Liberté. Une croyance. Un athéisme.

Une personne disait dans un éclair de clairvoyance que le XXIe siècle serait spirituel ou ne serait pas. Et le monde lisant spirituel a cru voir religieux s’est empressé de succomber à la facilité qui mélange tout pour produire n’importe quoi.

Avec les tours jumelles, la démence faussement religieuse mais si politique des terrorismes, des appels collectifs à l’athéisme ont été repris par des anathèmes dans la même veine : « La religion, c’est le tombeau de l’Homme ».

La liberté de croire en rien opposée à l’esclavagiste « Je crois en Dieu » ou « Je crois en quelque chose ». Les libéraux athéistes ont condamné, ri au nez, ridiculisé, les croyants. Les croyants n’étaient, ne sont pas, des êtres libres. Fous, esclaves, irrationnels, pas libres du tout.

Comme si dans le merveilleux monde libre qu’est le nôtre il n’était pas possible que plusieurs appropriations de la notion « liberté » puissent exister, coexister, et démontrées par leurs existences – justement – de tout son pouvoir et son caractère uniques. Non. Dans le merveilleux monde libre, la liberté des libéraux d’aujourd’hui est une tyrannie de la bien pensance, « être athée, c’est cela la seule liberté », un fascisme en soi n’acceptant que de légères variantes d’une même opinion. La liberté des libéraux c’est de vivre et de penser selon leur norme imposée : « Je ne crois pas en Dieu ». La parole même pleine de bon sens de la personne intelligente, raisonnable et… libre. D’une religiosité impeccable. 

Je suis un athéiste à l’envers. J’ignore si je suis intelligent, je ne me considère pas comme une personne déraisonnable, et je n’en suis pas moins libre. Je crois en Dieu. Je crois en quelque chose. Et je ne sais pas toujours ce qu’elle est, elle n’est pas forcement la même d’un âge à un autre, je ne la nomme pas toujours de la même façon, elle n’est pas univoque, elle n’est pas intelligible comme le voudrait la rationalité normative. C’est une intuition, quelques frissons, un besoin, un appel qui invite à aller au-delà des limites dites rationnelles de la compréhension humaine, quelque chose qui se vit en dehors du monde sensible.

Je crois en Dieu, cette croyance est une quête qui met chaque dignité, chaque être sensible, au centre de l’univers. Un sens qui me permet d’expliquer ce réel échappant certaines fois à l’entendement. Un point d’équilibre, une oasis de sérénité. Je crois en ce quelque chose. Dieu. Les Dieux. L’Architecte. Les Architectes. Les Âmes. Les Forces de l’esprit. L’Au-Delà. La Vie après la vie. Le caractère divin de toute personne.

Et cette croyance, entre la fatalité d’un destin auquel j’ai contribué (par mes fautes) et qui m’est imposé (parce qu’il faut bien payer sa dette karmique) et des règles morales qui me sont proposées (« aimes ton prochain comme toi-même ») ou que je m’impose (l’être humain toujours une fin en soi et non jamais comme un moyen), me fait sentir aussi libre que celui qui ne croit pas. Libre.

Intellectuellement, cela est discutable. Qu’est-ce qui ne l’est pas? Vraiment?

Mais là n’est pas la question. Celle-ci est d’un ordre en dehors du spirituel. Il est religieux. La plupart des gens se disent athées parce qu’ils abhorrent l’Eglise, le prêtre, le pasteur, le moine, l’imam, bref la soutane.

Etre incroyant, c’est refuser d’être un être soumis à une caste d’illuminés qui n’est pas sans reproches. Obéir à des lois dont les fondements, la cohérence, l’objet sont hautement contestables. Beaucoup d’incroyants ne se sentent pas frappés par un discours, faussement ou non, transcendantal. C’est leur liberté. Et lorsque l’on regarde tout le foutoir auquel le religieux a contribué, je suis le premier à leur dire : vous avez raison. Le religieux est discriminatoire, le religieux est guerrier, le religieux est un esclavagisme. Le religieux n’est pas un humanisme.

Mais est-ce que le monde de l’athéisme l’est moins? La dernière barbarie mondiale fût telle la cause d’une volonté religieuse? Les barbaries qui lui ont succédé le furent-elles? L’inégalité sociale, l’environnement bousillé, l’individualisme, le matérialisme, l’état déprimé du monde stressé, le besoin de se sentir aimé parce que l’on veut combler un vide intérieur, le mensonge sur soi et autour de soi, les iniquités, sont-ils le fait du religieux?

