Queen

Bande sonore : Bohemian rhapsody – Queen.

Hier, mon ex belle-fille est venue chez moi passer une soirée cinéma, le programme avait été décidé dans la semaine lorsque je suis allé la chercher à la sortie de l’école, Bohemian rhapsody le film retraçant le parcours du groupe rock britannique Queen avec dans le rôle de Freddie Mercury l’époustouflant Rami Malek. Dans la voiture, jouait du Queen, le best-of des chansons des légendes royales. Dans mon téléphone, j’ai trois playlists, une composée uniquement de musique classique, une des musiques des années 1940-1990, une composée des musiques qui ont bercé mon enfance et qui sont reliées à des moments très particuliers de ma vie. C’est cette dernière qui jouait dans l’auto, Maggie assise à l’arrière, le regard lumineux comme un enfant qui déballe un cadeau plein de jouets.

Avec Maggie, mon ex belle-fille, comme avec Lux Freya, ma fille, dans la voiture je leur impose la découverte d’autres sonorités musicales que celles du billboard qu’elles écoutent dans la voiture de leur mère. Entre leur mère et moi, c’est un contrat de partage culturel dont nous avons discuté : « Fais découvrir aux filles autre chose ». Mon ex-femme a toujours été très attachée à ce que les enfants soient initiées à des univers diversifiés. C’est ainsi que durant l’été nous avons un rituel, nous faisons la tournée des musées, arts modernes contemporains et arts classiques, tous les genres sont visités, mon ex-femme n’est pas arts (encore moins musique classique et autres, elle a souvent eu envie de se suicider en écoutant du jazz – « Ostie que c’est plate! ») mais elle a compris que pour moi c’était important, comme je lui ai souvent dit : « Le Lud’ que tu as aimé vient de tous ces univers, je tiens à ce que les filles les connaissent ». Mon ex-femme m’a regardé et a fait « Oui ».

Alors, elle et moi nous nous sommes partagé la tâche, elle le monde d’aujourd’hui et moi le monde d’hier. Elle monde à la mode et moi le monde marginal. Les filles vont entre les deux, elles se chercheront dans les deux, essayeront de trouver un sens à elles-mêmes en explorant ces deux mondes, mais surtout qu’elles sauront que le divers, la diversité, véritable, celle aux genres absolument différents, est une richesse inestimable. Et comme dans la chanson de Queen « Bohemian rhapsody » elles parviendront peut-être à mélanger les genres qui désarçonnera les conformismes afin d’en arriver à un genre à la fois d’une beauté d’une profondeur d’une intensité d’une puissance d’une immortalité uniques. A devenir des Queen. À émouvoir et à toucher non seulement le cœur et l’esprit mais l’âme des gens. Qu’importe ce qu’elles feront demain, qu’importe ce qu’elles choisiront d’être.

Le métissage, c’est magnifique. Le fait de faire rencontrer les divers, les natures singulières, dans un tout qui produise une autre réalité des choses, qui sorte de cet ordinaire en redite permanente, qui transforme l’attendu en quelque chose qui les re signifie, purement, simplement. « Bohemian rhapsody », la chanson c’est simplement ça. Au fond, rien de bien original, le piano, les voix, les instruments, mais tout est dans la rencontre de ces divers, le sens nouveau qui en jaillit, le réel nouveau magnifico qui en émerge, comment faire harmonie avec et entre gallileo figaro bismillah, c’est cela le génie de Queen. Le génie qui provoque des frissons. Qui a des vibrations vous donnant la chair de poule ou qui vous font vous rendre que vous ne pourrez plus désormais vous contentez de l’ordinaire, de l’attendu, du conformisme. Autre chose existe. Autre chose est réelle. Autre chose a du sens et vous fait sens. Vous vous y retrouvez d’une façon comme d’une autre. Le génie re signifie, il rend possible, accessible, il donne espoir et permet de rêver. Le génie donne l’impression d’une telle simplicité, d’une évidence, alors que l’on sait que justement ce n’est pas si simple et si évident.

Le métissage est ce qui est l’ADN de l’humanité, nous sommes ce que nous sommes parce qu’à un moment donné nous avons su nous mélanger et faire mélanger, toutes nos couleurs, toutes nos nuances, et desquelles de nouveaux mondes sont nés. Ce n’est pas original de le dire, vous et moi le savons, au fond. Notre histoire est en fait une rhapsodie bohémienne. De l’épique, du nomade, de l’inspiration très souvent vagabonde, une composition mosaïque tenant dans un ensemble coloré dont les notes touchent chacun de nous. Parce qu’elles sont d’une manière comme d’une autre nous.

Maggie assise dans la voiture est ébranlée par « Bohemian rhapsody », « We are the champions », « We will rock you », « Another one bites the dust ». Sa mère n’était pas née quand Queen a frappé comme une météorite le monde des dinosaures de son époque. Elle n’était même pas dans les cartons, même pas envisageable. Mais, Maggie que j’observe chantonner par le rétroviseur sans connaître les paroles des chansons a l’impression d’être du monde d’hier, elle chante à tue-tête en massacrant les chansons, Maggie n’en a rien à cirer, elle chante comme on est heureux, j’ai presque les larmes aux yeux en la regardant, aussi libre. Et je me joins à elle, la voiture devient un infernal massacre à la tronçonneuse des chansons de Queen. Nos voix terribles dans le sens le plus épouvantable déchire tout, à l’ouïe c’est plus qu’un supplice. Le « We will rock you » nous offre des frissons, elle et moi nous savons à cet instant que rien ne pourra jamais nous arrêter, « gonna take on the world someday », ma Queen Maggie c’est là tout le mal que je lui souhaite.

