent.
Dieu devrait comprendre que le franc-parler n’est pas antinomique au savoir-vivre. Au respect. Au vivre-ensemble. Dire les choses comme on les pense n’exonère pas de la nécessité de le faire sans grossièreté, vulgarité, brutalité, sauvagerie.
Encore faudrait-il au préalable faire l’effort de penser véritablement avant de dire. Avec Dieu et les républicains, rien dans ce sens ne saurait être pris pour acquis.
Dieu est pro business et du côté des guerres imbéciles.
Ainsi parlait, le 2 octobre 2002, un élu de l’Illinois nommé Barack Obama.
Il est défavorable à l’imposition des riches, maudit et envoie à la damnation ceux qui brûlent le drapeau, refusent de chanter l’hymne national. Bref, L’Amérique de Mme Trump, se résume assez simplement: Dieu, le drapeau, et un flingue.
“I’m a Christian first, American second, conservative third and Republican fourth,” Ted Cruz.
Melania Trump s’adresse aux nostalgiques sudistes qui composent l’essentiel de la base électorale de son mari. Elle parle aux désœuvrés sociaux majoritairement blancs avec peu ou pas d’éducation. Aux vieux qui ne comprennent pas l’Amérique version Obama – ce kenyan, ce negro, ce socialist. Aux jeunes qui ne font pas parti de l’establishment, dépités par un pays qui au fond ne leur offre que le faux choix de vivre crevard ou de crever de misère. Entre la peste et le choléra, le dilemme de la déliquescence.
Melania Trump a pour cible l’armée de Donald Trump, son époux. Celle composée de coiffeurs, comptables, ouvriers, fermiers, entrepreneurs, policiers ou militaires, des millions d’électeurs dégoûtés de la classe politique traditionnelle, se ralliant à la bannière nationaliste et populiste de l’outsider milliardaire qui promet de rendre sa «grandeur à l’Amérique». De l’Amérique en colère. Furieuse. Sacrifiée sur l’autel du sauvetage économique.
Et qui en voyant ses villes déclarer faillites les unes après les autres, ses usines fermées pour satisfaire l’actionnariat et la mondialisation du profit, ses entreprises rationalisées pour augmenter les dividendes, son tissu social réduit comme une peau de chagrin pour que se remplissent les coffres des banques, commence à prendre la mesure de la situation: elle n’est plus grande. Désormais, elle est le paillasson sur lequel viennent s’essuyer les nouveaux maîtres du monde, la finance internationale, les oligopoles technologiques. Un paillasson parmi d’autres.
Cette Amérique ne décolère pas. Melania Trump et l’équipe de son mari ne s’y trompe pas. Elle a besoin d’un exutoire et de boucs émissaires. La présidentielle américaine tombe à pic, l’heure est au règlement de comptes.
Mais l’ironie veut que ce soit Donald Trump qu’elle choisisse en tant que porte-voix. Un homme de l’establishment, celui qui n’a eu aucun scrupule à s’enrichir grâce aux failles et à l’impunité du système. Celui dont on se demande quelle est sa part de contribution fiscale pour que ne sombre pas l’Amérique en colère?
Etre auréolé d’une relative réussite dans les affaires donne-t-il la compétence de gestionnaire de la chose publique? Doit-on passer sous silence devant la propagande d’une success story bidonnée comme il faut les échecs retentissants du business man Trump? Peut-on seulement signaler à cette Amérique vindicative que son champion lui préfère souvent le travailleur étranger, parce que c’est rentable? Doit-on lui faire la démonstration que le milliardaire est un pur produit de cette mondialisation qu’elle rejette massivement?
La colère des pauvres envers les riches a souvent mené à la haine des pauvres contre les pauvres, sous la houlette des riches. Comble de l’ironie. L’Histoire en marche. Bis repetita.
De son côté, Hillary Clinton n’incarne pas la rupture – largement soutenue par l’establishment à qui elle doit à l’instar de Donald Trump à peu près tout – tant souhaitée par cette Amérique à bout de souffle et dans cette Amérique aux inégalités criardes et aux injustices sociales fortes. Hillary et le système font une même personne.
C’est la continuité des accointances, des liens étroits et incestueux avec les pouvoirs financiers comme le soulignait à juste titre Bernie Sanders : « Je ne perçois pas d’argent des grandes banques… En un an, vous avez perçu 600 000 dollars d’honoraires de Goldman Sachs pour des conférences ».