Cette liberté sans entraves, cette jouissance de tout, cet hédonisme permanent qui fuit l’effort, les sacrifices, le déplaisir pour mener à une détresse qui sombre dans la crise psychologique, ou existentielle, cette incroyance qui prétend faire de toute personne une égalité, une fraternité, une liberté; tient-elle sa promesse? Etes-vous, vous incroyants, davantage heureux? Etes-vous de meilleures personnes? Je suis croyant, je ne répondrai pas par l’affirmative. Il y a des jours avec, et des nuits sans. Je doute que ma vie serait meilleure que la vôtre. Je doute qu’elle soit meilleure tout court. La question est ainsi en elle-même absurde. 

Mais ce que je puis vous dire c’est que ma vie de croyant tente d’être la plus utile à autrui, indifféremment de ce qu’il est, de qui il est. Ne fais jamais à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse. Ma vie de croyant est faite des préceptes religieux d’humanité qui me guident et sur lesquels je fonde la plupart du temps mes actions. Je ne suis pas un saint, je suis plutôt un salaud. J’essaie simplement comme vous, incroyants, de faire de mon mieux, au mieux de mes moyens et de mes capacités.

Il n’y a pas de supériorité, une plus grande valeur, une vérité meilleure d’un athéisme dépourvu de tout sur un non-athéisme accroché à une volonté de croire dont il est difficile, pas toujours évident, de discuter des tenants et des aboutissants. L’on peut croire et être un gros con, l’on peut ne pas croire et être un gros imbécile. Croire ou ne pas croire n’est pas la ligne de démarcation entre celles qui sont de bonnes ou de mauvaises personnes, c’est ce que l’on en fait, ce que l’on fait de soi. Les fruits de nos actes. Les motivations de nos actions. Tout simplement. C’est aussi banal que ça. Il faut juste ne pas l’oublier. 

Dieu tue. L’Homme tue, au nom de Dieu. L’Homme tue, au nom d’autres Hommes. L’Homme tue, à cause et pour ses Idées. La politique tue les Hommes. L’économie en tue davantage. La technologie nous esclavage, autant qu’elle nous donne le sentiment de nous émanciper. Le matérialisme nous dicte l’essentiel et nous désincarne. La réussite sociale nous impose la norme, autant qu’elle crée des anormalités, des « quelqu’un » aux « sous-rien’. L’idéologie nous divise, autant qu’elle nous permet de nous retrouver. Nous continuons malgré tout, malgré ces ambivalences, ces incohérences, ces vérités contradictoires que l’on peine à s’expliquer ou à expliquer souvent, à leur vouer un culte qui rivalise en intensité avec ce qu’il se fait de plus religieux. Nous sommes des bigots. Athées. Croyants. Bigots tout de même.

Quelle solution? Une interdiction totale? Une éradication complète? De Dieu? De l’Homme? Des Idées? De la politique? De l’économie? De la technologie? Du matérialisme? De la réussite sociale? De l’idéologie? Et si l’on essayait la liberté.

Celle qui accepte que l’on ne soit pas tous semblables ce qui ne fait pas de nous des personnes a priori coupables, stupides, imbéciles, ou plus exceptionnels. Celle qui soit en mesure de produire l’incroyable en même temps que de provoquer et de concevoir l’épouvante.

Celle qui dit « Je crois que les femmes libres doivent être sans voile’ et celle qui revendique le « Je suis voilée et libre ».

Celle qui accepte que l’on n’ait chacun nos raisons sans chercher à nous les retirer et à les remplacer par ses propres raisons.

Celle qui encourage la parole respectueuse aussi bien qu’elle protège la parole odieuse.

C’est dans la liberté que réside notre salut. C’est dans la liberté que notre commune appartenance à l’Humanité qu’est la diversité la différence les singularités prend son véritable sens, autant philosophique que moral.

La liberté comme dans ce refus du monopole de la vérité (très souvent impérialiste et hégémonique, canonique) fabriquée par nos appartenances et nos influences distinctes. La liberté c’est cette opposition sous tension entre une réalité qui n’est pas la nôtre et celle dans laquelle nous nous situons. C’est possibilité de transformation de soi, de construction et de préservation de son authenticité.

La liberté. Comme une croyance. Comme un athéisme. 

 

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