 

original

 

« Comment s’appelle le monsieur qui chante ? », Maggie me pose la question après le déchirement de voix. « Freddie Mercury, c’était le chanteur du groupe Queen ». « Queen ???? » « Oui, Queen » « Mais pourquoi Queen ce sont des gars ??!! » « Ah.. » Je n’ai pas su quoi répondre, je n’avais pas la réponse. J’ai bricolé. Ou j’y suis allé par intuition, car oui Maggie posait une maudite bonne question qui sans doute m’avait traversé l’esprit sans que je ne m’y attarde. « Je crois qu’ils ont fait choisi Queen par rapport à la reine d’angleterre, ils voulaient peut-être dire à quel point ils étaient royaux, qu’ils étaient aussi non pas des rois mais des reines ». « Okkk, c’est quand même bizarre » ! » Maggie a le regard je-ne-comprends-pas-l’intérêt. « En fait, à l’époque, être une femme reine pour plein de gens n’était pas comme être un homme roi, c’était peut-être pour eux de se reconnaître dans un sexe qui ne soit plus un sexe faible beauvoirien ». Maggie a fait « Hein ??!!! Je ne comprends pas !!! » Je me suis rendu compte que je parlais à un enfant de moins de dix ans dans un langage absolument alien. « Ils l’ont fait sans doute pour rendre hommage à la reine ». « Okk ». Maggie a le regard qui est ailleurs, dans les paysages qui défilent, dans ses imaginaires, dans un monde de demain qui se construit aujourd’hui, dans mon auto. Elle a un sourire après de longues minutes de silence, « J’aime bien leur nom ! » J’ai aussi un sourire banane : « Moi aussi, chérie ».

En la laissant chez sa mère, j’ai fait la promesse à Maggie de passer une soirée cinéma avec elle cette fin de semaine, que le film sur Queen était disponible sur une plateforme payante, elle pourrait découvrir leur histoire, et que si son père et sa mère étaient d’accord nous nous ferions une soirée popcorn malbouffe et consorts. Maggie, heureuse comme un feu de joie, m’a dit : « Ouiiiiiii ! Lud’ !! »

Hier, Maggie et moi avons regardé le film sur Queen. Nous avons chanté tout le long, nos voix épouvantables, Freddie Mercury se retournait dans sa tombe. Gallileo figaro bismallah. Le mec a certainement eu envie de crever.

Quand mon ex-femme a récupéré Maggie, cette dernière paraît-il à raconter qu’elle en parlerait à l’école à ses camarades pour qu’ils découvrent ces Queen qui n’ont rien de femmes mais qui ont des couronnes sur leurs âmes. Mon ex-femme me l’a texté. « Elle a vraiment aimé ! » Je lui ai répondue « Cela me fait plaisir. J’avais presque son âge quand j’ai découvert Queen, grâce à mes frères. C’est un héritage que je transmets, et toi aussi 😊 » « Je sais, mais tu restes quand même un trou du cul ». Je n’ai rien dit après ce scud en pleine tronche.

Maggie est mon ex belle-fille, d’où je viens les belles-filles n’existent pas, il y a seulement des filles comme celles qui sont le fruit de nos couilles. Dans ma culture, on ne fait pas la distinction entre ce qui vient du sang et ce qui ne l’est pas, Maggie est ma fille. Ma seconde fille, l’aînée de ma fille. Et je l’aime comme ma propre fille. C’est une fille exceptionnellement brillante, ce n’est pas seulement moi qui le dis ce sont ses enseignantes, etc. Mais Maggie est d’autant plus brillante qu’elle est incroyablement curieuse et créative. Elle crée tout le temps, imagine tant de choses, associe des trucs de différentes natures dans un tout invraisemblable. Maggie a ce quelque chose de son père qui est de vouloir tellement être le centre de l’attention, d’être regardée, de capter les lumières. Elle sera sans doute une star, une étoile dans les cieux, c’est presque génétique.

Contrairement à sa petite sœur, Maggie est directive, elle veut diriger ou aime diriger, une leader à la Freddie Mercury. Sa sœur, Lux Freya est beaucoup plus d’un caractère très discret, elle est solitaire, elle s’isole très souvent dans la foule, n’aime pas trop être sous le feu des projecteurs, elle vibre en écoutant le matin en allant la laisser à l’école « L’abandon » de Céline Dion – « Papaaa, ma chanson de l’école » comme elle la nomme. Lux est plus actrice de théâtre que Maggie est une artiste sur scène. Durant la projection du film, Lux a roupillé comme une centrale soviétique tandis que Maggie s’imaginait sur scène devant la foule immentissisme du Live Aid en 1985. Elle était Queen, Freddie Mercury, avec en face d’elle la foule électrifiée du Wembley Stadium. Maggie était Queen et Freddie Mercury. Son public, moi en l’occurrence, n’oubliera jamais sa performance. Maggie, une rhapsodie bohémienne. Elle fera « rocker » le monde, vous, nous, comme une championne.

Bande sonore : We will rock you – Queen.

 

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