Hillary est une personne d’une solide compétence, d’une remarquable carrière. Elle est brillante. Et une femme, même si en 2016 cet argument ne devrait pas en soi être un élément décisif. Être une femme n’est pas ou plus un slogan, un programme électoral. Un projet de société. Une compréhension claire de la réalité immédiate de ce peuple qui existe au-delà de Wall Street. Une vision forte de justice et de leadership qui ne perpétue pas cette autre vérité innommable dont ne s’encombre guère les deux candidats: l’Amérique est ségrégationniste. Socialement. Économiquement. Culturellement. Humainement. Cette ségrégation est tacite, quasiment imperceptible, presque invisible, elle est d’autant plus insidieuse, réelle et brutale.
Hillary n’incarne pas la rupture. Ce n’est pas seulement du fait qu’elle eût une jeunesse républicaine et militante, qu’en vieillissant, l’ambition et les convictions s’affirmant qu’elle soit passé du côté du Parti démocrate.
Évoluer n’est pas un crime. La preuve? J’ai commencé par le conservatisme de droite, à vingt ans. Aujourd’hui, je suis plutôt saturnien, en voie de sortir de la galaxie. Tout le monde a le droit de suivre son étoile.
Ce n’est pas tant l’autre fait que Hillary soit issue de l’Élite qui pose un problème, c’est qu’elle semble la représenter autant que possible à travers ce que l’on nomme désormais le Système Clinton.
En somme, la présidentielle américaine s’annonce comme un affrontement de deux Amériques en apparence aux antipodes: l’Amérique en colère de Trump et l’Amérique de Hillary dont on ne sait pas trop si elle est celle du statu quo (puisqu’elle accueille à bras ouvert les transfuges républicains déçus que leur candidat naturel ne défendent pas suffisamment l’establishment) ou celle d’un mouvement de cet espoir qui ne va pas jusqu’à la remise en question de la doxa.
Avec Hillary Clinton, il ne se dégage rien. Malgré ses efforts et les contorsions communicationnelles de ses responsables de campagne. Ce n’est pas Obama. Ni Bush le fils ni Bill le mari. De mémoire, les candidats ayant fait montre d’une telle absence de magnétisme, dans l’histoire récente, de Bush père à McCain en passant par John Kerry, ont tous perdus. C’est peut-être voulu ce manque de charisme, de désirabilité, de l’équipe Clinton. Peut-être que l’intention soit de ne pas cliver et de ratisser aussi large que possible. Surtout face à un Donald Trump qui crispe, polarise, divise.
Cette stratégie à l’heure actuelle, globalement est payante au vu des sondages, mais le doute subsiste quant à son efficacité finale le jour du vote. Ne pas trop se mouiller, c’est dans cette course incertaine – contrairement à ce que l’on puisse croire – offrir à son adversaire l’occasion de communiquer ses idées – même si, et surtout si, elles font scandale.
Ce sont elles que l’on retient, c’est sur elles qu’est construit le débat, ce sont elles qui dictent l’agenda et permettent de contrôler le storytelling.
Si l’intention de Hillary Clinton est de faire de cette élection un référendum pour ou contre Trump, il est probable que le résultat ne lui convienne pas en bout de ligne.
Peut-être du fait que comme les anglais face au Brexit le peuple est tenté d’envoyer balader le système oligarchique, qualifié à tort ou à raison de bien-pensance, en choisissant le candidat pestiféré.
Peut-être aussi parce que Hillary ne suscite pas généralement le grand amour auprès de l’Électorat qui a tendance à s’en méfier. Pour dire les choses plus abruptement, l’Électorat ne lui fait pas confiance. C’est inquiétant pour elle, davantage parce que cela semble relever du viscéral.
Peut-être du fait de la versatilité des Swing States où un rien suffit à faire basculer une élection.
Mais aussi, principalement, de la perte par les démocrates ces dernières années de plusieurs de leurs bastions au profit de candidats républicains.
Une tendance que les prophéties sondagières – qui sont souvent aussi pertinentes que les prédictions de Madame Irma – confirment.
Peut-être parce que les jeunes se sont ralliés à Bernie Sanders durant les primaires et qu’il n’est pas certain qu’ils suivent avec entrain Hillary Clinton?
Durant la primaire du Michigan, Trump a posé devant une usine de Ford et menacé d’imposer un tarif douanier de 35 % sur toutes les voitures fabriquées au Mexique dans le cas où Ford y déménagerait ses activités. Ce discours a plu aux électeurs de la classe ouvrière. Et lorsque Trump a menacé de contraindre Apple à fabriquer ses iPhone aux États-Unis plutôt qu’en Chine, leur cœur a basculé et Trump a remporté une victoire qui aurait dû échoir au gouverneur de l’Ohio John Kasich.
Hillary et Donald Trump vont changer l’Amérique. En mal. En pire. Possiblement les deux.
Il s’agit en fin de compte pour l’électeur américain de décider s’il préfère être achevé par la peste ou le choléra.